Homélie du 10 février 2007 - Neuvaine

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Homélie du 10 février 2007 - Neuvaine
Homélie du 10 février 2007 - Neuvaine
1 ère lecture : du livre de Jérémie (17,5-8)
2 ème lecture : de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (15,12.16-20)
Evangile : selon saint Luc (6,17.20-26)
Mon sujet aujourd’hui c’était : aimer, aimez-vous, aimons-nous comme le Seigneur nous a
aimé. Et au fond les textes d’aujourd’hui nous ramènent à ce thème essentiel. D’abord ne
jamais oublier à quel point Dieu nous aime ! Tels que nous sommes ! Avec nos fragilités, nos
faiblesses, nos blessures…
Je ne sais pas si vous connaissez cette parabole que je trouve assez jolie : l’histoire de
quelqu’un qui portait de l’eau avec deux cruches qu’il portait sur ses épaules, avec un bâton
de bois qui tenait les deux cruches. Mais une des deux était fêlée et donc la moitié de son eau
était perdue en cours de chemin. Elle était triste, et un jour elle s’en est plaint à son
propriétaire en disant : je ne te rends pas de beaux services, je ne te ramène que la moitié de
l’eau que tu vas chercher au puits. Alors il a voulu la consoler et lui a dit : viens voir ! Il l’a
amenée le long du chemin : sur un bord du chemin, il y avait des fleurs partout du long. Et le
jardinier lui a dit : tu vois, ça c’est ton côté, c’est là où tu passes, parce que l’eau y tombe et
fait pousser les fleurs… alors que de l’autre côté, c’est sec, il n’y a pas de fleurs… Je trouve
cette parabole assez belle parce qu’elle montre que même nos fragilités peuvent avoir
quelques fécondités.
Ici, dans le texte de l’acclamation : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre
récompense est grande dans les cieux ». Dans les cieux, est une manière de s’exprimer des
Hébreux qui n’aiment pas trop répéter le mot Dieu, ils ont peur de l’abîmer en le nommant
trop souvent… alors, ils mettent les cieux à la place. Mais c’est comme si était écrit : votre
récompense est grande dans le cœur de Dieu. Et c’est important de savoir que Dieu est là,
constamment, et nous donne toute sa tendresse, toute sa joie, tout son amour… Et qu’il ne
nous quitte jamais ! Quoi qu’il arrive !
C’est émouvant pour moi aussi de lire ce texte parce que dans deux jours je serai là au bord
du lac de Tibériade, puisque je pars en Israël demain soir et je retrouverai ce lieu que j’aime
tant et où le Christ a livré ce message qui traverse les siècles.
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Je voudrais, en m’aidant de la traduction donné par saint Matthieu – ici nous avons lu celle de
Luc – plus complète et plus profonde, et donner un peu le sens de ces phrases sur lesquelles
nous risquons de nous heurter. Heureux, le mot hébreu n’évoque pas un bonheur du style «
vous aurez une vie facile ». Ce n’est pas heureux comme on le dit dans les prospectus de
voyages « satisfaction garantie » « c’est que du bonheur »… Ce n’est pas un petit bonheur !
Le mot désigne plutôt : il s’accomplit, il se réalise, il est dans le droit chemin. C’est ça notre
idéal : nous réaliser !…
Je ne sais pas si vous avez lu le livre « Jonathan le goéland ». Il y avait deux catégories de
goélands : ceux qui cherchaient une sardine de plus sur le tas d’ordures, et puis il y avait
Jonathan qui cherchait à voler de mieux en mieux, de plus en plus haut. Lui, il cherchait à se
réaliser. Les autres cherchaient un petit bonheur facile.
Le mot qui a été traduit par pauvre, en hébreu signifie une attitude très particulière qui est celle
d’une jeune femme morte à 24 ans, Thérèse de Lisieux, qui répétait souvent qu’il n’y a que la
confiance qui nous permet de découvrir l’amour. Et ce mot veut donc dire celui qui fait
confiance à Dieu, ce n’est pas une question de pauvreté économique. Si ceux qui n’ont pas le
SMIG étaient heureux, ça se saurait ! C’est beaucoup plus profond que cela. On n’a
peut-être pas d’appui humain, mais on fait confiance à Dieu qui nous aime et qui ne cessera
jamais d’être là.
Dans le texte de Matthieu, il est dit faim et soif de justice… mais c’est beaucoup plus grand
que la justice ! C’est une attitude ajustée, ajustée à Dieu. On le reconnaît comme étant
l’absolu et ajusté aux autres. On les respecte, on a de la considération pour eux, on reconnaît
leur valeur. C’est une attitude rare et tellement précieuse, car tant d’hommes et de femmes
sur notre terre souffrent de ne pas être respectés ou de ne pas être reconnus. Alors oui,
comme on se réalise quand on a cette attitude vis-à-vis du prochain !
Ceux qui pleurent… quand est-ce que Jésus a pleuré ? Il a pleuré devant Marthe et Marie qui
ont perdu leur frère Lazare, donc on pourrait dire que c’est de la compassion, de la tendresse.
Il a pleuré devant Jérusalem en songeant que 40 ans plus tard, cette ville serait rasée, il n’en
resterait rien – et ce fut fait – les armées romaines sont entrées dans Jérusalem et n’ont rien
laissé debout… Alors on pourrait dire heureux, ou il s’épanouit, celui qui a mal aux autres ?
Pourquoi il se réalise ? Parce qu’il aime ! Le signe de l’amour, c’est que la blessure de
l’autre nous fait mal. L’Abbé Pierre répétait souvent cela, quand tu aimes quelqu’un, sa
souffrance te blesse et tu veux tout faire pour le libérer de sa souffrance.
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Il y a-t-il une réalisation lorsqu’on est haï, détesté… nous voyons bien qu’il ne s’agit pas là
d’un bonheur facile !
Je me souviens, quand j’ai voulu devenir prêtre, j’ai fait une retraite chez les jésuites pendant
15 jours. A la suite de cette retraite, j’ai eu une discussion avec celui qui l’avait prêchée et il
m’a dit : « Ne devenez pas prêtre ! Vous ne pourrez jamais !... Etre prêtre c’est premièrement
souffrir, deuxièmement souffrir, troisièmement souffrir !... » D’ailleurs, cet homme est mort de
grave dépression ! Peut-être se rendait-il compte que ce n’est pas facile de témoigner de Dieu
dans un monde terriblement païen ! C’est pas nous qui avons choisi de naître dans cette
époque, mais c’est pas une époque qui pousse à la foi ! Je rencontre des jeunes chaque
semaine, la religion c’est le cadet de leur souci ! Ce n’est pas facile ! La première année de
mon sacerdoce, je me faisais siffler dans les rues, on imitait le bruit du corbeau, on faisait «
croah, croah ! »… alors moi je répétais : « oui, croit, croit ! » Je ne donnais pas tout à fait le
même sens !
On se réalise pourquoi ? Parce que c’est notre vocation de faire connaître Dieu, et de Le faire
aimer ! Parce que c’est extraordinaire d’avoir eu a chance de savoir que Dieu existe, de
savoir que nous ne venons pas du néant pour aller un jour vers le cimetière où nous serons
réduit à rien ! Parce qu’entre un néant et un autre, je ne vois vraiment pas comment je
pourrais être quelque chose ! Mais si nous venons de l’amour et que nous allons vers un
amour éternel… quelle chance nous est donnée ! Quel privilège ! C’est terrible de ne pas
croire ! J’ai été témoin dans ma vie de prêtre de plus de 75 suicides de jeunes. Si on me
demandait de quoi sont-ils morts, je dirais du manque de sens. Ils avaient le sentiment de
n’être rien. Une jeune fille me disait : est-ce que je peux pardonner à mes parents de m’avoir
mise au monde ? Tant de jeunes qui n’aiment pas la vie parce qu’ils ne comprennent pas, «
je n’ai rien demandé » me disent-ils, et ils trouvent que ce n’est pas un beau cadeau qui leur
a été fait… Alors, ça vaut la peine de témoigner que nous sommes grands, que nous sommes
enfants de Dieu, et que Dieu nous a inventé pour partager un bonheur extraordinaire pendant
l’éternité !
Je crois que ce qui m’a donné envie d’être prêtre, c’est une phrase d’Antoine de
Saint-Exupéry qui dans un énorme livre qui s’appelle « Citadelle » a dit : « A la tête de ma
cité, j’installerai des prêtres et des poètes. Ils feront s’épanouir le cœur des hommes. » Il y
a-t-il une vocation plus belle que de faire s’épanouir le cœur des hommes ? S’il y a ici des
jeunes gens : y a-t-il une vocation plus belle que de se consacrer à faire connaître le visage
d’amour de Dieu ? C’est vrai que depuis Vatican II, l’Eglise s’est ouverte, et qu’elle n’offre
pas cette possibilité d’apostolat uniquement aux prêtres, mais aussi aux laïcs, aux mariés qui
deviennent diacres.
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Je vais m’arrêter ici, ce n’est pas la longueur de propos qui comptent ! Au cours de chaque
messe, des textes vous sont proposés. J’entendais que cette journée était consacrée à
l’écoute… Ecoute Israël, Dieu a un secret à te dire, tend l’oreille… Alors j’espère que à travers
ce que vous avez entendu et à travers mon commentaire, il y a un message – peut-être très
court – qui vous sera offert et que vous entendrez un Dieu qui vous cherche. « Je me tiens à ta
porte », dit-il dans l’Apocalypse, « et je frappe… si tu m’ouvres (délicatesse de Dieu qui ne
s’impose pas) j’entrerai et je serai avec toi comme avec un ami ».
Au cours de cette eucharistie, Dieu se propose à chacun de nous, personne n’est exclu de sa
tendresse. Et peut-être que celui qui se croirait le plus indigne d’être aimé, c’est peut-être
celui-là que Dieu préfère !
Abbé Stan ROUGIER – Prêtre à Ivry (France) et « baroudeur de Dieu »
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