L`affichage public des marques de commerce en anglais au Québec

Transcription

L`affichage public des marques de commerce en anglais au Québec
Mai 2014
L’affichage public des
marques de commerce
en anglais au Québec
Le 9 avril dernier, l’Honorable Michel Yergeau, j.c.s., a rendu un jugement visant à éclairer tant les entreprises
québécoises que l’Office Québécois de la Langue Française (l’ « Office ») sur la question de l’affichage public
et de la publicité commerciale des marques de commerce pour lesquelles il n’existe pas de version française
déposée auprès de l’Office de la Propriété Intellectuelle du Canada (l’ « OPIC »).
C’est en raison d’un changement de cap de l’Office depuis 2010 dans l’interprétation qu’elle faisait
des articles de la Charte de la langue française1 (la « Charte ») et du Règlement sur la langue du
commerce et des affaires2 (le « Règlement ») qui régissent la situation en cause que de gros joueurs du
domaine de la de consommation au Québec, à savoir Best Buy, Costco, Gap, Old Navy, Guess, Wal-Mart,
Toys ’’R’’ Us et Curves se sont adressés à la Cour supérieure par le biais d’une requête en jugement déclaratoire.
Au lendemain du jugement précité et dans un contexte où la protection de la langue française
est d’actualité dans les sphères politiques et juridiques, qu’en est-il ?
Attention, le jugement traité dans la présente a été porté en appel par le gouvernement du Québec le 8 mai 2014.
Son contenu pourrait changer suivant l’issue du dossier d’appel.
1
2
RLRQ, c. C-11.
RLRQ, c. C-11, r. 9.
Mai 2014
Au cours des dernières années, certaines entreprises
s’étaient vues menacées de se faire retirer l’accréditation
qui leur avait été délivrée selon la Charte et s’étaient même
vues émettre des contraventions à cette même Charte
et au Règlement en raison du fait que les mots qu’elles
employaient pour afficher publiquement leur commerce
étaient exclusivement en anglais et qu’elles n’utilisaient
pas de terme générique français pour décrire leurs activités
dans cet affichage public.
Avant la modification de la position de l’Office, cette
dernière tolérait l’affichage unilingue anglophone
pour ces mêmes entreprises, lesquelles sont, pour
la plupart, des entreprises dont les activités dépassent le
Québec et qui sont structurées sous des juridictions autres
que québécoise. Leur marque étant développée en anglais,
sans distinction pour la « société distincte » que représente
le Québec.
Le jugement déclaratoire au terme duquel les parties
désiraient obtenir l’avis de la Cour visait à répondre à la
question suivante :
Une marque de commerce de langue
anglaise, sans version française déposée,
qu’on utilise dans l’affichage public et
la publicité commerciale, doit-elle être
accompagnée d’un terme descriptif de
caractère générique en français pour
respecter la Charte et le Règlement ?3
C’est par la négative que le tribunal a répondu à cette
question. Toutefois, puisque le Procureur Général du
Québec a porté cette affaire en appel, les parties sont
retournées au statu quo, du moins pour l’instant.
Dans son jugement du 9 avril dernier, monsieur
le juge Yergeau conclu que « l’affichage d’une marque
de commerce uniquement dans une langue autre que
le français est autorisé dans l’affichage public et dans la
publicité commerciale et, en particulier, sur des enseignes
de devanture de magasin lorsqu’il n’existe aucune version
française déposée de la marque de commerce »4.
Dans ses motifs, la Cour distingue les concepts de
« nom d’entreprise » et de « marque de commerce », afin de
réconcilier l’application des différentes lois et règlements
qui s’appliquent.
À ce titre, selon la Charte, le nom d’entreprise doit être
formulé en langue française pour qu’une entreprise puisse
être constituée. Pour sa part, la marque de commerce
est visée par plusieurs exceptions législatives qui ne
l’assujettissent pas à la Charte et est utilisée afin que les
consommateurs puissent distinguer les services offerts
et les produits vendus par un commerçant à travers la
multitude de commerces qui existent sur le marché.
Prenons l’exemple d’une marque de commerce « ABC ».
Le nom de plusieurs franchisés autorisés à exploiter
sous telle bannière ne contiendra généralement pas la
marque « ABC ». Afin de se conformer aux exigences
de la loi, leur nom sera un matricule ou un nom tel
« Gestion DEF inc. », soit un nom qui ne réfère pas à la
marque. La marque « ABC » sera alors indiquée comme
autre nom par l’entreprise opérant un tel commerce.
Toutefois, ce même franchisé pourra utiliser, si le jugement
étudié est maintenu et conformément aux pratiques
passées de l’Office, la marque « ABC » plutôt que le nom
de son entreprise sur la devanture de son commerce dans
son affichage public.
C’est ce qui était en péril et qui a été permis par le
jugement étudié puisqu’il n’existerait, dans l’exemple
précédent, aucune marque dite francophone déposée
à l’OPIC pour « ABC » comme c’est le cas pour plusieurs
entreprises présentes dans différentes provinces ou pays
et souvent exploitées en franchises.
3
4
Magasins Best Buy ltée et als c. Québec (Procureur Général), 2014 QCCS 1427, par. 9.
Ibid, par. 265
Mai 2014
Chaque entrepreneur devrait se pencher
sur l’opportunité de protéger les signes
distinctifs qui font que son entreprise se
démarque, que sa clientèle lui est fidèle
et que son achalandage est augmenté,
spécialement si les locaux qu’il occupe
affichent ces signes qui sont propres à
son entreprise.
Dans la mesure où la Cour d’appel et peut être
éventuellement la Cour suprême confirment le jugement
analysé dans le présent article, les entreprises visées
devront considérer cette possibilité et la latitude permise
dans le choix de leur marque de commerce et le
développement de leurs affaires.
Puisque l’enregistrement d’une marque de commerce fait en
sorte que celle-ci devienne un actif intangible de l’entreprise, il
est utile de souligner qu’on peut ainsi la céder et transférer son
droit de propriété ou concéder une licence pour son utilisation,
auquel cas son propriétaire peut contrôler plus efficacement
sa qualité ou son utilisation. Cet élément est susceptible de
constituer une valeur ajoutée pour une entreprise pour sa
valorisation, notamment lors d’une vente.
Enfin, nous rappelons que si le jugement dans l’affaire
étudiée précédemment est maintenu, les entreprises
québécoises pourront enregistrer seulement une version
anglaise de leur marque de commerce et l’afficher sur
la devanture de leurs établissements, mais il demeure
qu’elles devront continuer de s’immatriculer avec un terme
générique en français si elles désirent continuer d’utiliser
cette marque de commerce comme nom d’entreprise.
Le recours à l’enregistrement d’une marque de commerce, qui
ne constitue toutefois pas une obligation, pourra faciliter la
preuve du droit qu’une entreprise possède sur sa marque de
commerce puisque par l’enregistrement elle devient opposable
au public et s’avère, parfois, un outil indéniable contre ceux qui
prétendraient l’ignorer.
Si des informations additionnelles s’avéraient nécessaires
sur les aspects traités dans le présent article ou sur tout
autre aspect juridique relatif à votre entreprise, n’hésitez
pas à communiquer avec notre équipe.
L’enregistrement confère aussi, entres autres, un droit exclusif
à l’utilisation pendant 15 ans et une protection accordée aux
termes de plusieurs traités internationaux.
Me Stéphanie Auclair
L’équipe EXACTUS fournit à ses
clients des conseils stratégiques dans
l’évaluation et la validation du recours
à l’enregistrement des marques de
commerce et les accompagne dans
de telles démarches.
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Me François Vallières
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Me Ann-Isabel Clermont-Drolet
NOTE
Cet article vise à procurer de l’information générale ou des commentaires de
ses auteurs en droit des affaires. En aucun cas, elle ne peut être interprétée
comme ayant pour but de fournir des conseils ou opinions juridiques sur
les sujets qu’elle vise. Le lecteur ne peut se fonder sur le contenu de cet
article pour prendre toute décision sans avoir préalablement consulter un
avocat relativement aux questions spécifiques soulevées en regard des
circonstances particulières applicables.
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