Stratégies de gestion de l`immobilier d`entreprise et démembrement

Transcription

Stratégies de gestion de l`immobilier d`entreprise et démembrement
ETUDES
Stratégies de gestion de
l’immobilier d’entreprise et
démembrement de propriété
(1re partie)
L
e démembrement de propriété fait recette. Ouvrages (1)
et études spécifiques (2) sur le
sujet se sont multipliés. Même
Pierre FERNOUX
l'administration
fiscale s'en préoccupe (3) . Il faut
bien reconnaître que tout montre
l'intérêt des stratégies reposant sur
cette technique juridique dont on
Résumé
Les stratégies relatives à l'immobilier d'entreprise ont fait l'objet de nombreux approfondissements. L'arbitrage entre l'inscription au bilan de l'immeuble et sa détention
dans une S.C.I. constitue une problématique bien connue. L'utilisation du démembrement de propriété, qu'il porte sur l'immeuble ou sur les parts de la S.C.I.
détentrice de l'immobilier, peut constituer
une solution intermédiaire dont on soulignera par ailleurs l'intérêt au plan de l'optimisation de la gestion du patrimoine privé
du chef d'entreprise. Ce sera l'objet de
cette première partie. Ceci exposé, il sera
temps, dans une seconde partie, de s'interroger sur les éventuels risques fiscaux
que ces stratégies pourraient présenter,
notamment au regard de la notion d'abus
de droit.
R.F.C. 323 - Juin 2000
doit au Doyen Jean Aulagnier d'en
avoir fait un instrument de la gestion de patrimoine. Cette démarche
pourrait, à coup sûr, s'intituler :
« comment mettre l'ingénierie juridique au service de la gestion du patrimoine privé ? » Car c'est bien dans
ce domaine que les stratégies reposant sur cette technique ont été jusqu'à présent développées. L'intérêt
que l'on peut en retirer au plan de la
transmission du patrimoine privé sous
toutes ses formes l'explique largement.
Depuis quelque temps déjà, cette
technique a investi le domaine de la
gestion de l'entreprise, et cela sous
diverses formes. Ainsi, les groupes
de sociétés ont-ils songé à développer des stratégies fondées sur la ces-
■
1. J. Aulagnier, Usufruit et nue-propriété dans la gestion de patrimoine.
Maxima. 1994.- R. Gentilhomme,
Démembrement de propriété et société civile. EFE, 1997.
le portefeuille de valeurs mobilières.
Note sous Cass, 1re civ., n° 1673 P,
"Mme Malet" . JCP 99, N., n° 7, p.351.
H. Hovasse, M. Deslandes et R.
Gentilhomme, Apports de droits
démembrés. Droit des sociétés 1993,
n° 10.- M. Iwanesko, La nécessaire
protection de l’héritier nu-propriétaire
face au conjoint survivant quasi-usufruitier. JCP 1995, éd. N, n° 5, Prat.
p. 171.- F. Lucet, et A. Halbout, La
nécessaire protection de l’héritier nupropriétaire face au conjoint survivant
quasi-usufruitier. JCP 1995, éd. N, n°
5, Prat. p. 171.- F. Lucet et L. Giraud,
Sociétés de personnes. Parts sociales
démembrées et imposition du résultat. JCP 2000, E, n° 5, p. 172.- R.
Micha-Goudet, Évaluation économique de l’usufruit et cession d’actions. JCP 1997, éd. N., Doctr. p.
1317.- F.-D. Poitrinal, L’usufruit réservé par une personne morale. Droit et
patrimoine, octobre 1996, p. 46.
2. S. Castagné, L’évaluation de l’usufruit et de la nue-propriété. JCP 1997,
éd. N, n° 19-20, Doctr. p. 691.Maîtrisez l’utilisation du quasi-usufruit. JCP 1997, éd. N, n° 29, Prat. p.
987.- M. Cozian, Du nu-propriétaire ou
de l’usufruitier, qui a la qualité d’associé? : JCP 1994, éd. E., n° 28-29,
p. 339.- E. Dockes, Essai sur la notion
d'usufruit, RTD civ. 1995 p. 479 s.- J.
Derrupé, Un associé méconnu : l’usufruitier de parts ou actions. Les Petites
Affiches, n° 83, 13 juillet 1994, p. 15.P. Fernoux, SCI et démembrement
de propriété : Contribuables,… résistez ! Droit et patrimoine n° 60, mai
1998, p. 29 s.- D. Fiorina, L'usufruit
d'un portefeuille de valeurs mobilières : RTD civ. janv-mars 1995p. 43
s.- R. Gentilhomme, Apport de titres
et démembrement de propriété. JCP
1994, éd. E., n° 2. – H. Hovasse,
Usufruit. Pouvoirs de l'usufruitier sur
3. Instr. 8 novembre 1999 : B.O.I.
Parts de sociétés de personnes et
démembrement de propriété.
■
65
ETUDES
sion intra-groupe de l'usufruit de
titres (4).
Mais, dans la mesure où l'efficacité
du démembrement de propriété dans
la gestion de l'immobilier privé n'est
plus à démontrer, on s'est interrogé
sur l'intérêt de cette technique dans
la gestion de l'immobilier d'entreprise. Celui-ci est en effet un point
de rencontre des deux patrimoines :
celui du chef d'entreprise, celui de
l'entreprise. On ne compte plus les
immeubles d'entreprise détenus en
direct dans le patrimoine privé de
celui-ci et donnés en location à l'entreprise.
Au demeurant, le schéma est le plus
souvent amélioré au travers de la
détention de l'immeuble professionnel dans une SCI dont le capital est
détenu quasi intégralement par le chef
d'entreprise. L'entreprise exploitante
se porte alors locataire de l'immeuble
nu (5).
Au plan fiscal, c'est, à la vérité, en
termes d'imposition des plus-values
que l'avantage se révèle le plus décisif. En effet, le régime des plus-values
privées applicable à la cession, soit
Abstract
The strategies relatives to business property has been the subject of much
research. The arbitrage between recording a building on the Balance Sheet and
holding it in an S.C.I. constitutes a well
known problematic. The use of the splitting off of property, that it effects on a building or on the share of the S.C.I. that
holds the property, may constitute an intermediary solution. Its relevance for the
management optimisation of the personal
property of the head of the firm also will
be emphasised. This will be the purpose
of this first part. Once it has been explained, it will be appropriate, in a second
part, to discuss the eventual tax risks that
these strategies may carry, notably with
regard to the notion of abuse of law.
66
de l'immeuble, soit des parts de la SCI
est à l'évidence plus favorable que le
régime des plus-values professionnelles
auquel ne peut échapper la cession
d'un immeuble figurant au bilan. Il
l'est au travers du mode de calcul prenant en compte l'érosion monétaire
d'une part, de l'application d'abattements pour durée de détention d'autre
part, de l'exonération au terme d'un
délai de vingt-deux ans enfin.
Le démembrement de propriété de
l'immobilier d'entreprise se situe en
fait à l'intersection des stratégies du
chef d'entreprise et de l'entreprise. Les
deux parties entendent tirer un profit patrimonial d'une stratégie fondée
sur cette technique. Ainsi, la cession
à la société exploitante d'un droit
d'usufruit portant sur l'immeuble permet-elle à celle-ci de s'assurer la jouissance certaine de l'immeuble pendant
une certaine période, voire de recueillir
■
4. A. Dargahi et M. Bradford, Le
démembrement des titres sociaux : une
nouvelle technique d'ingénierie financière, Marchés et techniques financières, n° 56, déc. 1993, p. 44 s. - Le
démembrement des titres sociaux :
les risques d'abus de requalification
et / ou d'abus de droit. Marchés et
techniques financières, n° 57, fév.
1994, p. 45 s. .- J. Turot, L'usufruit
d'actions peut s'amortir. BF F.
Lefebvre 6/97.
5. Cette solution conforte la situation au regard de l'option pour le
paiement de la T.V.A., la technique
fondée sur une sorte de "bail fiscal"
entre le chef d'entreprise et l'entreprise individuelle elle-même n'étant
pas sur ce point absolument sûre.
Voir : P. Duvaux, Affectation professionnelle d'un immeuble du patrimoine privé, Droit et patrimoine, mai
1996, p. 27 s.- P. Fernoux, Quelles
conséquences tirer de la jurisprudence autorisant la déduction des
loyers de l'immeuble professionnel
par l'entreprise individuelle.
Ouverture ECF, n° 37, 1er trim. 1999,
p. 21 s.
■
une source de revenus. Pour sa part,
sans se dépouiller de la propriété de
l'immeuble dès l'instant où il en reste
nu-propriétaire, le chef d'entreprise
va non seulement recueillir les fonds
nécessaires à la réalisation de son
propre projet, mais aussi retrouver la
jouissance de l'immeuble à l'expiration
de la durée prévue de l'usufruit.
Du même coup, lors de l'extinction de
l'usufruit, le droit d'usufruit disparaîtra du bilan, allégeant ainsi celuici, et favorisant par conséquent la cession de l'entreprise. La valeur de
celle-ci ne sera évidemment pas alourdie par l'immobilier comme c'est le
cas lorsque l'immeuble est inscrit au
bilan.
A la vérité, deux stratégies sont en fait
possibles selon que l'immeuble est
détenu directement ou sous couvert
d'une SCI. La première partie de cette
étude aura pour objet de traiter, dans
chacun de ces deux cas de figure, tant
au plan comptable que fiscal, de la
question de l'inscription au bilan par
l'entreprise exploitante d'un droit
d'usufruit puis la problématique inhérente à l'amortissement de ce droit.
On se doute cependant qu'au plan
fiscal, le contradicteur permanent
qu'est l'administration pourrait songer à contester ces stratégies. Il sera
donc nécessaire de nous intéresser,
dans une seconde partie, aux motifs
qui pourraient permettre à celle-ci de
fonder des redressements. Deux axes
pourraient, à vrai dire, lui servir de
support : la théorie de l'acte anormal
de gestion, la théorie de l'abus de droit.
1re partie
Les stratégies
de démembrement de
l’immobilier d’entreprise
Le démembrement de propriété peut
permettre au chef d'entreprise de se
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ETUDES
procurer des liquidités nécessaires à
de nouveau investissements professionnels ou personnels, Il peut ainsi se
prémunir contre les difficultés liées
au financement de sa retraite. Il peut
encore être de son intérêt de recourir
à une stratégie de capitalisation en vue
de la couverture éventuelle d'un engagement de caution qu'il aurait pu
contracter. Il peut même simplement
souhaiter optimiser son patrimoine
privé au travers de nouveaux investissements immobiliers ou autres.
Deux stratégies fondées sur le démembrement de propriété sont ici envisageables. Ce démembrement peut, en
effet, consister en la cession, soit de
l'usufruit de l'immeuble lui-même,
soit de l'usufruit des parts sociales de
la SCI propriétaire de l'immobilier de
l'entreprise.
La cession de
l’usufruit de l’immeuble
Dans cette situation, l'entreprise
exploitante financera l'acquisition
soit au moyen de sa trésorerie, soit au
moyen d'un emprunt. Dans le premier cas, on voit que cette solution
présente notamment l'intérêt de retirer des liquidités de l'entreprise sans
qu'il soit nécessaire de procéder à
une distribution. Lorsque l'on
connaît la lourdeur des impositions
frappant la distribution, on matérialise parfaitement l'intérêt de cette
technique.
Dans la stratégie classique de la location de l'immeuble par le chef d'entreprise, l'entreprise exploitante
déduit de son résultat imposable les
loyers versés en contrepartie. Après
mise en place de la stratégie d'acquisition de l'usufruit, elle renforce
sa situation bilantielle par l'apparition
au bilan d'un droit nouveau, au
demeurant amortissable comme nous
le verrons, sans encourir le coût fiscal attaché au retrait de l'immobilier
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de l'entreprise en termes de plusvalue.
A la vérité, ce type de stratégie permet
au chef d'entreprise d'encaisser immédiatement le flux de loyers actualisé au
jour de la cession et correspondant à
la durée de l'usufruit temporaire.
Réservée aux mutations à titre gratuit, l'évaluation fiscale de l'article
762 du CGI n'est en aucun cas applicable ici. Ce droit devra faire l'objet
d'une évaluation économique fondée
sur le taux de rendement du bien et
la durée de l'usufruit.
Exemple : Le chef d'entreprise est propriétaire d'un immeuble d'une valeur de
2 000 000 francs dont 200 000 francs
pour le terrain. Le rendement est de
10 %. Le loyer est donc de 200 000
francs par an. Jusqu'à présent ce loyer faisait l'objet d'une déduction de la part de
la société exploitante.
La cession d'un droit d'usufruit temporaire de 10 ans est décidée le 1er janvier
de l'année N. La valeur économique de
cet usufruit est de 1 229 000 francs.
C'est la valeur actuelle d'un flux de revenus de 200 000 francs annuels pendant
10 ans.
Bien entendu, au regard du droit des
sociétés, on n'omettra pas de soumettre cette cession à la procédure
propre aux conventions réglementées,
article 101 de la loi du 24 juillet 1966
oblige.
Cette stratégie oblige à examiner la
situation de l'entreprise, d'une part, du
chef d'entreprise d'autre part.
La situation de l'entreprise
Trois questions se posent ici. La première concerne l'inscription à l'actif
■
6. Bull. CNC, n° 51, septembre
1983.
7. Immobilisations incorporelles.
Norme IASC 238.
■
du droit réel d'usufruit, la seconde
l'amortissement de ce droit, la troisième la situation de l'entreprise au
terme de la période couverte par l'usufruit.
L'inscription à l'actif du droit
d'usufruit
Détentrice d'un droit réel portant sur
un bien immobilier, elle va devoir
immobiliser ce droit dans sa comptabilité. Il s'agit en effet d'un droit réel
immobilier constitutif d'une immobilisation incorporelle. Cette analyse
prévaut aussi bien au regard du droit
comptable que du droit fiscal.
■ Au plan comptable, le Conseil
national de la comptabilité (6) préconise
en effet l'inscription à un compte d'actif incorporel du prix d'acquisition
d'un usufruit portant sur des droits
sociaux. Nul doute qu'il en va de
même lorsque ce droit porte sur un
droit réel immobilier.
Plus généralement, les normes internationales vont également dans le sens
de l'immobilisation des éléments
incorporels (7). L'entreprise doit ainsi
immobiliser l'élément si elle démontre
l'existence d'avantages futurs susceptibles d'être tirés de l'élément incorporel et que la mesure du coût de l'actif est fiable. Nul doute que ces deux
éléments sont réunis en présence d'un
droit réel d'usufruit. L'entreprise va
pouvoir utiliser le bien tout à sa guise
et la valorisation économique est particulièrement fiable.
Pour déterminer si l'inscription à l'actif d'un tel élément est nécessaire, on
peut également se référer à la jurisprudence. Il suffit alors d'examiner si
ce droit répond aux critères retenus
par le juge de l'impôt pour autoriser
l'inscription d'un droit ou d'un bien
à l'actif du bilan.
■ Au plan fiscal, le Conseil d'État
rappelle que cette inscription au bilan
suppose que le droit constitue une source régulière de profit, qu'il soit doté d'une
pérennité suffisante et qu'il soit suscep67
ETUDES
tible d'être cédé (8). On ne reviendra pas
ici dans le détail sur les raisons de la
réunion de ces trois éléments. Nous
l'avons déjà traité dans une précédente
étude (9). Simplement, dans la mesure
où le droit d'usufruit concourt à la
réalisation des produits de l'entreprise par l'utilisation de l'immeuble aux
fins de l'exploitation, il constitue à
l'évidence une source régulière de profit. D'une durée de dix ans, il est par
ailleurs sans conteste doté d'une pérennité suffisante. Quant à ce qu'il puisse être cédé, cela ne fait aucun doute.
C'est en effet l'un des droits fondamentaux de l'usufruitier que de pouvoir librement céder ce droit à un tiers
sans que cela porte pour autant atteinte au droit du nu-propriétaire.
Maintenant, ce droit doit-il être amorti ?
L'amortissement du droit d'usufruit
Là aussi, l'analyse doit être menée tant
au plan du droit comptable que du
droit fiscal
■ Au plan comptable, l'idée d'un
amortissement systématique des incorporels ne fait pas l'unanimité (10). Mais,
l'amortissement du droit d'usufruit
paraît rester hors du champ d'application de ces réserves. La durée du
droit est en effet parfaitement déterminée, sa valeur est fiable puisqu'elle résulte d'un calcul économique et
celle-ci diminue à l'évidence par l'effet du temps.
■ Au plan fiscal, même si le droit à
l'amortissement systématique des
incorporels est bien loin d'être acquis
comme le montre encore la récente
décision de principe du Conseil d'Etat
du 1er octobre 1999 (11), il reste que le
droit d'usufruit répond aux critères
posés par le juge de l'impôt pour
admettre l'amortissement d'un bien
figurant à l'actif de l'entreprise (12). Il
est en effet amené à se déprécier de
manière inéluctable et il cesse nécessairement de produire ses effets bénéfiques sur l'exploitation à une date don68
tissement lorsque ce droit porte sur
des titres de participation (13). Si l'on
ajoute à cela que le droit à l'amortissement a été admis pour un droit de
nature très proche de l'usufruit, celui
que détient le concessionnaire (14), on
conclura aisément à la validité de cette
pratique.
née. En l'amortissant, la société respectera donc ces exigences. Faut-il
rappeler à cet égard que, s'il est vrai
qu'il ne s'est pas encore prononcé sur
l'amortissement d'un droit d'usufruit
portant sur un immeuble, le juge a
pour autant déjà admis le principe et
la déductibilité fiscale de cet amor-
■
8. CE, 21 août 1996, req. n° 154488
"Sté Sife" . RJF 10/96, n° 1137.- Sur
ces questions, voir : J. Turot, Les
incorporels ne sont plus immortels.
Dr. Fisc. 1996, n° 5, p. 168 s.- Voir E.
Delesalle, Notion fiscale d'actif incorporel, R.F.C. 214, juillet-août 1990,
p. 23 s.
sur ce point : J. Turot, L'usufruit d'actions peut s'amortir : BF F. Lefebvre
6/97. Sur le traitement comptable de
la cession de l'usufruit, voir :
Démembrement d'actions. Quelles
sont les conséquences comptables
de la cession de l'usufruit ? BFC
2/96, p. 5.
9. Voir P. Fernoux, Monsieur le juge,
persistez… l’usufruit est bien un droit
amortissable. BF. F. Lefebvre, février
1998.- Voir également : J.-L. Médus,
L'incorporel et l'ingénierie financière.
Droit et Patrimoine, mars 1996, p. 52
s.
14. CE, Plén., 27 juin 1973, req. n°
79.628 et 79.629 précité : DF 1973,
comm. 281, concl. Mehl ; Dupont
1973, p. 293.- CE 19 mars 1975, n°
95677 : RJF 5/75 n° 231 ; Dr. fisc.
1975, n° 27, comm. 919, concl. Mme
Latournerie.- CAA Paris 20 juillet
1993, n° 92-1152, Cofrec : RJF 11/93
n° 1120 , Dr. fisc. 1994, n° 14, comm.
653, concl. Mme de Segonzac.- Le
même raisonnement à été suivi pour
un programme informatique : CE 7ème
et 8ème sous-sect. 22 février 1984, n°
39535 : RJF 4/84, n° 408, ou pour
des droits détenus par un producteur
de films de production de films : CE
3 février 1989, n° 58260 : RJF 3/89,
n° 263 ; Dr. Fisc. 1990, n° 52, comm.
2443, concl. N. Chahid-Nourai. En
sens contraire, lorsque le droit de
concession n'est pas d'une pérennité suffisante : CE 13 décembre 1978,
n° 6920 : RJF 2/79 n° 60 ; Dr. fisc
1979, n° 29, comm. 1552, concl.
Rivière.- CE 8 juillet 1985, n° 41276,
Sté Jensen : RJF 10/85 n° 1256.CE, 2 octobre 1985, n° 41539 : RJF
11/85 n° 1407 ; Dr. fisc. 1985, n° 52,
comm. 2308, concl. Racine.- CE 8ème
et 9ème sous-sect., 14 avril 1995, n°
121832, Sté Ets R. Buge. RJF 6/95,
n° 700.- CE 2 décembre 1988, n°
57546, Raudet : RJF 2/89, n° 147.Voir : P. Collin, Concessions de brevets et de marques. Plaidoyer pour
un régime fiscal cohérent. RFC 269,
juillet-août 1995, p. 72 s.- S. Austry,
Régime fiscal des contrats de concessions de droits exclusifs d'exploitation : RJF 10/96, p. 634 s.
10. Voir les débats engendrés par la
norme E 50 à propos de l'amortissement systématique des incorporels
in J.-L. Dumont et E. Paret précité, p.
150 s. Voir les réserves tant de l'Ordre
des experts-comptables que de la
Compagnie nationale des commissaires aux comptes : BFC 11/97, p.
32.
11. CE, Sect., req. n° n° 177809,
ministre c/Sté Foncia Particimo,
venant aux droits de la SA Franco
Suisse de gestion : RJF 11/99, n°
1324. concl G. Goulard, p. 832.- Sur
cette question : voir : J.-L.
Rossignol : L'amortissement des éléments incorporels : lecture et relecture face à l'évolution de la jurisprudence. RFC n° 322, mai 2000.
12. CE, 7ème et 9ème sous-sect., 4 avril
1979, n° 8153, RJF 10/79, n° 8153.Ces conditions en ont été rappelées
encore récemment dans l'arrêt du
Conseil d'Etat du 1er octobre 1999,
n° 177809 précité. – Sur l'amortissement des incorporels : D. Villemot,
L'amortissement des immobilisations
incorporelles. Dr. Fisc. 1999, n° 42, p.
1302 s.
13. TA Poitiers, 21 novembre 1996,
req. n° 95-1701 : RJF 1/97, n° 7. Voir
■
R.F.C. 323 - Juin 2000
ETUDES
En pratique, l'amortissement devra
donc être pratiqué comme suit :
Dans le cas évoqué plus haut, l'amortissement sera calculé en fonction de la
durée prévue pour l'usufruit temporaire, ici 10 ans.
Dotation annuelle à comptabiliser
chaque année : 1 229 000 / 10 =
122 900 francs
On remarquera immédiatement que,
au plan fiscal, la société ne tirera aucun
avantage de la situation. En effet, au
lieu de déduire de ses résultats imposables un loyer annuel de 200 000 francs,
elle imputera un amortissement de
122 900 francs. On verra que cette
constatation n'est pas sans intérêt au
regard de la notion d'abus de droit.
La véritable différence se situera donc
au plan financier. A l'inverse des autres
charges, il ne correspond pas en effet
à une dépense annuelle. Il participera ainsi chaque année au calcul de la
capacité nette d'autofinancement de
l'entreprise.
La situation au terme de la période
couverte par l'usufruit
Au terme de cet usufruit temporaire,
la valeur nette comptable de cet élément sera égale à zéro. La disparition
de cet élément d'actif devra être
constatée dans la comptabilité de la
société. Le compte d'immobilisation
incorporelle sera ainsi soldé de même
que le compte d'amortissement correspondant. Aucune plus-value taxable
n'apparaîtra.
On voit donc que cette stratégie permet de gérer la valorisation du bilan
par l'inscription à l'actif d'un droit,
tout en évitant les difficultés liées à la
sortie de l'immobilier d'entreprise
génératrice assez souvent d'une plusvalue substantielle et donc d'un coût
fiscal élevé (15).
Maintenant, ces avantages ne doivent
pas contredire ceux du chef d'entreprise. Celui-ci y trouve-t-il son compte ?
R.F.C. 323 - Juin 2000
La situation du chef d'entreprise
Devenu un temps nu-propriétaire, le
chef d'entreprise retrouvera, lui, la
pleine propriété de cet immeuble. Il
pourra de nouveau éventuellement le
donner en location ou procéder à sa
cession selon les objectifs qu'il s'assignera ce moment venu.
Une chose est en tout cas certaine.
L'option pour cette solution en vue
d'une optimisation du financement
de sa retraite par un placement sur un
■
15. Voir notamment : O. Renault,
Optimisation fiscale d'une sortie de
l'immobilier d'entreprise avant cession du contrôle de la société. JCP
98, E., n° 48, p. 1866 s. – J.-L.
Trousset, Réduction de capital par
attribution d'un élément d'actif. JCP
98, E., n° 37, p. 1390 s.- X… Sortie
d'actif immobilier : le recours à la
technique des scissions. Dr. Et
Patrimoine, juill.-août 1995, p. 22 s.
16. Mémento sociétés commerciales
F. Lefebvre, 1998, n° 3204-1°.
17. Sur cette notion, voir notamment :
M. Cozian et A. Viandier, Droit des
sociétés. Litec 12ème éd. 1999, p. 279.N. Stolowy, Interprétation stricte des
lois pénales et image fidèle. JCP
2000, E. p. 219 s. ; sur ces notions,
voir également N. Stolowy, Droit
pénal et comptabilité in :
Encyclopedie de comptabilité, contrôle de gestion et audit, Economica,
2000, p. 611 s. - Mémento comptable F. Lefebvre, n° 1576.- Lamy
sociétés, 1999, n° 2013.
18. Sur ces questions, voir : M.
Delmas-Marty, Droit pénal des
affaires, PUF, 1973, p. 332 s.- W.
Jeandidier . Droit pénal des affaires.
Dalloz. N1991, p. 299 s. - M.
Fougères. Infractions relatives au
fonctionnement de la société à l'occasion de l'établissement des
comptes annuels. J.-Cl. Pénal
Annexes. Fasc. 90.- Mercadal, Janin,
Mémento Sociétés commerciales.
F. Lefebvre, n° 3204-2.
19. Cass. Crim. 11 juillet 1930 : S.
1933, I, 159.- CA Paris, 7 mai 1934 :
Sem. Jur. 1935, 1381.- Cass. crim.
26 juin 1978.
■
produit de capitalisation produira tous
ses effets. Elle lui permettra de
recueillir un capital très substantiel
au terme de la période de capitalisation. Supposons dans notre exemple
que la cession soit intervenue à l'âge
de cinquante ans, le placement de 1
229 000 francs à 4,5 % lui permet de
recueillir à 65 ans, soit quinze ans plus
tard, un capital de 2 378 115 francs.
Au plan du droit des sociétés, enfin,
remarquons les dangers, pour le chef
d'entreprise lui-même, d'une absence de comptabilisation d'un amortissement dans les comptes de la société titulaire du droit d'usufruit. Les
dispositions de l'article 9 alinéa 5 du
code de commerce ne prévoient-elles
pas que les comptes de l'entreprise
doivent en effet être réguliers, sincères
et donner une image fidèle, notamment du patrimoine l'entreprise ? Or
la régularité, la sincérité et l'image
fidèle s'apprécient au regard des règles
et procédures en vigueur, et notamment de celles édictées par le Conseil
national de la comptabilité (16).
A défaut d'amortissement, on pourrait
craindre que le dirigeant ne soit inquiété sur le fondement des dispositions des
articles 425-3°, 437-2° et 460 de la loi
du 24 juillet 1966. Même si la jurisprudence ne s'est jamais prononcée sur
l'absence de constatation d'amortissement portant sur un droit d'usufruit,
on peut penser que, dans ce cas, le délit
de présentation de bilan ne donnant pas
une image fidèle de l'entreprise pourrait cependant être constitué (17). Dès
lors qu'il ne peut ignorer la dépréciation du droit d'usufruit, le dirigeant
publierait alors sciemment « des
comptes annuels ne donnant pas une
image fidèle du résultat des opérations
de l'exercice, de la situation financière
et du patrimoine à l'expiration de cette
période » (18). A cet égard, le juge pénal
a déjà eu l'occasion de dire que le
défaut de constatation d'un amortissement était constitutif de ce délit (19).
On en est d'autant plus persuadé
qu'en l'occurrence, l'élément intentionnel nécessaire à la constatation du
69
ETUDES
délit paraît difficilement contestable.
La cession intervient en effet entre le
chef d'entreprise et la société dont il
est lui-même dirigeant. Celui-ci sait
à l'évidence que cet usufruit va
s'éteindre à une date donnée, connue
à l'avance, et que sa valeur diminue
chaque année. C'est à tel point vrai
qu'il va retrouver la pleine propriété
de l'immeuble à l'issue de la période
couverte par l'usufruit.
La cession de l’usufruit
des parts de la SCI
propriétaire de l’immeuble
La situation est ici évidemment très
sensiblement différente de la précédente. L'immeuble est, cette fois, détenu indirectement par le chef d'entreprise au travers d'une SCI. On
supposera en effet que celui-ci détient
la quasi totalité du capital comme c'est
souvent le cas en la matière.
Cette situation ne prive pas le chef d'entreprise de toute solution s'il poursuit
l'un des objectifs cités en introduction
à ce propos. Il peut ici en effet faire porter le démembrement sur les parts de
la SCI dont il est propriétaire. Ainsi
cédera-t-il l'usufruit de ces parts à la
société exploitante. La stratégie proposée ne portera donc pas sur l'immeuble
lui-même. Aussi faut-il envisager la
situation de l'entreprise tout autant que
celle du chef d’entreprise
La société propriétaire de ce droit
d'usufruit l'inscrira à l'actif de son
bilan pour les mêmes raisons que celles
évoquées plus haut.
Dans cette stratégie, on l'a compris,
la SCI va continuer de donner en location l'immeuble à la société exploitante, mais les revenus procurés par
le bail reviendront en fait à cette même
société. En sa qualité d'usufruitière
des parts, la société a en effet droit
aux revenus procurés par le bien.
Quelles sont les conséquences d'une
70
telle stratégie ? En vérité, elles sont
d'une double nature. Elles vont porter, en premier lieu, sur le mode de
détermination des résultats de la SCI
et, en second lieu, sur l'amortissement, par la société exploitante, du
droit d'usufruit portant sur les parts.
Cela dit, on se doute que l'administration pourrait estimer alors être en
présence, somme toute, d'un double
amortissement. Il conviendra de rejeter fermement une telle affirmation
dans un troisième temps.
La détermination du résultat
de la SCI
L'usufruit des parts de celle-ci est détenu par la société exploitante. Dès lors
deux questions viennent immédiatement à l'esprit. La première concerne
le mode de détermination du résultat
de la SCI, la seconde intéresse la
déductibilité fiscale de l'amortissement pratiqué.
Le mode de détermination du résultat
Dès l'instant où le droit d'usufruit est
inscrit au bilan, la SCI doit faire application des dispositions de l'article 238
bis K du CGI. Celui-ci prévoit en
effet :
« Lorsque des droits dans une société ou un
groupement mentionnés aux articles 8,
8 quinquies, 239 quater , 239 quater
B ou 239 quater C sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de
l'impôt sur les sociétés dans les condi-
■
20. R.M. n° 295 à M. Estève, J.O.
Sénat, 10 septembre 1959, p. 718.R.M. n° 19069 à M.Vancalster,
J.O.A.N. 4 septembre 1971, p.
4057.- R.M. n° 892 à M. Vadepied,
J.O. Sénat, 10 novembre 1971, p.
1955.
21. CE 24 février 1978, Sect., req. n°
97347, RJF 4/78, n° 160.
■
tions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur
le revenu de plein droit selon un régime
de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée
selon les règles applicables au bénéfice
réalisé par la personne ou l'entreprise
qui détient ces droits».
Certes, le texte traite de la situation
dans laquelle c'est la pleine propriété
des droits, c'est-à-dire des parts sociales
de la société de personnes, qui sont inscrites au bilan de la société ou de
l'entreprise. Le texte ne parle pas
directement de l’hypothèse dans
laquelle l’inscription au bilan concerne un droit d’usufruit portant sur
des parts sociales. Pour autant, on ne
croit pas que la solution doive être
différente. L'historique du texte de
l'article 238 bis K l'explique parfaitement. Pour cela, il faut remonter à la
divergence qui a opposé, en son temps,
l'administration au juge de l'impôt au
plan du traitement fiscal du résultat
dégagé par une SCI semi-transparente, relevant donc de l'article 8 du CGI.
Que devait-il se passer lorsque les parts
étaient inscrites au bilan d'une société
commerciale ? Devait-on déterminer les
résultats selon les règles des revenus
fonciers ou selon celles des bénéfices
industriels et commerciaux au prétexte que les parts de la SCI étaient
inscrites à l'actif d'une société ?
L'administration considérait, elle, qu'il
devait être fait application des règles
des bénéfices industriels et commerciaux (20).
Le juge de l'impôt était d'un avis
contraire. Pour lui, l'élément déterminant en la matière devait être la
nature de l'activité de la SCI. En l'espèce, comme celle-ci exerçait une activité de location de locaux nus, seules
les règles des revenus fonciers pouvaient recevoir application (21).
Sans doute mécontente de cet avatar,
l'administration fit obstacle à cette
jurisprudence en faisant adopter par
le législateur la règle de l'article 238
R.F.C. 323 - Juin 2000
ETUDES
bis K du CGI. Elle imposa donc sa
propre analyse par voie législative.
Dans ces conditions, le but poursuivi
par le législateur était à l'évidence de
prendre en compte la qualité de l'associé et non la nature de l'activité de la
société génératrice du résultat pour déterminer la catégorie de revenus et donc
le mode de fixation du résultat taxable.
Or, dans la stratégie ici étudiée, la part
de résultat remonte à l'entreprise exploitante qui détient l'usufruit des parts de
la SCI, c'est-à-dire à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. Les dispositions relatives à l'impôt sur les
sociétés doivent par conséquent être
suivies par la SCI pour dégager le
résultat remontant à cette dernière et
notamment celles de l'article 209-I
du CGI selon lesquelles :
« les bénéfices passibles de l'impôt sur les
sociétés sont déterminés selon les règles
fixées par les articles 34 à 45 … du
CGI ».
Dans ces conditions, dès l'instant où
elle dégage un résultat selon les règles
de l'impôt sur les sociétés, la SCI est
astreinte aux obligations fiscales de
toute société soumise à cet impôt. Si
ce n'était déjà le cas, elle doit par
conséquent tenir une comptabilité
commerciale. L'immeuble détenu doit
être porté au bilan, au compte d'actif correspondant, pour sa valeur à la
date de l'inscription.
Par ailleurs, l'application de ces règles
se traduit surtout dans la définition
des charges imputables sur les loyers.
Ainsi, pour respecter les dispositions
de l'article 39-I-2° du CGI, la SCI
doit-elle procéder, entre autres, à la
constatation de l'amortissement de
l'immeuble selon les règles propres
aux bénéfices industriels et commerciaux.
On remarque, au demeurant, que cet
article ne réserve pas la déduction des
amortissements aux seules sociétés
soumises de droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés. Il traite des “bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés”.
R.F.C. 323 - Juin 2000
Or, tel est bien le cas des bénéfices
dégagés par la SCI et qui reviennent
à la société exploitante.
Reste maintenant à examiner l'influence de l'article 77 de la loi du 2
juillet 1998 (22) sur la déductibilité fiscale de cet amortissement.
La déductibilité fiscale de l'amortissement
de l'immeuble par la SCI
On sait que les dispositions de la loi
du 2 juillet 1998 ont eu pour objet de
modifier la rédaction des articles 39
C et 31 de l'annexe II au CGI pour
opposer la limitation de la déductibilité fiscale de l'amortissement des biens
donnés en location à la part de résultat remontant à une structure soumise à l'impôt sur les sociétés. Cela
concerne les biens corporels meubles et
immeubles, dont le contrat de location a été conclu à compter du 25
février 1998, ou dont la mise à disposition est intervenue à compter de
cette date (23).
Une remarque préalable s'impose
avant d'en venir à cette question. En
tout état de cause, il ne s'agit là évidemment que d'une mesure fiscale
sans aucune influence sur le traitement
comptable de cet amortissement.
Autrement dit, au regard du droit
comptable, cet amortissement est parfaitement déductible du résultat.
■
22. Loi n° 98-546 : FR 33/98, p. 45
s.- Instr. 17 juin 1999, B.O.I. 4 D-399 : FR 35/99.
23. Instr. précitée n° 6.
24. N° 15. L'administration donne
l'exemple d'une machine propriété
d'une SNC dont l'un des associés
est une SA, donc une société soumise à l'IS. Cette machine est donnée en location à la SA. Pour le calcul de la part de résultat remontant
à celle-ci, il n'y a pas lieu d'appliquer
la limitation de l'amortissement des
articles 39 C et 31 de l'annexe II au
C.G.I.
■
Au plan fiscal, cette limitation n'est en
fait pas applicable au cas ici étudié.
En effet, l'administration le rappelle
dans son instruction du 17 juin 1999
précitée (24) :
« Lorsque la location ou la mise à disposition est consentie par une société soumise au régime prévu par l'article 8, ou
par un groupement visé aux articles 239
quater, 239 quater B ou 239 quater C,
au profit d'un ou plusieurs de ses associés ou membres soumis à l'impôt sur
les sociétés, la limitation de l'amortissement ne s'applique pas à la part de résultat revenant aux associés ou membres,
utilisateurs des biens.
Les entreprises utilisatrices s'entendent de
celles qui détiennent le droit d'user,
même partiellement, des biens loués ou
mis à disposition, et pour lesquelles la
mise en œuvre de ces biens est nécessaire à l'exercice d'une activité réelle».
Force est de constater ici que la société exploitante est bien utilisatrice de
l'immeuble. Elle en est effet locataire. Elle l'affecte ensuite incontestablement à la réalisation d'une activité réelle. La règle des articles 39 C et
31 de l'annexe II ne peuvent donc
recevoir application à cet endroit.
Autrement dit, la SCI n'est pas concernée par la limitation de l'amortissement.
La société exploitante n'est pas
davantage concernée. Elle détient
certes l'usufruit, mais l'usufruit des
parts de la SCI seulement. Ce n'est
pas elle qui consent la location, mais
la SCI.
Voici donc comment la SCI doit calculer le résultat remontant à la société exploitante de l'immeuble.
La situation de l'entreprise
exploitante
La question qui se pose d'abord ici
est celle de savoir si le droit d'usufruit
portant sur les parts de la SCI peut,
ou non, faire l'objet d'un amortissement.
71
ETUDES
A la vérité, pour les mêmes raisons
que celles évoquées dans le paragraphe
précédent, cela ne paraît faire aucun
doute. Ce droit doit d'abord être
immobilisé car il constitue une source régulière de profit doté d'une pérennité suffisante et susceptible d'être
cédé. Il doit ensuite faire l'objet d'un
amortissement. Sa dépréciation est
certaine et les effets bénéfiques de ce
droit sur l'exploitation vont nécessairement prendre fin à une date donnée,
celle de l'extinction de l'usufruit temporaire.
On se doute que l'administration pourrait apprécier modérément une telle
stratégie. Elle pourrait ainsi y voir la
volonté de pratiquer un double amortissement, celui de l'immeuble en premier lieu, celui de l'usufruit des parts,
en second lieu. Pour s'opposer à une
telle analyse, il suffit de faire valoir alors
que les deux amortissements ne portent
pas sur les mêmes biens. La SCI amortit l'immeuble, la société exploitante
amortit un droit d'usufruit portant sur
les parts de la SCI.
L'absence d'un double
amortissement
A l'administration qui rejetterait l'un
ou l'autre de ces amortissements, on
manifesterait un grand étonnement.
Cette contestation reviendrait à imposer à l'entreprise l'accomplissement
du sacrilège suprême : ne pas respecter les “saintes” écritures, celles du
CGI bien entendu. Ainsi obligeraitelle le contribuable à ne pas respecter les règles fondamentales de l'article
39 B du CGI selon lesquelles à la clôture de chaque exercice :
« la somme des amortissements effectivement pratiqués depuis l'acquisition
ou la création d'un élément donné ne
peut être inférieure au montant cumulé des amortissements calculés suivant
le mode linéaire et répartis sur la durée
normale d'utilisation ».
Or, si les règles des articles 39 à 45
du CGI doivent être observées comme
on l'a dit, la SCI doit nécessairement
respecter celles de l'article 39 B du
CGI. Un défaut d'amortissement
entraînerait un grave préjudice. La
sanction fiscale est bien connue : les
amortissements non comptabilisés
seraient en effet définitivement perdus.
Ils constitueraient en effet des amortissements irrégulièrement différés.
On aurait beau jeu, alors, de faire
valoir à l'administration que, précisément, son rôle est d'assurer une
stricte application des dispositions du
CGI et non d'en préconiser le non
respect.
✱
✱
✱
La seconde partie de cet article traitera
des limites fiscales à l’utilisation des stratégies reposant sur le démembrement de
propriété dans l’immobilier d’entreprise (RFC juillet-août 2000).
Pierre FERNOUX
Maître de conférences à l'Université d'Auvergne
Membre du Centre d'études et de recherche en
gestion de patrimoine
Directeur du DESS d'Audit juridique,
comptable et fiscal
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R.F.C. 323 - Juin 2000