Author`s personal copy - Centre Hospitalier Esquirol de Limoges
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Authors requiring further information regarding Elsevier’s archiving and manuscript policies are encouraged to visit: http://www.elsevier.com/copyright Author's personal copy NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2008) 8, 27—33 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com PRATIQUE CLINIQUE Particularités médicosociales de la dépression du sujet âgé : le point en 2008 Clinical and social specificity of depression in the elderly: State of the art in 2008 P. Thomas a,∗, C. Hazif-Thomas b a Service hospitalo-universitaire de psychogériatrie, centre mémoire de ressources et de recherche, centre hospitalier Esquirol, 15, rue du Dr-Marcland, 87025 Limoges cedex, France b Service de psychiatrie, unité de psychogériatrie, centre de mémoire, CHG, 29300 Quimperlé, France Disponible sur Internet le 19 mars 2008 MOTS CLÉS Dépression ; Personnes âgées ; Démence ; Antidépresseurs KEYWORDS Depression; Elderly; Dementia; Antidepressants ∗ Résumé La présentation clinique de la dépression est différente chez la personne âgée et chez le sujet jeune. Les personnes âgées ont davantage de plaintes somatiques que les personnes jeunes. Elles minimisent souvent leur humeur triste et l’expression de la culpabilité est rare chez elle. Les symptômes hypochondriaques sont fréquents chez la personne âgée dépressive. Les liens entre démence et dépression sont discutés dans cet article. L’importance des facteurs socioéconomiques lors de l’histoire de vie y est présentée. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary The clinical presentation of depression is different in younger and older adults. Elderly depressed persons are more likely than younger to express somatic complaints, minimize the presence of a depressed mood and fail to report feeling of guilt. Hypochondriacal symptoms occur in a lot of elderly persons with depression. Links with dementia are presented in this paper. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Thomas). 1627-4830/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.npg.2008.02.001 Author's personal copy 28 P. Thomas, C. Hazif-Thomas Introduction Chez la personne âgée de plus de 65 ans, la prévalence de la dépression est d’environ 1 %. Environ 2 % de la population âgée a un désordre thymique de type état dépressif majeur [1] et 5 % une humeur dépressive [2]. Cependant, dans les services de soins somatiques qui leur sont dédiés, les symptômes dépressifs atteignent jusqu’à 37 % des patients et 30 % d’entre eux ont une dépression majeure [3]. La présentation clinique de la dépression est différente chez les adultes jeunes et chez les plus âgés. Les patients les plus vieux cristallisent volontiers leurs plaintes sur le corps, minimisent les traits de leur humeur triste et expriment généralement peu de culpabilité. L’hypochondrie est fréquente, concernant 65 % des personnes âgées dépressives [4]. Chez elles, la dépression s’accompagne souvent de troubles cognitifs, exécutifs en particulier. Les liens avec la démence sont discutés dans cet article. Modélisation de la dépression de la personne âgée La dépression de la personne âgée est particulière en ce qu’elle survient sur un terrain âgé, présentant volontiers des pathologies somatiques chroniques dont les manifestations s’intriquent avec les troubles thymiques (Fig. 1). De diagnostic difficile, présentant des formes particulières, telles les dépressions masquées [5], hostiles [6], conatives, caractérisées par un désinvestissement, une perte d’activité, une asthénie et une négligence, la disparition de l’envie de faire ce qui plaisait auparavant ou avec syndrome dysexécutif [7,8], nombre de malades sont, à tort, laissés libres de traitement [9]. Certaines dépressions ne sont qu’une récurrence d’épisodes anciens, mais d’autres formes sont à début tardif. Ces dernières ont un pronostic cognitif différent des précédentes. Elles résultent d’un hypofonctionnement du cortex fronto-orbitaire et des ganglions de la base [10,11] et d’altérations métaboliques de neuromédiateurs, en particulier la sérotonine et la noradrénaline cérébrales. Il s’agit souvent d’une pathologie chronique : aussi, après un recul de deux ans, dans une métaanalyse de Cole et al. chez des sujets de plus de 60 ans traités pour une dépression, 33 % sont toujours déprimés, 33 % vont bien, 21 % sont décédés, 14 % sont symptoma- Figure 2. 1999. Taux de suicides par sexe et âge. Source : rapport OMS tiques [12]. Le taux de suicide abouti est particulièrement élevé chez la personne âgée et notre pays connaît ici un triste record, reflétant aussi bien la fréquence de la dépression chez elle que la solitude existentielle et leur isolement humain, avatar du développement de l’individualisme dans la société actuelle (Fig. 2). Impacts de la dépression chez la personne âgée La dépression altère le vécu du vieillissement et facilite le repli sur soi, le renoncement aux réinvestissements dans les domaines où ils sont encore possibles. Elle fait le lit du désinvestissement et noue d’étroites relations avec la démotivation [13], elle-même génératrice de régression. Si l’activité physique a un rôle bénéfique pour la prévenir comme pour prévenir l’apparition de troubles cognitifs, lorsque les troubles thymiques sont présents, la personne âgée tend à diminuer son activité s’exposant en sus aux chutes. À cela s’ajoute une mauvaise alimentation et des troubles du sommeil. Le handicap fonctionnel et la qualité de vie sont donc globalement altérés. La personne déprimée se néglige, notamment au plan médical où elle sursoit souvent à consulter, se privant, de façon souvent masochiste, du plaisir d’aller mieux. Elle observe mal ses traitements et les règles hygiénodiététiques élémentaires. Elle est en bute avec des conduites addictives diverses (alcool, tabac) qui la marginalisent davantage et l’exposent à diverses complications somatiques. Dans l’ensemble, les maladies somatiques présentent un tour plus grave lorsque la dépression est présente ; les douleurs et le handicap généré par celles-ci accroissent la charge dépressive. La dépression majore le coût de leur prise en charge, augmentant la durée d’hospitalisation par exemple, majorant le nombre des hospitalisations pour une pathologie donnée. La dépression est encore responsable d’une aggravation de leur pronostic vital. Le poids de la pauvreté sur l’apparition de la dépression de la personne âgée Figure 1. Modélisation de la dépression de la personne âgée. La misère sociale, existentielle et financière est fréquente chez les personnes très âgées. Que la dépression prenne sur Author's personal copy Particularités médicosociales de la dépression du sujet âgé : le point en 2008 29 Figure 3. Liens entre longue période de faibles revenus (1965—1983) et dépression tardive 30 ans après. Nombre de fois, lors de l’enquête, où le revenu moyen était inférieur à 200 % du revenu moyen. OR : odd ratio ; ADL (activity of daily life) : activité de la vie quotidienne ; IADL (instrumentale activity of daily life) : activité instrumentale de la vie quotidienne (Alameda County Study). ce terrain une importance particulière n’a rien d’étonnant. Plus étonnant sont les résultats récents de l’Alameda County Study : cette étude a montré des liens clairs entre de longue période de faibles revenus dans l’histoire de vie des personnes âgées (1965—1983) et l’apparition d’une dépression tardive 30 ans après [14]. Plus les personnes ont eu des difficultés financières durant la période active de leur vie et plus elles sont exposées au risque dépressif, mais aussi démentiel (Fig. 3). Plus bruyante, mais tout aussi trompeuse, est la forme bipolaire qui, chez l’âgé [16], se traduit fréquemment par une désorientation et des troubles cognitifs, exécutifs notamment. Des épisodes maniaques ou mixtes, en particulier, tendent à se prolonger. Leur pronostic est plus sombre que dans la dépression unipolaire et leur repérage plus délicat. Il est essentiel, toutefois, car des thérapeutiques thymorégulatrices sont efficaces, en particulier les traitements bloqueurs des canaux sodiques voltages dépendants (carbamazépines) qui vont agir rapidement via la stabilisation des membranes neuronales hyperexcitées. Dépression et clinique psychiatrique de l’âge Dépression et démence La clinique psychiatrique de la personne âgée est souvent déroutante pour les praticiens et les soignants non formés à la spécialité, dans la mesure où de nombreuses plaintes somatiques sont souvent associées à une présentation dite « syndromale » de la dépression [3] : syndromes gastro-intestinaux, douleurs articulaires, symptômes cardiovasculaires côtoient un moindre intérêt pour les activités auparavant plaisantes, une atteinte de la concentration, des préoccupations exacerbées par certaines limitations physiques ou une idéation focalisée sur certaines incapacités. Cette forme est proche de la dépression à forme conative [15], en ce sens que le « corps dépressif » inscrit les représentations du malade dans une perspective démoralisante, minant toute initiative et toute volonté de contrôle. Dépression et démence sont au cœur de problématiques complexes. Pour Jorm [17], on peut les résumer selon six hypothèses théoriques, non exclusives les unes des autres : • les traitements de la dépression pourraient faciliter la démence ; • la démence et la dépression ont une communauté de facteurs de risques ; • la dépression de la personne âgée est un prodrome de la démence ; • la dépression est réactionnelle au déclin cognitif ; • la dépression favorise une révélation précoce des signes de démence ; • la dépression entraînerait des altérations structurales au niveau de l’hippocampe par le biais des hormones glucocorticoïdes. Author's personal copy 30 P. Thomas, C. Hazif-Thomas Les traitements de certaines dépressions pourraient faciliter la démence la dépression est un risque de démence uniquement chez l’homme et lorsque celle-ci est récente [33]. Il ne s’agit là que d’une hypothèse d’école par analogie à la suspicion d’un effet néfaste des neuroleptiques au long cours dans les psychoses vieillies [18]. Au stade de nos connaissances actuelles, les antidépresseurs ont des effets positifs sur la cognition [19]. La thérapeutique antidépressive au long cours semble s’accompagner d’un risque démentiel accru [20], mais il s’agit plus probablement d’un risque lié à la chronicité de la dépression, plutôt qu’à son traitement. La maladie dépressive aggrave les troubles cognitifs des déments, en particulier la vigilance [21], la mémoire de travail et l’attention soutenue [22,23], ainsi que certains processus exécutifs [24]. L’anhédonie, fréquente dans la dépression associée aux troubles exécutifs, ne peut que favoriser à terme le retrait social. Certains antidépresseurs ont des effets secondaires anticholinergiques qui peuvent entraîner des confusions et des troubles mnésiques chez la personne âgée. Les patients dépressifs traités ont moins de problèmes mnésiques en vieillissant que ceux qui ne le sont pas et la réduction du volume hippocampique dépend, outre de la durée de la carence thérapeutique [25], du caractère récidivant des épisodes dépressifs [15,25]. Le traitement par lithium dans la maladie bipolaire pourrait, en revanche, réduire le risque d’évolution démentielle [26]. La dépression est réactionnelle au déclin cognitif Démence et dépression ont une communauté de facteurs de risques Une méta-analyse récente montre que les dépressifs ont davantage de risque de développer une démence de type Alzheimer [17]. Démence et dépression pourraient avoir une origine commune vasculaire [27]. La dépression tardive est volontiers associée à des atrophies hippocampiques. Le volume hippocampique est ainsi inversement lié à l’âge de début de la démence [28]. La dépression de la personne âgée est un prodrome de la démence La maladie à corps de Lewy et la maladie de Parkinson s’accompagnent précocement et fréquemment de dépression, quand bien même les troubles cognitifs qui leurs sont associés ne sont pas au premier plan. Dans les analyses de la littérature, les opinions des auteurs ont évolué et, encore récemment, Belzeaux et al. décrivent les hypothèses de certains auteurs qui postulent une origine commune à la dépression et la maladie de Parkinson, celle-ci n’étant peutêtre qu’une forme motrice, là où celle-là serait la forme psychique d’une même affection [29]. Plus les articles sont récents et plus cette hypothèse est validée. La démence ne s’accompagne pas de dépression et la dépression n’apparaît pas au cours de cette maladie, selon Knesevich et al. en 1983 [30]. La dépression est commune dans la démence, avec des taux qui varient de 10 à 20 % des cas pour Wragg et Jeste en 1989 [31], jusqu’à près de 90 % selon Merriam et al. en 1988 [32]. Les méta-analyses des cas-témoins montrent des risques relatifs de démence chez les dépressifs entre 1,16 et 3,5 et à partir de suivi d’études prospectives entre 0,08 et 3,2 [17]. L’étude Paquid montre, quant à elle, que La dépression est plus fréquente lorsque le malade est conscient de ses troubles et ce, même lorsque la maladie est évoluée [34,35]. La dépression majore les difficultés exécutives du malade et augmente la perte d’emprise sur l’environnement [36,37]. Elle précipite l’entrée en institution des malades déments [38]. La dépression favorise une révélation précoce des signes de démence Quarante pour cent des patients âgés dépressifs vivant à domicile se plaignent de troubles mnésiques, quand moins de la moitié de ce chiffre est observée chez des personnes âgées indemnes de problèmes thymiques [39]. La plainte étant plus fréquente chez les malades dépressifs ; il n’est cependant pas exclu qu’elle conduise à un dépistage plus rapide des troubles cognitifs [40]. La dépression entraînerait des altérations structurales au niveau de l’hippocampe par le biais des hormones glucocorticoïdes La dépression prolongée favorise la perte des cellules granuleuses du gyrus dentelé et l’altération de l’arborisation dendritique des cellules pyramidales CA3 [41]. Ballmaier et al. ont récemment montré que dans la dépression tardive existait une altération de répartition de la matière grise chez la personne âgée, notamment frontale, par rapport à un groupe témoin de même taille et apparié. Chez ces patients, le corps calleux était plus fin [42]. Yang et al., de leurs côté, ont pu montrer des anomalies microstructurales de la substance blanche dans la dépression tardive, au niveau temporal (gyrus hippocampique surtout droit) et du lobe frontal (gyrus moyen et supérieur) [43]. Dépression tardive et maladies somatiques La dépression est fréquente dans les pathologies organiques, réactionnelles à une maladie débilitante (un cancer, par exemple) ou secondaire à des états douloureux chroniques. Les pathologies cardiaques Les pathologies somatiques les plus fréquemment associées à un état dépressif sont les pathologies cardiaques. La dépression favorise la survenue de l’athérosclérose, de l’angine de poitrine. Elle s’accompagne d’une plus grande fréquence de complications sévères de l’ischémie myocardique. Elle survient fréquemment dans les suites d’un infarctus du myocarde [44]. La dépression postinfarctus du myocarde est liée à un mauvais pronostic cardiovasculaire. Un accident cardiaque secondaire survient chez 21,5 % des non déprimés, contre 33,3 % avec une dépression postinfarctus. Ces derniers ont plus de 65 % de risques d’avoir un Author's personal copy Particularités médicosociales de la dépression du sujet âgé : le point en 2008 accident cardiaque grave, fatal ou non (p = 0,04). L’examen des autres cofacteurs inclus dans l’étude statistique ne modifie pas ces résultats [45]. Chez le sujet insuffisant cardiaque, la prévalence du syndrome dépressif majeur est de 37 %. Plus la pathologie cardiaque est sévère, plus le risque d’association à une dépression est élevé [46]. La dépression est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire, mais, là encore, des comportements à risques chez les dépressifs doivent être pris en compte, comme par exemple le tabac ou les déséquilibres alimentaires. Dans une étude réalisée chez 755 femmes âgées de 23 à 97 ans, dans le sud-ouest de l’Australie, 145 (19,20 %) ont une histoire de dépression. L’étude n’a toutefois pas montré d’association avec le poids, le niveau de la cholestérolémie, l’hypertension, l’inactivité et le diabète. En revanche, elle a pointé un lien entre dépression, tabagisme et risque cardiovasculaire [47]. Dépression vasculaire du sujet âgé La dépression vasculaire du sujet âgé survient dans les suites d’un ou de plusieurs accidents vasculaires cérébraux. Bien entendu, les séquelles d’une hémiplégie et la pénibilité du handicap expliquent une dépression réactionnelle, mais, en dehors de ces difficultés, le patient vasculaire est exposé à la dépression. Cependant, la dépression vasculaire est aussi endogène et non seulement réactionnelle, notamment parce qu’il est des cas complexes pour lesquels existent aussi une anosognosie des troubles neurologiques et chez lesquels s’individualisent aussi un état dépressif. Elle associe classiquement une faible idéation dépressive, des troubles neurologiques sous-corticaux, une asthénie et un ralentissement psychomoteur. L’imagerie IRM réalisée chez les plus de 50 ans a montré que les atteintes cérébrales portaient davantage sur l’hémisphère gauche plutôt que le droit, et que l’atteinte était plutôt antérieure que postérieure [48]. La prévalence de la dépression chez des patients suivis après un accident vasculaire cérébral (AVC) est de 27 %, dans une étude américaine menée chez 3050 patients. Les sujets présentant un syndrome dépressif dans les suites d’un AVC sont de forts utilisateurs d’une large gamme de soins ou de services médicaux [49]. Deux hypothèses peuvent rendre compte de la dépression post-AVC : • l’hypothèse classique rend compte d’infarctus lacunaires importants, de localisation frontale gauche ou intéressant le noyau caudé gauche [50] ; • mais une hypothèse récente fait appel à la notion de « seuil lésionnel », avec des lésions multiples longtemps silencieuses, des facteurs de risque sociocomportemental y étant associés [51]. À côté des facteurs de risque vasculaire et de la leucoaraïose périventriculaire, existent des facteurs sociaux qui s’intriquent aux premiers [51]. La dépression augmente le risque d’accident vasculaire cérébral : elle apparaît donc à la fois comme une cause et comme la conséquence du problème vasculaire. 31 réactionnelle. Elle complique l’histoire clinique du malade dans plus de 20 % des cas [52]. Plus le score de dépression est élevé, plus la maladie de Parkinson est sévère et plus les patients rapportent une dégradation récente de leur état neurologique. Même lorsque la maladie de Parkinson est bien traitée par L-Dopa, la dépression persiste de façon indépendante et nécessite un traitement spécifique [53]. Conclusions : dépression tardive et conséquences socioéconomiques L’Organisation mondiale de la santé a développé un outil de mesure des conséquences socioéconomiques des maladies. La plupart des outils sous-estimaient jusqu’ici le coût économique de l’impact des pathologies, mesurant tantôt l’incapacité induite, tantôt l’invalidité induite ou encore le nombre de décès observés. Le nouvel index a été appelé années de vie corrigées de l’incapacité (AVCI) ou disability adjusted lost years (DALY) (Fig. 4). Il fait la somme du nombre des années perdues du fait de la maladie et des années altérées par un pourcentage de handicap induit : DALY = nombre d’années perdues du fait de la maladie + années × % handicap. Le dernier composant est calculé à partir du nombre de cas (incidence de la maladie ou de ses séquelles) multiplié par la durée moyenne (jusqu’à la rémission ou au décès) multiplié par le poids du handicap propre à la maladie, sur une échelle qui va de 0 pour la bonne santé à 1 pour un état équivalent à la mort [54]. Les résultats, présentés sur la Fig. 4, ne prennent pas en compte uniquement la spécificité de la dépression de la personne âgée, mais ils montrent que les conséquences de la dépression en termes de santé publique sont très importantes. Cette maladie constituera un enjeu majeur pour toutes les tranches de la population dans un proche avenir. Une sensibilisation du corps médical à ses spécificités cliniques et thérapeutiques est donc essentielle. Nous aurons certainement l’occasion de nous pencher sur ce point dans un prochain article. Dépression et maladie de Parkinson La dépression est considérée aujourd’hui comme un des traits de la maladie de Parkinson. Elle peut être inaugurale, dans 8 à 10 % des cas, précédant la maladie de plusieurs années parfois. Elle est donc endogène et non Figure 4. Disability adjusted lost years (DALY) par maladies, en France, pour 100 000 habitants. Author's personal copy 32 Références [1] Beekman AT, Deeg DJ, van Tilburg T, Smit JH, Hooijer C, van Tilburg W. Major and minor depression in later life: a study of prevalence and risk factors. J Affect Disord 1995;36(1—2):65—75. [2] Eaton WW, Neufeld K, Chen LS, Cai G. A comparison of self-report and clinical diagnostic interviews for depression: diagnostic interview schedule and schedules for clinical assessment in neuropsychiatry in the Baltimore epidemiologic catchment area follow-up. Arch Gen Psychiatry 2000;57(3):217—22. [3] Koenig HG, Meador KG, Cohen HJ, Blazer DG. Depression in elderly hospitalized patients with medical illness. Arch Intern Med 1988;148(9):1929—36. [4] Magarinos M, Zafar U, Nissenson K, Blanco C. 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