Machine à rendre intelligent

Transcription

Machine à rendre intelligent
Un chercheur dans le domaine de l'intelligence humaine pense avoir mis au point son invention: une machine à rendre intelligent.
« Le problème, maintenant, c'est de le tester... » se dit­il.
« Il me faut un cobaye. »
Sitôt dit, sitôt fait, il passe une petite annonce:
Centre de recherche engage personne intellectuellement limitée
pour expérience rémunérée.
Une famille le contacte. Le père, un crétin limite débile, qui n'a rien compris à l'annonce puisqu'il ne sait pas lire, serait un sujet idéal pour ce type d'expériences.
Rendez­vous est pris. Le volontaire se présente et signe d'une croix tous les documents que lui présente le chercheur (décharge de responsabilité, description des risques liés à l'expérience, ...)
Ensuite, le savant mène le malheureux dans la machine. Celui­ci ne résiste pas. Il n'exprime d'ailleurs que des onomatopées et ne semble pas bien comprendre ce qui lui arrive.
Une fois assis dans l'étroite cabine de la machine, le savant se dirige vers sa console de contrôle et met l'engin en marche. Les lampes s'allument, les témoins clignotent et le grand cadran marqué « QI » se stabilise sur 50.
Le savant lance l'expérience. La machine s'agite, les clignotants s'accélèrent, et le cadran monte progressivement: 70, 90, 110, ...
Une fois atteint la zone de 135, l'expérimentateur arrête l'engin, se dirige vers la porte et libère le cobaye. Son regard pétille d'intelligence, il s'exprime maintenant avec des phrases complètes et un vocabulaire choisi. Il remercie chaleureusement le chercheur et prend congé.
Deux semaines plus tard, il se présente à nouveau spontanément au centre de recherche et demande son expérimentateur. Il se confie à lui:
« Par pitié, rendez­moi mon QI naturel ! C'est une catastrophe ! Ma famille, mes amis, mes collègues ne veulent plus me voir ! Je suis totalement isolé, j'ai perdu tout lien social avec mes proches ! Je n'en peux plus. Si vous n'y parvenez pas, je n'ai plus qu'une solution: le suicide ! »
Très ému, et connaissant les effets parfois pervers d'un QI trop élevé, le savant obtempère, tout en mettant en garde son visiteur:
« Ma machine a été conçue pour augmenter le QI, pas pour le diminuer. Je peux tenter de la faire fonctionner à l'envers, mais c'est sans garanties ».
Cependant, l'expérience est menée. Le malheureux prend place dans l'étroite cabine, le chercheur s'assied devant ses cadrants et met l'engin en marche. Le cadrant « QI » indique toujours bien 135. La machine s'agite, et le chiffre descend progressivement: 130, 120, 110, ... puis subitement, l'aiguille s'affole et chute brutalement sur
5 !
L'expérimentateur arrête tout et ouvre la cabine précipitamment:
« Monsieur, monsieur, ça va ? Parlez­moi. Dites­moi quelque­chose... »
Mais le pauvre bougre est aussi inerte qu'un huître et lève même pas les yeux. La bouche entre­ouverte, il laisse couler un mince filet de bave.
Secoué par son hôte, il finit par se lever, très lentement. Effrayé par cette horreur, le chercheur se recule et lui laisse le passage.
La victime commence à marcher, lentement, en regardant la machine comme une poule regarde un couteau, semblant y chercher quelque­chose. Il continue progressivement à marcher le long de l'engin, le contourne...
Le savant, ne sachant toujours pas que faire, ne bouge pas et le suit du regard en silence. Finalement, le quasi­zombie a fait le tour de l'appareil et rejoint donc son tortionnaire.
Là, il lève lentement les yeux, les pose dans ceux du chercheur, et dit d'une voix forte et claire:
« Vous z'avez les papiers du véhicule ? »