Voyage au coeur d`un système solaire triple en

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Voyage au coeur d`un système solaire triple en
COMMUNIQUÉ DE PRESSE NATIONAL I GRENOBLE I 30 OCTOBRE 2014
Voyage au cœur d’un système solaire triple en
formation
Une équipe internationale d’astronomes, dont des chercheurs du LAB (CNRS/Université de
Bordeaux), de l’IPAG (CNRS/Université Joseph Fourier Grenoble 1) et de l’IRAM
(CNRS/MPG/IGN), a mené l’étude la plus précise à ce jour du cocon de gaz et de poussières
du système GG Tau A. En combinant des observations complémentaires aux longueurs
d’onde submillimétriques (ALMA et IRAM) et infrarouges (VLTI/ESO), les chercheurs ont pu
mettre en évidence la dynamique complexe au sein de GG Tau. Ils ont ainsi détecté pour la
première fois des mouvements de matière démontrant que des exoplanètes peuvent se
former non seulement autour d'un des membres de ce trio d'étoiles jeunes, mais aussi à très
grande distance dans le disque entourant ces trois soleils. Ce travail observationnel, publié
le 30 octobre dans la revue Nature, révèle une histoire plus complexe qu’on ne l’imaginait.
Si les découvertes observationnelles récentes ont démontré l’existence de nombreuses planètes autour des
étoiles doubles, leur formation se heurtait au problème des instabilités gravitationnelles engendrées par la
nature binaire de ces astres. Les observations d’étoiles jeunes binaires sont encore trop rares pour fournir
une image détaillée de ces processus. Jusqu’à très récemment, GG Tau A, située à près de 450 annéeslumière de la Terre dans la constellation du Taureau, était connue comme une étoile binaire avec deux
composantes Aa et Ab. Mais des mesures infrarouges récentes réalisées avec les instruments du VLT et du
VLTI (ESO) ont révélé que GG Tau A est en fait un système stellaire triple 1 : GG Tau Ab est elle-même une
étoile binaire. L’étoile centrale Aa est suffisamment éloignée du couple Ab pour être entourée d’un disque
circumstellaire, observé dès 2011 avec l’interféromètre de l’IRAM.
Autour de ce système stellaire triple, les chercheurs ont déjà mis en évidence un disque de gaz et de
poussières en rotation, évidé en son centre par les effets de marée gravitationnels. En tournant les unes
autour des autres, les trois étoiles créent en effet une zone gravitationnellement instable appelée cavité, où
la matière ne peut que transiter avant de tomber sur les étoiles centrales. Plus loin, là où réside l’anneau
externe de matière, le champ gravitationnel n’est plus perturbé et la matière en rotation peut s’organiser en
une structure stable. L’existence d’une cavité centrale autour de GG Tau A, connue dès les années 1990
grâce aux observations de l’interféromètre de l’IRAM, confirmait en partie ces prédictions théoriques. Dans
les années 2000, on a détecté la présence de gaz dans cette cavité, mais la dynamique précise de ce gaz,
pierre essentielle à la compréhension des mécanismes d’accrétion donnant naissance aux planètes, restait
largement méconnue.
Dans cette nouvelle étude, des observations du monoxyde de carbone (CO sous forme gazeuse) et de
l’émission des grains de poussière autour de GG Tau A ont été obtenues de manière complémentaire avec
1
La mise en évidence de ce système triple pour GG Tau a donné lieu à un article récemment publié dans A&A :GG Tauri: the fifth element, E. Di
Folco et al., Astronomy & Astrophysics, 9 avril 2014 DOI:10.1051/0004-6361/201423675
les interféromètres ALMA (Chili) et IRAM (Alpes françaises). Elles ont permis de lever une partie du voile sur
la répartition de la matière et sur la dynamique à l’intérieur de la cavité, avec une précision encore jamais
atteinte dans ce domaine. Les images montrent en effet un filament de gaz provenant de l’anneau externe
tombant vers les étoiles centrales. La quantité de gaz ainsi transportée se révèle suffisante pour alimenter le
disque interne autour de GG Tau Aa. Les mouvements de gaz observés confirment ainsi les prédictions des
simulations numériques antérieures. Ils démontrent que la matière provenant de l’anneau externe est
capable de nourrir le disque interne autour de GG Tau Aa pendant assez longtemps pour éventuellement
permettre la formation des exoplanètes.
Si ce résultat était attendu, le suivant l’était moins : les deux cartes de l’émission du CO révèlent une
surbrillance remarquable sur le bord externe de l’anneau autour du système stellaire triple. Son étude
détaillée montre qu’elle est deux fois plus chaude que le milieu environnant et qu’il pourrait s’agir de la
signature d’une jeune exoplanète géante en cours de formation. Cette planète serait en train de creuser un
fin sillon dans le disque externe, mais la détection d’une telle structure reste pour l’heure hors de portée des
instruments. La mise en service prochainement des antennes NOEMA 2 de l’IRAM sur le plateau de Bure
sera, sans nul doute, un atout majeur pour en savoir plus sur GG Tau, un système de soleils jeunes qui n’a
pas fini de livrer ses mystères.
Référence
Planet formation in the young, low-mass multiple stellar system GGTau-A, A. Dutrey et al., Nature, 30
octobre 2014, DOI:10.1038/nature13822
Illustrations
Les images obtenues avec ALMA (à gauche) et l'interféromètre de l'IRAM (à droite) montrent les émissions du gaz (CO) et de la poussière autour du
système triple de GG Tau A. L'émission de la poussière est en contours noirs, l'émission du gaz est en couleur. Le panneau du milieu indique la position
des trois étoiles observées avec le VLTI (ESO). ©Nature/ALMA/ESO/IRAM/CNRS/Université de Bordeaux
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En savoir plus sur ces nouvelles antennes NOEMA de l’IRAM : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3735.htm
Vue d'artiste montrant le gaz et la poussière qui entourent le système triple GG Tau. © ESO/L. Calçada
Contacts
Chercheur CNRS
Anne Dutrey l T 05 57 77 61 40 l P 06 07 08 54 80 l [email protected]
Chercheur Université de Bordeaux
Emmanuel Di Folco l T 05 57 77 61 36 l P 06 33 96 61 42 l [email protected]
Service communication CNRS Alpes
Celine Figueiredo l T 04 76 88 10 62 l [email protected]