La notion de patrimoine

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La notion de patrimoine
Ce texte est un résumé « libre » de l’article de référence de Jean Pierre Babelon, André
Chastel et Alain Erlande-Brandenburg, « La notion de patrimoine » paru dans la Revue
de l’art, n° 49, 1980
Au mois d'août, le Mont-Saint-Michel, accueille de 20 000 à 30 000 touristes par jour qui
viennent visiter une abbaye conçue à l'origine pour une soixantaine de moines. Les sociologues
débattent beaucoup de savoir si cette ferveur patrimoniale, cet engouement pour le passé et ses
témoignages, manifeste une inquiétude des populations quant à leur avenir, quant à l'instabilité du
présent, ou quant à la perte irrémédiable des valeurs passées. Vanité de l'espèce humaine à
vérifier sur pièces le savoir bâtir des générations précédentes … Apaiser l'angoisse de la mort…
Idéal de beauté, idéal de mémoire ?
« Sacré patrimoine »
Le patrimoine, au sens ou on l'entend aujourd'hui, est une notion récente qui couvre de façon
nécessairement vague tous les vestiges du passé. En fait cette notion s'est structurée, en couches
superposées, tout au long de la longue et chaotique histoire du domaine, des biens et de la
sensibilité au passé, des français.
Dans toutes les sociétés, dès la préhistoire, le sens du sacré s'est développé et s'est porté sur
certains objets, certains lieux et certains biens matériels qui ont alors échappé à l'utilité immédiate
pour se voir dotés d'un prestige ou d'un attachement particulier voir d'un véritable culte. Ce
"patrimoine" souvent lié au culte des morts (lares familiaux, sépultures, objets votifs …) semble
être la transcription matérielle des croyances, par essence, immatérielles. N'est il pas étonnant en
considérant cela que le patrimoine ait suscité, suscite et suscitera des enjeux et des combats qui
dépassent le rationnel pour toucher aux racines même de l'existence même de l'Homme sur terre.
Le patrimoine est né naturellement d'un besoin de point de repère, de souvenirs d'êtres perdus.
Ces racines résident en partie dans le concept chrétien de l'héritage sacré de la Foi. L'Eglise
définie le culte d'objets privilégiés dont les premiers ont été les souvenirs matériels de
l'Incarnation de façon à disposer de preuves matérielles du passage du Christ sur terre. Dans le
même ordre des choses, les reliques vont devenir par la seule force de la piété populaire le
patrimoine le plus précieux de la communauté laïque. Leur conservation dans un but de
transmission et la réutilisation d'élément architecturaux d'anciens sanctuaires vont amener un
passage progressif à la notion d'inviolabilité attachée aux édifices religieux? C'est ainsi que les
églises de pèlerinage vont attirer par une sorte d'aura miraculeuse liée à la présence de reliques
mais aussi par l'appréciation diffuse de la beauté, d'une part et de l'ancienneté, d'autre part. Plus
l'architecture est audacieuse, plus elle définie apparemment les lois de l'équilibre, plus elle
apparaît comme l'œuvre incompréhensible de techniques mystérieuses dont la tradition semble
perdue, et plus l'œuvre est respectueusement admirée. C'est le cas, par exemple, de la Sainte
chapelle.
Cependant, à partir de la fin du XVIIIe siècle, on assiste à une désacralisation, liée à la volonté de
l'Eglise de détacher les fidèles d'une religion jugée alors trop matérielle, trop attachée aux
apparences pour les conduire vers la religion des Lumières et ainsi réconcilier la Foi et la Raison.
Cela va permettre l'émergence de la notion de monuments conçus comme des témoignages
d'histoire, des repères pour connaître la vie des générations disparue mais aussi objets de
curiosité.
Vous avez dit patrimoine ? Mais quel patrimoine ?
Le gouvernement monarchique n'a pas eu de politique patrimoniale en tant que telle. On peut
même parler d'une véritable négligence des rois vis à vis des biens monarchiques à caractère
viager en partie liée au nomadisme de la cour. Cependant, la monarchie va sécréter ses propres
objets sacrés, "les régalias" conservées à Saint-Denis. Ces instruments du sacre et du
couronnement ont pour fonction essentielle de matérialiser la pérennité de la monarchie mais ils
ne sont pas pour autant inaliénables. Ils peuvent être vendus ou fondus pour financer la guerre ce
qui dénote d'un caractère patrimonial très aléatoire.
La monarchie est d'un autre côté attachée aux livres et aux archives. La création du "dépôt légal"
en 1537 est le premier exemple de politique culturelle consciente de la monarchie. On assiste, de
plus, sous François Ier à la mise en place d'une politique de protection des Antiquité
malheureusement réduite à la ville de Nîmes. Par la suite cette préoccupation patrimoniale prend
des aspects "collectionneurs". La ville de Nîmes propose à Louis XIV de démonter la Maison
carrée pour la reconstruire dans la parc de Versailles. Mais en même temps, il existe un souci de
former des architectes et de documenter l'enseignement de l'Académie d'architecture créée en
1671. Ce qui compte en fait dans ces expériences c'est la connaissance et pas la préservation. La
meilleure preuve en est la destruction, sur les ordres de Louis XIV, en 1677, de l'extraordinaire
monument des Piliers de Tutelle de Bordeaux pour agrandir la forteresse du Château Trompette.
Les rois ne furent pas plus respectueux de leur propre patrimoine monumental, c'est à dire des
ouvrages que la dynastie avait elle même fait élever. La grosse tour du Louvre dont relevaient
tous les fiefs de France est rasée sous François Ier. La force symbolique suffisait. Il en est de
même pour le donjon du palais de la Cité sous Louis XIV. Il faut ici prendre en compte que les
souverains disposaient d'un immense domaine construit pas directement utile et dont l'entretien
pesait lours sur les finances déjà très obérées. Les solutions étaient soit d'aliéner, soit de raser. De
plus les rois ont toujours été passionnés pour la construction de château "à la mode" ce qui fait
que ceux du règne précédent sont le plus souvent condamnés au manque d'entretien, à l'oubli et à
la déchéance. Les plus belles constructions ne pèsent pas lourd lorsque le roi veut modifier,
agrandir ou simplement raser. A Versailles, en 1752, on détruit l'escalier des Ambassadeurs et la
petite galerie décorée de peintures de Mignard pour aménager les appartements d'une des filles du
roi.
La notion de patrimoine monumental est donc étrangère à la monarchie et les exemple de
conservation délibérées sont rares. La colonne astronomique de Catherine de Médicis est
conservée grâce à la municipalité de Paris, et la Fontaine des Innocents de Jean Goujon ne
subsiste que grâce à une protestation du public pour en empêcher la destruction en 1785. Cet
exemple est révélateur de l'émergence , à partir du début du XVIII e siècle d'une conscience
patrimoniale portée par des intellectuels comme Roger de Gaignière ou l'abbé Mercier avec pour
idée principal de sauver de la destruction certains monuments. Un véritable sursaut va être suscité
par les destructions révolutionnaires. Va émerger alors l'expression d'une véritable conscience
collective pour défendre d'abord des édifices publics ou devenus publics considérés alors comme
un "patrimoine du citoyen". Ce mouvement préfigure pour tout le XIXe siècle, la nouvelle
sacralisation de l'hôtel de Ville, par exemple où toute la valeur symbolique du patrimoine prend
alors tout son sens.
La généralisation du terme de patrimoine repose sur la notion d'une propriété commune créée de
la conscience d'une collectivité. En réalité, le terme désigne "à priori" un bien transmis de père en
fils, de génération en génération. Cependant les premières acceptations collectives du mot
patrimoine fournissent un produit de remplacement aux catégories sociales qui en étaient
dépourvues comme par exemple la notion de "patrimoine des pauvres"
Pour les familles nobles, la possession du château est le plus évident témoignage du patrimoine à
transmettre mais l'attachement est lié davantage au lien féodal surtout s'il est patronymique, plutôt
qu'à l'édifice lui même. Le noble n'est attaché à son vieux château que si il n'a pas de finances
pour en reconstruire un nouveau ou le transformer. La demeure des ancêtres à une époque où la
mode est déterminante n'est bonne qu'a servir de référence et à donner une idée de l'antiquité de
la race. On garde une vielle tour pour impressionner le visiteur.
Par contre, la notion de bien patrimonial a pu s'attacher sous l'Ancien Régime à des objets d'art, à
des souvenirs ou à des archives.
Le patrimoine dans tous ses états
Avec la Révolution, la sécularisation des biens du clergé et la confiscation des biens des émigrés,
il fallait définir un domaine national intangible et explicite. De plus les monuments et les œuvres
d'art subissent dans les temps de troubles le sort des symboles qu'ils véhiculent. Ils prennent ainsi
leur véritable sens patrimonial même si cette notion est alors négative. Cependant en corrélation
avec cela émerge une acceptation positive de la notion de patrimoine considéré comme des biens
fondamentaux, inaliénables en fonction de leurs valeurs traditionnelles qui s'y attachent et les
expliquent mais aussi ce qui est nouveau, d'un lien commun, d'une richesse morale de la Nation.
Le souci des responsables est alors d'inventorier, de reconnaître et d'inscrire au crédit de la
Nation. Cette notion moderne de patrimoine commence à apparaître à travers le souci moral et
pédagogique. Devant les destructions l'argument de la valeur "générale" des œuvres menacées
fait du patrimoine une notion supérieure aux vicissitudes de l'histoire.
Cependant, le Moyen Age constitue l'essentiel du patrimoine national et le goût des ruines
permettait de chanter l'histoire et de fixer les imaginations. La gestation du sentiment patrimonial
comme celle du sentiment national, dans la mesure ou il concernait fatalement des ouvrages
parqués par les instituions monarchiques, aristocratiques et religieuses ne pouvait qu'être longue
et dramatique.
L'expression "monument historique" apparaît en 1790 avec un retard d'un quart de siècle par
rapport aux Iles britanniques ce qui dénote d'un retard notable, en France, de la prise en
considération comme faits de civilisation des données pourtant omniprésentes de l'architecture et
des arts. Il fallut encore un demi siècle pour traduire sous une forme officielle l'intuition qu'il
existe un patrimoine monumental à la conscience nationale. Le rôle de précurseurs comme
Arcisse de Caumont en Normandie et de Du Mège en Languedoc est fondamental. Le 21 ocobre
1830, Guizot préconise la création d'un poste d'Inspecteur général des monuments historiques.
Cependant la conviction, héritées des romantiques reste que l'art médiéval représente le
patrimoine par excellence et incarne la "France profonde".
Les devoirs de la restauration entraînent une sorte de malentendu. On travail à partir de l’idée de
Viollet le Duc, de prototype. De plus, la restauration doit assurer le prestige du patrimoine, elle
s’applique nécessairement aux ouvrages remarquables et aux grands modèles. L’archéologue ne
fait rien et ne produit rien. Il se contente de mettre son veto sur toute idée génératrice. La pratique
administrative va créer des mécanismes d’aménagement dont on avait critiqué d’avance
l’orientation (cf Montalembert). D’autres théories émergent, en particulier en Grande-Bretagne
en la personne de Ruskin qui préconise de « laisser les édifices à l’abandon pour les restaurer
ensuite ». En France, l’intervention de l’Etat semble avoir habitué les collectivités et les
particuliers à considérer que les autorités doivent assurer la responsabilité du patrimoine dans sa
définition et sa mise en valeur. Le recours à l’administration a trop souvent pour corollaire
l’indifférence du public et l’inertie des responsables mineurs. Il y a toujours assez de sites, de
châteaux, de ruines, de remparts inutiles, n’intéressant plus ou presque la vie quotidienne, n’étant
plus saisi comme un environnement intéressant. Les éléments anciens sont confiés alors aux
intellectuels, aux artistes, aux savants qui s’acharnent à en faire l’histoire et à reconstituer les
formes au prix d’un désintérêt de plus en plus grand des populations locales.
L’attitude occidentale par rapport au patrimoine est hantée par le déclin. Le patrimoine est
tellement chargé de signifié qu’on en oubli les signifiants ce qui est une attitude évidente au Xxe
siècle. Le fonds patrimonial est devenu une préoccupation sérieuse, parfois obsédante. Le prix
des objets de ce type ne se révèle t’il pas dans le manque ? La familiarité quotidienne oblitère,
dans les sociétés comme chez les particuliers, les raisons de l’attachement à ces données proches
que nous embrassons maintenant de la notion. En 1940-44, combien de ville se sont découvertes
elles-même dans leurs ruines ? Une grande incertitude des esprits s’est développée au moment de
la reconstruction, très caractéristique d’une société brutalement mise en présence d’un problème
que , faute d’une culture appropriée, elle sait mal maîtriser. Le malheur obligeait à découvrir le
lien intime de la ville et du site ; des contours urbains avec les points forts du monument. Presque
partout a été développé un compromis entre patrimoine et modernité. Dans les années cinquante,
l’expansion économique et la modernisation administrative du pays ont engendré de penser la
ville dans son ensemble. La loi du 4 août 1962 a défini le traitement des zones bâties définies
comme patrimoniale dans leur ensemble à l’échelle de la ville. Les constructions neuves ont alors
occupé plus de place que les constructions anciennes et le fond de pierres et de briques s’est
trouvé « déclassé » par le béton. Dans ce contexte, le fond patrimonial a pris une signification
plus marquée, des évidences sont apparues. Un ouvrage intéressant comporte toujours une
enveloppe et ce qui compte c’est la vue que l’on a sur lui. S’est donc alors posé le problème des
vides urbains. Cette réaction bien tardive a conduit a découper la ville en secteurs du pittoresque
et animé au milieu du système industriel. La réaction patrimoniale s’est faite aussi par rapport à
l’uniformité ambiante.
L’inflation patrimoniale
On peut toutefois se demander si c’est un véritable changement d’attitude profond et durable ? Si
le patrimoine est l’ensemble des formes transmises, il faut les y faire entrer. Un passage s’est
opéré, pour les romantiques, d’un fond patrimonial défini par un paysage historique médiéval qui
constituait un accès irremplaçable à la conscience nationale, a, aujourd’hui, un patrimoine saisi à
un niveau modeste à travers les réalités matérielles, les réalia, avec une attention presque
ethnologique. Cela car la société semblent s’étonner de sa propre complexité qu’elle était en train
d’oublier. L’objet visuel désaffecté prend une valeur de signe attachant, d’indicateur de
l’existence laborieuse, de révélateur humain. Tout l’équipement ancien d’une demeure passe ainsi
dans le secteur de la curiosité. Dans quel mesure entre-il dans le patrimoine ? La destruction des
halles de Baltard pendant l’été 1970 a amené une prise de conscience patrimoniale mais après
coup. Le quartier du Marais est classé « secteur du Marais » ce qui est la première expérience de
secteur sauvegardé dans notre pays. Tout s’est passé comme si le sacrifice d’un des plus bels
exemples de la modernité de XIXe siècle, faisait entrer les autres sans grande difficulté dans le
domaine patrimonial.
La protection passe par la prise de conscience des autorités mais surtout par la
« protection naturelle » liée à la coutume, à l’attachement, à la conscience patrimoniale en ne
négligeant pas la prise en compte du contexte du monument. Le passage à l’ère post industrielle a
engendré le souci de limiter, corriger, inverser le effets négatifs de la croissance économique.
L’ampleur alors pris par la notion de patrimoine est lié à son appréhension facile comme pour la
notion d’écologie qui s’y substitue d’ailleurs dans certaines contrées.
L’effet pervers est que la dénomination de patrimoine est appliquée à des catégories d’objets si
diverses que cela engendre des difficultés pour définir à leur égard un comportement censé. La
destruction et la ruine de l’inutile est une loi de la nature. La culture intervient pour annuler ou
retarder cette loi, au nom d’impératifs plus élevés. Que deviendra, par exemple, l’immense parc
de chapelles et d’églises rurales, peu à peu privées du support naturel qu’est la présence de
fidèles ? Essentielles au paysage, elles ne devraient pas disparaître. Est-ce l’essentiel ?
Aujourd’hui, nous ne prenons connaissance du patrimoine que pour en être embarrassés. Dans
toutes sociétés, le patrimoine se reconnaît au fait que sa perte constitue un sacrifice et que sa
conservation supporte des sacrifices. C’est la loi de la sacralité.
Le détour par le savoir semble donc indispensable à toutes opérations positives.
Dans son extension récente, la notion a beaucoup évoluée. Depuis quelques décennies on insiste a
une véritable inflation de l'utilisation du mot patrimoine qui a contribué à créer un flou sur le sens
de cette notion. Dans son extension récente, elle semble devoir englober, non seulement certains
biens mais les facteurs dont dépend l'existence, voir même les conditions dont dépend l'existence
humaine (patrimoine naturel et surtout patrimoine génétique)
Le patrimoine a explosé dans tous les sens. En vingt ans à peine, il a quitté le bas de laine et le
« monument historique », l’église et le château, pour se réfugier au lavoir du village et dans un
refrain populaire. Il s’est échappé du notarial et de l’artistique pour envahir tous les domaines
dont il était précédemment exclu : le vécu traditionnel, le contemporain encore en usage et ,
même, la nature. Ne parle-t-on pas d’un patrimoine ethnologique, mais aussi génétique,
linguistique et, pourquoi pas, constitutionnel ?
Révolution silencieuse et pourtant décisive. On est passé d’un patrimoine étatique et national à
un patrimoine de type social et communautaire où se déchiffre une identité de groupe ; et, donc,
d’un patrimoine hérité à un patrimoine revendiqué. De matériel et visible, le patrimoine est
devenu invisible et symbolique, traces encore saisissables d’un passé définitivement mort, vestige
chargés d’un sens lourd, mais mystérieux. Bref, en passant, comme la relativité d’Einstein, d’un
régime restreint à une définition généralisée, le patrimoine a quitté son âge historique pour
entrer dans son âge mémoriel : le nôtre.
Pierre Nora
Mon patrimoine
L'histoire paraît cyclique. Les grands sanctuaires étaient pour la Chrétienté la preuve tangible et
nécessaire de son existence ; les pèlerinages y amenaient les fidèles de tous pays. Il existait ainsi
pour la conscience occidentale un ensemble privilégié, inaliénable, de patrimoine religieux. On
peut pense que les hauts lieux touristiques actuels ont pris le relais de cela dans la civilisation de
masse du XXe siècle. Le problème immédiat de cet engouement nouveau est lié au fait que
l'engouement touristique national ou international peut devenir destructeur de ces nouveaux lieux
de culte surtout dans les pays du sud.
La notion de "patrimoine mondial" mise en place en 1972 par l'UNESCO et formalisée par une
"convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel" visait à définir une
politique d'intervention commune et concertée sur des lieux et des édifices. Cependant la
confusion entre la notion de biens culturels et celle de biens patrimoniaux qui sont d'essences
différentes constitue un écueil pour une véritable sauvegarde surtout dans les pays du sud. Les
traditions et les coutumes, véritables charpentes de certaines de ces sociétés, n'impliquait pas un
ordre de symboles monumentaux comparable à celui des contrées occidentales. C'était une
question de dignité. On a donc trouvé des biens patrimoniaux artificiels pour des société dont les
biens culturels sont parfois totalement ignorés et voués à la disparition.
Si un certain attachement affectif nous relie aux édifices et aux objets qui ont eu leur raison
d'être dans un monde révolu, c'est peut-être que leur singularité est moins dans leur forme
matérielle que par ce qu'il représentent d'une activité passée. Ils s'imposent à nous comme la
matrice des signes et des symboles. Cette sacralisation obscure, la seule , sans doute qui soit
possible dans une époque d'agnosticisme implique que l'on doit distinguer au sujet du patrimoine,
non seulement les valeurs d'usage et d'échange mais aussi les valeurs symbole.
Selon un historien des musées américains, nous sommes en train de passer d'un âge de
construction et d'acquisition à un âge de préservation et d'appréciation.. Une possession plus
précise et plus limitée serait le nouveau mot d'ordre de notre temps pour le musée qui, avec son
extraordinaire développement dans presque tous les pays, représente en un sens, la fine fleur du
patrimoine.
Un des traits de l'époque est sans doute la lente réduction de la "privatisation" du patrimoine. La
notion de patrimoine a eu longtemps le sens de privation essentielle, avec des raisons explicites,
encore que très différentes de la tendance inverse d'aujourd'hui. Pour certaines catégories
sociales, la notion existait avec une signification étroite et précaire. La prise en compte de la
culture sous une forme officielle et dirigée par l'Etat à partir du siècle dernier ainsi que la
dégénérescence régionale liée à la politique centralisatrice n'a fait qu'accentuer dans les milieux
populaires le sentiment d'être en dehors du circuit du "patrimoine" vu comme un objet anonyme
maîtrisé par une minorité savante et distinguée des "Beaux-Arts".
On peut se demander si l'extension de la notion de patrimoine n'est pas en train d'aboutir à la
découverte soudaine de ces valeurs parmi ceux qui pouvaient s'en croire privés. Les outils du
grand père, naguère hors d'usage au grenier et recueillis par le conservateur des A.T.P., la grange
ou la chapelle photographiées par les agents de l'Inventaire général, sont ils encore les outils du
grand père ou la bâtisse d'antan ? Quelle métamorphose cachée ont-ils subie, quand on les
considère en famille après leur promotion ? Elément du patrimoine, l'objet change de nature et de
fonction. Il sert à autre chose. A quoi ? sinon à illustrer le patrimoine ? La revalorisation de ces
objets et de ces biens, autrefois condamnés à l'usure et à la disparition, peut-elle être acceptée par
tous ? Le patrimoine sera cerné à partir de pièces bien documentées et dûment clarifiées. Mais le
patrimoine est d'abord ce qui nous concerne. C'est une sorte de réserve d'énergies millénaires qui
ne compte que par une appropriation intime, une séduction et une saveur que le sommeil lourd
des choses au musée ne restitue pas à tout coup.
La mémoire triomphe moins dans la possession que dans la jouissance
"Ce que le fils désire oublier, c'est ce dont le petit fils cherche à se souvenir ? Hansen
Rupture et enchaînement sans fin des générations ; n'est-ce pas là le problème dernier du
patrimoine ?
INTRODUCTION :
LA NOTION DE PATRIMOINE
I)
POUR
UNE
PATRIMOINE
TYPOLOGIE
DU
II) L’EXTENSION DE LA NOTION DE
PATRIMOINE : l’exemple du patrimoine
industriel
III) UN PATRIMOINE EN EVOLUTION
CONSTANTE
IV) LES MONUMENTS HISTORIQUES
V) QUELLE(S) INTERVENTION(S) SUR
LE PATRIMOINE ?
VI) UN EXEMPLE DE RESTAURATION
POLEMIQUE : Le château de Falaise (14)
VII)
POUR
UNE
PROTECTION
RAISONNEE
DU
PATRIMOINE :
L’exemple de la ZPPAUP de Deauville (14)
VIII)
CULTURE ?
PATRIMOINE
TOURISME
ET
CONCLUSION :
ANCIENS OU MODERNES ?
Bibliographie :
Ce dossier documentaire est la compilation d’articles de journaux, de ‘extraits d’ouvrages, de
fiches pratiques portant sur le patrimoine. Son but et son utilité est de permettre d’appréhender,
grâce à des visions multiples et différentes, toutes les dimensions actuelles que recouvre la notion
de patrimoine. Il offre de plus une matière première documentaire pouvant être utilisée par les
enseignants avec leurs élèves lors d’un travail sur le patrimoine.
Sommaire
Introduction : la notion de patrimoine : résumé « libre » de l’article de référence de Jean Pierre
Babelon, André Chastel et Alain Erlande-Brandenburg, « La notion de patrimoine » paru dans la
Revue de l’art, n° 49, 1980
I)
II)
III)
IV)
V)
Pour une typologie du patrimoine
-article du Monde, « l’amnésie se développe en même temps que le patrimoine se
banalise »
- Régis Debray, Le monument ou la transmission comme tragédie, introduction
générale aux Entretiens du patrimoine 1998, Fayard 1999.
L’extension de la notion de patrimoine : l’exemple du patrimoine industriel
- article du Monde du 20 /09/1997, Défendre le patrimoine industriel, mémoire
sociale
- Entretiens du patrimoine 1998, synthèse de la communication de Pierre-Antoine
Gatier, La notion de monument peut-elle être appliquée au patrimoine industriel ?
- article du Monde du 20/09/1997, « La France éradique le souvenir de ses
activités défuntes », entretien avec Bernard André, chercheur.
Un patrimoine en constante évolution
- Entretiens du patrimoine 1998, synthèse de la communication de Christian
Bromberger, Les monuments ordinaires de la vie quotidienne.
- Entretiens du patrimoine 1998, synthèse de la communication de Marc Gauthier,
L’archéologie crée-t-elle des monuments ?
- Entretiens du patrimoine 1998, synthèse de la communication de Bernard
Sounia, L’inventaire du patrimoine ou le monument introuvable.
- Entretiens du patrimoine 1998, synthèse de la communication de Mounir
Bouchenaki et Laurent Levi-Strauss, La notion de monument dans les critères du
patrimoine mondial.
Journal officiel N° 2003-21, Liste ses immeubles protégés, année 2002
Les monuments historiques
- Ministère de la culture, fiche pratique N°1, Protéger un édifice au titre des
monuments historiques
- Ministère de la culture, fiche pratique N°13, Gérer un jardin remarquable
- Ministère de la culture, fiche pratique N°2, Créer un musée agrée par l’Etat
- Ministère de la culture, fiche pratique, les intervenants dans le domaine des
monuments historiques
- article de Ouest-France du 15/09/2004, Caen ; l’ex CCI peine à trouver des
enseignes
- article du Monde du 24/11/2004, La résurrection de la pierre de Caen, joyau des
cathédrales.
Quelles interventions sur le patrimoine ?
- article du Monde, Les restaurateurs sont de plus en plus critiqués
- article du Monde, Fresques et peinture, les puzzles du sauvetage après
catastrophe
VI)
Un exemple de restauration polémique : le château de Falaise
- article de L’express du 26/11/1996, Malaise à Falaise
- article du Moniteur architecture, N° 59, mars 1995, Donjons restaurés de
Falaise, Bruno Decaris
- article de Momus d Novembre 1996, Falaise « Fuck le mur », par Edward Impey
- article du Bulletin monumental, février 1997, la restauration du château de
Falaise, Jean Mesqui.
- dossier de presse
VII) Pour une protection raisonnée du patrimoine : l’exemple de la ZPPAUP de Deauville
- plaquette du minitère de l’équipement, des transports et du tourisme
- plaquette de la ville de Deauville, Création d’une ZPPAUP, 2003
VIII) Culture, tourisme et patrimoine
- extrait de, La France du patrimoine, Marie-Anne Sire, Collection Découverte
Gallimard N°291, Les monuments les plus visités.
- article du Monde du 20/09/1997, Philippe Mairot, « passeur du passé » franccomtois.
- article du monde du 20/09/1997, La tradition érigée en fonds de commerce.
Extrait de, Le marketing du patrimoine culturel, Alain Henriet et Nicole Pellegrin,
Dossier d’experts, la lettre du cadre territorial.
- Communiqué de presse, ministère de la culture, septembre 2004
Conclusion : Anciens ou modernes ?
- article du Monde du 19/09/1998, Le patrimoine face aux legs du XXe siècle.
Bibliographie
Documents rassemblés par Didier Savary, Professeur d’histoire, géographie et histoire des
arts au lycée Jean Rostand à Caen, professeur relais du service éducatif du service régional
de l’Inventaire en Basse-Normandie et professeur relais académique « patrimoine » pour
l’académie de Caen.