L`insertion des jeunes dans le marché du travail
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L`insertion des jeunes dans le marché du travail
Colloque « Main-d’œuvre: le Québec face à ses pénuries », organisé par l’IRÉC Montréal, le 11 mai 2010 Les jeunes Québécois: situation sur le marché de l’emploi, valeurs au travail et attitudes par rapport aux normes managériales Mircea Vultur Observatoire Jeunes et Société Plan de la présentation I) La situation des jeunes sur le marché de l’emploi II) Les valeurs et les aspirations au travail III) Les attitudes à l’égard des normes managerielles IV) Conclusion I) La situation des jeunes sur le marché de l’emploi 1. Quelques phénomènes qui marquent la structure et le fonctionnement du marché de l’emploi au Québec 1.1. L’ouverture forte du marché de l’emploi 1.2. La modification de la structure des emplois et de la composition des catégories socioprofessionnelles et une importance accrue des professions à fort contenu de connaissance et savoir 1.3. L’hétérogénéité croissante du travail qui se manifeste notamment dans l’augmentation du travail atypique 1.4. La transformation du temps de travail 2. Quelques phénomènes qui marquent la situation des jeunes sur le marché de l’emploi 2.1 La forte progression de la participation des jeunes au marché du travail 2.2 La diminution du taux et de la durée du chômage et une forte mobilité professionnelle 2.3 Le rôle croissant de l’expérience dans le processus d’insertion professionnelle et la dissociation de plus en plus prononcée entre formation et emploi 2.4 L’importance prise par l’emploi atypique dans le parcours professionnel des jeunes et le passage d’une logique « relationnelle » à une logique « transactionnelle » dans leur rapport à l’entreprise 2. 1. La participation des jeunes au marché du travail • L’ouverture forte du marché du travail au Québec a permis aux jeunes d’être fortement présents dans la population active (même si, en termes absolus, leur nombre a diminué). À partir de 2003, les 15 à 29 ans enregistrent leur plus haut taux d’activité des trente dernières années (qui s’établit à une valeur qui avoisine les 74 %). • Le taux d’emploi des jeunes a atteint lui aussi des niveaux record. Chez les 15 à 19 ans et les 20 à 24 ans, les sommets enregistrés sont respectivement de 44,7 % en 2007 et de 72,2 % en 2005. Pour les 25 à 29 ans, le taux d’emploi augmente de manière constante depuis le milieu des années 1990, atteignant un niveau de 80,7 % en 2007. Taux d'activité des jeunes Québécois, par groupe d'âge, les deux sexes, 1976-2008 (en %) 90 80 70 60 50 40 15 à 19 ans 15 à 24 ans 30 20 à 24 ans 15 à 29 ans 25 à 29 ans 2008 2006 2004 2002 2000 1998 1996 1994 1992 1990 1988 1986 1984 1982 1980 1978 1976 20 2.2 Le chômage Depuis le début des années 2000, les jeunes Québécois affichent les taux de chômage les plus faibles des trente dernières années, et ce, même s’ils sont plus présents dans la population active. En 2008, les 15-24 ans affichaient un taux de chômage de 12,1%. Taux de chômage des 15-29 ans et variation annuelle du PIB, les deux sexes, Québec, 1983-2007 25% 20% Variation annuelle du PIB Taux de chômage des 15 à 29 ans 20% 15% 2007 2005 2003 2001 1999 1997 -5% 1995 0% 1993 0% 1991 5% 1989 5% 1987 10% 1985 10% 1983 15% Le phénomène du chômage touche les jeunes dans une proportion supérieure à celle de l’ensemble de la population active (12,1% par rapport à 7,2% en 2008). Attirés par un marché du travail dynamique, les jeunes de 15 à 24 ans sans expérience ont été plus nombreux à se joindre à la population active, mais ils se retrouvent plus fortement en chômage. Cette situation n’est pas sans lien avec le changement des critères de recrutement de la main-d’œuvre par les entreprises et notamment avec le rôle primordial accordé à l’expérience qui s’impose de plus en plus comme une « compétence naturalisée ». Un chômage qui touche plus fortement les jeunes sans expérience Taux de chômage et part des chômeurs non expérimentés, les deux sexes, Québec, 1976-2007 30% Part des chômeurs non expérimentés Taux de chômage des 15 à 24 ans Taux de chômage des 25 à 64 ans 25% 20% 15% 10% 5% 2006 2004 2002 2000 1998 1996 1994 1992 1990 1988 1986 1984 1982 1980 1978 1976 0% Cependant, si le phénomène du chômage touche les jeunes dans une proportion supérieure à celle de l’ensemble de la population active, cette situation est palliée par un certain avantage relatif à l’employabilité; les durées de chômage des jeunes sont inférieures à celles des adultes, ce qui a comme conséquence que les jeunes sont surreprésentés dans les emplois de courte durée. Ces phénomènes se sont amplifiés au cours des derrières années. À titre d’exemple, au Québec, autant pour les jeunes que pour les adultes, la durée moyenne du chômage s’est contractée de façon forte entre 1996 et 2007, passant de seize à neuf semaines chez les 15 à 24 ans, qui n’ont jamais été aussi peu longtemps en chômage. É v o lu tio n d e la d u ré e m o ye n n e d u c h ô m a g e p a r g ro u p e d 'â g e , Q u é b e c , 1 9 7 6 -2 0 0 7 (e n n o m b re d e s e m a in e s ) 35 30 25 20 15 10 15 à 24 ans 5 25 à 64 ans 0 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 Une mobilité professionnelle forte • Si les jeunes sont des chômeurs de courte durée, il s’ensuit, conséquemment, qu’ils changent aussi très souvent d’emplois, et ce, particulièrement dans les périodes de bonne conjoncture comme celle observée au Québec depuis 1996. À cet égard, les données de l’Institut de la statistique du Québec montrent que plus de la moitié des jeunes détiennent le même emploi pendant moins d’un an et environ 20 % des 15 à 24 ans occupent le même emploi pendant moins de quatre mois. Les changements d’entreprises d’une année à l’autre sont aussi supérieurs à la moyenne et le temps durant lequel un jeune garde un emploi a diminué. En moyenne, les 15-24 ans affichaient en 2007 la durée d’emploi la plus faible de 1,5 ans. Entre 1976 et 2005, la durée moyenne d’un emploi chez les 20 à 24 ans est passée de 25,3 mois à 21,6 mois, tandis que chez les 25 à 29 ans, cette durée a diminué de 7 mois, passant de 4 ans en 1976 à 3 ans et 4 mois en 2005. De même, la mobilité professionnelle est en hausse: une mobilité non seulement intersectorielle mais aussi intrasectorielle qui résulte, entre autres, de l’apparition des emplois sans métier, sans reconnaissance professionnelle claire, comme les emplois du secteur commercial ou des services. 2. 3. Le rôle croissant de l’expérience et la dissociation formationemploi Au cours des dernières années, l’expérience est devenue le critère le plus important dans le recrutement de la main-d’œuvre jeune. La présence de cet élément dans le profil des jeunes qui entrent sur le marché du travail fait diminuer le risque du chômage et augmente leurs chances d’avoir un emploi. Cette situation ne fait pas disparaître les différences induites par le niveau de formation parce que le chômage des non diplômés est supérieur à la moyenne. On observe toutefois une perte progressive de la valeur des diplômes à mesure que s’accroît l’ancienneté d’un jeune sur le marché du travail et ce phénomène s’accompagne d’une détérioration relative de la position des plus diplômés sur le marché de l’emploi. Certains domaines professionnels ont un lien formation-emploi fort, d’autres plus flou et c’est cette dernière tendance qui s’amplifie de plus en plus. Les données de l’Enquête nationale auprès de diplômés montrent ainsi que si 54% des diplômés universitaires travaillent dans un domaine qu’ils considèrent ayant un lien fort avec leurs études, 21% ne voient qu’un lien faible et 25% ne voient aucun lien. Des cas de figure que j’ai rencontrés dans mes recherches comme celui d’un diplômé de maîtrise en poésie chinoise qui travaille dans le service de marketing d’une entreprise d’informatique ou celui d’une diplômée en études hispaniques qui occupe un poste de coordonatrice de la logistique dans une entreprise de transport sont également illustratifs de cette tendance; ils soulèvent des questionnements relatifs au postulat de l’adéquation formation/emploi et impliquent la prise en compte d’un nouveau paradigme, celui « de la convenance ». À la différence de celui de l’adéquation, ce paradigme postule que chaque formation donne, en principe, les compétences qui permettent de postuler plusieurs emplois et que chaque emploi peut être pourvu efficacement avec des diplômés issus de formations différentes. 2. 4. L’importance du travail atypique dans le parcours professionnel des jeunes Il faut souligner l’importance de l’emploi atypique (emploi à temps partiel et temporaire, travail autonome, emplois multiples, etc.) qui touche actuellement 37% des travailleurs québécois et représente plus de 50% des emplois détenus chez les 15-29. L’émergence de ces nouvelles formes d’emploi constitue une des tendances les plus marquantes des vingt dernières années. Ces formes de travail qui se diffusent notamment par le biais des nouveaux entrants sur le marché du travail sont non seulement devenues numériquement importantes, mais elles constituent, pour plusieurs personnes et notamment pour une grande partie des jeunes qui accèdent à l’emploi, leur façon de participer au marché du travail durant une large partie de leur vie active, sinon durant la totalité de celle-ci. Taux d'e m ploi à te m ps par tie l de s je une s Qué bé cois , par gr oupe d'âge , le s de ux s e xe s , 1976-2008 (e n %) 45 15 à 19 ans 40 20 à 24 ans 35 25 à 29 ans 30 25 20 15 10 2006 2003 2000 1997 1994 1991 1988 1985 1982 1979 0 1976 5 Notons que l’émergence de diverses formes d’emploi atypiques n’est pas équivalente à la précarisation de la main-d’œuvre jeune. L’expansion du travail à temps partiel par exemple, s’est faite sous sa forme choisie et non subie et les chiffres sont illustratifs à cet égard : entre 1997 et 2005, l’emploi à temps partiel choisi a augmenté de 23,3% à 28%, tandis que l’emploi à temps partiel involontaire à diminué de 36,5% à 25,7%. Il y a plus d’individus qui travaillent à temps partiel par choix (28%) que d’individus qui occupent ce type d’emploi de manière involontaire (25,7%). II) LES VALEURS ET LES ASPIRATIONS AU TRAVAIL DES JEUNES QUÉBECOIS Deux questions: Quelle est l’importance que les jeunes Québécois accordent au travail? Pourquoi travaillent-ils? Deux dimensions d’analyse : • a) la valeur accordée au travail, c’est-à-dire i) l’importance que revêt le travail dans la vie des jeunes et ii) son degré de centralité par rapport aux autres domaines de la vie (vie de couple et vie familiale, loisirs et amis, engagements sociaux et communautaires, etc.). • b) les finalités du travail, c’est-à-dire i) la signification explicite accordée au travail — soit les principales raisons pour lesquelles un jeune travaille (finalité vécue) — et ii) le modèle idéal de travail tel qu’il est exprimé par la voie des aspirations (finalité souhaitée). • Données : enquête quantitative réalisée au Québec en 20062007 sous la direction de D. Mercure et M. Vultur et avec la participation de C. Fleury dans le cadre d’un projet CRSH. – Population active âgée de 18 ans et plus et n’étudiant pas à temps plein – Échantillon représentatif de 1000 personnes – Questionnaire téléphonique – Taux de réponse : 45% – Marge d’erreur : 3,1%, 19 fois sur 20. Niveau d’importance accordée au travail par la population active québécoise âgée entre 18 et 34 ans Parmi les moins importantes; 1,6% La plus importante; 6,2% Plus ou moins importante; 30,3% Parmi les plus importantes; 61,9% Les réponses relatives à la valeur accordée au travail dans la vie en général montrent que le travail occupe une place importante dans l’univers des valeurs des jeunes. Ce sont en effet presque trois jeunes sur quatre (61,9 %) qui ont jugé le travail au moins parmi les valeurs les plus importantes de leur vie en général, alors que moins de 2 % l’ont jugé parmi les valeurs les moins importantes. Une proportion de 6,2 % de la population des jeunes Québécois visés par l’enquête considère le travail comme la valeur la plus importante de leur vie. Comparaison jeunes/adultes Im p o r t a n c e ( a s b o lu e e t r e la t iv e ) d u t r a v a il s e lo n l'â g e a u s e in d e la p o p u la t io n a c t iv e q u é b é c o is e ( e n % ) 80 70 60 40 30 20 10 A b s o lu e R e la t iv e Im p o r t a n c e d u t r a v a il 18-34 ans 3 5 a n s e t p lu s 4e rang 3e rang 2e rang 1er rang importantes moins importantes Parmi les plus Parmi les importante 0 La plus % 50 Hiérarchisation des différentes sphères de la vie par la population active québécoise âgée de 18 à 34 ans 100% 4,4% 10,6% 11,7% 90% 80% 15,1% 46,2% 34,1% 70% 60% 82,4% 50% 40% 72,8% 42,3% 30% 36,6% 20% 9,1% 10% 11,9% 12,8% 6,0% Travail et vie professionnelle Loisirs et amis Engagements sociaux et communautaires 0% Vie de couple et vie familiale Sphères de la vie 1ere place 2e place 3e place 4e place Alors que près de 73 % des jeunes déclarent que la vie de couple et la vie familiale constituent la sphère la plus importante de leur vie, ce ne sont que 11,9 % qui en font autant pour le travail. En revanche, le travail se retrouve plus souvent au deuxième rang, près de 42,3 % des répondants le classant ainsi, comparativement à un peu moins de 36,6 % pour les loisirs et les amis. Si une grande majorité de jeunes dénient donc au travail la première place dans leur vie, essentiellement au bénéfice de la vie de couple et de la vie familiale, il est très rare toutefois de le retrouver au dernier rang, seulement 11 % de l’ensemble des répondants l’ayant classé ainsi. Signification principale du travail chez la population active québécoise âgée de 18 à 34 ans Servir la société; 9,7% Réalisation personnelle; 33,8% Reconnaissance et prestige; 10,3% Argent; 38,7% Sociabilité; 7,5% Pour plus de quatre jeunes sur dix (38,7 %), le travail a d’abord une finalité instrumentale de type économique (l’argent dont j’ai besoin) ; c’est la finalité que les jeunes travailleurs accordent le plus fréquemment au travail. Celle-ci est suivie par des finalités qui privilégient davantage la nature de l’expérience vécue au travail, au premier rang desquelles se trouve la finalité marquée par le développement personnel, à savoir la réalisation de soi (33,8 %), puis par différentes autres finalités attentives à l’expérience vécue au travail mais qui comportent des dimensions « collectives » plus accentuées, notamment entretenir des liens avec d'autres personnes (7,5 %), faire œuvre d’utilité envers la société (9,7 %) et enfin la reconnaissance et sa résultante, le prestige au travail et à l’extérieur du travail (10,3 %). Comparaison jeunes/adultes S ig n ific a ti o n p r in c ip a le 1 8 -3 4 a n s 3 5 a n s e t p lu s Servir société personnelle Réalisation Contact 0 5 0 5 0 5 0 5 0 5 0 Argent 5 4 4 3 3 2 2 1 1 Reconnaissance % S ig n i fic a tio n p r i n ic i p a le d u tr a v a il se lo n l 'â g e a u s e i n d e l a p o p u l a ti o n a c ti v e q u é b é c o ise Aspirations professionnelles de la population active québécoise âgée de 18 à 34 ans 100% 5,4 3,6 11,3 10,0 9,1 7,3 26,5 80% 34,3 31,3 33,0 34,0 47,5 47,5 39,0 57,7 53,1 60% 48,8 40% 65,3 66,3 63,6 60,6 51,8 49,0 41,2 20% 36,9 35,0 Relations sociales Contenu Très important Conditions liées au confort Assez important Promotions Salaire Sécurité Charge Horaire Réalisation Intérêt Collègues Ambiance 0% Autonomie 24,7 Conditions matérielles Peu ou pas important Les caractéristiques que les jeunes considèrent les plus importantes au moment de choisir un emploi sont, dans l’ordre, de bonnes relations avec les collègues de travail (66,3 %), une ambiance de travail agréable (65,3 %) une tâche intéressante (63,6 %) et qui favorise la réalisation personnelle (60,6 %), un bon degré d’autonomie (41,2 %) et un horaire de travail raisonnable (49 %). On note que 26,5 % des jeunes accordent peu ou pas d’importance aux possibilités de promotion, et presque autant considèrent la présence de telles possibilités comme très importante (24,7 %). Bien qu’assez valorisées, les conditions matérielles (sécurité, salaire, promotion) viennent généralement à la toute fin, les répondants accordant à ces items les niveaux d’importance les plus faibles parmi l’éventail de choix : seulement 51,8 % des jeunes jugent la sécurité d’emploi très importante au moment de choisir un emploi, tandis que, pour le salaire, ce taux n’est que de 35 %. III) Les attitudes des jeunes à l’égard des normes managerielles • Dans quelle mesure les jeunes Québécois adhèrent-ils aux normes managerielles en cours, dont les trois plus importantes sont la valorisation du travail, la quête de flexibilité et la mobilisation des travailleurs ? • Afin de connaître le niveau d’adhésion des jeunes travailleurs québécois à ces normes, nous leur avons demandé de se positionner par rapport à un certain nombre d’entre elles. Ils devaient ainsi nous indiquer leur degré d’accord ou de désaccord avec sept propositions regroupées en trois thèmes, à savoir : - l’engagement envers le travail et les objectifs poursuivis par l’employeur - l’adhésion aux nouveaux objectifs de flexibilité des entreprises - l’investissement de ressources personnelles que l’employé est disposé à consentir aux fins de son travail. Engagement Niveau d'appui à différentes normes managerielles au sein de la population active québécoise âgée de 18 à 34 ans 42,7 Employeur 47,2 Travail Flexibilité Responsabilité sécurité Investissement personnel Disponibilité 0% 35,6 20% 24,0 60% 11,6 14,3 32,0 40% 7,3 15,9 43,8 8,0 5,3 18,8 45,0 17,9 6,3 16,5 44,6 27,5 Formation 12,6 43,7 29,3 Rémunération rendement 8,5 33,9 34,5 Polyvalence Normes 46,7 24,4 80% 100% Tout à fait d'accord D'accord Plutôt en désaccord Tout à fait en désaccord • • • On constate que, de manière générale, les jeunes jugent positivement la plupart des normes managerielles associées au travail. Ce sont les normes liées à l’engagement envers les objectifs des employeurs, puis celles envers le travail, qui récoltent les plus hauts niveaux d’adhésion : près de neuf répondants sur dix (89,4%) se disent tout à fait d’accord ou d’accord avec les premières, et près de huit sur dix (81,1%) avec les secondes. L’appui aux normes de flexibilité est également élevé : près de trois répondants sur quatre se disent d’accord avec les énoncés liés à la polyvalence (78,2%), à la responsabilité individuelle en matière de sécurité et d’avenir professionnel (73,9%) et à la rémunération au rendement (72,5%). Toutefois, les jeunes sont moins enclins à appuyer les normes qui exigent un plus haut niveau d’investissement de leurs ressources personnelles aux fins de leur travail. Ils se montrent aussi moins favorables à l’idée d’investir leur temps et argent personnels pour se former et maintenir leurs compétences à jour et ils le sont encore moins lorsqu’il s’agit de travailler en dehors des heures régulières de travail sans rémunération supplémentaire. Dans ce dernier cas, si 43,6 % des jeunes se disent tout à fait d’accord ou en accord avec une telle exigence, 24,4 % refusent fermement cette exigence et 32 % sont plutôt en désaccord avec celle-ci. • L’adhésion aux exigences du nouveau modèle productif est élevée et certains piliers traditionnels du système fordiste, parmi lesquels la sécurité d’emploi, semblent remis en question. • Les objectifs de flexibilité des entreprises sont largement partagés par les jeunes qui intègrent progressivement dans leur système de valeurs et leurs pratiques les mécanismes de fonctionnement actuel du marché du travail. • Toutefois la distance entre la vie privée et le travail demeure assez affirmée comme le montre l’adhésion plutôt mitigée à l’exigence de se rendre disponible en dehors des heures habituelles de travail et d’investir son temps personnel en vue d’accroître sa formation. La forte relation d’interdépendance entre travail et famille, plus particulièrement la quête d’équilibre entre les sphères de la vie, explique vraisemblablement le positionnement plutôt négatif des jeunes par rapport aux exigences en question du nouveau modèle productif. Conclusion Au cours de la dernière décennie, les indicateurs du marché du travail ont évolué de manière positive pour les jeunes. Ils sont plus présents sur le marché du travail et leur taux d’emploi est élevé. Le taux et la durée du chômage ont atteint des niveaux très bas. Plusieurs autres éléments peuvent être remarqués, notamment, une forte mobilité professionnelle, une dissociation entre formation et emploi et un rôle croissant de l’expérience dans le processus d’insertion professionnelle. • Sur le plan des valeurs au travail, la thèse, de plus en plus répandue, selon laquelle le travail est une valeur en déperdition chez les jeunes ne correspond pas à la réalité des faits. Le travail occupe toujours une place importante dans l’univers des valeurs des jeunes. Plus de 60 % des jeunes travailleurs québécois considèrent le travail au moins parmi les valeurs les plus importantes de leur vie en général, alors que moins de 2% le considèrent parmi les valeurs les moins importantes. • C’est cependant la quête d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée qui est revendiquée ou vécue avec une très grande intensité par les jeunes travailleurs. Il s’agit d’une tendance lourde qui est explicitement exprimée par la grande majorité des jeunes. Cet aspect me semble être l’un des grandes défis que doivent affronter les entreprises. Le taux d’adhésion des jeunes aux nouvelles normes managerielles est très élevé, comme l’illustre le taux d’adhésion global aux objectifs de polyvalence ainsi que l’acceptation par la grande majorité des jeunes travailleurs des principes de la rémunération au rendement et de la responsabilité individuelle en matière de sécurité d’emploi et d’avenir professionnel. Les jeunes travailleurs acceptent en grande majorité qu’une partie de leur rémunération soit liée à leur rendement au travail, et considèrent qu’il devrait être de leur responsabilité, et non de celle de leur employeur, d’assurer la sécurité de leur emploi et de leur avenir professionnel. Cette situation constitue une remise en question d’importants piliers traditionnels du rapport salarial fordiste. La prégnance de telles attitudes est évidemment de nature à susciter certaines réflexions notamment dans le monde syndical. Références bibliographiques et sources des données (pour aller plus loin…) • • • • • • • Mercure, Daniel et Mircea Vultur, La signification du travail. Nouveau modèle productif et ethos du travail au Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Sociologie contemporaine », 2010 (sous presse) Vultur, Mircea et Daniel Mercure (dir.), Perspectives internationales sur le travail des jeunes, Presses de l’Université Laval, coll. « Sociologie contemporaine », 2010 (sous presse) Papinot, Christian et Mircea Vultur (dir.), Les jeunesses au travail. Regards croisés France-Québec, Presses de l’Université Laval, coll. «Regards sur la jeunesse du monde», série « Analyses et essais », 2010 (sous presse). Bourdon, Sylvain et Mircea Vultur (dir.), Les jeunes et le travail, Presses de l’Université Laval, coll. «Regards sur la jeunesse du monde», série « Analyses et essais », 2007. • Legris, Richard, Guylaine Baril, Catherine Ouellet, « Les jeunes Québécois et le marché du travail », dans Vultur et Mercure (dir.), op. cit. • Fleury, Charles, « L’orientation au travail des jeunes Québécois », dans Vultur et Mercure (dir.), op. cit. • Bernier, Jean, « Les jeunes et les syndicats au Québec: une analyse des disparités de traitement dans les conventions collectives », dans Vultur et Mercure (dir.), op. cit. • • • • Statistique Canada, Enquête sur la population active Mercure, Daniel et Mircea Vultur (coord.), Enquête nationale sur l’ethos du travail au Québec MERCI!