L`insertion des jeunes dans le marché du travail

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L`insertion des jeunes dans le marché du travail
Colloque « Main-d’œuvre: le Québec face à ses pénuries », organisé par l’IRÉC
Montréal, le 11 mai 2010
Les jeunes Québécois:
situation sur le marché de l’emploi,
valeurs au travail et
attitudes par rapport aux normes managériales
Mircea Vultur
Observatoire Jeunes et Société
Plan de la présentation
I) La situation des jeunes sur le marché de l’emploi
II) Les valeurs et les aspirations au travail
III) Les attitudes à l’égard des normes managerielles
IV) Conclusion
I) La situation des jeunes sur le marché de l’emploi
1. Quelques phénomènes qui marquent la structure et le
fonctionnement du marché de l’emploi au Québec
1.1. L’ouverture forte du marché de l’emploi
1.2. La modification de la structure des emplois et de la composition
des catégories socioprofessionnelles et une importance accrue des
professions à fort contenu de connaissance et savoir
1.3. L’hétérogénéité croissante du travail qui se manifeste notamment
dans l’augmentation du travail atypique
1.4. La transformation du temps de travail
2. Quelques
phénomènes qui marquent la situation des jeunes sur
le marché de l’emploi
2.1 La forte progression de la participation des jeunes au marché du travail
2.2 La diminution du taux et de la durée du chômage et une forte mobilité professionnelle
2.3 Le rôle croissant de l’expérience dans le processus d’insertion professionnelle et la
dissociation de plus en plus prononcée entre formation et emploi
2.4 L’importance prise par l’emploi atypique dans le parcours professionnel des jeunes et
le passage d’une logique « relationnelle » à une logique « transactionnelle » dans leur
rapport à l’entreprise
2. 1. La participation des jeunes au marché du travail
•
L’ouverture forte du marché du travail au Québec a permis aux jeunes d’être fortement présents
dans la population active (même si, en termes absolus, leur nombre a diminué). À partir de 2003,
les 15 à 29 ans enregistrent leur plus haut taux d’activité des trente dernières années (qui s’établit
à une valeur qui avoisine les 74 %).
•
Le taux d’emploi des jeunes a atteint lui aussi des niveaux record. Chez les 15 à 19 ans et les 20 à
24 ans, les sommets enregistrés sont respectivement de 44,7 % en 2007 et de 72,2 % en 2005.
Pour les 25 à 29 ans, le taux d’emploi augmente de manière constante depuis le milieu des
années 1990, atteignant un niveau de 80,7 % en 2007.
Taux d'activité des jeunes Québécois, par groupe d'âge,
les deux sexes, 1976-2008 (en %)
90
80
70
60
50
40
15 à 19 ans
15 à 24 ans
30
20 à 24 ans
15 à 29 ans
25 à 29 ans
2008
2006
2004
2002
2000
1998
1996
1994
1992
1990
1988
1986
1984
1982
1980
1978
1976
20
2.2 Le chômage
Depuis le début des années 2000, les jeunes Québécois affichent
les taux de chômage les plus faibles des trente dernières années, et
ce, même s’ils sont plus présents dans la population active. En 2008,
les 15-24 ans affichaient un taux de chômage de 12,1%.
Taux de chômage des 15-29 ans et variation annuelle du PIB,
les deux sexes, Québec, 1983-2007
25%
20%
Variation annuelle du PIB
Taux de chômage des 15 à 29 ans
20%
15%
2007
2005
2003
2001
1999
1997
-5%
1995
0%
1993
0%
1991
5%
1989
5%
1987
10%
1985
10%
1983
15%
Le phénomène du chômage touche les jeunes dans une proportion
supérieure à celle de l’ensemble de la population active (12,1% par
rapport à 7,2% en 2008). Attirés par un marché du travail
dynamique, les jeunes de 15 à 24 ans sans expérience ont été plus
nombreux à se joindre à la population active, mais ils se retrouvent
plus fortement en chômage. Cette situation n’est pas sans lien avec
le changement des critères de recrutement de la main-d’œuvre par
les entreprises et notamment avec le rôle primordial accordé à
l’expérience qui s’impose de plus en plus comme une « compétence
naturalisée ».
Un chômage qui touche plus fortement les jeunes sans expérience
Taux de chômage et part des chômeurs non expérimentés,
les deux sexes, Québec, 1976-2007
30%
Part des chômeurs non expérimentés
Taux de chômage des 15 à 24 ans
Taux de chômage des 25 à 64 ans
25%
20%
15%
10%
5%
2006
2004
2002
2000
1998
1996
1994
1992
1990
1988
1986
1984
1982
1980
1978
1976
0%
Cependant, si le phénomène du chômage touche les jeunes dans
une proportion supérieure à celle de l’ensemble de la population
active, cette situation est palliée par un certain avantage relatif à
l’employabilité; les durées de chômage des jeunes sont inférieures à
celles des adultes, ce qui a comme conséquence que les jeunes
sont surreprésentés dans les emplois de courte durée. Ces
phénomènes se sont amplifiés au cours des derrières années. À titre
d’exemple, au Québec, autant pour les jeunes que pour les adultes,
la durée moyenne du chômage s’est contractée de façon forte entre
1996 et 2007, passant de seize à neuf semaines chez les 15 à 24
ans, qui n’ont jamais été aussi peu longtemps en chômage.
É v o lu tio n d e la d u ré e m o ye n n e d u c h ô m a g e
p a r g ro u p e d 'â g e , Q u é b e c , 1 9 7 6 -2 0 0 7
(e n n o m b re d e s e m a in e s )
35
30
25
20
15
10
15 à 24 ans
5
25 à 64 ans
0
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
Une mobilité professionnelle forte
•
Si les jeunes sont des chômeurs de courte durée, il s’ensuit, conséquemment, qu’ils changent
aussi très souvent d’emplois, et ce, particulièrement dans les périodes de bonne conjoncture
comme celle observée au Québec depuis 1996. À cet égard, les données de l’Institut de la
statistique du Québec montrent que plus de la moitié des jeunes détiennent le même emploi
pendant moins d’un an et environ 20 % des 15 à 24 ans occupent le même emploi pendant moins
de quatre mois. Les changements d’entreprises d’une année à l’autre sont aussi supérieurs à la
moyenne et le temps durant lequel un jeune garde un emploi a diminué. En moyenne, les 15-24
ans affichaient en 2007 la durée d’emploi la plus faible de 1,5 ans. Entre 1976 et 2005, la durée
moyenne d’un emploi chez les 20 à 24 ans est passée de 25,3 mois à 21,6 mois, tandis que chez
les 25 à 29 ans, cette durée a diminué de 7 mois, passant de 4 ans en 1976 à 3 ans et 4 mois en
2005. De même, la mobilité professionnelle est en hausse: une mobilité non seulement
intersectorielle mais aussi intrasectorielle qui résulte, entre autres, de l’apparition des emplois sans
métier, sans reconnaissance professionnelle claire, comme les emplois du secteur commercial ou
des services.
2. 3. Le rôle croissant de l’expérience et la dissociation formationemploi
Au cours des dernières années, l’expérience est devenue le critère
le plus important dans le recrutement de la main-d’œuvre jeune. La
présence de cet élément dans le profil des jeunes qui entrent sur le
marché du travail fait diminuer le risque du chômage et augmente
leurs chances d’avoir un emploi. Cette situation ne fait pas
disparaître les différences induites par le niveau de formation parce
que le chômage des non diplômés est supérieur à la moyenne. On
observe toutefois une perte progressive de la valeur des diplômes à
mesure que s’accroît l’ancienneté d’un jeune sur le marché du travail
et ce phénomène s’accompagne d’une détérioration relative de la
position des plus diplômés sur le marché de l’emploi.
Certains domaines professionnels ont un lien formation-emploi fort, d’autres plus flou
et c’est cette dernière tendance qui s’amplifie de plus en plus. Les données de
l’Enquête nationale auprès de diplômés montrent ainsi que si 54% des diplômés
universitaires travaillent dans un domaine qu’ils considèrent ayant un lien fort avec
leurs études, 21% ne voient qu’un lien faible et 25% ne voient aucun lien. Des cas de
figure que j’ai rencontrés dans mes recherches comme celui d’un diplômé de maîtrise
en poésie chinoise qui travaille dans le service de marketing d’une entreprise
d’informatique ou celui d’une diplômée en études hispaniques qui occupe un poste de
coordonatrice de la logistique dans une entreprise de transport sont également
illustratifs de cette tendance; ils soulèvent des questionnements relatifs au postulat de
l’adéquation formation/emploi et impliquent la prise en compte d’un nouveau
paradigme, celui « de la convenance ». À la différence de celui de l’adéquation, ce
paradigme postule que chaque formation donne, en principe, les compétences qui
permettent de postuler plusieurs emplois et que chaque emploi peut être pourvu
efficacement avec des diplômés issus de formations différentes.
2. 4. L’importance du travail atypique dans le parcours professionnel des
jeunes
Il faut souligner l’importance de l’emploi atypique (emploi à temps
partiel et temporaire, travail autonome, emplois multiples, etc.) qui
touche actuellement 37% des travailleurs québécois et représente
plus de 50% des emplois détenus chez les 15-29. L’émergence de
ces nouvelles formes d’emploi constitue une des tendances les plus
marquantes des vingt dernières années. Ces formes de travail qui se
diffusent notamment par le biais des nouveaux entrants sur le
marché du travail sont non seulement devenues numériquement
importantes, mais elles constituent, pour plusieurs personnes et
notamment pour une grande partie des jeunes qui accèdent à
l’emploi, leur façon de participer au marché du travail durant une
large partie de leur vie active, sinon durant la totalité de celle-ci.
Taux d'e m ploi à te m ps par tie l
de s je une s Qué bé cois ,
par gr oupe d'âge , le s de ux s e xe s ,
1976-2008 (e n %)
45
15 à 19 ans
40
20 à 24 ans
35
25 à 29 ans
30
25
20
15
10
2006
2003
2000
1997
1994
1991
1988
1985
1982
1979
0
1976
5
Notons que l’émergence de diverses formes d’emploi atypiques n’est
pas équivalente à la précarisation de la main-d’œuvre jeune.
L’expansion du travail à temps partiel par exemple, s’est faite sous
sa forme choisie et non subie et les chiffres sont illustratifs à cet
égard : entre 1997 et 2005, l’emploi à temps partiel choisi a
augmenté de 23,3% à 28%, tandis que l’emploi à temps partiel
involontaire à diminué de 36,5% à 25,7%. Il y a plus d’individus qui
travaillent à temps partiel par choix (28%) que d’individus qui
occupent ce type d’emploi de manière involontaire (25,7%).
II) LES VALEURS ET LES ASPIRATIONS AU TRAVAIL DES
JEUNES QUÉBECOIS
Deux questions:
Quelle est l’importance que les jeunes Québécois accordent au travail?
Pourquoi travaillent-ils?
Deux dimensions d’analyse :
• a) la valeur accordée au travail, c’est-à-dire i) l’importance que revêt le
travail dans la vie des jeunes et ii) son degré de centralité par rapport aux
autres domaines de la vie (vie de couple et vie familiale, loisirs et amis,
engagements sociaux et communautaires, etc.).
•
b) les finalités du travail, c’est-à-dire i) la signification explicite accordée au
travail — soit les principales raisons pour lesquelles un jeune travaille
(finalité vécue) — et ii) le modèle idéal de travail tel qu’il est exprimé par la
voie des aspirations (finalité souhaitée).
• Données : enquête quantitative réalisée au Québec en 20062007 sous la direction de D. Mercure et M. Vultur et avec la
participation de C. Fleury dans le cadre d’un projet CRSH.
– Population active âgée de 18 ans et plus et n’étudiant pas à
temps plein
– Échantillon représentatif de 1000 personnes
– Questionnaire téléphonique
– Taux de réponse : 45%
– Marge d’erreur : 3,1%, 19 fois sur 20.
Niveau d’importance accordée au travail par la population active
québécoise âgée entre 18 et 34 ans
Parmi les moins importantes;
1,6%
La plus importante; 6,2%
Plus ou moins importante;
30,3%
Parmi les plus importantes;
61,9%
Les réponses relatives à la valeur accordée au travail dans la vie en
général montrent que le travail occupe une place importante dans
l’univers des valeurs des jeunes. Ce sont en effet presque trois
jeunes sur quatre (61,9 %) qui ont jugé le travail au moins parmi les
valeurs les plus importantes de leur vie en général, alors que moins
de 2 % l’ont jugé parmi les valeurs les moins importantes. Une
proportion de 6,2 % de la population des jeunes Québécois visés par
l’enquête considère le travail comme la valeur la plus importante de
leur vie.
Comparaison jeunes/adultes
Im p o r t a n c e ( a s b o lu e e t r e la t iv e ) d u t r a v a il s e lo n l'â g e a u
s e in d e la p o p u la t io n a c t iv e q u é b é c o is e ( e n % )
80
70
60
40
30
20
10
A b s o lu e
R e la t iv e
Im p o r t a n c e d u t r a v a il
18-34 ans
3 5 a n s e t p lu s
4e rang
3e rang
2e rang
1er rang
importantes
moins
importantes
Parmi les
plus
Parmi les
importante
0
La plus
%
50
Hiérarchisation des différentes sphères de la vie par la population
active québécoise âgée de 18 à 34 ans
100%
4,4%
10,6%
11,7%
90%
80%
15,1%
46,2%
34,1%
70%
60%
82,4%
50%
40%
72,8%
42,3%
30%
36,6%
20%
9,1%
10%
11,9%
12,8%
6,0%
Travail et vie professionnelle
Loisirs et amis
Engagements sociaux et
communautaires
0%
Vie de couple et vie familiale
Sphères de la vie
1ere place
2e place
3e place
4e place
Alors que près de 73 % des jeunes déclarent que la vie de couple et
la vie familiale constituent la sphère la plus importante de leur vie, ce
ne sont que 11,9 % qui en font autant pour le travail. En revanche, le
travail se retrouve plus souvent au deuxième rang, près de 42,3 %
des répondants le classant ainsi, comparativement à un peu moins
de 36,6 % pour les loisirs et les amis. Si une grande majorité de
jeunes dénient donc au travail la première place dans leur vie,
essentiellement au bénéfice de la vie de couple et de la vie familiale,
il est très rare toutefois de le retrouver au dernier rang, seulement 11
% de l’ensemble des répondants l’ayant classé ainsi.
Signification principale du travail chez la population active
québécoise âgée de 18 à 34 ans
Servir la société; 9,7%
Réalisation personnelle;
33,8%
Reconnaissance et prestige;
10,3%
Argent; 38,7%
Sociabilité; 7,5%
Pour plus de quatre jeunes sur dix (38,7 %), le travail a d’abord une
finalité instrumentale de type économique (l’argent dont j’ai besoin) ;
c’est la finalité que les jeunes travailleurs accordent le plus
fréquemment au travail. Celle-ci est suivie par des finalités qui
privilégient davantage la nature de l’expérience vécue au travail, au
premier rang desquelles se trouve la finalité marquée par le
développement personnel, à savoir la réalisation de soi (33,8 %),
puis par différentes autres finalités attentives à l’expérience vécue au
travail mais qui comportent des dimensions « collectives » plus
accentuées, notamment entretenir des liens avec d'autres personnes
(7,5 %), faire œuvre d’utilité envers la société (9,7 %) et enfin la
reconnaissance et sa résultante, le prestige au travail et à l’extérieur
du travail (10,3 %).
Comparaison jeunes/adultes
S ig n ific a ti o n p r in c ip a le
1 8 -3 4 a n s
3 5 a n s e t p lu s
Servir société
personnelle
Réalisation
Contact
0
5
0
5
0
5
0
5
0
5
0
Argent
5
4
4
3
3
2
2
1
1
Reconnaissance
%
S ig n i fic a tio n p r i n ic i p a le d u tr a v a il se lo n
l 'â g e a u s e i n d e l a p o p u l a ti o n a c ti v e
q u é b é c o ise
Aspirations professionnelles de la population active québécoise
âgée de 18 à 34 ans
100%
5,4
3,6
11,3
10,0
9,1
7,3
26,5
80%
34,3
31,3
33,0
34,0
47,5
47,5
39,0
57,7
53,1
60%
48,8
40%
65,3
66,3
63,6
60,6
51,8
49,0
41,2
20%
36,9
35,0
Relations sociales
Contenu
Très important
Conditions liées au
confort
Assez important
Promotions
Salaire
Sécurité
Charge
Horaire
Réalisation
Intérêt
Collègues
Ambiance
0%
Autonomie
24,7
Conditions matérielles
Peu ou pas important
Les caractéristiques que les jeunes considèrent les plus importantes
au moment de choisir un emploi sont, dans l’ordre, de bonnes
relations avec les collègues de travail (66,3 %), une ambiance de
travail agréable (65,3 %) une tâche intéressante (63,6 %) et qui
favorise la réalisation personnelle (60,6 %), un bon degré
d’autonomie (41,2 %) et un horaire de travail raisonnable (49 %). On
note que 26,5 % des jeunes accordent peu ou pas d’importance aux
possibilités de promotion, et presque autant considèrent la présence
de telles possibilités comme très importante (24,7 %). Bien qu’assez
valorisées, les conditions matérielles (sécurité, salaire, promotion)
viennent généralement à la toute fin, les répondants accordant à ces
items les niveaux d’importance les plus faibles parmi l’éventail de
choix : seulement 51,8 % des jeunes jugent la sécurité d’emploi très
importante au moment de choisir un emploi, tandis que, pour le
salaire, ce taux n’est que de 35 %.
III) Les attitudes des jeunes à l’égard des normes
managerielles
•
Dans quelle mesure les jeunes Québécois adhèrent-ils aux normes
managerielles en cours, dont les trois plus importantes sont la valorisation
du travail, la quête de flexibilité et la mobilisation des travailleurs ?
• Afin de connaître le niveau d’adhésion des jeunes travailleurs québécois à
ces normes, nous leur avons demandé de se positionner par rapport à un
certain nombre d’entre elles. Ils devaient ainsi nous indiquer leur degré
d’accord ou de désaccord avec sept propositions regroupées en trois
thèmes, à savoir :
- l’engagement envers le travail et les objectifs poursuivis par l’employeur
- l’adhésion aux nouveaux objectifs de flexibilité des entreprises
- l’investissement de ressources personnelles que l’employé est disposé à
consentir aux fins de son travail.
Engagement
Niveau d'appui à différentes normes managerielles au sein de la
population active québécoise âgée de 18 à 34 ans
42,7
Employeur
47,2
Travail
Flexibilité
Responsabilité
sécurité
Investissement
personnel
Disponibilité
0%
35,6
20%
24,0
60%
11,6
14,3
32,0
40%
7,3
15,9
43,8
8,0
5,3
18,8
45,0
17,9
6,3
16,5
44,6
27,5
Formation
12,6
43,7
29,3
Rémunération
rendement
8,5
33,9
34,5
Polyvalence
Normes
46,7
24,4
80%
100%
Tout à fait d'accord
D'accord
Plutôt en désaccord
Tout à fait en désaccord
•
•
•
On constate que, de manière générale, les jeunes jugent positivement la plupart des
normes managerielles associées au travail. Ce sont les normes liées à l’engagement
envers les objectifs des employeurs, puis celles envers le travail, qui récoltent les plus
hauts niveaux d’adhésion : près de neuf répondants sur dix (89,4%) se disent tout à
fait d’accord ou d’accord avec les premières, et près de huit sur dix (81,1%) avec les
secondes.
L’appui aux normes de flexibilité est également élevé : près de trois répondants sur
quatre se disent d’accord avec les énoncés liés à la polyvalence (78,2%), à la
responsabilité individuelle en matière de sécurité et d’avenir professionnel (73,9%) et
à la rémunération au rendement (72,5%).
Toutefois, les jeunes sont moins enclins à appuyer les normes qui exigent un plus
haut niveau d’investissement de leurs ressources personnelles aux fins de leur travail.
Ils se montrent aussi moins favorables à l’idée d’investir leur temps et argent
personnels pour se former et maintenir leurs compétences à jour et ils le sont encore
moins lorsqu’il s’agit de travailler en dehors des heures régulières de travail sans
rémunération supplémentaire. Dans ce dernier cas, si 43,6 % des jeunes se disent
tout à fait d’accord ou en accord avec une telle exigence, 24,4 % refusent fermement
cette exigence et 32 % sont plutôt en désaccord avec celle-ci.
•
L’adhésion aux exigences du nouveau modèle productif est élevée et
certains piliers traditionnels du système fordiste, parmi lesquels la sécurité
d’emploi, semblent remis en question.
•
Les objectifs de flexibilité des entreprises sont largement partagés par les
jeunes qui intègrent progressivement dans leur système de valeurs et leurs
pratiques les mécanismes de fonctionnement actuel du marché du travail.
•
Toutefois la distance entre la vie privée et le travail demeure assez affirmée
comme le montre l’adhésion plutôt mitigée à l’exigence de se rendre
disponible en dehors des heures habituelles de travail et d’investir son
temps personnel en vue d’accroître sa formation. La forte relation
d’interdépendance entre travail et famille, plus particulièrement la quête
d’équilibre entre les sphères de la vie, explique vraisemblablement le
positionnement plutôt négatif des jeunes par rapport aux exigences en
question du nouveau modèle productif.
Conclusion
Au cours de la dernière décennie, les indicateurs du marché du
travail ont évolué de manière positive pour les jeunes. Ils sont plus
présents sur le marché du travail et leur taux d’emploi est élevé. Le
taux et la durée du chômage ont atteint des niveaux très bas.
Plusieurs autres éléments peuvent être remarqués, notamment, une
forte mobilité professionnelle, une dissociation entre formation et
emploi et un rôle croissant de l’expérience dans le processus
d’insertion professionnelle.
•
Sur le plan des valeurs au travail, la thèse, de plus en plus répandue, selon
laquelle le travail est une valeur en déperdition chez les jeunes ne
correspond pas à la réalité des faits. Le travail occupe toujours une place
importante dans l’univers des valeurs des jeunes. Plus de 60 % des jeunes
travailleurs québécois considèrent le travail au moins parmi les valeurs les
plus importantes de leur vie en général, alors que moins de 2% le
considèrent parmi les valeurs les moins importantes.
•
C’est cependant la quête d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie
privée qui est revendiquée ou vécue avec une très grande intensité par les
jeunes travailleurs. Il s’agit d’une tendance lourde qui est explicitement
exprimée par la grande majorité des jeunes. Cet aspect me semble être l’un
des grandes défis que doivent affronter les entreprises.
Le taux d’adhésion des jeunes aux nouvelles normes managerielles est très
élevé, comme l’illustre le taux d’adhésion global aux objectifs de polyvalence
ainsi que l’acceptation par la grande majorité des jeunes travailleurs des
principes de la rémunération au rendement et de la responsabilité
individuelle en matière de sécurité d’emploi et d’avenir professionnel. Les
jeunes travailleurs acceptent en grande majorité qu’une partie de leur
rémunération soit liée à leur rendement au travail, et considèrent qu’il devrait
être de leur responsabilité, et non de celle de leur employeur, d’assurer la
sécurité de leur emploi et de leur avenir professionnel. Cette situation
constitue une remise en question d’importants piliers traditionnels du rapport
salarial fordiste. La prégnance de telles attitudes est évidemment de nature
à susciter certaines réflexions notamment dans le monde syndical.
Références bibliographiques et sources des données
(pour aller plus loin…)
•
•
•
•
•
•
•
Mercure, Daniel et Mircea Vultur, La signification du travail. Nouveau modèle productif et ethos du travail au Québec, Presses
de l’Université Laval, coll. « Sociologie contemporaine », 2010 (sous presse)
Vultur, Mircea et Daniel Mercure (dir.), Perspectives internationales sur le travail des jeunes, Presses de l’Université Laval,
coll. « Sociologie contemporaine », 2010 (sous presse)
Papinot, Christian et Mircea Vultur (dir.), Les jeunesses au travail. Regards croisés France-Québec, Presses de l’Université
Laval, coll. «Regards sur la jeunesse du monde», série « Analyses et essais », 2010 (sous presse).
Bourdon, Sylvain et Mircea Vultur (dir.), Les jeunes et le travail, Presses de l’Université Laval, coll. «Regards sur la jeunesse
du monde», série « Analyses et essais », 2007.
•
Legris, Richard, Guylaine Baril, Catherine Ouellet, « Les jeunes Québécois et le marché du travail », dans Vultur et Mercure
(dir.), op. cit.
•
Fleury, Charles, « L’orientation au travail des jeunes Québécois », dans Vultur et Mercure (dir.), op. cit.
•
Bernier, Jean, « Les jeunes et les syndicats au Québec: une analyse des disparités de traitement dans les conventions
collectives », dans Vultur et Mercure (dir.), op. cit.
•
•
•
•
Statistique Canada, Enquête sur la population active
Mercure, Daniel et Mircea Vultur (coord.), Enquête nationale sur l’ethos du travail au Québec
MERCI!