La guerre des mondes. Efficacité et équité contre autonomie et liberté
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La guerre des mondes. Efficacité et équité contre autonomie et liberté
Mercredi 19 novembre Conférence d’Albert Ogien de 10 h à 11 h 15 La guerre des mondes. Efficacité et équité contre autonomie et liberté (Albert Ogien, EHESS, France) Cette communication entend analyser la manière dont l’usage des termes équité et efficacité s’est généralisée dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques. Elle voudrait montrer, d’une part, comment l’invocation de l’équité a imposé la personnalisation des politiques publiques, l’instauration de critères de distinction permettant d’introduire un principe d’allocation de ressources légitimité (servir les plus démunis au détriment des mieux lotis qui ne feraient pas un usage vraiment utile de cet argent) et le développement de politiques d’excellence et de compétitivité ; et d’autre part, comment la référence à l’efficacité a conduit à admettre le principe selon lequel on pourrait, en politique, définir un optimum et faire de la recherche de cet optimum une règle dans la détermination des buts et des moyens de l’action publique avec l’introduction d’une culture du résultat, fondée sur l’évaluation des performances (des services, de l’État, des “managers” publics, des ministres, etc.). Ces propositions seront illustrées à partir de deux ou trois exemples tirés de la politique en matière d’éducation nationale et en matière d’immigration. Cette analyse voudrait suggérer qu’une guerre des mondes (évoquée dans le titre) oppose deux camps : ceux qui, reprenant les mots équité et efficacité à leur compte, présentent de plus en plus ouvertement l’exercice du pouvoir politique comme un domaine réservé à des dirigeants qui impriment les orientations nécessaires et justes qu’il faut donner à la société pour qu’elle retrouve la voie d’une organisation rationnelle ; et ceux qui, pensant encore que l’organisation de la vie collective est l’affaire des citoyens, défendent une conception de la politique comme un espace de débat articulé autour de notions qui font notre humanité : égalité, autonomie, liberté, culture, critique, etc. En excluant du langage politique les mots équité et efficacité - en raison du fait qu’ils ne lui appartiennent pas et lui sont même antinomiques - on libérerait le discours politique de ce qui le rend impuissant à rendre compte de ce qui se passe sous nos yeux. Non pas que ce ménage sémantique modifierait quelque chose par lui-même – il ne faut pas exagérer la force des mots – mais cela obligerait sans doute à parler de notre vie politique autrement et à concevoir l’action publique à partir de considérations sociales et morales délivrées de l’éteignoir de l’esprit gestionnaire. Je pense qu’une inclination naturelle nous conduirait à revenir à des descriptions « politiques » retrouvant les raisons qui justifient nos engagements collectifs – en élargissant l’espace dans lequel l’ensemble des citoyens délibèrent sur le sens de leur participation à la collectivité.