Transposition de la directive transparence révisée

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Transposition de la directive transparence révisée
La transposition en droit national de la Directive 2013/50/UE du 22 octobre 2013 relative à l’harmonisation des
obligations de transparence connaît une nouvelle étape, dont la présente étude énoncera les principaux apports. Pour
mémoire, cette transposition a emprunté deux voies en France.
 Wagon 1 - Transposition directe par la loi DDADUE du 30 décembre 2014, qui prévoit notamment :
 L’allongement de 5 à 10 ans du délai d’archivage des rapports financiers semestriels et annuels ;
 L’extension de 2 à 3 mois du délai de publication des rapports financiers semestriels des émetteurs cotés
sur un marché réglementé ;
 La suppression de l’obligation de produire une information financière trimestrielle.
 Wagon 2 - Transposition par ordonnance n° 2015-1576 du 3 décembre 2015, qui prévoit notamment :
 L’instauration de règles plus strictes en matière de déclaration de franchissements de seuils de détention de
titres financiers ;
 Le renforcement des sanctions administratives prononcées en cas de manquement aux obligations prévues
par la Directive Transparence ;
LETTRE CREDA-SOCIETES n° 2015-38
Transposition de la Directive Transparence révisée
Réforme des franchissements de seuils
L’obligation de déclarer un franchissement de seuil constitue l’un des piliers du bon fonctionnement des marchés
financiers. Il n’est donc pas étonnant que, par retouches successives, son régime soit affiné et en particulier que son
champ d’application soit précisé. Dans cette perspective, la récente ordonnance arrête, principalement, les
modifications suivantes.
Premièrement, l’article 4, 2° de l’ordonnance, modifiant l’article L. 233-7 C. com., soumet à l’obligation de déclaration
une personne qui vient à posséder « directement ou indirectement » les participations visées à l’article précité. La
précision prend ainsi le contrepied de la CA de Paris qui, dans un arrêt du 24 juin 2014 (CA Paris, pôle 5, ch. 7, 24 juin
2014), considérait que les hypothèses d’assimilation ne pouvaient opérer qu’en cas de détention directe. La réécriture
vise ainsi à rétablir l’imputabilité du défaut de déclaration de franchissement de seuil, à l’égard des personnes qui ne se
trouvent pas, directement, en possession d’actions.
Par ailleurs, le projet de normes techniques de réglementation de l’ESMA, en cours d’adoption sur le mécanisme
d’archivage, inclut les informations relatives aux franchissements de seuils parmi les informations réglementées (v. AMF,
Synthèse des réponses à la consultation publique, p. 2). C’est pourquoi la liste des informations réglementées vient
d’être modifiée dans le RGAMF et se trouve complétée par les déclarations liées aux franchissements de seuils (v. art.
221-1, m) RGAMF et Annexe, I, arrêté 3 déc. 2015).
Renforcement des sanctions administratives prononcées en cas de manquement aux obligations d’information
Le principal apport tient à l’introduction d’un plafond exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires.
Il s’agit là d’un choix du législateur, la Directive octroyant aux Etats membres une alternative entre i) l’établissement d’un
plafond en millions d’euros et ii) la fixation d’un plafond en % du chiffre d’affaires (v. art. 28, ter, c) Dir. 2013/50/UE).
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le 21 décembre 2015
Deuxièmement, l’ordonnance étend le champ de l’obligation de déclaration des titres financiers, en particulier des
produits dérivés. L’art. L. 233-9, 4° bis C. com. supprime la référence à un accord ou instrument financier « réglé en
espèces », cette mention étant remplacée par celle, plus large, d’accord ou d’instrument financier donnant droit « à un
règlement physique ou à un règlement en espèces ». Cette mesure est prise en application de l’art. 13.1, b) de la Directive
Transparence révisée, qui étend l’obligation de déclaration aux instruments financiers ayant un effet économique
comparable à la détention d’actions, qu’ils donnent droit à un règlement physique ou non.
L’ordonnance du 3 déc. 2015 complète l’art. L. 621-15 COMOFI d’un paragraphe III, bis, au terme duquel en cas de
manquement aux obligations prévues aux articles L. 233-7 et L. 233-8-II C. com. et L. 451-1-2 COMOFI, « peut être
prononcée une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou à 5 % du chiffre
d’affaires annuel total […]. Le montant de la sanction pécuniaire peut également s’élever au décuple de l’avantage
retiré du manquement ou des pertes qu’il a permis d’éviter, si ceux-ci peuvent être déterminés ». Le paragraphe III ter
énonce, conformément aux prévisions de la Directive, que les sanctions sont déterminées au regard de divers critères,
notamment la gravité et la durée du manquement, la qualité et le degré d’implication de la personne en cause ou
encore les capacités financières de la personne en cause…
Le législateur n’a pas saisi l’alternative qui lui était offerte par la Directive, au risque semble-t-il de frapper la mesure
d’inconstitutionnalité pour défaut de lien entre la nature de l’infraction et les modalités de calcul de la sanction
afférente.
Par comparaison, on comprend aisément que, en cas d’atteinte au droit de la concurrence, par exemple, le lien entre
l’infraction (entente, abus de position dominante…) et le chiffre d’affaires justifie que des sanctions puissent être
déterminées par référence au chiffre d’affaires (v. CC, QPC, 12 oct. 2012, n° 2012-280 et CE, 16 juill. 2014, n° 375658,
non renvoi QPC). De manière constante, le CC affirme en effet que pour être conformes au principe de proportionnalité
des peines, les sanctions fiscales doivent porter sur une assiette cohérente avec le contenu de l’infraction (CC, 4
décembre 2013, n° 2013-679, 29 décembre 2013, n° 2013-685), tel n’étant pas les cas lorsque des sanctions déterminées
par référence au chiffre d’affaires ont pour objet de réprimer un manquement à une obligation documentaire. En
revanche, le CC a considéré conforme à la Constitution l’article 78 de la LF pour 2015, lequel prévoyait une amende dont
le plafond était fixé au plus élevé de deux montants : 0,5% du montant des transactions concernées par les documents
non communiqués à l’administration OU 5% des rectifications du résultat fiscal, afférentes aux transactions susvisées
(CC, 29 déc. 2014, n° 2014-707). Le CC a considéré que pour le calcul de ce plafond, « le taux de 0,5% n’est appliqué
qu’au montant des seules transactions pour lesquelles les documents ou compléments spécialement désignés et
réclamés par mise en demeure de l’Administration n’ont pas été mis à sa disposition ; que le législateur a retenu un
critère de calcul du maximum de la peine encourue en lien avec les infractions réprimées ». Par comparaison, la
nouvelle rédaction de l’art. L. 621-15 COMOFI ne permet pas d’établir un lien entre le manquement aux obligations
d’information et le plafond de la sanction afférente, exprimé par référence au chiffre d’affaires. Il semble donc peser,
sur cette nouvelle mouture, un sérieux risque d’inconstitutionnalité.
Caractère échelonné des retouches apportées
La transposition par voie d’ordonnance du 3 déc. 2015 constitue une nouvelle étape de la transposition de la Directive
Transparence révisée, laquelle est intervenue avec quelques jours de retard après la date butoir du 27 novembre 2015.
Le très succinct Rapport au Président de la République énonce que l’ordonnance a pour objet de procéder à la
« transposition des mesures législatives restantes ». Pourtant, les dispositions de la Directive Transparence révisée
portant sur le format unique des rapports financiers annuels et sur le mécanisme d’archivage européen n’ont pas encore
fait l’objet de mesures de transposition nationale. La Directive prévoit en effet, en la matière, une entrée en vigueur
différée (2018 en ce qui concerne l’archivage et 2020 s’agissant du format unique), en raison des travaux toujours en
cours en ce domaine, au niveau européen.
Enfin, on rappellera que si, initialement, le Ministère de l’Economie avait envisagé une adoption commune en droit
national des règles européennes relatives aux sanctions administratives (issues de la Directive Transparence et des
textes sur les Abus de marché), le législateur a dû se résoudre à une transposition fragmentée. Les modifications
récemment apportées au COMOFI en matière de sanctions administratives devront donc être retouchées à l’issue des
modifications textuelles impliquées par la nouvelle réglementation Abus de marché.
Marine Michineau
Maître de conférences
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