2. Olympe de Gouges - Accueil
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2. Olympe de Gouges - Accueil
D’Olympe de Gouges à Marie-Antoinette : et revoilà les monarchistes ! Les 14 et 15 novembre derniers s’est tenu au palais de l’UNESCO à Paris et à l’École Nationale de Musique et de Danse à Montreuil, un colloque consacré à Olympe de Gouges, présentée rien moins que comme « une femme du XXIe siècle ». La manifestation organisée par le Monde diplomatique, l’UNESCO, la ville de Montreuil, le Conseil régional d’Ile de France et TV 5 Monde, visait non seulement à « célébrer un personnage resté trop longtemps méconnu », mais aussi à examiner ce qui dans sa pensée reste d’actualité. Fort bien. Nul ne lui conteste d’ailleurs le courage avec lequel elle a défendu ses positions, qu’il s’agisse de dénoncer l’esclavage des Noirs ou de revendiquer le droit des femmes à participer au pouvoir. Elle a, en effet, écrit en 1791 une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, s’inspirant évidemment de la Déclaration de 1789, dans laquelle elle proposait d'ajouter aux droits civils « la liberté d'être femme ». De là à en faire un précurseur du féminisme ou une penseuse dont la fulgurance éclaire toujours nos sociétés contemporaines, il y a un pas difficile à franchir… Car le personnage, fort modéré en politique, demeure encombrant, aussi bien au regard des valeurs républicaines que des revendications féministes. Fille d'un boucher, née en 1748 à Montauban, mariée à 16 ans, mère à 17 et veuve à 20, Marie Gouge rompt avec sa famille, vient à Paris où elle se donne un pseudonyme aristocratique et s'invente une ascendance de haute noblesse. Cette jeune femme dont le charme et l'excentricité lui attirent une sulfureuse réputation de « courtisane » chez les mondains, tente vainement une carrière littéraire avant de se lancer en politique. Elle écrit pour cela plus de cinquante pamphlets et brochures pour défendre la cause du roi et celle de Necker, pour condamner les « brigands de 1789 » ou soutenir le veto royal absolu. Monarchiste résolue, elle propose à l'été 1791 la formation d'une « Garde nationale des femmes » auprès de la reine pour « garantir la moralité de la Cour et maintenir le roi dans ses fonctions ». L’année suivante, elle attaque les « brigands jacobins », prend fait et cause pour les « accapareurs » qui spéculent sur le cours des denrées alimentaires et revendique à la Convention le droit de défendre Louis XVI qui, malgré sa tentative de fuite à l’étranger pour aller chercher le secours militaire nécessaire à la restauration de son pouvoir, « n'est pas coupable aux yeux de la République ». Cette initiative achève d’altérer son image pour la majorité des femmes, qui ont joué un rôle essentiel dans le déroulement de la Révolution ; d’autant qu’elle combat avec une rare violence le mouvement sans-culotte. Elle multiplie notamment les attaques personnelles contre Danton jugé « cupide et grossier », elle voit en Marat « un avorton de l’humanité qui n’a ni le physique ni le moral de l’homme » et considère Robespierre comme un ennemi personnel et un « usurpateur » qu’il faut « baigner dans la Seine avec des boulets de 16 livres aux pieds ». Aux Montagnards, elle lance une ultime provocation : après l’assassinat de Marat, quand de toutes parts la République est menacée par les troupes coalisées des monarchies européennes et que la guerre civile fait rage en Vendée, elle fait apposer une affiche, Les Trois urnes ou le salut de la patrie, dans laquelle elle demande l'organisation d'un référendum pour revenir sur la forme républicaine du gouvernement. Arrêtée le 20 juin 1793, totalement discréditée auprès des comités de femmes révolutionnaires, elle est condamnée à mort le 2 novembre comme « contre-révolutionnaire » et exécutée le lendemain. À vrai dire, il n’était sûrement pas besoin d’évoquer Olympe de Gouges pour rappeler que la Révolution française a été misogyne. Elle le fut, sans conteste. Mais pourquoi faire d’une royaliste exaltée « une femme du XXIe siècle » ? Pourquoi ne pas en célébrer d’autres, autrement plus audacieuses, novatrices et attachantes, comme par exemple : Théroigne de Méricourt, Pauline Léon ou Lucille Desmoulins ? Parce qu’elles étaient républicaines ? C’est une propension pour le moins curieuse, celle qui consiste à réhabiliter les nostalgiques de l’Ancien Régime, au nom de la modernité, bien entendu… Alors qu’on assiste depuis plusieurs années à un quasi-procès en canonisation de la reine Marie-Antoinette, dont on fait une âme héroïque, pétrie de délicatesse, de sensibilité et de générosité, injustement victime de la tyrannie jacobine et du fanatisme révolutionnaire, voilà qu’aujourd’hui, au prix d’un extraordinaire renversement des valeurs, le féminisme se pare des atours d’un des plus fermes soutiens du trône, de la couronne et des privilèges ! Décidément, la République est bonne fille. Philippe Hivert