Réalité augmentée
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Réalité augmentée
Réalité augmentée (2007 – 2010 ) Victor Blanc Pour Fanny, Ventru ou l’Expression La Tour Eiffel vogue sur une mer de paons Qui croyant faire la roue, ne montrent que leur cul Blond à la paresseuse académie des vents La Culture grabataire, hulule a Beaubourg Ses sinistres dents de scie saisissent Ventru Fuyant les murs, l’amour, et les ballets de Cour Ventru vient à travers les secs chignons de feuilles Qui pestent comme une écume de boulevard Ventru court vers les Halles, le granit, les écueils Et le beuglement des autos noires l’amenuise Pauvre Ventru qui veut s’esseuler dans un bar Ah ! Que la bière, le rhum, et la magie l’enduisent Mais oui car la lune bientôt allait éclore Des ribambelles de chaleur et d’artifices, Les cafés crèveront d’accordéons sonores Et tous les verres tinteront de leur silice… 5 Pour Baudelaire et Burton, Expression Délicieuse luisance de l’Expression, Qu’est-ce que cette crasse brune et coassante Qui croît, perçante des ronces de la nation ? Mais quelle est donc cette tige phosphorescente ? C’est la fleur noire et brillante de l’obsession, La bagatelle qui pousse dans les tunnels, Sueur, sang, sperme et le marigot en bouillon N’est-ce pas l’attente et le désert culturel ? Ce sont encor’ ces alchimistes chimériques Qui transfigurent de leur pâleur métallique Le crucifix fumant de la Mort en smoking ; Ce sont encore ces dépravés fantastiques Qui entremêlent de leurs ardeurs chiasmatiques Le tranchant du lin et le râle de la vie. 6 Laisse-moi ouïr Le terrible grelot Des lourds Des longs sanglots Laisse-moi humer La vieille odeur des vieux ouvrages Ouvragés par la poussière De mornes étagères Laisse-moi contempler Les ternes gyrophares de l’amertume Qui éclaboussent d’un sang électrique Cette image jaunissante du passé Laisse-moi saisir La fatalité La gifler Puis enfin l’étrangler Laisse-moi aimer La tendresse d’une embrassade Celle d’un sourire Incandescente au souvenir Imperméable à l’oubli 7 Vents Vent des villes, Vent des champs, Théâtre des Grands Temps, Ruine des graviers éclatants, Là dans loin, Tout se sait, se mousse, Et s’empile, C’est la vérité qui s’émousse Et qui file, Elle ne viendra plus, pas, Ce sont les feuilles qui l’apeurent Ou la rosée qui la pleure ; Et le merle de se désoler : – Vent des champs, Vent des villes, Embrasse les lèvres habiles ; Le « Tout-Briques-Tuiles » réuni dans un vaudeville, Le vent, la tempête et le grain, C’est autre chose tout de même, Que s’en aller mirer Couler l’eau blême Et la chaleur mugir dans les marcs de café ; Il faut assassiner l’âme du souffle vague Près des effluves de la Seine que l’on drague, Et du métro qui s’en va à l’Air, nonchalant ; Et l’asphalte de se lamenter : – Vent des villes, vent des champs... 8 Impression soleil ronflant Une constellation de néons délébiles S’abîment sur le pantalon noir des affaires Paris tire sa langue de lampions berbères La nuit chante le romancero de la ville Par les rues globuleuses des gens nébuleux Une comète de cheveux blonds entêtés S’en vont liquéfier les astres sur le pavé Astéroïde décapotable anguleux A failli frôler la terre et brûler les feux Rouges. Le métro là-bas sifflote un air astral Le funiculaire des étoiles infernales Fait l’amoureux timide au ciel camaïeu… 9 Théâtre Que la ruine en mon cœur a franchi le pallier Mon bras est le débat de la brume affolée Clap ! Clap ! Clap ! Clap ! Clap Dormons dans l’édredon du Rideau, Moustaches de la scène. 10 Urbanisme La télévision ne voit plus le cœur des pierres Ni mon amour des cimetières L’avion étreint l’oiseau à tire-d’aile Comme il vient dans son pays mouiller l’arc-en-ciel Derrière le mur ahuri des possesseurs Nous entendons clocher les heures Honduras a vu fleurir les treillis Et mourir les cactus de la démocratie J’avoue Je suis las de mes songes au creux des dunes Où je bois un Ebre sans lune Apollinaire à Colombe fait des envieux L’urbanisme et l’amour Jungles des cieux Et je prédis victoire à ceux qui vont sourire Jamais plus de bonheur de cire. … Edit : Tu crois ? 11 La Lune est un fard à paupière Ma paupière a coulé comme un crime Bercé par la mer de couvertures L’œil se perd en chevelures Sur ton dos comme un son dans la rime Les couleurs actuelles… volent à l’astre Terre Ici la lune sur ton corps demi nu Sourire à ce sombre incarnat des nuits chues La pluie Debussy nous farde de poussière Clair de lune clair de lune Ne me retiens pas ! Clef des lunes clef des lunes Rappelle donc tes pas ! Laisse ta pommette aspirer tes sourcils Colombe de mes yeux riant à verdure Et mes mains caresser la nature Ou plisser une peau – ta peau – dans la ville Mime la révolution des hanches Sous le regard lustré du piano Qui cloue sur les fenêtres des mots : ET DEMAIN CONTINUERA DIMANCHE. 12 Qu’y puis-je ? Qu’y puis-je Si la valse des balancelles Semblait à mes oreilles une crécelle, Quand pleuvaient les hirondelles Qu’y puis-je ? Qu’y puis-je Quand moi au pays des taureaux S’envolèrent vos larges paquebots, Sans moi et vers d’autres mots Qu’y puis-je ? Qu’y puis-je Si l’absolu nous a vaincus L’ambition des ruelles pour la rue, Un corps qui en rien se mue Qu’y puis-je ? Qu’y puis-je Si une altérité demeure Si la mansarde sourit et se meurt, Et ne reste que valeur Qu’y puis-je ? Qu’y puis-je Si la locomotive oublie De tirer cent autres machineries, Et boite jusqu’à Paris Qu’y puis-je ? 13 Qu’y puis-je S’il se mouche avec dévotion Et si la beauté c’est l’interdiction, Il gagne jeu blanc l’union Qu’y puis-je ? Qu’y puis-je Si mélancolie fait école Ou que l’Amérique pose des colles, Et ma vision extrapole Qu’y puis-je ? Qu’y puis-je Si je n’ai pas Valparaiso Si tout à coup les méridiens sont faux, Si le public crie Rideau Qu’y puis-je ? Qu’y puis-je Si le traineau du Père Noël Avec son bois verni de violoncelle, Gisait là terne et pastel Qu’y puis-je ? 14 Juillet Par le sang des eaux du Précambrien Par l’amour des dieux Par l’amour des diables Par l’amour des hommes Par l’étoile du Christ de Vallegrande Par la Terre et la Liberté Par la barbe des barbudos Par le Communiste et l’Honnête Homme Par la misère et les fruits Par le monde qui tourne court Par les ongles effilochés Par les peurs tissées sur les cabanes d’enfants Par le boulet qui traîne son forçat Par le doute et la haine des voluptés Par la jalousie sautant sur les ondes Par Aragon Par Picasso Par la charogne vierge étalée dans les jardins Par l’impuissance exaltée de la pénombre inquiète Par l’amour du miroir pour les cendres Par la pierre qui roulera sans gagner mousse Par la pureté qui ride la jeunesse Par les casernes ensablées Par le courant électrique et les atomes Par le ciel rouge comme un soûlard Par l’épopée du Temps qui boit pour s’oublier Par la vanité des zeppelins Par Caligula luisant dans Vautrin Par la dialectique qui joue des ricochets Par la jonque égarée sur la Loire Par les paupières qui tombent comme un tombereau Par l’huile de vidange versée dans la soupe 15 Par le poison des astres et les comètes vertueuses Par le chemin de fer inexplicable où circule la vérité Par le tango paresseux des longues patrouilles Par ta peau cramoisie comme une pâtisserie Et par le grotesque du langage et des vers, Pourquoi ? 16 Avions Albinos Une croix gammée sur les palais de Grenade Les orties bruissaient dans le Giverny Mes doigts mes mains n’entendaient pas cette charade Qui palissait les roses du pays. Arrêt’ ton char, qu’espérais-tu ? Tous les vœux et la mer que sifflait la guitare Titubaient prenaient fugue et s’en allaient Comme le filet d’eau qui suintait de la mare Comme le gris qui s’emparait du jais. Arrêt’ ton char, qu’espérais-tu ? Je plonge un cœur dans le miroir Je l’en ressors c’est une croix, Cheveux de lichen ou de moire Pour un peu je n’ai pas le choix ! Arrêt’ ton char, qu’espérais-tu ? Tes dents de minéraux sensibles Moquaient mes avions albinos, Elles mentaient et pour une fois c’était risible, C’était un Évangile jeté dans la fosse… Arrêt’ ton char, qu’espérais-tu ? 17 J’ai transcrit ton souffle en vers Le voilà maintenant qui prend l’air Je veux me souvenir quelque chose Il ne reste qu’une prose. Arrêt’ ton char, qu’espérais-tu ? Les coquelicots mangeaient du pain dur Le réverbère enluminait le jour Mes lèvres brûlaient d’une autre gerçure Et l’appétit gueulait C’est plus ton tour ! Arrêt’ ton char, qu’espérais-tu ? Étoile un jour Espoir toujours Mais ce ciel sans nuit m’en prive et m’ennuie Et tout comme l’oranger qui ne donne fruit Semblable à la grenade qui rend sourd. Arrêt’ ton char, qu’espérais-tu ? Alors ? 18 Juillet Gueule-De-Prose Juillet est un jour mort de non-lutte. L’amour s’y consent veuf et prend les proportions du roc à l’embolie. La terre n’a rien à dire ; et de Manille ou Zanzibar, rien ne vaut un ami à colorier ou ta peau à feuilleter, comme une pâte brisée. 19 Ventru dort, et rêve Ventru dort et ses lèvres déambulent Son bâton brise les buissons des messes basses, Sur le muret le Soleil funambule Avant qu’il ne tombe et tombe des nues Les corbeaux déjà croassent aux vasistas, C’est la nuit : la Mort joue les parvenues. C’est la nuit ! La folie ! L’homme est chien ! Les dingos s’entretuent autour du mirador, Le Soleil tient la Lune par les reins C’est bien la peur qui s’éprend des mirettes Et sont dès à présent les jeteuses de corps C’est la fin du monde et la rue la fête… Son bâton brise les buissons des messes basses Les corbeaux déjà croassent aux vasistas Les dingos s’entretuent autour du mirador Et sont dès à présent les jeteuses de corps 20 Une Apostrophe au Pauvre Lelian Ô poète maudit, Figé dans une lune de grenat, Le rossignol ne chante pas pour toi ici-bas, Tu te fonds en un sombre souci Lorsque dans la futaie abattue Tes souliers dépecés te refont cheminer, Te voila bien triste jardinier Quand les iris aux têtes fendues, T’imposent une bêche rompue. Le cœur du soldat implose ou s’enorgueillit Lorsque sous sa botte une autre tige fleurie Tu laboures cette terre nue Grosse d’amoures éperdues, En passant la charrue à contre-temps, Nettoie donc tes pupilles, éternel gisant, Amoureux se maquillant sous l’encrier têtu, Une apostrophe à toi le seul Qui peut rassembler l’air du thym Derrière les cyprès distendus d’un gauche câlin. Plus détonnant que le noir du costume sur le blanc du linceul Ménestrel décharné toujours, Osseux vagabond troubadour, Ta gueule trépassée de nacre, Deux lacs flanqués sous les paupières guettant le sacre Sont plus récalcitrants qu’un régiment Emmené par des brigands. 21 Les Mots Ulysse a sa semblable au son des myosotis. Dame-moi ta peau pour y écrire les mots Aux encablures de tes lèvres qui bruissent, Ah ! que la mer a travesti ses oripeaux… Fil et chevelure qu’un jour brodait Et que la nuit bleue dérobait Pour la tapisserie des sens, La cécité des sons et le non-sens ; C’est le monde jeté dans un regard, La Liberté à l’œil coquard Les mésanges qui sabrent l’ange Et la vieille pierre vêtue de fange L’Eluard aveugle suit la vérité, Aux parfums des oiseaux vannés Oubliés là dans le ruisseau des lits Y boivent nos yeux sans pays L’esprit est un rocher que la nature érode La parole y vient luire à l’ombre du sommeil Et on s’y trompe comme les secrets de code, Elle ressemble aux fusils trempés de soleil. 22 Léotard Les mots d’alcool de Léotard. Cet allongé du boulevard au divan, ce tumulus parfumé, cette poésie de lettres en fumée, cette voix qui s’échoue sur la beauté des sons et sur le goulot rond et con comme le crâne d’un sergent. Des bouteilles et des bruits j’en bois sur le timbre sourd de Philippe, mort aux Champs des vers. Et jamais Ferré ne parut plus sobre que dans ton chant. Un tango un masque et pour passer le temps, ta vie. Philippe Léotard Mort aux Champs des vers 23 Les orpailleurs de larmes Tendres et cruels enfants, Tout comme une solution corrosive Ouvrent les blessures lueurs de jour, Mots mordants, rires rognants Soulevant l’engin calvaire de l’innocence, Ils tamisent les pupilles En font pleuvoir un déluge océan. 24 Le poète iconoclaste Si le ciel se dépêtrait de ce bleu infâme Je lui saurais gré des nuages Du gréement de brume et d’orage La foudre n’est que la prostituée du drame Ô Barbe de pluie sur le vêtement des dames Passante, vous portiez J’Adore ? Eh bien, laine mouillée au corps C’est mieux qu’une portée de gamins sur les gammes Et celle-là qui s’empiffre du corps du Christ Je suis le phlegmon des paroisses Et le goémon de l’angoisse Le goéland qui gueule et vous tâche de schiste Buvez la rumeur des vignes caelicoles Ce sera sans moi j’en ai peur J’ai la bêtise loin du cœur Je ne mettrai pas mes mouflets dans vos écoles 25 Le ciel par le col Le ciel avait cette pâleur d’étang Qui criait les nuages ivres Gris d’alcool envestés l’haleine au vent Quand ils toussaient l’à quoi bon vivre. le 16 octobre, Montmartre. 26 L’hêtre et le néant L’hêtre est au néant ce que la chaîne est au gland. 27 Fragment tortueux Qui va plus vite que la lumière reste dans l’ombre. Mais aujourd’hui : Quel lièvre ? Et pour quelle tortue ? 28 Ventru, fumée du Métropolitain Et l’avenir étouffe entre les strapontins Un autre verre une autre terre Ventru vient qui dodeline entre les corps fins Paris galope et s’égoutte loin du travail Le métro bruit sous la pierre Quand il vient d’enfiler ses bretelles de rail La sirène dissone et tonne la chamade La porte se gifle et se frotte Et les cœurs sont éteints et les cœurs sont nomades Une ville s’entasse entre les stries des vitres Ville que tous les jours menottent Qu’y faire Ventru n’a plus la gueule du pitre Ventru, c’est sa vie qui s’inhibe Ventru, c’est ce métro qui s’imbibe Ventru, c’est un talus de rouille Ventru, c’est ce métro qui vadrouille. 29 Pour Nino Schillaci, À jours à jours d’Autre Ô société amère muse craquelée Marelle morte de l’Ether Liqueur d’alambic et de guerre Comme une langue écarlate sur un sablé À jours à jours d’Autre À d’autres boissons d’habitude Et à d’autres qui nous renverseront les Sud Embaumeront ces traders d’allergies Qui nous font boire des couleuvres et des cris À jours à jours d’Autre La poudre a noirci tant des nôtres L’avenir a coulé pour les bombes Et Chrysler marche dedans sa tombe C’est un monde qui surprend l’autre À d’autres à d’autres jours Une île c’est un grain de beauté sur la mer Et d’île il n’y en eut jamais qu’une Solitude d’une hymne à l’envers Patrie porte du rêve abricot sans lacune À d’autres à d’autres jours 30 Cuba Bérézina des libéraux Ou ventre à terre le gusano Qui voudrait La Havane à sucre à sang Cuba est une île cinquante ans À jours d’autres jours Il n’est pas de question d’utopie Ni d’idéal à vérité Oh je sais bien les vitres sans buée Mais l’embargo on l’amnésie À d’autres jours d’Autre Oui mais je dis l’île m’est phare À peine une baie des cochons fait cauchemars À peine peur me prend en gage Que Cuba sagace comme les Rois les Mages. 31 L’Île On s’échoue sur la fille comme sur le sable L’océan dans la botte et les yeux sur les fables On laisse les étoiles de mer et d’argile, L’écume à la gorge et la mousson sur le cil, On souffle et souffle : « J’ai perdu mon île aux yeux noirs ! Mes mains mes mensonges et les tissus du soir ! Mon parfum, mon épice, mes songes et mes bains ! J’ai gagné des algues pour oublier les seins ! » Mais les embruns sont les galions de l’avenir Et ces hanches comme des voiles à prédire On croit rallier un rocher, et c’est l’Amérique Qui s’offre nue comme une bouée, avec ses criques. La terre est un trésor qu’on enfouit sous le ciel Ses longs vallons fleurent bon la vie et le miel On sent qu’à chaque pas s’éloigne la marée, Car la boucle est bouclée et mes cheveux frisés. 32 Fruit Je commettrai plus que le vide Oui ma dorée des Hespérides J’échafauderai l’aveu des anges J’attablerai tous tes louanges Je commettrai plus que le vide Oui ma dorée désespérée Ou j’effanerai ton corps de blé Il faut s’aimer avant nos rides 33 Le ciel par le cœur Le ciel était en fleur et des pervenches S’échappaient nues des baluchons Allaient cueillir l’horizur sur ses branches. Ciel et Soleil font collision. le 10 avril, sur une feuille. 34 Voyage sur la paume de la main Depuis que la lurette est belle Les mystères ont bu le sel Omar n’aurait pas tuer sans faute C’est que la vérité ne saute Que lorsque ses grands bonds se rouillent Aujourd’hui le ciel va sans brouille Au marché chasser la perle des sous Les globes de choux cartes sans bijoux * La Terre n’est plus ronde elle est carrée Ses angles font mal Magellan Magellan où donc est ton nuage Barbouillé dans la neige ou grisou dans le cou Je l’ai trouvé C’est la mousse dans le café Voyager aux vagues de ton cou Voïager au vague de ton cou Voir Alger au jaspe de ton clou Boire léger au grand bleu des fous Magellan Magellan où donc est ton nuage Je crois que la pluie a battu pavillon Mes doigts sous-marins sur tes lèvres d’abîme Passé Présent Oh les devantures du futur Vasco tes gammes ! La Terre est trop petite La Terre est trop petite Sans poésie, Voyage, c’est caravelle en carafe. 35 Ventru, boulot, dodo Ses yeux sont clos comme la courbe d’une agrafe Un nez dans un café c’est un curieux biscuit Un hennissement de lumière savonne l’ennui : La lampe au long cou de girafe Elle épie Ventru et son nez noyé de nuit Il reprend son travail et la vie qu’il tricote Les collègues là-bas sont dans la savane et papotent Mais le lion rôde et l’on s’enfuit Sa cravate pend comme l’émail des quenottes Une pensée ventriloque émeut les crocodiles Dans leurs yeux où Ventru se sent comme un arbre inutile Un petit pôle sans calotte Si voyant dans les tresses de ses mains les gonds De l’avenir le papier krafte des persiennes Que diraient donc ces belles ces brunes chiromanciennes : Voyez la gueule du patron Ventru rêve de cartomanciennes De s’évader avec elles sur les ions des antennes : Ici la photocopieuse des illusions 36 Sans le latin... 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Nam condimentum. Nulla la ut fourmi mauris croônde. 37 Mots croisés Une grille édentée, De couleur zébrée, Couverte d’écritures par-ci par-là. Neuf lettres dont un B pour commencer « On me fait tourner » lit-on à côté. B… B… B qui tourne… L’esprit tourne en rond Avec la bourrique Car c’est bien la bourrique qui tourne À moins que ce ne soit l’esprit que l’on fait tourner en bourrique Je ne sais plus. Tout se mélange et s’entremêle D’ailleurs : l’avez-vous trouvée l’énigme de la sixième colonne ? « Pas porté sur le mélange » – Grumeau. Qui a soufflé ? Moi ? Ça va, donc. Non ça ne va pas, je perds la boule ! – Quille, six lettres. Trop, c’en est trop. Tout cela me fait bouillir le cerveau Je m’en vais loin Me promener quelques temps La bourrique sur le dos… Non ! Décidément ! 38 Pyramide Excavation du cadavre Sirop des marbres Excitation des cadavres Sirop des arbres Excision du cadavre Sirop d’errance Cadavres expirés Sirop d’être aimable Cadavre de cassis Sirop sur la table Cadavres estimés Sirop des fables Cadavre exquis Sirop d’érable. 39 Les loups ne sont pas ceux que l’on croit Il est demain déjà J’arpente Les pavés lymphatiques Des Oraisons nocturnes Des mots Des mots Des rêves Des échos dans la tête Les histoires de loup s’épuisent Qu’y puis-je Le loup le père les pères La Méduse chauve Ne siffle plus C’est paraît-il Le jour des marchés Le soleil à la criée Des formes bradent des formes Des corps brodent des corps beaux Qui s’essuient le bec Sur le ciment crâne des Désirs creux Torves. La mort est passible d’amande Je dors. Le monde s’ajourne au réveil. 40 Sous la lune Vieille pensée sublunaire, qui tourne, d’avoir trop tourné. Je la regarde, qui va de pupille en pupille, et qui s’essuie sur mes paupières, que je n’arrive pas à clore tout à fait. Vieille pensée sublunaire, qui tourne, d’avoir trop tourné. Je n’en sais plus quoi dire, vraiment. Vieille pensée sublunaire, qui brûle, d’avoir trop brûlé. Est-ce que ce sont les diodes qui clignotent dans le ciel de caoutchouc ou la vieille pensée sublunaire, qui tourne, d’avoir trop tourné, que je regarde aller de pupille en pupille, et qui s’essuie sur des paupières de mon cru, que je n’arrive pas à clore tout à fait ? Je n’en sais plus quoi dire, vraiment. Vieille pensée sublunaire, qui tourne, d’avoir trop tourné. Saurais-je assez me taire pour parler ? 41 Un toit couvre le ciel Pourquoi le bonheur est-il insulaire Qu’à cela ne tienne la plume en l’air Mouille les yeux du train qui s’en ira demain J’espère de bonheur J’espère de Demain Mon amour était un arbre brûlé Et tes cils une forêt calcinée Mais nous deux maintenant c’est une Carmagnole L’Amérique, loin, n’en pose pas moins des colles Viens fermer la vitre de tes grands yeux Pour que la joie l’amour s’y sentent mieux Le chagrin ne t’est pas un beau vernis à ongle Amour s’il te plaît viens mon cœur t’attend qui jongle Les mots Les Môts Les Möts Ivresse cantabile ! Mais à quoi cela sert-il de parler Quand des champs les fleurs font sommier Silence est bel asile. 42 Ventru dîne et regarde la télévision Les Informations ont fait fortune Ventru tourne des yeux de fourchettes C’est je crois une histoire de fête C’est le Soleil qui montre sa lune Ventru patauge dans son assiette Sa femme, sa gosse ont les errements Sonores du gyrophare au vent Ventru son âme n’a plus cachette Le speaker enivre les serments Ventru s’en fout il boit son potage L’écuelle d’un goémon sans âge Alors oui vraiment le diable ment Voilà comment se mène un ménage Tout droit de Shakespeare aux Harlequins – Papa je veux un rouge Carmin Sus à Ventru ô fillette en cage Une nuée de paupières qui battent Ventru sent contre sa tempe un essaim Comme un mur de papillons écarlates 43 Les jours Je me fardais d’un ossement d’épaules Quand à la porte vint toquer la gnôle Le soir sombrait comme la paille Et de mon cœur faisait les funérailles La gnôle parla de son air de cachalot Je voulais l’inviter à jouer aux dominos L’alcool sombre fripon des gobelets Me tenta du chaos des osselets Le soleil s’en fut sans y croire Moi j’hésitais comme un œil au beurre noir Je voulais me sortir du tintouin du fatras Du coup je la goûtais quand Minuit m’agrippa Elle me fit mirer les vitres Elle me fit virer les mitres Confondre cœur avec valise Qui met bas toutes les chemises J’avais la tête vide et sans chanson Et que fait-on quand on est grand garçon Il faut s’allonger sur les draps Jouer de l’accordéon et puis s’en va Que disent les bouteilles ballottées souvent La gnôle s’en alla gésir un autre amant 44 La nuit est une silhouette obscurcie Ou un buvard bleu-gris de fantaisie La nuit est veule et peu velue Qui va me susurrer des mots crus Halte-là mais qui bouge dans l’ombre des choses Est-ce la nuit qui vient me verser sa narcose Et faire foudre des coussins Et faire coudre les fusains Tricot des lilas en peintures Qui des songes font les sutures Demain le ciboulot à l’hôpital C’est la gnôle qui m’a laissé son châle Mes yeux tombent comme une quille Mon sommeil a par trop courru les filles Et voilà donc la cafétaria des vapeurs Incroyable machine où l’agrume se meurt Je ne suis plus qu’un battement de cœur Dans la poitrine du percolateur Café Moka Cappuccino Coule l’amertume du Ristretto Comme d’habitude un allongé pour s’entendre Ne fumez pas Jetez-vous là-bas et vos cendres Quelle pluie feinte sur les corps Quelle plainte fuit là dehors Soleil tournesol tournevent La pluie seule a son mazagran 45 Ils vont au Mégarama c’est l’usine Ils vont boire une vie sans caféine Que leur importe de sourire Ils auraient bien trop peur de se salir Faites baver le crème et thé vert à la menthe Pauvre peuple qui souffle des choses violentes Ils roulent dans leur cloche au casino Pour faire pousser les sous du cuistot Chocolat ou thé Bergamote Avec cela ça veut une biscotte Où donc as-tu mis tes cheveux pauvre panier Où donc où donc les as-tu mis dans ton café Je fais des vers dessous mes gants Je fais la guerre pour du vent Je voudrais savoir qui vous êtes Mais comment vous rendre la tête Carillon carillon c’est qu’il est tard Sept heures au bleuissement des phares Déjà vous dénouez vos bretelles Je m’en vais gris de la couleur du ciel Vous allez retrouver la clarté de leurs yeux Je dévêtis ma peau pour devenir envieux Ci-gît la terre où l’homme n’a plus d’eau Ci-gît la terre ou la beauté des mots J’abats mon âge avec mon jeu Troquer le trognon des ans pour un vœu Où es-tu je voudrais te chercher sur le lit Où es-tu quand viendras-tu mon Épiphanie Je me fardais d’un ossement d’épaules… 46 Pour Julien Grach, Les hommes n’ont n’autre ami que le monde À toute beauté dans le vague À tout océan sur les bagues À tous lieux soleil dans un phare À tout horizon sur le tard Pleuvent sur nous les traits de nos derniers blasons Le mien n’aura changé ni de vent ni de nom C’est l’Humanité par toi retrouvée Julien Le vinyle ânonné des lèvres de Minuit La Cause contre la Pitrerie des Païens (Il ne faut pas ranger le poing dans son étui) À toutes les pieuvres du sable Au chant de notre cœur friable La réalité qu’elle est belle Sans son chapeau melon de fiel Aujourd’hui le ciel a renversé sa bouteille Les yeux du monde ont l’amertume des groseilles Les hommes comme un ciel ils vont de rhume en rhume Ô ma Réalité J’ai perdu vos ficelles Vous êtes un manuscrit refusé par la brume (Il faut vous augmenter du sabot de la pelle) Mais la bêtise est une éponge Qui s’emplit de nos aigres songes Demain sera rouge-bonbon Tiens ! Mais c’est la rue des chansons ! 47 Tous les jours Tous les jours où tu seras belle Je serai là Tous les jours où ton nez sera jonque sur un Mékong de larmes Je serai là Tous les jours où tu seras vieille Je serai là Tous les jours où dans tes yeux ce sera la croix et la bannière Je serai là Tous les jours où il fera beau Je serai là Tous les jours où il faudra cueillir cet abricot de soleil Je serai là Tous les jours où il fera nuit Je serai là Tous les jours où décrocher la lune c’est grimper aux glaïeuls Je serai là Tous les jours où je serai loin Je serai là Tous les jours où sans reflet il faut le chercher dessous la mare Je serai là 48 Tous les jours où la peau s’entaille comme un arbre Je serai là Tous les jours où je t’aimerai Je t’aimerai Je serai là sans queue ni tête À boire entre tes lèvres un soupçon de malice Au clair de tes cheveux la beauté du réglisse. 49 Je demeurai longtemps branlant dans Saint-François-Xavier On cueillait la pénombre en bouquet On se penchait et la courbe du dos semblait Une plante assoiffée Voulez-vous un Français dans l’échine – C’est de la belle viande, ô mon boucher Éjaculez vos niaiseries sans bouger – C’est bien bon mais bon le ciel a triste mine Le vent siffle ses fleurs en mon soleil Duroc a brodé ma peau au côté des marrons Que je suis vieux déjà mais les rides m’ont fait faux bond On parle de Thiers mais à quand une plaque commémorative aux abeilles C’est ce genre d’idées là qui vont tambourinant mes oneilles Brunes aquarelles qui sont blablas des fous Révoltez-vous révoltons-nous bon sang c’est fou – On laisse descendre plutôt que de nous cirer les oreilles Je ne sais si les pavés ont changé de camp Ou si ce sont les mêmes gens Qui les jettent sur eux-mêmes sur nous et sur la foule C’est drôle comme les quilles se font des boules 50 Flics en folie et fragrances flics Sur l’ardoise flics Sur les fables flics Sur les tables flics Entre les lignes flics À marelles flics Roule ta bille flics En cartable flics En cravache flics Dans l’utérus flics Sur les flaques flics Sur les feuilles des platanes flics Sur le bon point des écoles flics Sur le dessin du désir flics Sur le feu flics Sur l’eau flics Sur les feux rouges et verts flics En poteaux flics En coiffures flics En tarabiscot flics En tarin flics flics flics flics Sur le sablier des songes flics À Nicomaque flics Sur bitume n’amasse pas thune flics Sur cornet à pistons flics Sur pavés Pavés sur flics 51 flics Sur les châles flics Sur le Temps flics sur les rides flics Sur les dents flics Sur les chants flics flics Fric pour les facs et les lycées pas pour les flics Ni pour l’armée flics Sur flics flics Sur flops Jetez leur vos craies ! Feux ! 52 Pour mes camarades enzébrés derrière les barreaux, J’accuse M, Procureur de la République, l’épingle du mépris. L’avocat de la partie bourgeoise, tenant dans son bec un couteau d’une longueur gauloise, alchimiste du mensonge. Heurtebise, ange des farandoles de képis, ministre des matraques, oiseau noir, funiculaire du drame. Ministre du filet, chasse-roulotte, nous te souhaitons l’aimable métal qui meurtrit Tarpéia, traître au vent, bidoche des ans. W, truqueur, pipeur de dé, fraudeur, calvitie d’argent sale, menteur. Accroyable, Ysengrin, loup de son état, vidéliste, batististe, sécateur de glotte, putschiste. 53 Ô Muse, conte-moi l’aventure de l’Imbécile Celui qui pilla France, qui pendant des années régna, Voyant beaucoup de cris, découvrant beaucoup de rage, Brûlant beaucoup d’ambition dans ses rallyes, rêvant carrière Pour fendre la vie et défendre ses amis Les engraissant tous du gras de l’or, quoi qu’il en eût : Par leurs propres pantins, ils seront pendus en effet, Ces requins qui strièrent le soleil du Peuple Bas, Ces gars de Minuit qui leur donneront le poing À nous aussi, Fille du Peuple, conte comment le feu prit son droit ! Ça recommence, bactérie présidente, bacille de la finance, gesticule, gesticule, ô Tétanos, Thanatos viendra de la rue. 54 Pour Mumia Abu-Jamal, « Selon que vous serez puissant ou misérable Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » (Jean de La Fontaine) La Chaise Ce n’est pas la couleur qui fait l’homme Mais les hommes qui font la couleur. L’essence de la Justice a brûlé Oiseaux de pétrole aux lettres incendiées Chiens de boue chiens de chaîne et de mazout Mazette Sacco-Vanzetti c’était déjà de trop Que la balance est carnaval Que la plume est lourde quand elle est noire Mais le rouge est encore chaud dormant dans son poing clos Il ne fait pas bon s’asseoir À chaque fois que je vois une chaise Je pense Je pense que c’est le salon des enfers Les auvents funéraires Ça ne peut pas être Ça ne peut pas être Je vois la grimace du Mississippi Oklahoma Alabama Pennsylvanie Ces noms Où c’est la vie qu’on abolit Nouveau monde Nouveau monde Le sang est toujours neuf Il pleut toujours des enfants Sur la terre Les étoiles naissent et meurent Qui s’en souvient On s’en souvient au balbutiement des bras Vos lucioles éblouiront le vol des boéings De ces avions albinos qui font fausse note On vous fera voler au pinceau de l’arc-en-ciel Mais qu’est-ce que la mort par rapport à la vie Il te faut la vie La Vie LA VIE 55 Ton cœur il le faut Pour la pulsation de l’univers Si tu vois une chaise Cours encore un peu couche-toi Sur le papier Il ne faut pas s’asseoir Mumia J’allais devant les vitres vertes de l’ambassade Pour protester Para protestar To protest Dans la langue des luttes L’argent N’a pas d’odeur sauf quand il glisse sur les Cœurs Puanteur il pue les mains sales de manucures Vingt-huit ans tes dreads ont blanchies sûrement Nous ne les laisserons pas t’asseoir Je te donne de mon nom Pour qu’elles blanchissent encore Loin des sombres parasols de la magistrature Ces gens-là ont pour seul éclat Le verbe des fusils Le sinistre jeu des osselets Il ne faut pas s’asseoir Mumia. 2010 56 Ventru, ou le cocorico du réveil Que sonne l’hymne du réveil-matin C’est un monde qui s’allume au briquet De la paupière et du nez-calumet Une poignée de songes dans les mains Ventru se perd dans le buis du duvet Il a de la cendre sur le cheveu Des châteaux de sable sur les yeux Le lit porte un bien drôle de bouquet Son café a le mystère des cieux Les doigts de l’eau chaude frôlent sa peau Les Filandières filent l’écheveau Des prières sous la douche des vœux Vient le meuglement des ondes radio La ville enfile son papier-journal Ventru revêt son image automnale Ses os ont le clochement des grelots Ô longueur de l’escalier matinal Ventru court dans le pays du banal Pour devenir l’haleine du Métro. 57 Aujourd’hui cède place aux vignes Au chant bâillon de nos tympans Piocher avenir au lac des signes J’y bois le boire au lieu des lignes Satan s’ébroue sur son trident, Il eût voulu un paravent Pour blottir la vie dans son gant Quand on est jeune on ne veut pas, Non, passer le Temps à son doigt, Ou s’enquiquiner à l’épouser, On aime beaucoup mieux les draps Montmartre et les palais sans roi, Jeter l’aurore aux épuisés Claquer la porte aux policiers L’amour est un téton tordu La vérité n’est que de croire Le prédicat des lèvres mordues Le désordre des draps déchus Du soleil au bonjour du soir, La perturbation des miroirs Et c’est la danse des mouchoirs ! 58 Sommaire Ventru ou l’Expression Expression Laisse-moi ouïr Vents Impression soleil ronflant Théâtre Urbanisme La lune est un fard à paupière Qu’y puis-je ? Juillet Avions Albinos Juillet Gueule-De-Prose Ventru dort, et rêve Une Apostrophe au Pauvre Lelian Les Mots Léotard Les orpailleurs de larmes Le poète iconoclaste Le ciel par le col L’hêtre et le néant Fragment tortueux Ventru, fumée du Métropolitain 5 6 7 8 9 10 11 12 13 15 17 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 À jours à jours d’Autre L’Île Fruit Le ciel par le cœur Voyage sur la paume de la main Ventru, boulot, dodo Sans le latin... Mots croisés Pyramide Les loups ne sont pas ceux que l’on croit Sous la lune Un toit couvre le ciel Ventru dine et regarde la télévision Les jours Les hommes n’ont d’autre ami que le monde Tous les jours Je demeurai longtemps branlant dans Saint-François Xavier Flics en folie et fragrances J’accuse La Chaise Ventru, ou le cocorico du réveil Aujourd’hui cède place aux vignes 30 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 47 48 50 51 53 55 57 58