Journaux 1966-67

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Journaux 1966-67
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Journaux 1966-67
26 03 1966,
Le journal La Presse de Montréal titre : «Ottawa enquête à Québec sur la mort
étrange d’une quinzaine de personnes »
27-03-66 Dimanche Matin : Bilan de la bière 40 morts. Trois ministères font enquête. Au moins
quarante personnes seraient mortes à Québec après avoir absorbé de fortes quantités de
bière. L’affaire qui fait maintenant l’objet d’une enquête du Ministère provincial de la
Santé, du Service fédéral des aliments et drogues et de la Sureté provinciale, est appelée à
prendre une envergure insoupçonnée « Jamais aucune épidémie n’a fait une telle
hécatombe dans la région de Québec, » a déclaré un médecin, chef d’un service
hospitalier… Ces malades venaient de succomber à une insuffisance cardiaque qui ne
présentait pas les caractéristiques de la maladie cardiaque qui emporte habituellement les
gros buveurs… L’hypothèse officieuse qui circule dans tous les milieux à Québec … est
que toutes ces insuffisances cardiaques auraient été causées par un enzyme, produit
chimique spécial dont une brasserie se serait servie pour accélérer la fermentation de la
bière. On sait que la dernière grève de la Régie des alcools a eu pour effet d’augmenter la
consommation de la bière et c’est pour parer cette situation que la brasserie aurait utilisé
ce procédé pour augmenter la production. Or, nous ont affirmé plusieurs médecins, cet
enzyme pris en trop grande quantité aurait pour effet de détruire le muscle cardiaque,
c'est-à-dire le cœur proprement dit. C’est ce qui explique que les victimes autopsiées
avaient un cœur sclérosé alors que le reste de l’organisme ne l’était pas. On se rassure en
se disant que ceux qui sont morts étaient de gros buveurs de bière… Il semble donc
certain qu’il y a « quelque chose » dans la bière. Le bruit a bien circulé que toute l’affaire
avait été montée par les Lacordaire…
28-03-66 Montréal Matin Grand titre (3.8 cm) : « La bière qui tue »
28-03-66 Le Soleil Long article reprenant les données du Dimanche Matin. Déclaration de Laurent
Lizotte (Québec) et Ross Chapman(Ottawa). « Rien n’établit un lien entre ces morts et la
bière ». L’article fait allusion à la grève de la Régie des alcools de décembre 1964. Les
brasseries auraient peut-être employé une enzyme accélérante en trop forte proportion.
L’enzyme attaquerait le cœur. Paul des Ruisseaux, le coroner, doit enquêter. L’Institut
des brasseurs du Québec déclare : « Il s’agit d’une rumeur sans fondement ». Le Premier
ministre canadien, Lester Pearson, interpellé en Chambre déclare « Le Ministère de la
Santé nationale et du bien-être a dépêché deux enquêteurs de la Direction des Aliments et
Drogues. Rien n’indique que la bière soit en cause. Il faut une enquête complète avant
d’aller plus loin. » Le Ministère québécois de la Justice fait aussi une enquête. Les
policiers visitent la famille des défunts pour s’informer de la marque de bière
30-03-66 Le Soleil Déclarations officielles du Ministre de la santé du Québec et de la brasserie Dow
publiées simultanément.
Déclaration du Ministre de la santé du Québec
« Mon ministère a été avisé le 19 mars par un médecin de Québec 19 mars dernier par un
médecin de la ville de Québec de la possibilité d’une relation de cause à effet entre une
consommation excessive de bière et une forme particulière de myocardose. La
myocardose est une cardiopathie dégénérative affectant les fibres musculaires cardiaques
de façon subaigüe ou chronique. Les 40 malades rapportés don 16 sont décédés,
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consommaient tous de grandes quantités de bière, et ceci depuis plusieurs années. En
collaboration avec le ministère de la Santé et du Bien-être national, mon ministère a
immédiatement ordonné que des études soient faites afin de déterminer les causes
possibles de cette condition et les remèdes à y apporter. Mon ministère a demandé aux
anatomo-pathologistes des hôpitaux de la ville de Québec affiliés à l’Université Laval
d’étudier le problème. La responsabilité de cette étude a été confiée à l’un de leurs
membres les plus éminents. Il appert que ces 40 cas ont été décelés au cours des derniers
six mois, mais nous ne pouvons établir la cause précise de cette condition. Une brasserie
de Québec a fait l’objet d’une inspection rigoureuse et tous ses dossiers ont été examinés.
Rien n’a été révélé qui puisse indiquer qu’il y ait eu contamination de la bière dans quelle
que phase que ce soit de sa fabrication. Mon laboratoire a fait des études
spectrographiques poussées en vue de déceler la présence de métaux dans cette bière ainsi
que des échantillons de bière fabriquées par deux autres compagnies. Les résultats n’ont
rien révélé d’anormal. L’enquête se poursuit au laboratoire des aliments et drogues à
Ottawa, dans les laboratoires du ministère de la Santé à Montréal et au laboratoire de
médecine légale du Québec. Jusqu'à maintenant, il n’a pas été possible d’établir que cette
myocardose ait été causée par la consommation de la bière. Il se peut que plusieurs
facteurs encore non déterminés jouent un rôle décisif dans l’apparition de ce syndrome.
Nous sommes informés par le Brasserie Dow que la production à la brasserie de Québec a
cessé ce matin et que la bière entre les mains des distributeurs et des licenciés sera retirée
du marché et détruite. Cette mesure a été prise volontairement par cette compagnie afin
de faciliter les recherches et de rassurer la population. La compagnie conservera pour fins
d’études par le comité nommé par mon ministère, un échantillonnage de son produit. Dès
que les enquêtes qui se poursuivent auront apporté d’autres éclaircissements, je me ferai
un devoir d’en tenir la population informée. »
Déclaration de la Brasserie Dow Ltée
« Depuis quelques semaines, les hôpitaux de la ville de Québec ont enregistré des cas de
maladie cardiaque particulière. Les premiers rapports indiquent qu’il pourrait y avoir un
lien entre ces cas de maladie et une consommation excessive de bière fabriquée dans
notre brasserie ; mais l’enquête menée par les Autorités de Gouvernement Fédéral et du
Gouvernement Provincial ainsi que par des Conseils Indépendants réputés n’a révélé
aucun ingrédient dans la bière, ni procédé qui puissent être la cause de cette maladie. Il
semble maintenant que ces maladies doivent être attribuées à un autre facteur ou à une
combinaison de facteurs inconnus jusqu’ici. L’enquête pour découvrir ce ou ces facteurs
se poursuit aussi rapidement que possible mais il se peut qu’elle dure quelques semaines.
Nous avons également été avisés par les Autorités Fédérales et Provinciales qu’une
enquête sérieuse n’a révélé aucun cas de cette maladie dans la région desservie par notre
brasserie de Montréal. À la lumière de ces faits, nous avons décidé hier soir, dans le but
d’augmenter notre contribution à l’enquête officielle, et dans le but de rassurer les
consommateurs de la région desservie par notre de Québec d’alimenter les Agents et
Licenciés de cette région, de bière fabriquée dans notre brasserie de Montréal.
L’expédition de bière de Montréal ne commencera toutefois seulement lorsque la bière
produite à Québec et présentement entre les mains de nos Agents et Licenciés, aura été
retirée du marché et détruite par notre Compagnie. Les consommateurs de la région
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desservie par notre brasserie de Québec ayant en leur possession notre produit sont priés
de les retourner chez leur licencié qui les remboursera. Nous avons étalement arrêté la
production dans notre brasserie de Québec et toute la bière qui s’y trouve sera détruite. La
destruction de la bière en brasserie et de la bière retirée du marché se fera sous la
supervision gouvernementale et le public sera avisé lorsque cette opération sera terminée.
Nous avons informé les Autorités du Gouvernement à Ottawa et à Québec de notre
décision ce matin. »
31-03-66 Le Soleil Déversement de la bière (entrepôts, tavernes) et remboursement des clients chez
les épiciers. 50 000 bouteilles 500 000 gallons. 60 camionneurs sillonnent la ville.
Plusieurs épiciers refusent de les remettre disant que rien n’est prouvé. La bière est
détruite en présence d’officiers des ministères de la Santé fédéral et provincial. Rares ont
été les consommateurs qui ont réclamé un remboursement : ils ont préféré garder les
approvisionnements qu’ils avaient.
31-03-66 Montréal Matin Titres Dow ferme sa brasserie à Québec. Fermée pour longtemps. Pertes de
$ 2, 500,000 D’autres bières. Le Comité d’enquête
08-04-66 TIME 40 Cas 16 décès Tous boivent la même bière Le député Gilles Grégoire pose une
question à la Chambre des Communes : « Des centaines de personnes ont été
empoisonnées à Québec. Le Premier Ministre nous dira-t-il le nom de la compagnie
responsable de cet état de choses ? » La brasserie Dow, (filiale de Canadian Breweries, le
deuxième plus gros producteur de bière au monde après St Louis Anheuser-Bush)
construit sur le site de la première brasserie commerciale du pays construite en 1668 par
Jean Talon pour réduire la consommation de brandy par les colons de la Nouvelle-France,
a retiré sa bière du marché même si les autorités gouvernementales ont affirmé que la
recherche de traces de métal, de moisissures toxique ou de pesticides s’est avérée
négative. Toutefois aucun cas de la maladie n’a été retrouvé dans les régions desservies
par la brasserie Dow de Montréal. Dans la brasserie de Québec, six ouvriers ont vidé plus
d’un million de bouteilles de bière sous l’œil attentif des fonctionnaires fédéraux et
provinciaux et plus de 1,260 000 $ s’est englouti dans les égouts de ville de Québec.
21-04-66 Le Soleil Rapport du comité d’enquête : a) fabrication conforme aux standards canadiens
b) visite des lieux satisfaisante c) Analyse négative pour métaux, pesticides, insecticides,
toxines ou autres éléments chimiques anormaux. Coupes histologiques et renseignements
clinico-pathologiques envoyés dans les principaux centres du Québec ont permis de
déterminer que la maladie ne se rencontre pas ailleurs que dans la ville de Québec
21-04-66 L’Action Catholique
Déclaration du Directorat des aliments et Drogues (Ottawa)
« Les enquêtes de laboratoire effectués par le Directorat des aliments et drogues ne nous ont
pas permis jusqu’à maintenant d’identifier une substance quelconque dans les échantillons
examinés qui puisse être associée avec le syndrome clinique. Cependant, ces études ne sont
pas terminées et l’enquête se poursuit. »
03-05-66 Petit Journal. Question : « Y a-t-il eu des changements récents dans la recette de votre
bière ? » Gérard Levesque Vice-président de Dow : « Pas que je sache. C’est en jouant
avec les mélanges de houblons qu’on fait varier la saveur de même qu’avec certaines
nuances infiniment subtiles dans l’art du maître-brasseur. »
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26-05-66 L’Événement Réunion du Département de médecine de l’Université Laval. Hier, 150
médecins et scientistes médicaux n’ont pas trouvé d’explication satisfaisante à l’énigme
de la maladie cardiaque qui a frappé les buveurs de bière québécois. Au cours de la
journée, vingt exposés ont été entendus. Dans la matinée, ces exposés ont porté sur la
clinique et sur les résultats des autopsies. Dans l’après-midi, des toxicologues ont exposé
le résultat de leurs recherches effectuées à Ottawa et Montréal. Le sous ministre déclare
qu’il n’est survenu aucun cas nouveau depuis deux mois et met fin à la directive donnée
aux coroners de procéder à une autopsie chez toutes les morts subites dans l’est du
Québec. Le docteur Richard Bing Wayne State Université Detroit est impressionné par la
qualité des travaux.
23-06-66 Le Soleil Pierre Gendron Président de la Brasserie Dow donne une conférence devant le
Cercle St. Laurent : « Fausses rumeurs qui ont causé un tort incalculable à la brasserie
qu’il dirige. Certaines personnes auraient pu manifester un sens éthique plus marqué »
13-07-66 JAMA Réunion Université Laval du 25-05-66. Sous le titre de « Quebec's medical
mystery », JAMA conclut que : « Au symposium : a) Le cobalt est dans les limites légales
b) Il se situe très au dessous des niveaux toxiques, c) On n'a pas pu reproduire la maladie
en donnant la bière chez les rats »
Juillet 1966 MD of Canada sous le titre de « The winter epidemic of cardiomyopathy: a Quebec
medical mystery », on rapporte que « Au symposium tenu à l’université Laval, le 25-05-66.
H.C. Grice de la Direction des aliments et drogues (Ministère de la santé Ottawa) fait une
présentation qui absout la bière dans tous les cas puisque l'investigation faite à la Direction
sur toutes les bières de Québec, n'a pas permis de révéler des constituants anormaux ou des
constituants normaux à des niveaux toxiques. Clifford I. Chappel toxicologue de Montréal
dont la présentation a suivi celle du Dr. Grice, a confirmé les conclusions de la Direction
puisqu'il a administré la bière Dow à forte dose, pendant trois semaines à des rats, sans
constater de lésions cardiaques » Pour MD of Canada « la bière n'est pas un facteur
toxique »
20-07-66 La Presse Le sous-ministre de la Santé du Québec a déclaré : « On a n’a pas le droit de
laisser planer des soupçons au sujet du cobalt. » En faisant remarquer qu’on n’avait pas
rapporté de cas semblables au Canada ou aux États-Unis, il y a sûrement de gros
consommateurs de bière contenant du sel de cobalt en dehors de la province.
20-07-66 Le Soleil – Le cobalt ne doit plus être utilisé dans la bière, décision Direction des aliments &
drogues (Ottawa) en date du 14/7/66. Les brasseurs canadiens avaient cessé d’employer
les sels de cobalt en mars 1966. L’Institut des brasseurs de bière du Québec déclare que
rien de prouve que le cobalt soit relié aux décès survenus à Québec chez les buveurs de
bière. Le cobalt est employé dans plusieurs pays depuis de nombreuses années. Il est
employé au Canada depuis deux ans à la suite d’une approbation de Directorat des
aliments et drogues. Aux États-Unis, l’utilisation du cobalt a cessé le 14 juin et
l’Administration américaine des aliments et drogues a proposé que tout usage futur de cet
agent soit discontinué le 29 juin. Cette décision survient après que 18 décès aient
rapportés à Omaha d’après le Washington Post. L’Administration américaine a affirmé
qu’on n’avait pas prouvé que les sels de cobalt aient provoqué la maladie ou la mort.
20 -08-66 Maclean’s Cinquante malades, vingt décès qui fréquentent quatorze tavernes. La brasserie
Dow déverse un million de gallons de sa bière dans les égouts, « pour faciliter les
investigations. » Description de l’épidémie d’Omaha où le cobalt est encore en cause. Les
autorités de Dow refusent de discuter de l épidémie d’Omaha. *** Mais les autorités de
Dow acceptent de révéler au journaliste de Maclean’s le détail du déroulement de la crise
telle qu’elle a été perçue par la brasserie Dow. Le 16 mars 1966, un employé de Dow
apprend d’un infirmier que certains buveurs de la bière Dow sont hospitalisés. Les
autorités de la Dow croient à une intoxication par la ptomaïne. Malgré tout, ils se mettent
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en relation avec le coroner, le docteur Paul des Ruisseaux, qui affirme avoir pratiqué
quatre autopsies et avoir ordonné la tenue d’une enquête. Les malades boivent tous de la
bière Dow. Il affirme également avoir examiné les malades et demandé aux médecins de
bien vérifié leur dossiers. Dès que le président de la brasserie Dow, le Dr Pierre Gendron,
apprend cette nouvelle, il convoque une réunion à son bureau le même jour. Le viceprésident des opérations, Mike Keene, responsable de la fabrication de la bière affirme
que « cette rumeur est absurde. » Le docteur Gendron (docteur en chimie) croit que les
malades souffrent d’une intoxication à la ptomaïne. Il croit malgré tout qu’il était
nécessaire de faire appel à un expert dans la matière. Il contacte le docteur Clifford
Chappel, président de Bio-Research, une des meilleurs firmes spécialisées en toxicologie
au pays. Le jour suivant, le 17 mars, Dow appelle le coroner, Paul des Ruisseaux et lui
offre de le mettre en contact avec leur maître-brasseur qui lui dirait « exactement ce que
nous mettons dans notre bière. » D’après les autorités de Dow, ni les médecins, ni le
gouvernement ne les ont contactés. Toutes les informations qu’elles ont pu obtenir leur
sont parvenu par des rumeurs entendues par leurs employés. « Ils savaient que notre bière
était impliquée. Pourquoi ne nous ont-ils pas téléphonés ? » a demandé le docteur
Gendron. Il y avait, a-t-il dit, évidence d’hostilité à l’égard de Dow de la part des
médecins. « Ceux-ci étaient en état de panique en pensant qu’ils pourraient être
poursuivis, a ajouté le docteur Gendron, mais nous ne voulions poursuivre personne. Nous
voulions simplement savoir ce qui se passait. » Le 19 mars 1966, un cardiologue de
l’Hôtel-Dieu de Québec avertit la Direction des aliments et drogues (Ottawa). Le
lendemain, un fonctionnaire du ministère de la Santé du Québec avertit le docteur
Gendron que les autorités fédérales investigueraient bientôt la brasserie. En même temps
un Comité d’enquête provincial est formé de médecins, de fonctionnaires et de BioResearch comme représentant de la brasserie. Plus tard, le même jour, les autorités de
Dow reçoivent l’information du coroner des Ruisseaux qu’il y avait maintenant 39 cas et
14 décès. Il avait donné ordre à la Sureté du Québec de contacter les malades et leur
famille : tous buvaient la bière Dow à une exception près. Le coroner ne croyait pas que la
bière Dow était impliquée parce que ce produit est distribué également dans l’Est du
Québec et qu’on n’y trouve pas de cas. Le 20 mars, John Joubert le maître-brasseur de la
brasserie Dow reçoit deux représentants de la Direction des aliments et drogues (Ottawa)
qui visitent la brasserie et reçoivent des échantillons de la bière brassée depuis novembre
1965. Le même jour, les autorités de la brasserie reçoivent à leur bureau de Montréal un
appel du poste de TV de CBC, Toronto, au sujet de la rumeur de décès reliés à la bière
Dow. On contacte les avocats et on prépare une déclaration exonérant Dow de toute
responsabilité dans cette affaire. On rappelle CBC et on demande si la nouvelle télévisée
va faire mention de la brasserie Dow. CBC répond par l’affirmative. On lit donc la
déclaration au téléphone. L’émission de nouvelles de CBC Toronto ce soir-là a été une
expérience amère pour les gens de Dow. « Ils ont lu la nouvelle sans mentionner le nom
de Dow puis ils ont lu notre déclaration. » a dit le responsable des communications de
Dow avec amertume. Tout le personnel de Dow, qui ignorait cette histoire, a été pris par
surprise par cette émission. La nouvelle a été reprise par la presse locale et les ventes ont
chuté de 85%. Le 29 mars à 19h00, le docteur Gendron convoque une réunion spéciale
dans une suite de l’Hôtel Reine Élizabeth à Montréal. Sont présents, le vice-président de
Canadian Breweries, (dont Dow est une filiale), les vice-présidents au marketing et aux
opérations de Dow, un avocat et le docteur Clifford Chappel, toxicologue. Le docteur
Gendron pose la question cruciale : « Devrions-nous retirer la bière Dow du marché ? »
« Nous avions entière confiance dans notre produit, a-t-il ajouté, mais il fallait faire
quelque chose pour rassurer le public. » Au cours de la réunion, il téléphone au sousministre de la Santé du Québec. « Le retrait de notre bière du marché aiderait-elle
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l’investigation en cours ? a-t-il demandé » On lui répond par l’affirmative. Il y avait de
plus une raison économique à cette décision. On ne peut pas produire une bière qui ne se
vend pas, a-t-il ajouté. Dès le lendemain, on met en branle l’action de détruire toute la
bière produite par la brasserie Dow. Ce qui a nécessité quatre semaines. Le 25 avril, on
commence à approvisionner la ville de Québec de bière produite à Montréal : celle-ci ne
contient pas de cobalt « non pas, a dit un dirigeant de Dow, parce qu’il croyait que le
cobalt pouvait être dangereux, mais parce qu’on en avait fait mention au cours d’un
symposium de chercheurs. » Les autre brasseurs canadiens avaient fait de même, a-t-il
ajouté.
13-01-67 Medical Post (BobCohen) Tous les médicaments contenant du cobalt sont retirés du
marché par ordre de la Direction des aliments & drogues (Ottawa). Cette décision a été
prise après que des études conduites par la Direction des aliments & drogues ont
démontré qu’à certaines conditions, l’ingestion de grandes quantités de cobalt conduit à
l’apparition d’une cardiomyopathie. Lorsque la Direction a commencé à investiguer les
décès associés à une forte consommation de bière, a dit le Dr Ross Chapman, directeur
général de la Direction des aliments & drogues (Ottawa), les chercheurs ont tenté de
vérifier si les décès étaient attribuables à un constituant de la bière elle-même. La
Direction était particulièrement intéressée au cobalt à la suite d’études conduites à Québec
qui suggéraient qu’il y avait un lien entre le cobalt et ces décès. Dans les expériences
pratiquées par la Direction des aliments & drogues, 300 rats ont reçu pendant 30 jours
l’équivalent de 20 litres de bière par jour chez l’homme. Après jours, les animaux ont été
sacrifiés : les tests sanguins et la pathologie étaient absolument normaux. Les chercheurs
de la Direction ont par la suite choisi d’étudier les effets du cobalt sur des rats dénutris.
Plus de cent rats ont été soumis à une diète basse en certaines protéines pendant huit
semaines. Pendant les deux premières semaines de l’étude, certains animaux sont décédés.
Chez tous les animaux toutefois, des lésions sont apparues au niveau du ventricule gauche
sous forme de dissociation et de dégénérescence des fibres musculaires du cœur associées
à des dépôts lipidiques. Le Dr A.B. Morrison, chef de la pharmacologie à la Direction des
aliments & drogues (Ottawa), a dit que ces lésions chez le rat sont semblables aux lésions
qu’on a retrouvées chez les malades décédés à Québec. Pour cette raison, même si les
doses de cobalt ingérées par les rats étaient proportionnellement cent fois plus élevées que
celles qu’absorbaient les malades de Québec, « nous devons être particulièrement inquiets
(concerned) à cause de cette similitude. Nous suspectons une cause commune. » Le
docteur Morrison a déclaré qu’il semble clair que le cobalt par lui-même ne cause pas de
problème. Mais s’il est associé à d’autres causes comme la dénutrition, il semble qu’il soit
nocif à des doses relativement élevées.
20-01-67 TIME L’article de Time Magazine est en somme la suite de l’article du 08-04-66. Cette
fois, on indique clairement que la bière Dow brassée à Québec contenait plus de cobalt
que celle de Montréal et que la maladie cardiaque est apparue un mois après le début de
l’addition de cobalt et a disparu après l’arrêt de cette opération. On décrit également la
maladie d’Omaha qui présente les mêmes caractéristiques que celles de Québec. Enfin, on
retient le paradoxe du petit nombre de cas compte tenu de la popularité de ces bières (des
milliers de gros buveurs de bière n’ont pas fait la maladie) et de la négativité des
expériences toxicologiques sur le rat.