Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ?
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Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ?
Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? Thierry Foucart1 Introduction. La question des retraites en France a été sous les feux de l‟actualité en 2010 en raison des difficultés de financement qui ont conduit le gouvernement à réformer le système de retraite par répartition en vigueur, fondé sur le principe de la solidarité intergénérationnelle. La réforme ayant finalement porté sur la révision des seuls paramètres en jeu dans le système par répartition (à savoir, sauf régimes spéciaux, le relèvement de l‟âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans et de l‟âge pour bénéficier de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans), on peut se demander s‟il n‟était pas judicieux d‟inclure dans la réforme des mesures tendant à promouvoir, en complément du système par répartition, le système dit par capitalisation. La question reste d‟ailleurs posée, puisque la réforme, qui ne règle pas tous les problèmes financiers des caisses de retraite, doit être revue et corrigée dans les années à venir, et que l‟introduction d‟une part de capitalisation, fondée sur des principes philosophiques différents, est envisagée pour la compléter. On analysera dans la présente étude les performances de la capitalisation au plan individuel et collectif pour déterminer dans quelle mesure l‟introduction d‟un régime par capitalisation peut aider à pérenniser le principe même de la retraite dans la perspective d‟un vieillissement croissant de la population de tous les pays industrialisés, et satisfaire les besoins individuels dus aux différences de situation (pénibilité du travail, santé, …). L‟étude traitera spécifiquement du cas de la France dont il sera facile de généraliser les conclusions à des pays de situation actuelle ou prévisible similaire. L‟étude est structurée en trois sections : Dans la première section, intitulée : Capitalisation : principe de constitution des actifs et évaluation du taux réel de rendement, on commencera par rappeler en quoi consiste la capitalisation pour ensuite indiquer, sur la base des données chiffrées recueillies auprès de certains 1 Chercheur associé au laboratoire de sociologie et d‟anthropologie de l‟université de Franche Comté. Remerciements à Daniel Goyeau, Jacques Bichot, David Le Bris, Joël Ponge et particulièrement Ahcène Amarouche sans lesquels cet article n‟aurait pas vu le jour.. Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? organismes (AXA, Euronext, …) comment on peut calculer le rendement des actifs financiers constituant le capital sur lequel pourra être servie la pension de retraite dans le système par capitalisation. La référence à la capitalisation boursière (à travers l‟évolution du CAC 40) permet de préciser les rendements effectifs et les performances vraisemblables des actifs placés en actions dans le système par capitalisation. Dans la seconde section, intitulée : un modèle de projection simplifié, nous développerons un modèle de calcul des rendements des actifs en question et des performances en termes de niveau et de durée des pensions versées aux intéressés et des capitaux résiduels éventuellement transmis. Les hypothèses du modèle seront émises en fonction des évaluations des rendements effectifs calculés dans le paragraphe précédent et plusieurs simulations seront effectuées pour envisager les diverses possibilités d‟évolution des situations. Dans la troisième et dernière section enfin, intitulée : une approche macroéconomique des effets du système par capitalisation, nous montrerons, en calculant le volume des capitaux nécessaires pour assurer le financement des retraites par capitalisation de l‟ensemble de la population, la nécessité d‟une complémentarité entre les systèmes par capitalisation et par répartition pour la viabilité à long terme de l‟institution retraite. Nous terminons l‟article par un exposé sur les conséquences d‟un autre ordre dues à l‟importance des fonds de pension dans les capitalisations boursières. 1. Capitalisation : principe de constitution des actifs et évaluation du taux réel de rendement. 1.1 Principe. La capitalisation consiste à investir des capitaux sur des actifs financiers (FCP, SICAV, actions et obligations, bons de souscription, warrants …) qui rapportent un revenu (dividendes, intérêts, plus-values …) lui-même réinvesti. Le capital investi augmente donc suivant le principe des intérêts composés, de façon exponentielle dans le cas d‟un intérêt constant sur un capital garanti. Il peut aussi diminuer suivant la conjoncture économique et financière et la nature des investissements. Il existe plusieurs façons d‟investir pour se constituer un capital et en obtenir un revenu : l‟assurance-vie, les fonds de pension, l‟investissement immobilier … Nous nous limitons ici aux deux premières. Les actifs financiers sont de même nature, mais les fiscalités sont différentes : en simplifiant, la 2 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? première offre des avantages fiscaux sur les revenus (faible imposition), la seconde sur les souscriptions (déductions fiscales). Il existe aussi une différence dans la gestion des capitaux investis : en assurance-vie, elle peut être personnalisée, tandis qu‟un fonds de pension gère un portefeuille unique pour tous les adhérents. La restitution des capitaux n‟obéit pas non plus aux mêmes règles : dans le premier cas, le revenu prélevé sur le capital est un choix individuel réversible, avec la possibilité de récupérer ou de transmettre les capitaux acquis, dans le second, c‟est en général une rente viagère sans option de récupération ni transmission de capital. Nous étudions dans cet article la capitalisation sous les angles de la performance et de la part que l'on peut lui attribuer dans un système de retraite collectif. Nous ne tiendrons pas compte de la fiscalité toujours sujette à changement et ferons quelques commentaires dans les cas particuliers d‟un fonds de pension ou d‟une gestion de capitaux individuels. Dans la pratique, les portefeuilles de fonds de pension contiennent une proportion non négligeable d‟actions : par exemple, le fonds de réserve des retraites créé en France en 1998 (35,7 milliards d‟euros au 30 septembre 2010) comporte en 2010 33% d‟actions cotées en bourse. Le fonds Préfon des fonctionnaires (trois cent soixante dix mille adhérents en 2008 dont quatre vingt onze mille retraités et neuf milliards d‟euros d‟actifs financiers au 30 septembre 2009[2) contient environ 20% d‟actions et d‟OPCVM et 68% d‟obligations à taux fixes. Les fonds de pension américains sont constitués d‟actions à 50%. Les fonds à capital garanti appelés couramment et improprement « fonds euros » sont constitués en moyenne de deux tiers d‟obligations à taux fixes, d‟un sixième en actions, le reste étant en immobilier et en monétaire. Pour les contrats d‟assurance-vie souscrits par les particuliers, la situation est différente. Les supports sont les mêmes, mais la gestion du portefeuille est individualisée : elle tient compte de l‟âge du souscripteur, de sa situation familiale, de ses objectifs et peut aussi être modifiée en fonction de la fiscalité. Dans les deux cas, la performance de la capitalisation est liée à la gestion des fonds, à l‟évolution économique nationale et mondiale, et aux taux d‟intérêt des marchés financiers. Plus précisément, elle dépend de la performance annuelle des fonds comparée à l‟inflation, laquelle performance est définie comme la différence entre le taux de plus-value latente du capital après réinvestissement des revenus qu‟il produit et le taux d‟inflation. Cette différence est appelée taux de rendement réel. Sa valeur dépend de la nature des actifs financiers du fonds. 2 Ces chiffres sont disponibles sur internet : www.agefi.fr/articles/Chiffres-cles-1123978.html 3 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? 1.2 Évaluation du taux réel de rendement des fonds obligataires et des fonds garantis. En ce qui concerne les fonds à capital garanti (« fonds euros »), le tableau 1 cidessous donne le taux d‟inflation, le taux de plus value latente délivré par la société AXA sur son fonds euros et l‟écart entre les deux, qui est le taux réel de rendement. Il s‟agit ici de taux nets de frais de gestion mais bruts de prélèvements sociaux : Année 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Inflation 1,70% 1,70% 1,90% 2,10% 2,10% 1,80% 1,60% 1,50% 2,80% 0,10% 1,80% AXA 5,70% 5,55% 5,40% 5,00% 4,65% 4,42% 4,35% 4,45% 4,30% 3,90% 3,30% Écart 4,00% 3,85% 3,50% 2,90% 2,55% 2,62% 2,75% 2,95% 1,50% 3,80% 1,50% Tableau 1 : taux d‟inflation et taux versé par AXA de 2000 à 2009 On peut visualiser l‟évolution de ces trois paramètres comme ci-dessous : Figure 1 : taux de l‟inflation, taux de plus value et taux de rendement réel Au cours de ces dix ans, la plus value latente du fonds euros d‟AXA a été supérieure de 2,89 % à l‟inflation en moyenne (figure 1 ci-dessus). Les performances des autres compagnies d‟assurance-vie sont du même ordre. 4 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? Cette moyenne est une indication non prédictive du taux réel : la baisse actuelle des taux d‟intérêt sur les obligations est encore compensée dans les fonds euros par les taux d‟intérêt plus élevés des obligations émises auparavant. Le taux de rendement est en quelque sorte une moyenne mobile des taux annuels sur les obligations qui évolue avec retard. Le taux de rendement d‟un fonds euros est donc actuellement nettement plus élevé que le taux des obligations, mais suit la diminution depuis 1990 de ce dernier. Il faut attendre une augmentation du taux des obligations pour que l‟effet inverse se produise, avec un retard qui peut provoquer des taux de rendement négatifs[1] qui devront être compensés sur les fonds à capital garanti. 1.3 Évaluation du taux de rendement réel des fonds en actions. Les fonds comportent souvent une part importante de valeurs boursières dont il est nécessaire d‟évaluer le taux de rendement pour proposer une valeur vraisemblable globale. Le Cac 40 représente 70% de la capitalisation boursière totale de la place de Paris ; son évolution représente bien celle de l‟ensemble des valeurs cotées à la Bourse de Paris. Il faut bien sûr y intégrer les dividendes distribués supposés systématiquement réinvestis, pour mesurer la performance réelle : nous utiliserons donc les indices du Cac 40 « nu » (Cac 40 PI, ou Price Index) et avec intégration des dividendes (Cac 40 TR, ou Total Return), tous deux disponibles depuis 1988 (base 1000 au 31 décembre 1987). Le tableau 2 ci-dessous donne les moyennes annuelles de ces deux indices. On peut y voir l‟effet des crises financières de 2001 et de 2008. année 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Cac 40 PI 1248,77 1765,12 1837,28 1766,47 1850,49 2021,17 2058,10 1869,75 2078,85 2759,91 3692,88 4550,81 6270,69 5014,51 5 Cac 40 TR 1272,41 1850,97 1978,70 1966,96 2127,70 2404,13 2521,90 2368,93 2719,50 3717,33 5085,43 6393,45 8958,40 7292,01 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 3781,73 3118,64 3685,38 4269,12 5106,50 5729,08 4340,83 3346,44 3746,76 5632,17 4801,46 5856,55 6998,21 8595,09 9913,22 7717,72 6232,02 7276,85 Tableau 2 : Moyennes annuelles des CAC 40 (base 1000 au 31 décembre 1987 Pour obtenir le taux de rendement réel, il faut tenir compte de l‟inflation. L‟indice des prix à la consommation étant de 80,56 en 1988 et de 121,1 en 2010, on obtient les résultats suivants : Cac 40 PI : 1248,77/80,56* (1+t)23 = 3746,76/121,1 t =3,05 % Cac 40 TR : 1272,41/80,56* (1+t)23 = 7276,85/121,1 t = 5,98 % Les taux de rendement réel calculés sur 23 ans sont donc les suivants : Cac 40 PI : 3,05 % Cac 40 TR : 5,98 % Le Bris et Hautcœur [2, 3] ont construit un indice boursier mesurant les cours des grandes entreprises qui coïncide avec le CAC 40 à partir de la création de ce dernier en 1988. L‟analyse de cet indice montre que les événements extrêmes ont des effets décisifs sur la performance finale des actions. Suivant Mauboussin [4] qui a analysé les données quotidiennes du S&P depuis 1978, la variation moyenne annualisée est de 9,6 % mais en excluant les 50 meilleurs jours (sur 7 000), elle baisse à 2,2 % et en excluant les 50 pires journées elle monte à 18,4 %. De même, en effectuant les calculs précédents du 31 décembre 1987 (base 1000 du Cac 40 et du Cac 40 après intégration des dividendes) au 31 décembre 2010 (Cac 40 à 3804,78, Cac 40 après intégration des dividendes à 7526,34) on obtient les taux annuels de rendement réel suivants : Cac 40 PI : 1000/80,56* (1+t)23 = 3804,78/121,1 * 100 = 4,12 % Cac 40 TR : 1000/80,56* (1+t)23 = 7526,34/121,1 * 100 = 7,25 % Calculés sur dix ans glissants, ces taux de rendement réels ont pour moyennes 4,59% et 7,46%. Sur les dix dernières années, ils sont négatifs (-6,6% et -3,7%). Ce résultat s‟explique évidemment par les crises financières de 2000 et 2008. Les performances d‟un fonds sont diminuées des frais de gestion (de l‟ordre de 1%) et quasiment toujours inférieures à celles de son indice de 6 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? référence. Le taux de rendement réel net de frais de gestion des fonds euros sur les dix dernières années étant d‟environ 3%, un fonds en actions ne présente donc un intérêt par rapport à un fonds à capital garanti que si ce dernier est géré de façon dynamique. Un exemple concret de performance est donné par le fonds de réserve des retraites3 (FRR) qui affiche actuellement une hausse de 3% depuis juin 2004 (la baisse de 25% en 2008 a été partiellement comblée par la hausse de 15% en 2009) et dont la hausse espérée pour les années à venir est de 6,3% l‟an. La gestion est toujours collective lorsque les fonds sont des OPCVM, et c‟est l‟intérêt de l‟ensemble des actionnaires qui en fixe les objectifs. Les objectifs d‟un souscripteur individuel sont différents de ceux d‟un gestionnaire de fonds : il est tenu par sa situation personnelle, la législation sur la retraite, ses revenus disponibles, ses choix de vie. Un fonds de pension n‟est donc pas nécessairement géré de façon optimale par rapport aux intérêts individuels, alors que certains contrats d‟assurance-vie prévoient une augmentation de la part du fonds à capital garanti au fur et à mesure de l‟avancement en âge du souscripteur [5]. 2. Le modèle et ses hypothèses. 2.1 Hypothèses Pour pallier l‟imprévisibilité des taux de rendements des fonds euros et actions, nous considérons dans les simulations suivantes un fonds théorique dont le capital garanti augmente en fonction d‟un taux d‟intérêt constant. La situation analysée dans les simulations est celle d‟un salarié gagnant 1 250 € par mois cotisation retraite comprise, soit environ 1 000 € net. On suppose qu‟il verse 250 € par mois, soit à peu près ce qui est versé par lui-même et son employeur actuellement dans le système de répartition. L‟investissement annuel est donc de 3 000 €. Les calculs doivent impérativement tenir compte de l‟inflation dont on ignore complètement l‟évolution sur une période de 40 ans. En raisonnant en euros constants, on réduit le nombre d‟hypothèses, mais évidemment les projections restent dépendantes de l‟évolution économique et financière générale. Les seules hypothèses que nous faisons sont au nombre de quatre : un taux réel de rendement constant et supérieur à celui de l‟inflation (1), un salaire constant en euros constants pendant toute la période (2), un prélèvement sur ce salaire4 de 20%, correspondant à peu près à la cotisation actuelle aux caisses de retraite (3), une durée de souscription de quarante ans (4). Cette dernière 3 4 http://www.fondsdereserve.fr/ Il s‟agit du salaire brut de cotisations retraite. 7 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? hypothèse correspond à la période de capitalisation, pendant laquelle les intérêts sont réinvestis. À partir de la quarante et unième année, le retraité prélève une somme fixe annuelle du capital accumulé tandis que le capital résiduel produit encore des intérêts : c‟est la période de restitution dont nous calculons la longueur, en nombre d‟années, en fonction des taux de rendement réel. L‟âge de départ en retraite correspondant à l‟épuisement des capitaux est la différence entre l‟espérance de vie et la longueur de la période de restitution. La seule valeur à fixer est celle du taux de rendement réel. Les formules sont données en considérant que ce taux, noté t pendant la période de capitalisation, n‟est pas égal au taux noté t’ pendant la période de restitution. Le taux réel t peut en effet être supérieur au taux réel t’ si les capitaux sont investis sur des fonds en actions à une période favorable et gérés de manière efficace, la restitution étant effectuée après un arbitrage vers un fonds euros moins performant mais garantissant le capital et le revenu. La situation inverse peut aussi être imaginée. Le tableau 3 donne les formules facilement programmables dans les tableurs comme Excel : Période de capitalisation (40 années) C1 : capital initial égal à l‟investissement V Ci : capital accumulé à l‟année i V : Investissement annuel t : taux réel Ci = Ci-1 x (1+t) + V Période de restitution D0 : capital disponible égal à C40 Di : capital restant à l‟année i R : retrait annuel t’ : taux réel Di = Di-1 x (1+t’) – R Tableau 3 : formules de capitalisation et de prélèvement 2.2 Simulations. Pour simplifier, on suppose dans les trois premières simulations que le taux réel est le même pendant les deux périodes de capitalisation et de restitution (t = t’). Cas défavorable Le taux réel est fixé ici à la valeur particulièrement basse de 1%. La deuxième colonne du tableau 4 ci-dessous donne le capital accumulé au cours de la vie active. Ce capital augmente du versement annuel et de 1% par an, en euros constants. Au bout de quarante ans, il est de 146 703,34 €. On retrouve donc le capital accumulé au bout de 40 ans donné en ligne 40 (colonne 2) en ligne 0 (colonnes 3 et 4) des colonnes correspondants au capital sur lequel la retraite va être prélevée. 8 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? Prélèvement annuel 6 000 (50%) 7 200 (60%) Nombre Capital accumulé Capital restant d‟années 0 3 000 146 703,34 146 703,34 1 3 030,00 142 170,38 140 970,38 … … 22 73 451,73 35 774,46 6 408,56 23 77 186,25 30 132,21 Épuisé … … 28 96 426,54 1 063,22 29 100 390,80 Épuisé … 40 146 703,34 Tableau 4 : Calculs de la première simulation (Investissement annuel de 3 000 euros, taux réel 1%) La première des colonnes intitulées Capital restant indique le capital restant après chaque prélèvement annuel de 6 000 €, soit 50% du salaire net de cotisation retraite. Il est insuffisant à partir de la 29 e année de prélèvement, soit à l‟âge de 89 ans en cas de cessation d‟activité à 60 ans. La suivante indique le capital restant après chaque prélèvement annuel de 7 200 €, soit 60% du salaire net de cotisation retraite. Il est épuisé à la 23e année, soit à l‟âge de 83 ans en cas de cessation d‟activité à 60 ans. Les résultats sont résumés dans le tableau 5 ci-dessous : Taux et Investissements Retraite taux réel 1% 50% du salaire net sur 28 ans 20% du salaire brut pendant 40 ans 60% du salaire net sur 22 ans Tableau 5 : cas défavorable Si le taux réel était nul, le capital accumulé au bout de quarante ans serait égal à 120 000 €. La retraite serait de 50 % du salaire net (6 000 € par an) sur 20 ans : un taux réel de 1% fait gagner huit ans de pension à 50% du salaire net, un peu moins de 6 ans à 60%. Cas médian Si le taux réel est égal à 2%, les résultats sont beaucoup plus intéressants puisque la retraite est assurée à 50% du salaire net de cotisation retraite pendant 46 ans, et à 60% pendant trente cinq ans. L„espérance de vie à 60 ans est largement dépassée dans les deux cas. 9 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? Taux et Investissements taux réel 2% 20% du salaire brut pendant 40 ans Retraite 50% du salaire net sur 46 ans 60% du salaire net sur 35 ans Tableau 6 : cas médian Le détail des calculs est donné dans le tableau 7 ci-dessous : Prélèvement annuel 6 000 (50%) 7200 (60%) Nombre d‟années 0 1 Capital accumulé 35 36 40 3 000 3 060,00 … 150 101,07 156 103,09 … 181 335,83 Capital restant 181 335,83 178 962,55 … 62 684,77 57 938,47 181 335,83 177 762,55 2 691,40 Épuisé 37 984,82 Tableau 7 : Calculs de la seconde simulation (investissement annuel de 3 000 euros, taux réel 2%) Cas favorable. La troisième simulation suppose, pendant les deux périodes, un taux réel de 3% très proche du taux de rendement réel du CAC 40 PI au cours des 23 dernières années. Prélèvement annuel 7200 (60%) 8400 (70%) 9600 (80%) Nombre Capital accumulé d‟années 0 3 000,00 1 3 090,00 … 39 216 979,43 40 226 488,81 Capital restant 226 488,81 226 083,48 … 197 209,70 195 925,99 226 488,81 224 883,48 … 110 528,62 105 444,48 226 488,81 223 683,48 … 23 847,54 14 962,97 Tableau 8: Calculs de la troisième simulation (investissement annuel de 3 000 euros, taux réel 3%) La retraite à 80% du salaire net de cotisation retraite est garantie pendant plus de 40 ans, largement au-delà de l‟espérance de vie. Le capital résiduel continue à augmenter pour une retraite égale à 50% du salaire net et reste important même pour une retraite de 70% du salaire net. Ce capital résiduel est versé aux bénéficiaires des contrats d‟assurance-vie. 10 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? taux réel 3% Retraite 50% du salaire net pendant 40 ans 60% du salaire net pendant 40 ans 70% du salaire net pendant 40 ans 80% du salaire net pendant 40 ans Investissement 20% du salaire brut Capital restant 286 407,50 € 195 925,99 € 105 444,48 € 14 962,97 Tableau 9 : cas favorable Cas de taux de capitalisation et de restitution différents. Nous avons supposé dans les simulations précédentes que les taux de rendement réel pendant les deux périodes étaient égaux. Nous supposons ci-dessous que le taux réel pendant la période de capitalisation est de 3% et pendant la période de restitution de 1%. Ces hypothèses correspondent à une gestion sur des fonds en actions pendant la capitalisation et une gestion sécuritaire pendant la restitution. Cette procédure optimise le taux de rendement réel pendant la première période et sécurise la pension pendant la seconde. Elle est suivie dans certains contrats d‟assurance-vie, la transition entre les deux genres de gestion étant toutefois progressive et non soudaine comme dans le modèle choisi. 7200 (60%) Nombre Capital accumulé (t=3%) d‟années 0 3 000,00 1 3 090,00 … 27 122 322,99 28 128 992,68 … 31 150 226,49 32 157 733,28 … 37 198 783,51 38 207 747,02 … 40 226 488,81 8400 (70%) 9600 (80%) Capital restant (t’=1%) 226 488,81 221 553,70 … 74 384,28 67 928,12 … 48 169,69 41 451,39 … 6 838,59 épuisé … 48 169,69 226 488,81 220 353,70 … 37 399,22 29 373,21 … 4 810,41 épuisé … 226 488,81 219 153,70 … 414,15 épuisé … … 4 810,41 … … Tableau 10 : Calculs de la quatrième simulation (taux réel 3% en période de capitalisation, 1% en période de restitution) Les résultats montrent l‟importance de l‟efficacité de la gestion de l‟investissement pendant la période de capitalisation. On dépasse l‟espérance de vie même en donnant une retraite de 80% du revenu à partir de 60 ans. 11 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? taux réels 3% en capitalisation et 1% en restitution 80% du salaire net pendant 28 ans 70% du salaire net pendant 32 ans 60% du salaire net pendant 38 ans 50% du salaire net pendant 47 ans Tableau 11 : cas mixte Dans toutes les simulations précédentes, les calculs sont effectués à partir de la seule hypothèse sur les taux réels. Fondés sur le principe de la capitalisation, ils ne dépendent pas directement de l‟évolution démographique : la retraite est un reversement des capitaux valorisés des intérêts et dividendes. La comparaison avec un système par répartition est difficile, parce que les performances de ce dernier sont soit inconnues (dans un système par points) soit assurées au prix d‟un déficit (comme actuellement). Au plan social, dans un système par capitalisation, aucun prélèvement n‟est effectué sur le revenu des actifs pour financer la retraite des inactifs : il n‟y a pas de dette d‟une génération envers la précédente. C‟est toutefois purement formel lorsqu‟il s‟agit d‟une capitalisation sur des obligations d‟État : la dette de l‟État est toujours remboursée par les contribuables, donc principalement les actifs. 2.3 Variation de la période de capitalisation. Ce modèle permet très simplement d‟évaluer les conséquences d‟un allongement ou d‟un raccourcissement de la période d‟activité et de capitalisation. Nous donnons dans les tableaux ci-dessous les résultats d‟une augmentation et d‟une diminution de la période de capitalisation de cinq ans. Ils font apparaître une grande sensibilité de la pension à la durée de l‟investissement. Dans l‟hypothèse défavorable d‟un taux de rendement réel de 1%, on peut percevoir 80% de son salaire pendant 19 ans après avoir investi pendant quarante cinq ans (tableau 12 ci-dessous). Un salarié qui commence à travailler à 20 ans et qui cotise pendant 45 ans prendra sa retraite à 65 ans et percevra jusqu‟à 84 ans 80% de son salaire. Investissement de 20% du salaire brut sur 45 ans Retraite en pourcentage du salaire net 50% 60% 70% 80% Taux réels 1% 2% 33 ans >50 ans 26 ans 46 ans 22 ans 36 ans 19 ans 30 ans Tableau 12 : capitalisation pendant 45 ans 12 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? Dans le cas d‟une diminution de la durée de capitalisation à 35 ans, les résultats sont évidemment inversés : un salarié commençant à travailler à 20 ans cessera son activité à 55 ans avec une retraite de 50% de son salaire pendant 23 ans, jusqu‟à 78 ans ; c‟est en deçà de son espérance de vie. Investissement de 20% du salaire brut sur 35 ans Retraite en pourcentage du salaire net 50% 60% 70% 80% Taux réels 2% 3% 35 ans >50 ans 27 ans 47 ans 22 ans 35 ans 18 ans 28 ans 1% 23 ans 19 ans 16 ans 14 ans Tableau 13 : capitalisation pendant 35 ans Ces deux tableaux montrent la facilité avec laquelle le modèle précédent donne des indications sur les estimations des retraites en fonction de la durée de cotisation et de l‟âge de cessation d‟activité. Ce modèle offre un paradigme de l‟ensemble des questions que chacun se pose en fonction de ses choix personnels et peut être appliqué dans le cas d‟un système de retraite par répartition fondé sur l‟achat de points. D‟ailleurs, comme l‟explique Jacques Bichot [6], un fonds de pension investi en obligations d‟État revient à un système de retraite par répartition puisque la dette publique est remboursée par les actifs de la génération suivante. 3. Approche macroéconomique La question se pose de savoir si on peut étendre le système de retraite par capitalisation à l‟ensemble de la population et quels en seraient les avantages et les inconvénients. 3.1 conséquences d’une généralisation capitalisation à l’ensemble de la population. du système par Les fonds de pension donnent des retraites viagères qui épuisent le capital investi : il s‟agit d‟un modèle par capitalisation à somme nulle. En appliquant ce modèle au cas de la France au premier janvier 1977, J. Bourgeois-Pichat [7] a calculé le capital total géré par une caisse qui collecterait l‟ensemble des souscriptions avec un taux de rendement de 5% net d‟inflation et assurerait le paiement des pensions. Ce capital s‟élèverait à environ cinq fois la masse salariale annuelle pour une retraite égale au salaire. Cette somme considérable malgré le taux de rendement choisi élevé (5%) et du fait que la retraite est supposée égale au salaire dans l‟article de Bourgeois-Pichat, dépasse le capital de la nation : le système de capitalisation, qui ne peut pas doubler la richesse nationale, ne peut donc être 13 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? étendu directement à l‟ensemble de la population sans de profondes conséquences économiques. On peut refaire un calcul approximatif simple actualisé avec un taux de rendement réel plus vraisemblable à notre avis égal à 2%. La moyenne des retraites en France est de 1400 euros par mois, soit 16 800 euros par an. Le capital individuel nécessaire à 60 ans pour disposer d‟un tel revenu jusqu‟à 88 ans – espérance de vie des femmes – , dans l‟hypothèse d‟un taux réel à 2%, est de 350 000 euros. Le capital collectif total nécessaire est la somme des capitaux investis par les actifs (cotisations) et des capitaux résiduels pendant la période de restitution aux retraités (pensions). Classes d‟âge de 20 à 59 ans de 60 à 65 ans en milliers de personnes 34 080,10 3 882,50 10 761,90 5 687,00 175 325 240 91 Capital moyen en milliers d'euros par personne Capital total en millions d‟euros 5 964 017,5 Total en milliards d'euros de 65 à 75 plus de 75 ans ans 1 261 812,5 2 582 856 515 517 10 326 Tableau 14 : calcul du capital total nécessaire à un système de retraite collectif par capitalisation Le calcul est donné dans le tableau 14 ci-dessus. Le capital des actifs de 20 à 59 ans est en moyenne de 175 000 euros par personne. Leur nombre est de 34 millions, ce qui fait un capital de 5 964 017,5 millions d‟euros (près de 6 000 milliards d‟euros). Il y a 3,882 millions de personnes de 60 à 65 ans, ce qui donne un capital de 1 261 812,5 millions d‟euros (1300 milliards d‟euros environ) pour un capital moyen de 325 000 euros dans cette classe d‟âge. Les retraités entre 65 et 75 ans sont 10,7619 millions ; le capital restant est de 240 000 euros en moyenne, ce qui donne un total de 2 582 856 millions d‟euros (2600 milliards d‟euros). Au-delà de 75 ans, le capital restant est de 91 000 euros par personne pour 5,687 millions de personnes On trouve 515 milliards d‟euros. Le capital total est de l‟ordre de 10 320 milliards d‟euros. Ce calcul est évidemment approximatif ; il faudrait, pour qu‟il soit plus précis, tenir compte des effectifs de la population par tranches d‟âge plus étroites dans le calcul des moyennes (Bourgeois-Pichat effectue le calcul en temps continu, à l‟aide d‟équations différentielles). La capitalisation totale nécessaire pour assurer les retraites par capitalisation est donc de l‟ordre de 10 320 milliards d‟euros. Ce résultat est cohérent avec ceux de J. Bourgeois-Pichat. Il s‟agit d‟une somme considérable qui n‟est pas imaginable sans modifications profondes 14 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? macroéconomiques. En effet, la capitalisation boursière de la place de Paris est de 1 874 milliards d‟euros5, la dette publique – les obligations d‟ État – est d‟environ 1 500 milliards en 2009. Le patrimoine total privé net des Français est environ 8 000 milliards d‟euros en 2005, immobilier compris [8]. Ces calculs confirment l‟impossibilité de mettre en place un système de retraite fonctionnant exclusivement par capitalisation dans l‟environnement économique actuel. Pour D. Blanchet, « passer à un dosage différent entre capitalisation et répartition implique des modifications de l‟ensemble des caractéristiques de l‟économie. »[9] 3.2 Conséquences macroéconomiques. Un certain nombre de pays occidentaux ont opté pour ce régime et ont effectivement conservé un système par répartition. Aux États-Unis, « les fonds de pension [N.B. : 50% en obligations] ne concernent que 45% des salariés du secteur privé […] et 75% des salariés des emplois publics ». La “social security” (système public de retraite par répartition) assure à elle seule 40% du revenu de l‟ensemble des retraités »[10]. D‟autres, comme le Chili et l‟Inde, ont choisi un système unique par capitalisation actuellement en cours de constitution : les taux réels de rendements qu‟ils connaissent sont très supérieurs à ceux des grands pays industrialisés, les besoins financiers en investissement et les pyramides des âges sont différents : la comparaison est difficile. Notons que le Chili a été amené à autoriser la capitalisation sur les marchés étrangers [11] en raison de la taille réduite de l‟économie chilienne et par souci de diversification des risques (p. 19 du rapport) et que les États-Unis et le Royaume-Uni investissent sur tous les marchés (cf. ci-dessous). En Allemagne, Suède et Italie, « les réformes comportent l‟introduction d‟une part de capitalisation, qui reste cependant limitée. […]. En Suède, la cotisation [à un régime par capitalisation] est obligatoire, au taux de 2,5 % (contre 16 % pour la cotisation au régime par répartition) et les comptes individuels sont gérés par une agence gouvernementale. En Allemagne, la capitalisation est facultative mais accompagnée d‟importantes aides publiques (plafonnées). En Italie, le développement d‟une part marginale de capitalisation est proposé par le gouvernement Berlusconi par réaffectation d‟une partie (2 points de cotisation) des cotisations affectées au fonds obligatoire d‟indemnité de fin de carrière. »[12] D‟autres investissements, sur le marché immobilier par exemple, sont envisageables mais restent insuffisants compte tenu de la masse des capitaux nécessaires surtout si les investissements sont limités au marché national. On peut, comme au 19e siècle, proposer des emprunts à très long terme (100 ans par 5 www.bourse-investir.com/bourseparis.html 15 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? exemple) : cela revient à instaurer un système de retraite par répartition puisque ce sont les générations suivantes qui vont rembourser ces emprunts. Les investissements à l‟étranger présentent d‟autres risques, financiers et politiques. En outre, tous les pays riches sont confrontés au même problème de financement des retraites que la France, et les pays émergents vont y être confrontés dans les prochaines années. On peut imaginer que la demande d‟investissements va générer une diminution des taux de rendement, ce qui ne résout pas le problème puisque la rente viagère est directement liée au rendement des investissements. Il paraît donc bien difficile de financer les retraites uniquement par la capitalisation, c‟est-à-dire par épuisement des capitaux constitués par les cotisations antérieures. Il faut les financer aussi par les flux entre les générations, c‟est-à-dire par la retraite par répartition. Les simulations précédentes ne donnent pas seulement des indications précises sur les possibilités financières de la capitalisation : elles sont directement transposables à un système de répartition par points, la capitalisation s‟effectuant non en monnaie mais en points dont la valeur est liée à l‟âge, et permettent des choix de nature politique, faisant par exemple intervenir la garantie de l‟État pour assurer à chacun une retraite minimale. L‟impossibilité de généraliser le système de retraite par capitalisation est due en fait à l‟évolution démographique qui perturbe actuellement le système par répartition. Comme le disent Kessler et Strauss-Kahn, « les difficultés démographiques atteignent à terme les deux systèmes de façon assez analogue » [13]. L‟indépendance du système de retraite par capitalisation vis-à-vis de l‟évolution démographique est une apparence parce que, comme dans le système par répartition, il s‟agit d‟un partage de la production entre actifs et retraités : « sur le plan économique, il y a une quasi équivalence entre un système de retraite par répartition et un système par capitalisation ; dans les deux systèmes, l'arrivée à la retraite des générations du baby-boom et l'allongement de l'espérance de vie se traduisent par une augmentation des cotisations ou versements des actifs et/ou un ajustement des droits à la retraite (montant ou durée des prestations servies). En effet, il n'existe pour un actif que deux moyens de s‟assurer des revenus lorsqu'il aura cessé son activité : mettre de côté des biens acquis pendant l'âge actif, ou bien accumuler des droits sur la production future. Quelle que soit la forme que prennent ces droits, titres financiers ou promesse des générations futures garantie par l'État, donc quel que soit le mode de financement du système de retraite, actifs et retraités se partagent toujours la production du moment. »[14] 16 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? 4. Autres conséquences . Aux États-Unis, l‟épargne financière gérée par l‟ensemble des institutionnels était en 1996 de 13 400 milliards de dollars, soir 181% du PNB. En 2000, les institutionnels américains détiennent 59% des actions cotées américaines. Au Royaume-Uni, les actifs des fonds de pension s'élèvent, en 1997, à 897 milliards de dollars contre moins de 10 milliards de dollars en 1962. En pourcentage du PIB, l'encours représente 75% en 1997, contre 14% en 1962. De même, la part de ces fonds dans la capitalisation boursière du Royaume Uni est passée de 6,4% en 1963 à 48% en 1996. Ces chiffres montrent l‟importance des fonds de pension dans les capitalisations boursières. La coïncidence entre les hausses des marchés financiers observées depuis 1980 et les investissements des fonds de pension au fur et à mesure du vieillissement des populations suggère une relation de causalité qui mériterait d‟être analysée. En France, où la retraite par capitalisation est marginale, les statistiques sont 1300 milliards de dollars, et 83% du PNB ; par contre, une partie non négligeable de la capitalisation boursière appartient aux fonds de pension étrangers, sans que l‟on puisse donner de statistique exacte (elle serait de l‟ordre de 40% du CAC 40 en 1999) [10]. Une conséquence de la taille relativement faible des fonds français par rapport aux fonds étrangers est le transfert de la propriété des grandes sociétés françaises à des actionnaires étrangers, et donc à des intérêts étrangers. La taille de ces fonds de pension pose une question complémentaire : leur prise de participation dans une entreprise, qui ne se limite pas à quelques millièmes de son capital, leur donne une influence prépondérante dans les choix stratégiques de l‟entreprise. L‟importance du taux de rendement dans le niveau de la rente explique peut-être leurs exigences sur ce point [10] et contredit la forme du discours que l‟on entend habituellement sur la répartition de la richesse nationale produite entre salariés et actionnaires : en France, du fait de la faible importance des fonds de pension souscrits par des nationaux dans la capitalisation boursière, c‟est plutôt une répartition entre salariés français et retraités souvent étrangers. 5. Pourquoi un système de retraite par capitalisation ? Il existe donc des limites à la capitalisation pour le financement collectif des retraites. L‟impossibilité économique de constituer des capitaux nécessaires à ce financement impose le recours à un financement par des flux, c‟est-à-dire une sortie en rente viagère : le capital investi n‟est pas disponible. L‟exemple typique d‟un tel système est celui de la vente d‟un bien immobilier en viager : le capital 17 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? obtenu par la vente du bien n‟est pas disponible, mais génère une rente viagère au terme de laquelle le capital résiduel est réduit à zéro. C‟est le même bien immobilier qui est utilisé par l‟acheteur pour investir en vue de sa retraite et par l‟autre pour percevoir la rente. Le système par capitalisation, dès lors qu‟il y a une sortie en rente, est donc très proche du système par répartition. Il ne s‟agit que d‟une vision différente du financement des retraites, dont l‟argumentation n‟est pas fondée sur la solidarité intergénérationnelle, mais sur le transfert progressif de propriété. C‟est en fin de compte une différence entre les mots plus qu‟une différence entre les systèmes. L‟intérêt d‟un système de retraite par capitalisation ne réside donc pas dans la supériorité des résultats qu‟on prête aux fonds de pension par rapport à ceux que donne un système par répartition. Deux autres arguments peuvent être considérés comme plus justifiés : la création de fonds de pension français permettrait d‟éviter qu‟une partie de plus en plus importante des grandes entreprises françaises appartiennent à des fonds étrangers, et la diffusion des contrats type assurance-vie donnerait à chacun la possibilité de compléter sa pension en fonction de ses choix et de sa situation personnelle.. 18 Quelle part de capitalisation dans un système de retraite ? 6. Bibliographie. [1] Chavagneux C., L'histoire du taux d‟intérêt négatif, Alternatives Économiques n° 169 - avril 1999. [2] Le Bris D., P.-C. Hautcœur , A challenge to triumphant optimists ? A blue chips index for the Paris stock exchange, 1854-2007, Financial history review, http://ssm.com.abstracrt=1324222 [3] Le Bris D., Les krachs boursiers en France depuis 1854, Revue économique, vol. 61, N° 3, mai 2010, p. 421-430. [4] Mauboussin M., 2006, More than you know. Finding Financial Wisdom in Unconventionnal places, Columbia University Press. [5] Xiong J. X. and Idzorek T., Creating Portfolios That Confront Retirement‟s Risks, Morningstar Advisor, December/January 2011 [6] Bichot J., 2008, Urgences retraites, éditions du Seuil, Paris. [7] Bourgeois-Pichat J., Le financement des retraites par capitalisation, Population, 33e année, n°6, 1978 pp. 1115-1136 (http://www.persee.fr) [8] Boissinot J. et Friez A., Epargne et patrimoine des ménages : données macroéconomiques et données d‟enquêtes, dossier Epargne et Patrimoine des ménages dans l’Economie Française 2006 publié par l‟INSEE : http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ecofra06c.pdf [9] Blanchet D., Le débat répartition-capitalisation : un état des lieux, Retraite et épargne, rapport du Conseil d'analyse économique, 1998. [10] Giraud P.-N., Les fonds de pension, vers un nouveau capitalisme ?, Études, tome 394, n°2, février 2001. [11] Le régime de retraite chilien, document de travail AWP 5.6F : http://www.oecd.org/dataoecd/21/37/2429351.pdf [12] Conseil d‟orientation des retraites, Approche comparée des politiques de retraite menées en Allemagne, en Italie et en Suède, 2003, http://www.corretraites.fr/IMG/pdf/doc-175.pdf [13] Kessler D., Strauss-Kahn D., 1982, L’Epargne et la retraite, Economica, Paris. [14] Conseil d‟orientation des retraites, Réunion plénière du 12 septembre 2002, Retraite par répartition et compléments de retraite, Document n°1 :Les compléments de pension, http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-7.pdf 19