Salutation institutionnelle par P. Curbelié
Transcription
Salutation institutionnelle par P. Curbelié
125EME ANNIVERSAIRE DU COLLEGE PONTIFICAL CANADIEN SALUTATION INSTITUTIONNELLE PAR P. CURBELIE 8 JUIN 2013 Dans cette salutation inaugurale, je souhaiterais tout d’abord remercier M. Eric Sylvestre, de la Compagnie des Prêtres de Saint Sulpice, non seulement pour son invitation mais, plus encore, pour le soin mis à célébrer comme il convient le 125e anniversaire du Collège Pontifical Canadien dont il est l’actuel Recteur. Je vous adresse ces quelques mots au titre de mon service à la Congrégation pour l’Education Catholique. D’emblée, je tiens à préciser, et vous l’aurez déjà remarqué, que cette charge ne gomme nullement mes origines françaises, plus exactement toulousaines comme l’atteste mon accent. La Délégation du Québec à Rome contribuant à l’organisation d’un tel événement, c’est donc avec joie que je retrouve, ce matin, mes cousins d’une Province que l’on qualifie de Belle mais que je n’ai hélas pas encore visitée. A vrai dire, en ce 8 juin, le programme annonce un double événement : le lancement des actes du colloque « Les Archives du Vatican : pistes et défis pour la recherche sur le Québec et l’Amérique française » et une conférence sur « La bibliothèque du Collège pontifical canadien : une riche histoire à découvrir ». Il me plaît de rapprocher ici les deux termes : archives et bibliothèque. Mgr J.-L. Bruguès, qui aurait dû vous entretenir ce matin, vous expliquerait, bien mieux que je ne puis le faire, cette distinction qui, je l’espère pour lui, n’est pas un écartèlement et ne l’empêche pas de veiller tout à la fois sur la Bibliothèque apostolique et sur les Archives secrètes du Vatican. Nous savons tous que cette distinction entre archives et bibliothèque, pour justifiée qu’elle soit, est quelque peu bousculée par notre entrée dans l’ère du numérique. Certes, la liasse manuscrite ne sera jamais le livre imprimé et la diplomatique ne se confond pas avec la codicologie. Pour autant, d’aucuns ont noté que « si l’on s’en tient à la terminologie, archives et bibliothèques ont tendance à se rejoindre, à se confondre dans la même réalité de ressources pour la recherche. À cet égard, la fusion en 2004 de la Bibliothèque nationale du Canada et des Archives nationales du Canada est significative1 ». Autant dire qu’en cherchant à dresser l’historique de la bibliothèque du Collège Pontifical Canadien de 1888 à 1974, période durant laquelle le Collège occupait le bâtiment de la Via delle Quattro Fontane, Eric Bouchard ne nous renvoie pas qu’à un passé désormais révolu mais à une histoire qui poursuit, aujourd’hui encore, son mystérieux déploiement. En effet, nul ne niera que le fonds actuel n’est plus celui d’avant 1974. Pourtant, dans l’un et l’autre cas, il s’agit du fonds d’une même bibliothèque ecclésiastique, autrement dit de ce qu’il est convenu d’appeler un bien culturel de l’Eglise, et qui est au service de sa mission. En l’espèce, les ouvrages qui ont orné ou ornent encore cette bibliothèque non seulement possèdent une 1 Voir M.-‐A. CHABIN, « L’opposition millénaire archives/bibliothèques a-‐t-‐elle toujours un sens à l’ère du numérique ? », Bulletin des Bibliothèques de France 5 (2012), p. 26-‐30. 1 valeur historique, comme témoins d’une époque déterminée, et artistique, produits qu’ils sont par la technique et le style d’une époque, mais aussi une valeur spirituelle car ils sont une « expression des différentes formes de compréhension du donné culturel et théologique qui les ont inspirés et auxquels ils sont destinés2 ». Pour cette raison, l’étude précise d’Eric Bouchard dépasse largement le cadre d’une bibliothèque, fût-elle celle d’un Collège Pontifical, et nous replonge dans les éclats contrastées « de l’histoire de l’Église catholique et de l’histoire intellectuelle québécoise3 ». Les historiens parmi vous apprécieront, avec beaucoup plus de compétence que moi, la portée exacte qu’il convient d’accorder à l’adjectif « canadien » dans le titre de ce Collège. Notre conférencier semble avoir montré, dans son mémoire soutenu à l’Université de Montréal, après avoir bénéficié du concours d’Univers culturel de Saint-Sulpice, que « le Collège, bien que "canadien" et même canadien-anglais dans son dessein originel, s’est avéré canadienfrançais du simple fait que ce sont des ecclésiastiques français et canadiensfrançais (et parmi eux avant tout québécois) qui l’ont établi et qui l’ont animé4 ». Il y a peu, M. Sylvestre m’a invité au Collège Pontifical Canadien, dont la rénovation ne manque pas d’impressionner. Nous sommes passés quelques instants dans l’actuelle bibliothèque. Je ne sais pas si cette expression s’est conservée au Québec, parfois plus soucieux que nous autres, Français, de la conservation de notre langue commune, mais, au XVIIIe siècle, on disait « figurément […] d’un homme qui sait beaucoup, mais qui sait mal et avec confusion, que C’est une bibliothèque renversée5 ». Après avoir constaté l’ordre qui règne aujourd’hui à la bibliothèque du Collège Pontifical Canadien, j’en déduis que ses utilisateurs sont des hommes qui savent certes beaucoup, mais dont le savoir est bien ordonné. Sans doute peut-on regretter que cette fameuse bibliothèque ait été dispersée car elle faisait honneur à votre patrimoine. Mais je note que vous avez choisi que cette matinée se déroule à deux pas d’un Institut universitaire, lui aussi fameux, dédié à l’étude des Pères de l’Eglise et, plus spécialement, à celle de saint Augustin. Nous savons que, juste après sa mort survenue en 430, son ami Possidius rédigea sa biographie qui se termine par ces mots : « il ne fit pas de testament parce que, pauvre de Dieu, il n’avait pas de raison d’en faire. Il recommandait toujours de conserver diligemment pour la postérité la bibliothèque de l’église avec tous les codex (codices) ». Peut-être n’a-t-on pas fait montre du même soin au moment du transfert du Collège Pontifical Canadien. Possidius explique aussi qu’Augustin demeure toujours vivant, en particulier auprès de ses lecteurs. Mais il prend soin d’ajouter : « je crois que ceux qui purent le voir et l’écouter quand il parlait en personne à l’église, ont pu 2 CARDINAL T. BERTONE, Indirizzo di saluto, Inaugurazione dei nuovi locali della biblioteca del Tribunale della Rota romana, 15 juin 2010. 3 E. BOUCHARD, La Bibliothèque du Collège pontifical canadien à Rome (1888-‐1974). Une bibliothèque québécoise outre-‐mer, Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de Maîtrise en Bibliothéconomie et sciences de l’information option recherche, Université de Montréal, 2012, p. 3. 4 Id., p. 70. 5 ACADEMIE FRANÇAISE, « Bibliothèque », Dictionnaire, IV édition, Paris, 1762. e 2 davantage tirer profit de son contact, et surtout ceux qui parmi les fidèles partagèrent sa vie quotidienne6 » (Vita Augustini, 31). Ne doutons pas que la vie quotidienne qui est aujourd’hui menée au sein du Collège Pontifical Canadien de Rome soit à même de faire fructifier un patrimoine riche et toujours vivant dont la bibliothèque constitue l’un des pans. P. Curbelié 6 POSSIDIUS, Vita Augustini 31. 3