Description et modélisation de la croissance et du
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Description et modélisation de la croissance et du
B A S E Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2003 7 (2), 99–110 Description et modélisation de la croissance et du développement du pommier (Malus x domestica Borkh.) II. Caractéristiques et distribution spatiale et temporelle des sites de floraison Viviane Planchon (1), Jean-Jacques Claustriaux (2), Jacques Crabbé (3) (1) Section Biométrie, Gestion des Données et Agrométéorologie. Centre de Recherches agronomiques de Gembloux. Ministère de la Région wallonne. Rue de Liroux, 9. B–5030 Gembloux (Belgique). E-mail : [email protected] (2) Unité de Statistique et Informatique. Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux. Passage des Déportés, 2. B–5030 Gembloux (Belgique). (3) Professeur honoraire. Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux. Passage des Déportés, 2. B–5030 Gembloux (Belgique) Reçu le 26 septembre 2002, accepté le 4 février 2003. De jeunes pommiers croissant librement des variétés Cox’s Orange Pippin et Jonagold ont été suivis pendant cinq ans et leurs sites de floraison relevés en utilisant une codification des unités de croissance permettant leur localisation précise dans l’espace et dans le temps. Deux phases sont décrites. La première, correspondant à l’édification des axes majeurs de la charpente, est caractérisée par un strict régime d’alternance au niveau des bourgeons terminaux des rameaux de deuxième ordre et même de troisième ordre. L’allongement important et prolongé des pousses n’y empêche pas le passage à floraison. La deuxième phase s’installe, d’abord sur les ramifications d’ordre trois et plus, puis sur les axes d’ordre deux eux-mêmes.Cette phase consiste en la répétition de la floraison sur des pousses majoritairement courtes (bourse sur bourse). Les deux variétés étudiées se distinguent par le mode majeur de ramification des branches et ses conséquences sur la floraison. Cox’s Orange Pippin développe surtout ses branches par de multiples sympodes sur floraison terminale, avec maintien d’un potentiel de floraison élevé. Jonagold, par contre, se développe davantage par des rameaux axillaires et, en absence de relance de la vigueur, maintient le régime d’alternance jusqu’à voir baisser son taux de floraison. La méthode d’analyse utilisée permet donc de caractériser les comportements variétaux et de prévoir les traitements à leur appliquer. Mots-clés. Modélisation, pommier, floraison, alternance. Description and modelisation of growth and development of apple tree (Malus x domestica Borkh.). II. Characteristics and space and temporal distribution of sites of flowering. Young growing apple trees, cvs. Cox’s Orange Pippin and Jonagold, have been observed during five years and their flowering sites were recorded. By using a previously established codification, the precise location in space and time of the flowering shoots was made possible. Two phases are described during the development of the tree. During the building of the frame (trunk and two first tiers of branches), a first phase is characterized by a strict alternate bearing regime in the terminal buds of the successive shoots of second and third order. Their eventually marked and prolonged elongation does not hinder their floral initiation, in spite of its late starting. A second phase beginning in third order shoots and later displays repeated flowering on mainly short shoots (“bourse on bourse”), while growth is slackening under joint influence of increase in number of functional apices and fruit load. Both studied varieties behave differently in their way of branching and in its consequences on flowering. Cox's Orange Pippin spreads its branches by numerous sympods upon terminal flowering: two to three bourse shoots sprout from one inflorescence, with an earlier transition to repeated flowering and maintained vigour. On the contrary, Jonagold extends its branches mainly through axillary shoots and, without renewal pruning to sustain vigour, alternate bearing continues until the flowering rate decreases. The exposed method allows thus to characterize varietal behaviors and to predict how to manage them. Keywords. Modelisation, apple tree, flowering, alternate bearing. 1. INTRODUCTION La maîtrise de la fructification préoccupe tout arboriculteur. Cet objectif passe incontestablement par une meilleure compréhension des mécanismes morpho- génétiques par lesquels apparaissent les bourgeons inflorescentiels, et des facteurs internes de leur distribution dans l’arbre. La connaissance que l’on a eue de ces phénomènes a d’abord été statique : floraison sur rameaux courts et 100 Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2003 7 (2), 99–110 rameaux longs, axillaire et terminale (Zeller, 1960 ; Feucht, 1961). Elle est ensuite devenue plus dynamique, lorsqu’a été prise en considération la liaison de l’initiation florale avec le rythme de croissance et la syllepsie (Crabbé, 1984). Dans ce même contexte, la relation établie entre l’activité plastochronale des méristèmes et le changement de leur activité vers l’édification de l’inflorescence a permis de préciser les conditions du virage floral au sein de l’arbre (Fulford, 1965, 1966 ; Abbott, 1977, 1984 ; Escobedo, Crabbé, 1989 ; Crabbé, Escobedo, 1991). Elle conduit notamment à dépasser l’idée quelque peu simpliste d’une relation inverse entre vigueur et passage à fleur, que nuançaient déjà par ailleurs les travaux de Lespinasse (Lespinasse, 1977 ; Lespinasse, Delort, 1986, 1993 ; Lespinasse et al., 1995). Enfin, les travaux de modélisation de l’architecture des arbres fruitiers, même s’ils n’ont pas encore parfaitement intégré les apports de la morphogenèse, paraissent des plus prometteurs (Costes, Lauri, 1995 ; Fournier, 1995 ; Lauri e ta l ., 1996 ; Lauri et al., 1997a; Lauri et al., 1997b). Au cours d’une vaste investigation visant à décrire et représenter le développement en forme libre de jeunes pommiers des cvs. Cox’s Orange Pippin et Jonagold greffés sur EM9, durant leurs cinq premières années, une attention particulière a été portée à la localisation et la fréquence du passage de bourgeons vers l’état inflorescentiel (Planchon et al., 2003). Ce précédent article s’était limité à souligner la participation de rameaux d’origine inflorescentielle (pousses de bourse) à l’architecture de l’arbre. La présente publication pousse l’analyse vers des considérations quantitatives intéressant directement l’évolution de la productivité de l’arbre. 2. MATÉRIEL ET MÉTHODES La procédure suivie dans cette recherche a été exposée en détail dans la publication citée plus haut. Rappelonsen toutefois l’essentiel. Des observations ont été effectuées, durant cinq ans, sur des arbres des cultivars Cox’s Orange Pippin (COP) et Jonagold (JG), greffés sur EM9 et laissés en croissance libre. Les arbres possédaient déjà un étage de ramifications sylleptiques formées en pépinière ; ils ont par la suite produit un étage proleptique chaque année. Afin de localiser et désigner précisément chaque unité de croissance (pousse ou portion annuelle d’axe), un code d’identification a été utilisé. Chaque unité de croissance est représentée par une succession de lettres indiquant la séquence des axes rencontrés depuis le tronc initial jusqu’à la portion d’axe considérée. Ainsi, T symbolise l’axe primaire du scion planté, S et P indiquent respectivement une ramification sylleptique et proleptique, et A, le prolongement de tout axe anté- V. Planchon, JJ. Claustriaux, J. Crabbé rieur. Lorsqu’un prolongement ou une ramification est constitué à partir d’une inflorescence, c’est-à-dire par la pousse de bourse, le symbole correspondant est affecté d’une apostrophe (’). L’âge de formation et l’ordre de ramification d’une unité de croissance peuvent donc aisément se déduire de sa représentation symbolique. Par exemple, TSAPP est une pousse d’ordre 4 apparaissant en 4e année sur le prolongement d’un rameau sylleptique du premier étage, TAPA’ est une pousse de bourse prolongeant en 4e année un rameau proleptique porté par le tronc, au niveau du 3e étage de ramifications. Soulignons que, par souci de simplification, nous ne tenons pas compte ici de l’augmentation d’une unité dans l’ordre de ramification que représente la présence d’une pousse de bourse. Pendant les trois premières années, 70 arbres par cultivar ont été complètement observés, chaque unité de croissance étant mesurée. En 4e année, seuls cinq arbres représentatifs ont pu être entièrement suivis, par variété. Enfin, en 5 e année, sur ces cinq arbres, deux branches TS, deux branches TP (avec leurs prolongements et ramifications) et l’extrémité de l’axe principal (et ses ramifications correspondant aux étages II et IV) ont été étudiées. Les tableaux 1 et 2 présentent les relevés de toutes les pousses observées en 2e et 3e années sur 70 arbres par variété. Le tableau 3 fait de même pour les 5 arbres complètement analysés en 4e année. Le tableau 4 donne un inventaire partiel relatif aux seules ramifications suivies en 5e année. Dans ces différentes listes, les pousses sont classées par type et selon la Tableau 1. Fréquences absolues des types de pousse observés, avec indication du caractère végétatif ou floral de leur bourgeon terminal, de la 2e année. Relevé établi sur 70 arbres par variété, x et x’ représentent respectivement les unités de croissance végétatives et florales dont la succession mène au type de pousse considéré— Absolute frequencies of shoot types observed, with indication of the vegetative or floral character of their final bud. Second year, statement established on 70 trees per variety, x and x’ represent respectively the vegetative and floral units of growth whose succession leads to the shoot type considered. Type de pousse TA TP TSA TSP Total 1.008 ∑ terminaux ∑ axillaires Caractère végétatif x Caractère floral x’ Total COP JG COP JG COP JG 22 272 65 313 672 19 146 21 174 360 50 66 557 29 702 47 270 308 23 648 72 338 622 342 1.374 66 416 329 197 87 585 40 320 607 95 355 293 694 395 680 613 Sites de floraison de jeunes pommiers 101 Tableau 2. Fréquences absolues des types de pousses observés, avec indication du caractère végétatif ou floral de leur bourgeon terminal, de la 3e année. Relevé établi sur 70 arbres par variété, x et x’ représentent respectivement les unités de croissance végétatives et florales dont la succession mène au type de pousses considéré — Absolute frequencies of shoot types observed, with indication of the vegetative or floral character of their final bud. Third year, statement established on 70 trees per variety, x and x’ represent respectively the vegetative and floral units of growth whose succession leads to the shoot type considered. Type de Succession des caractères végétatifs et floraux xx xx’ x’x pousses TAA TAP TPA TPP TSAA TSAP TSPA TSPP Total ∑ terminaux ∑ axillaires Total x’x’ COP JG COP JG COP JG COP JG COP JG 14 231 179 197 63 106 398 29 1.217 654 563 17 131 78 196 13 22 218 39 714 326 388 10 19 272 16 8 2 546 4 877 836 41 6 107 63 63 5 22 208 5 479 282 197 34 88 174 7 749 607 85 8 1.752 1.042 710 27 230 303 196 226 284 87 9 1.362 643 719 2 0 134 1 150 2 88 0 377 374 3 10 60 106 8 60 25 14 1 284 190 94 60 338 759 221 970 717 1.117 41 4.223 2.906 1.317 60 528 550 463 304 353 527 54 2.839 1.441 1.398 Tableau 3. Fréquences absolues des types de pousses observés, avec indication du caractère végétatif ou floral de leur bourgeon terminal, de la 4e année. Relevé établi sur l’analyse complète de 5 arbres par variété, x et x’ représentent respectivement les unités de croissance végétatives et florales dont la succession mène au type de pousses considéré — Absolute frequencies of shoot types observed, with indication of the vegetative or floral character of their final bud. Fourth year. Statement established on the complete analysis of 5 trees per variety, x and x’ respectively represent the vegetative and floral units of growth whose succession leads to the shoot type considered. Type de pousses TAAA TAAP TAPA TAPP TPAA TPAP TPPA TPPP TSAAA TSAAP TSAPA TSAPP TSPAA TSPAP TSPPA TSPPP Total ∑ terminaux ∑ axillaires Succession des caractères végétatifs et floraux xxx xxx’ xx’x xx’x’ x’xx x’xx’ x’x’x x’x’x’ COP JG COP JG COP JG COP JG 3 1 8 8 11 21 3 6 4 11 5 1 82 24 58 1 COP JG 7 17 63 6 2 2 1 4 1 17 COP JG 1 6 4 15 20 5 6 1 6 COP JG 1 11 21 1 2 7 1 22 4 4 4 9 14 3 2 2 27 7 2 15 7 73 22 3 3 33 20 2 0 2 152 100 122 55 30 45 51 12 39 1 9 0 9 131 104 27 95 54 41 27 4 1 COP JG 1 19 5 1 4 23 32 18 24 20 11 7 70 12 10 2 11 7 2 4 1 102 87 68 4 8 1 30 58 64 10 8 1 1 5 107 25 20 2 87 23 295 198 97 303 173 130 8 2 6 1 1 1 Total 1 1 2 7 1 1 11 1 10 12 1 1 15 4 2 1 1 2 1 1 12 1 2 3 44 38 6 38 22 16 COP JG 7 5 20 30 71 47 16 24 66 59 43 68 2 20 0 7 143 33 190 76 98 71 21 21 127 70 59 40 6 2 1 1 870 574 520 307 350 267 102 Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2003 7 (2), 99–110 V. Planchon, JJ. Claustriaux, J. Crabbé Tableau 4. Fréquences absolues des types de pousses observés, avec indication du caractère végétatif ou floral de leur bourgeon terminal, de la 5e année. Relevé établi sur l’analyse de 2 branches sylleptiques, 2 branches proleptiques (étage II) et des têtes de 5 arbres par variété, x et x’représentent respectivement les unités de croissance végétatives et florales dont la succession mène au type de pousses considéré. Cox’s Orange Pippin en caractère normal, Jonagold en italique — Absolute frequencies of shoot types observed, with indication of the vegetative or floral character of their final bud. Fifth year. Statement established on the analysis of 2 sylleptic branches, 2 proleptic branches (stage II) and heads of 5 trees per variety, x and x’ represent respectively the vegetative and floral units of growth whose succession leads to the shoot type considered. Cox’s Orange Pippin: normal, Jonagold: italics. Type de pousses TAAAA TAAAP TAAPA TAAPP TAPAA TAPAP TAPPA TAPPP TPAAA TPAAP TPAPA TPAPP TPPAA TPPAP TPPPA TPPPP Succession des caractères végétatifs et floraux xxxx xxxx’ xxx’x xxx’x’ xx’xx xx’xx’ xx’x’x xx’x’x’ x’xxx 2 1 5 1 1 58 1 3 4 1 1 2 1 2 7 2 16 1 3 3 1 TSAAAA TSAAAP TSAAPA TSAAPP TSAPAA TSAPAP TSAPPA TSAPPP TSPAAA TSPAAP TSPAPA TSPAPP TSPPAA TSPPAP TSPPPA TSPPPP Total 2 4 5 2 15 22 3 Total x’xxx’ x’xx’x x’xx’x’ x’x’xx x’x’xx’ x’x’x’x x’x’x’x’ COP JG 6 15 4 1 75 5 12 10 2 1 4 21 24 1 28 27 40 3 4 9 26 2 7 10 7 4 23 33 4 2 43 45 2 3 2 2 1 2 6 1 8 1 4 4 2 19 6 9 4 12 4 9 3 1 36 2 5 3 1 2 3 3 3 4 1 15 1 1 13 10 19 1 2 7 9 5 5 6 1 2 4 1 19 5 1 4 6 13 4 2 5 3 1 1 9 6 1 1 8 2 1 1 4 1 2 1 5 2 3 1 1 3 1 2 9 3 4 4 37 45 3 21 1 18 3 1 1 4 9 2 1 4 1 12 1 30 9 6 4 4 1 71 0 63 45 137 15 6 0 39 0 32 52 61 13 8 succession des unités de croissance inflorescentielles (x’) et végétatives (x) qui y conduisent. D’un tableau à l’autre, de légères discordances peuvent apparaître dans les fréquences des types de pousses. Celles-ci sont dues à plusieurs causes : – pousses réduites à des rosettes peu fournies et sans allongement, non relevées une année, mais reperçant au cours de la suivante ; – pousses faibles, relevées mais avortant ultérieurement ; – pousses inflorescentielles donnant de une à trois pousses de bourse, chez Cox’s Orange Pippin ; – erreurs par omission, lors des relevés, sans doute peu importantes et sans grande signification statistique, mais inévitables vu le grand nombre de données recueillies, à savoir plus de 300.000 observations. 7 40 0 47 371 141 16 5 1 20 0 4 8 4 27 4 100 38 78 0 42 11 67 2 13 0 0 0 5 24 37 3 46 28 49 3 10 25 68 9 12 0 0 0 26 18 79 4 59 11 22 43 11 20 0 0 0 0 0 0 7 35 49 4 42 21 19 0 17 25 15 0 4 0 0 0 687 557 3. RÉSULTATS 3.1. Distribution générale de la floraison au sein du jeune arbre Du fait du porte-greffe et du traitement à la Promaline reçu en pépinière, notre matériel présente un taux appréciable de floraison, dès la 2 e année. Les rameaux sylleptiques se terminent à 90 % par un bourgeon inflorescentiel (TSA’) chez les deux variétés ; leurs bourgeons axillaires (TSP) sont, par contre, majoritairement végétatifs dans la même proportion. Chez Jonagold, 65 % des productions axillaires de la partie supérieure de l’axe principal sont inflorescentielles (TP) ; elles ne le sont qu’à 20 % chez Cox’s Orange Pippin. Sites de floraison de jeunes pommiers 103 Cette situation initiale va fortement marquer l’avenir immédiat. En effet, dans les deux à trois années suivantes, vont s’installer des régimes d’alternance. Un rameau ayant fleuri en position terminale se prolongera par une pousse de bourse dont le bourgeon apical restera le plus souvent végétatif. Inversement, un rameau non fleuri à l’apex donnera un prolongement fréquemment terminé par un bourgeon inflorescentiel. Au niveau des ramifications issues des bourgeons axillaires des axes de la première année, ce phénomène est moins net, mais reste globalement vrai. Ainsi, tous axes confondus, les pourcentages observés de bourgeons terminaux inflorescentiels, de la 2e à la 5e année, sont, pour Cox’s Orange Pippin : 87, 42, 89 et 85, et pour Jonagold : 90, 33, 99 et 26. Dans l’ensemble des séquences d’unités de croissance relevées, incluant cette fois les positions axillaires, la dernière unité de croissance est terminalement fleurie, de la 2e à la 5e année, à raison de 51, 30, 71 et 75 % pour Cox’s Orange Pippin, et de 64, 27, 93 et 9 % pour Jonagold. Deux remarques doivent être formulées. D’une part, de la 4e à la 5e année, Cox’s Orange Pippin commence à répéter majoritairement la floraison (séquence bourse sur bourse) plutôt que d’alterner. En 5e année, les séquences alternées (xx’xx’ou x’xx’x) ne représentent plus que 13 % de l’ensemble contre encore 67 % chez Jonagold. Les séquences florales répétitives, dans les 2 ou 3 dernières années, sont respectivement de 52 et 9 % pour les deux variétés. Les tableaux 5 et 6 fournissent une ventilation de ces fréquences par étage et par ordre. Ils montrent la disparition plus rapide de l’alternance dans les étages et ordres supérieurs, sans qu’augmente pour autant la répétition de la floraison. D’autre part, une chute du taux général de floraison, chez Jonagold, en 5e année. Le fait est visible dans nos schémas de branches réelles du précédent article (Figures 4 et 5 de Planchon et al., 2003). Il pourrait s’agir d’une année “moins” ou “off” (de faible production florale) exacerbée par des conditions climatiques, par exemple. Mais, le phénomène se manifeste à tous les niveaux de l’arbre et n’a pas été remarqué pour les autres variétés du verger ; il l’a, par contre, été par un arboriculteur sur Jonagold, dans les mêmes conditions de non taille et d’âge. Jonagold est une variété que nos praticiens estiment devoir traiter par tailles de renouvellement régulièrement répétées : notre observation en apporte un élément de justification. Tableau 5. Fréquences relatives, par étage et par ordre, des séquences alternantes rencontrées dans les relevés des tableaux 3 et 4. En caractères gras : les trois premières années (x’xx’ou xx’x). En caractères ordinaires : les quatre dernières années (x’xx’x ou xx’xx’) — Relative frequen cies, by stage and order, of alternating sequences met in statements of tables 3 and 4. In bold characters: the first three years (x’xx’or xx’x). In ordinary characters: the four last years (x’xx’x or xx’xx’). Tableau 6. Fréquences relatives, par étage et par ordre, des séquences répétitives rencontrées dans les relevés des tableaux 3 et 4. En caractères gras : les deux avantdernières années. En caractères ordinaires : les deux dernières années — Relative frequencies, by stage and order, of repetitive sequences met in the statements of tables 3 and 4. In bold characters: two penultimate years. In ordinary characters: the two last years. Ordre Étage I Ordre Étage I COP JG II III IV Tronc COP JG COP JG COP JG COP JG 1 2 3 4 0 0 71 0 91 57 45 5 41 40 0 0 68 61 40 17 25 16 60 82 30 61 60 41 0 35 40 0 22 0 0 75 87 0 0 77 65 (80) (80) 3.2. Dynamique de développement des unités de croissance et floraison L’examen des distributions des pousses appartenant aux différentes unités de croissance, selon leur longueur et leur nombre de noeuds, va permettre d’affiner l’analyse. Les graphiques des figures 1a à 1d donnent des exemples de ces distributions, pour nos deux variétés, à l’issue de la 2e et de la 3e année de croissance, pour lesquelles nous disposons de relevés d’arbres complets. Les mêmes formes de distribution se retrouvent néanmoins plus tard. Au premier abord, ces distributions montrent deux sous-populations : l’une de pousses courtes, confinées dans des longueurs inférieures à 5 cm environ avec COP JG III IV Tronc COP JG COP JG COP JG COP JG 1 2 88 3 33 4 (100) II 0 75 12 88 21 63 29 19 6 29 18 7 41 1 50 79 11 23 32 30 22 10 14 0 10 83 6 22 23 22 17 5 0 0 56 0 24 25 0 0 0 0 104 Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2003 7 (2), 99–110 moins d’une quinzaine de feuilles, et l’autre de pousses longues. Ces dernières, à l’examen des suivis de croissance réalisés, se subdivisent encore en pousses ayant participé à une ou deux vagues de croissance, avec une limite imprécise vers 25–30 cm et 15 à 25 nœuds. Si l’on considère, en outre, le caractère végétatif ou inflorescentiel du bourgeon terminal, quatre types de distribution peuvent être finalement distingués (Figures 1a à 1d). Ceux-ci sont représentés de manière schématique à la figure 2. Les pousses courtes sont toujours majoritairement florales. Dans le type 1, les pousses longues sont quasi exclusivement végétatives, dans le type 2, elles sont plus ou moins également partagées et dans les types 3 et 4, elles sont très largement inflorescentielles. Les pousses courtes sont pratiquement absentes du type 4. Enfin, un troisième pas dans l’analyse consiste à distribuer davantage les pousses longues, pour rendre compte des capacités d’allongement des unités de croissance : nous l’avons fait par catégories de longueurs de 10 en 10 cm (Tableau 7 et figure 3). 40 V. Planchon, JJ. Claustriaux, J. Crabbé La manière dont les types de distribution se rencontrent dans l’arbre de deux et trois ans n’est pas fortuite et est très semblable pour les deux variétés (Figure 2). – Le type 1 concerne toutes les ramifications formées dans l’année qui suit la transplantation dans notre verger expérimental : TSA, TSP et TP. Le choc de cette transplantation affecte peu les pousses de 2e ordre dont plus de 20 % dépassent les 30 cm ; le 3e ordre, TSP, est par contre fait de pousses inflorescentielles courtes à 85 % (ce qui le rapproche du type 3). – Le type 2 se rencontre, en 3e année, dans les étages proleptiques en expansion ou en formation, avec une proportion de pousses longues à deux vagues avoisinant 30–40 % de l’effectif chez Cox’s Orange Pippin, 60 % chez Jonagold. – Le type 3 se confine dans les ramifications d’ordre 3 et 4 de l’étage I sylleptique, où les pousses courtes et brindilles inflorescentielles forment la quasi totalité de l’effectif. 40 a 35 a 35 30 30 25 25 20 20 15 15 10 10 5 Cox’s Orange Pippin – TSA’ 0 5 Jonagold – TP’ 0 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 Longueur (mm) 50 Longueur (mm) 50 b 45 40 35 35 30 30 25 25 20 20 15 15 10 10 Cox’s Orange Pippin – TSA’ 5 b 45 40 0 Jonagold – TA’P 5 0 0 50 150 250 350 450 550 650 750 850 100 200 300 400 500 600 700 800 900 Longueur (mm) 0 50 150 250 350 450 550 650 750 850 100 200 300 400 500 600 700 800 900 Longueur (mm) Figures 1a, b, c, d. Exemples de populations d’unités de croissance, distribuées selon leur longueur et leur nombre de noeuds. a, b, c, d, respectivement types de distribution 1, 2, 3 et 4 (voir texte, paragraphe 3.2 et figure 2). Type d’unité de croissance indiqué par son symbole (voir texte, paragraphe 2, exemple : TSA’). Nature des pousses : + = pousses entièrement végétatives ; m = pousses à floraison terminale ; ∆ = pousses à floraison terminale et axillaire ; l = pousses à floraison axillaire — Sites de floraison de jeunes pommiers – Le type 4 enfin assure l’allongement des branches maîtresses des étages I et II, avec des pousses dépassant 60 cm à raison de 70 % de l’effectif chez Cox’s Orange Pippin, près de 50 % chez Jonagold. Ainsi, au travers des types de distribution et des groupements d’axes présentant ces différents types, la floraison terminale devient extrêmement prédominante. Elle ne reste pas confinée aux pousses courtes et brindilles, mais affecte de plus en plus le bourgeon terminal des pousses longues et même des plus longues, c’est-à-dire celles qui poursuivent une croissance continue jusqu’à la fin d’août ou le début de septembre. Les extrêmes observés sont des unités de croissance de plus de 70 cm : 16 TSA’A chez Cox’s Orange Pippin et 10 TP’A chez Jonagold. La floraison axillaire est forcément réduite sur les pousses courtes, elle ne devient réellement importante que lorsque la longueur dépasse 20 et même 30 cm. Chez Cox’s Orange Pippin, elle reste toujours assez limitée avec 2 à 35 % des rameaux de plus de 30 cm, 50 105 sauf, en 3 e année, sur les prolongements des branches d’origine sylleptique (TSA’A) où elle atteint 84 %. Chez Jonagold, allant de pair avec une plus haute fréquence de développement de bourgeons axillaires (Planchon et al., 2003), la floraison axillaire est plus uniformément répartie dans les étages et les ordres de ramification, avec des maxima dans les prolongements des divers étages (65 % en TSA’A, 53 % en TP’A, 45 % en TA’P). 3.3. Productivité potentielle des arbres de la 2e à la 5e année Bien que n’ayant pas poussé l’observation jusqu’à la production de fruits – ce qui eût nécessité des travaux supplémentaires dépassant nos moyens –, on peut tenter d’évaluer grossièrement le potentiel de ces arbres croissant en forme libre par la fréquence des unités de croissance porteuses d’inflorescences. La figure 4 indique cette fréquence des rameaux terminés par une inflorescence ou en présentant au moins une en position axillaire, éclose de la 2e à la 5 e année. 50 c 45 40 35 35 30 30 25 25 20 20 15 15 10 10 5 c 45 40 Cox’s Orange Pippin – TSPA’ 0 5 Jonagold – TP’P 0 0 50 100 150 250 350 450 550 650 750 850 200 300 400 500 600 700 800 900 0 50 150 250 350 450 550 650 750 850 100 200 300 400 500 600 700 800 900 Longueur (mm) 50 Longueur (mm) 50 d 45 40 40 35 35 30 30 25 25 20 20 15 15 10 10 5 d 45 Cox’s Orange Pippin – TSA’A 0 5 Jonagold – TSA’A 0 0 50 100 150 250 350 450 550 650 750 850 200 300 400 500 600 700 800 900 Longueur (mm) 0 50 150 250 350 450 550 650 750 850 100 200 300 400 500 600 700 800 900 Longueur (mm) Examples of growth units populations, distributed according to their length and their number of nodes. a, b, c, d, respectively kinds of distribution 1, 2, 3 and 4 (see text, paragraph 3.2 and figure 2). Growth unit type is indicated by its symbol (see text, paragraph 2, example: TSA’). Nature of shoots: + = entirely vegetative shoots; m = shoots with final flowering; ∆ = shoots with final and axillary flowering; l = shoots with axillary flowering. 106 Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2003 7 (2), 99–110 V. Planchon, JJ. Claustriaux, J. Crabbé Cette figure confirme toutes nos constatations antérieures : l’alternance puis la répétition de la floraison le long des séquences d’unités de croissance, la fréquence élevée de floraisons terminales par rapport aux axillaires, ces dernières étant toutefois plus régulières et plus nombreuses chez Jonagold, et enfin la chute brutale des taux en 5e année, toujours chez Jonagold. En prenant en compte les nombres absolus d’unités de croissance (exemple : TSA, etc.) relevés antérieurement (Planchon et al., 2003), on peut calculer un nombre moyen de rameaux porteurs d’inflorescences (termi- nales ou axillaires) par arbre, par étage et par année (Tableau 8) ou par ordre et par année (Tableau 9). On remarquera la très nette suprématie du premier étage (sylleptique) chez Cox’s Orange Pippin et une productivité meilleure des étages proleptiques chez Jonagold. Chez les deux variétés, la productivité augmente d’année en année (sauf en 5e année pour Jonagold) et ce renforcement est surtout le fait des 2e et 3e ordres. Enfin, le tableau 10 présente les résultats d’un semblable calcul en le ventilant entre floraison terminale et axillaire ; il montre la meilleure productivité en position axillaire de Jonagold, déjà signalée. Types de distribution Tableau 8. Évolution de la production inflorescentielle (exprimée en fréquence absolue de rameaux fleuris par arbre) par étage — Evolution of the inflorescential production (expressed in absolute frequency of flowered branches by tree) by stage. Type 1 Type 2 Type 4 Type 3 Pousses majoritairement inflorescentielles Pousses majoritairement végétatives Cox’s Orange Pippin Jonagold Année 2 Année 3 Année 4 Année 5 COP JG COP JG COP COP JG 0,7 JG Tronc Étage 1 2 3 4 0,9 1,4 0,3 0,6 1,9 2,0 0,8 7,8 8,5 5,4 1,8 4,3 3,3 62,2 9,5 10,3 58,2 19,6 17,3 128,2 24,6 20,3 18,1 16,8 7,3 3,5 2,6 Total 8,7 9,9 7,5 8,2 83,9 97,1 169,5 53,4 TAP Tableau 9. Évolution de la production inflorescentielle (exprimée en fréquence absolue de rameaux fleuris par arbre) par ordre de ramification — Evolution of the inflorescential production (expressed in absolute frequency of flowered branches by tree) by order of ramification. TP TS Ordre Figure 2. Présentation des quatre types de distribution d'unités de croissance et répartition des types de distribution au sein des arbres de 2 ou 3 ans — Presentation of four growth units types of distribution and repartition of distribution types within trees of 2 or 3 years. Année 2 Année 3 Année 4 Année 5 COP JG COP JG COP JG COP 1 2 3 4 5 0,7 7,2 0,6 0,7 8,2 1,0 0,2 3,1 3,6 0,6 0,3 4,2 3,4 0,3 1,0 32,8 39,2 10,9 0,0 1,0 25,8 49,4 20,9 0,0 0,6 0,0 46,9 11,9 96,5 29,9 23,5 10,6 2,0 1,0 Total 8,7 9,9 7,5 8,2 83,9 97,1 169,5 53,4 JG Tableau 7. Classes de longueur des pousses reprises dans la figure 3 — Shoot length classes mentioned in figure 3. Longueur (cm) Nombre extrême de nœuds Cox’s Orange Pippin Jonagold Type de pousses ≤5 6–20 21–30 61–70 71 et + 10 10 Pousses courtes 12-25 12-20 Brindilles et pousses longues 1 vague 20-27 24-31 27-33 29-37 37-39 18-21 21-26 23-28 29-30 32-33 Pousses longues à 2 vagues ou à croissance continue 40 et + 34 et + 31–40 41–50 51–60 Sites de floraison de jeunes pommiers 107 Cox’s Orange Pippin Jonagold Figure 3. Histogrammes des longueurs de pousses (selon classes définies dans le tableau 7) pour les types d’unités de croissance les plus fréquents en 2e et 3e années. Chaque histogramme est accompagné du symbole du type d’unité de croissance la plus probable et de sa fréquence absolue (entre parenthèses). Chaque barre d’histogramme représente le % de la classe de longueur de pousse dans la population totale du type concerné. Chaque barre est surmontée de deux nombres : % de pousses terminées par une inflorescence (partie hachurée de la barre) et % de pousses terminées par un bourgeon végétatif. Les barres d’histogramme marquées d’un * à la base correspondent aux classes dans lesquelles plus de 50 % des pousses portent au moins une inflorescence axillaire. Le % indiqué sous l’histogramme est celui des pousses à floraison axillaire dans les classes de 30 cm et plus — Histograms of shoot lengths (according to classes defined in table 7) for the most frequent growth unit types in second and third year. Each histogram is accompanied by the indication of the symbol of the most probable type of growth unit and its absolute frequency (between brackets). Each bar of histogram represents % of the class growth length in the total population of the type concerned. Each bar is surmounted by two numbers: % of shoots finished by an inflorescence (left hatched bar) and % of shoots finished by a vegetative bud. The bars of histogram marked with an * at the base correspond to the classes in which more than 50% of shoots carry at least one axillary inflorescence. % indicated under the histogram is that of the shoots with axillary flowering in the classes of 30 cm and more. Tableau 10. Évolution de la production inflorescentielle (exprimée en fréquence absolue de rameaux fleuris par arbre) répartie en terminale et axillaire — Evolution of the inflorescential production (expressed in absolute frequency of branches flowered by tree) divided into final and axillary. Année 2 3 4 5 Floraison terminale axillaire Total COP JG COP JG COP JG 7,9 6,6 63,9 148,9 8,2 5,5 53,4 38,2 0,8 0,9 20,0 20,6 1,7 2,7 43,7 15,2 8,7 7,5 83,9 169,5 9,9 8,2 97,1 59,4 4. DISCUSSION ET CONCLUSION De même que l’on a pu reconnaître deux phases dans l’édification de l’appareil végétatif des arbres (Planchon et al., 2003), la floraison, bien qu’intervenant précocement, n’affecte pas le développement d’une façon uniforme. Dans une première phase où se constituent essentiellement les deux premiers étages de branches, l’apparition d’inflorescences terminales n’empêche pas les axes majeurs, de 1er et de 2e ordre, de se prolonger par des pousses de bourse moyennes à fortes. Néanmoins, à une floraison succède, dans la 108 Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2003 7 (2), 99–110 Cox’s Orange Pippin V. Planchon, JJ. Claustriaux, J. Crabbé Jonagold Figure 4. Pourcentages de rameaux à floraison terminale et axillaire relevés au niveau des unités de croissance formées de la 1ere à la 4e année (inflorescences écloses au printemps de la 2 e à la 5e année) — Percentages of shoots with final and axillary flowering noted on growth units and formed from the first to the fourth year (inflorescences hatched in spring from the second to the fifth year). plupart des cas, une pousse végétative : un régime d’alternance s’installe ainsi sur les axes d’ordre 2. Il y a là comme un compromis entre le caractère inéluctable de la floraison et l’“économie” indispensable dans l’allocation des ressources favorisant l’extension de l’appareil assimilateur du jeune arbre. Nous ne pouvons ici que constater ce phénomène par ailleurs connu sinon pleinement expliqué (Browning, 1985). Corrélativement, en position latérale sur les axes longs, la floraison s’installe, mais initialement en opposition de phase avec le rameau porteur. Ainsi apparaissent les séquences alternées le long de séquences d’unités de croissance impliquant le passage à un ordre de ramification supérieur (Tableaux 1 à 4). Toujours dans cette première phase, la prise en compte de la dynamique de croissance de divers types de pousses (par deux paramètres : longueur et nombre de nœuds) amène à souligner l’incidence de l’allongement et de la durée de croissance des pousses sur la formation de bourgeons inflorescentiels. Quelle que soit leur localisation, les pousses courtes voient très uniformément leur méristème terminal évoluer vers la floraison. Elles sont largement dominantes à partir du 3e ordre. Les pousses longues dominent, par contre, comme unités de croissance prolongeant les axes de 2e ordre constitutifs des étages de ramification. Ce sont elles qui marquent le plus nettement le régime d’alternance au niveau du bourgeon terminal, avec en plus, des taux de floraison axillaire importants. En contradiction avec l’idée courante et banale d’opposition entre vigueur végétative et floraison, il faut constater qu’en année “plus” ou “on” des rameaux très vigoureux de ces types forment une inflorescence terminale. L’arrêt de croissance tardif de ces rameaux ne permet donc à l’initiative florale de débuter qu’à partir de septembre et sans doute de s’achever peu avant ou pendant le débourrement du printemps suivant (Zeller, 1960) : la fertilité des fleurs pourrait en être affectée (Abbott, 1984). Les études de Lespinasse et Delort (1993) et Lauri et Lespinasse (1993) soulignent par ailleurs le rôle de ces bourses terminales, dont la présence assurerait l’autonomie relative ultérieure des ramifications latérales : nous pensons qu’effectivement la constriction vasculaire, que constitue le passage à un ordre de ramification supérieur par la pousse de bourse, pourrait expliquer cet effet bénéfique de la floraison terminale d’axes moyens à longs. La complexité croissante du système ramifié et l’augmentation du nombre d’apex en fonctionnement conduisent progressivement à la deuxième phase caractérisée par la répétition de la floraison. Ce phénomène apparaît d’abord dans les ordres et les Sites de floraison de jeunes pommiers étages supérieurs, mais gagne progressivement jusqu’aux axes prolongeant les charpentières. Cela freine l’accroissement ultérieur des arbres, surtout du fait qu’il s’y ajoute le “coût” des charges de fruits. Cette situation “d’équilibre”, faite de croissance limitée et de production fruitière régulière, représente évidemment l’idéal des arboriculteurs, qui veillent par leurs interventions à la maintenir. La comparaison des deux variétés ici étudiées montre la difficulté inhérente à cet objectif. À l’issue de cinq années de croissance libre, leur évolution s’avère assez différente, comme le montrent les schémas de branches réelles de notre précédent article (Figures 4 et 5 de Planchon et al., 2003, page 42). Cox’s Orange Pippin a développé essentiellement ses branches par l’intense sympodisation qu’entraînent les floraisons terminales avec deux ou trois pousses de bourse vigoureuses. Elle est entrée plus tôt en deuxième phase sans perdre beaucoup de sa capacité à produire des apex fonctionnels. Par contre, Jonagold s’est développée surtout par la production de pousses axillaires, ses inflorescences terminales ne donnant qu’une pousse de bourse unique. Elle a conservé plus longtemps son régime d’alternance. Sa capacité de production d’apex fonctionnels s’amoindrissant et plus confinée en positions axillaires dominées, la 5e année est apparue très déficiente au point de vue floraison, avec formation de pousses apicales et latérales, végétatives et souvent faibles. Cette variété eût demandé l’intervention de tailles de renouvellement. L’empirisme de nos arboriculteurs a conduit d’ailleurs à des traitements très différents de ces deux variétés : Cox’s Orange Pippin supporte que l’on laisse ses branches se développer en respectant leurs bourgeons terminaux, Jonagold demande des rabattements périodiques sur bourgeons axillaires proximaux pour relancer la vigueur de croissance. La méthode d’analyse de la croissance et de la floraison ici développée nous paraît permettre d’établir, plus rapidement que par la démarche empirique du praticien, un schéma structural (Planchon et al., 2003) et de productivité inflorescentielle pouvant servir à caractériser une variété et fournir une référence pour évaluer, voire prédire, les effets d’un porte-greffe, d’une charge de fruits ou d’un mode de conduite. Elle apporte aussi un prolongement à des recherches de caractère plus morphogénétique et physiologique en offrant au chercheur des possibilités d’études de cas. Remerciements Ce travail a été rendu possible par les crédits accordés de 1990 à 1995 par l’Administration de la Recherche et du Développement, Recherche contractuelle subventionée 109 (DG6) du Ministère des Classes moyennes et de l’Agriculture. Il n’aurait pu être mené à bien sans la collaboration, en dehors des auteurs, des personnes suivantes : pour la collecte de données en verger, Messieurs M. Gillet, H. Prévot et P. Van Lerberghe et, pour l’appui technique, Madame B. Thewis et Messieurs B. Marchal, P.A. Marchand et J.P. Smal. Ce dernier a, en outre, grandement contribué à l’illustration. Le Département de Biotechnologie (C.R.A., Gembloux) a fourni le terrain et assuré l’entretien des parcelles d’essai. Bibliographie Abbott DL. (1977). Fruit-bud formation in Cox’s Orange Pippin. Long Ashton Res. Sta., Rept 1976, p. 167–176. Abbott DL. (1984). The Apple Tree: physiology and management. London: Grower Books. Browning G. (1985). Reproduction behaviour of fruit free crops and its implications for the manipulation of fruit set. In MGR. Cannell, JE. Jackson (eds). Attributes of trees as crop plants. Huntingdon, United Kingdom: Institute of Terrestrial Ecology (NERC), p. 409–425. Costes E., Lauri PE. (1995). Processus de croissance en relation avec la ramification sylleptique et la floraison chez le pommier. In J. Bouchon (éd). Architecture des arbres fruitiers et forestiers. 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