LE NOUVEAU CADRE DE VIABILITÉ DE LA DETTE DE LA

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LE NOUVEAU CADRE DE VIABILITÉ DE LA DETTE DE LA
Assemblées de printemps
avril 2006
Une évaluation à la lumière des impératifs
du développement humain
Document de travail de la CIDSE
avril 2006
N.B. Ce document a été rédigé par M. Aldo Caliari pour le groupe de travail de CIDSE
et Caritas Internationalis sur les ressources allouées au développement. Les analyses
et propositions qu’il présente ne reflètent pas nécessairement les opinions et avis de
l’ensemble des membres de CIDSE et de Caritas Internationalis.
LE NOUVEAU CADRE DE VIABILITÉ DE LA DETTE
DE LA BANQUE MONDIALE ET DU FMI
DE LA BANQUE MONDIALE ET DU FMI
DE VIABILITÉ DE LA DETTE
Une évaluation à la lumière des impératifs du développement humain
LE NOUVEAU CADRE
SOMMAIRE
Acronymes et remerciements
p. 2
Principes de base d’une approche de la viabilité de la dette à la lumière du
développement humain
p. 3
Introduction
p. 4
I. Le CVD n’est pas destiné à donner aux pays en développement la capacité de
dégager les financements nécessaires pour atteindre leurs objectifs de
développement humain et les OMD
p. 6
II. Le CVD et les principes de participation et de responsabilité
p. 12
III. Le CVD continue de défendre un modèle économique standard et défectueux
p. 14
IV. Le CVD ne prend pas suffisamment en considération le secteur privé
et la dette interne
p. 16
V. Le CVD continue d’éluder une prise en compte intégrale et holistique du
commerce et de la dynamique financière
p. 17
Recommandations
p. 20
Bibliographie
p. 21
Encadré 1 : les initiatives d’allègement de dette : brève synthèse
p. 5
Membres du groupe de travail de CIDSE et Caritas Internationalis sur les
ressources allouées au développement
p. 23
1
ACRONYMES
AID
AVD
CVD
EPIN
FMI
IMAD
IBW
OMD
PFR
PIB
PPTE
PRI
Association internationale de développement (Banque mondiale)
Analyse de viabilité de la dette
Cadre de viabilité de la dette
Evaluation des politiques et institutions d’un pays
Fonds monétaire international
Initiative multilatérale d’allègement de dette
Institutions de Bretton Woods
Objectifs du Millénaire pour le développement
Pays à faible revenu
Produit intérieur brut
Pays pauvres très endettés
Pays à revenu intermédiaire
REMERCIEMENTS
Le principal rédacteur de ce document est M. Aldo Caliari, de Center of Concern, avec
des apports des membres du groupe de travail de CIDSE et Caritas Internationalis sur les
ressources allouées au développement. Un remerciement spécial s’adresse à M. Paul Martin
pour sa recherche substantielle à la préparation de ce document.
2
LE NOUVEAU CADRE DE VIABILITÉ DE LA DETTE
DE LA BANQUE MONDIALE ET DU FMI
UNE ÉVALUATION À LA LUMIÈRE DES IMPÉRATIFS DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN
Document de travail de CIDSE, avril 2006
PRINCIPES DE BASE D’UNE APPROCHE DE LA VIABILITÉ DE LA DETTE À LA
LUMIÈRE DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN :
¾ aborder le problème de la viabilité de la dette à la lumière du développement
humain conduit à exiger que les impératifs de développement humain
prennent le pas sur le remboursement de la dette. En conséquence, les pays
en développement doivent être capables d’affecter autant de recettes
budgétaires que nécessaire à ces objectifs de développement, seul le surplus
pouvant être affecté au service ou au remboursement de la dette ;
¾ la nature éminente de la personne humaine étant un principe universel que le
développement humain s’efforce de sauvegarder, sa mise en œuvre ne saurait
admettre de distinction entre pays à faible ou à moyen revenu ;
¾ les allègements de dettes sont nécessaires pour garantir que des pays ne
soient pas obligés de payer plus qu’ils ne le peuvent sans mettre en péril les
impératifs de développement humain ;
¾ la méthode d’élaboration des analyses de viabilité de la dette doit se fonder
sur la capacité des pays débiteurs à atteindre leurs objectifs de
développement humain et les Objectifs du millénaire pour le développement
(OMD) ;
¾ une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain
implique que ceux qui portent le poids de la dette puissent participer à sa
gestion ;
¾ une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain
requière non seulement des évaluations de viabilité de la dette, mais aussi des
réponses politiques au problème de la dette accordant la primauté aux
priorités du développement humain ;
¾ une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain
implique que la dette doit être traitée de façon globale et contraignante. Tous
les types de dette ont des conséquences budgétaires sur les ressources
nécessaires au développement humain, tous doivent donc être examinés et
recevoir un traitement politique ;
¾ l’approche fondée sur le développement humain doit être placée non
seulement au cœur des questions de viabilité de la dette, mais aussi au coeur
de l’élaboration et de la mise en œuvre de toutes les politiques économiques
internationales.
3
INTRODUCTION
Une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain
Conformément aux principes de la Doctrine sociale de l’Église qui guident leur action
de plaidoyer, CIDSE et Caritas Internationalis plaident depuis longtemps pour une approche
de la viabilité de la dette en termes de développement humain. Selon cette approche, les
impératifs de développement humain doivent prendre le pas sur les remboursements de dette,
principe partiellement repris par la Conférence internationale sur le Financement du
développement et par d’autres instruments du droit international1.
Principes fondant l’approche en termes de développement humain et la gestion de la
dette par la communauté internationale
Depuis la décennie 1980, plusieurs programmes ont de plus en plus pris en compte la
nécessité des allègements et même des annulations de dettes. L’initiative PPTE, en 1996, a été
le premier plan à traiter du problème de la dette de façon globale en fournissant les moyens de
réduire des deux tiers la dette des pays bénéficiaires. Les discussions qui ont conduit à
l’adoption du Cadre de viabilité de la dette (CVD) ont fait apparaître que celui-ci aborderait le
problème dans une vue prospective et ne comporterait donc pas de remise supplémentaire, « à
la PPTE ». De fait, ce Cadre modifiait sérieusement l’initiative PPTE en tant que mécanisme
de gestion de la dette. (L’encadré 1 présente brièvement les traits caractéristiques de
l’initiative PPTE et du CVD).
Cette étude examine le CVD à la lumière de l’approche de la viabilité de la dette en
termes de développement humain : elle se demande si, et dans quelle mesure, le CVD est
cohérent avec cette approche. Elle fonde son analyse sur l’examen de quarante-trois Analyses
de viabilité de la dette faites dans le contexte du CVD, depuis son adoption en avril 20052.
1
2
Cf. le Consensus de Monterrey, § 49 (‘‘Les futures revues de viabilité de la dette devraient aussi prendre en compte
l’impact des allègements de dette en fonction des progrès d’accomplissement des objectifs de développement inscrits dans
la Déclaration du Millénaire’’).
L’étude a couvert les analyses de viabilité de la dette (AVD) des pays suivants: Afghanistan, Albanie, Arménie,
Bangladesh, Bénin, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Cap Vert, Comores, Congo, Gambie,
Grenade, Guinée, Haïti, Honduras, Îles Salomon, Indonésie, Lesotho, Liberia, Mali, Mongolie, Mozambique, Népal, Niger,
Nigeria, Ouganda, Pakistan, Papouasie Nouvelle-Guinée, République Centrafricaine, République démocratique du Congo,
République Dominicaine, Rwanda, Sao Tome e Principe, Serbie Monténégro, Sri Lanka, Tadjikistan, Tanzanie, Vietnam,
Zambie, Zimbabwe. A l’exception de l’AVD pour le Mali, toutes les AVD incluses dans la revue ont été rendues publiques
après avril 2005 quand le nouveau cadre de viabilité de la dette a été officiellement approuvé par les gouverneurs de la
Banque et du FMI. Malgré l’utilisation comme date butoir de la décision formelle d’approbation du CVD, pour nombre des
AVD considérées il n’est pas clair que ce soit le CVD des PFR qui ait effectivement servi.
4
Encadré 1 – Les Initiatives d’allègement de la dette : brève synthèse
L’initiative PPTE renforcée a pour objectif de réduire à un niveau viable l’endettement de 42 pays représentant 8% de
la dette totale des pays en développement3. De ce point de vue, les objectifs PPTE peuvent paraître modestes. L’initiative
PPTE constituait néanmoins la première tentative de traitement de l’ensemble de la dette (bilatérale, multilatérale et privée)
de manière globale, et c’est aussi la première à inclure une réduction de la dette due aux institutions multilatérales.
L’initiative PPTE consiste en deux étapes. Durant la première, le pays potentiellement admissible établit un bilan de sa
mise en œuvre des programmes de la Banque mondiale et du FMI sur trois ans. À ce stade, appelé point de décision, les
institutions de Bretton Woods déterminent si, après mise en œuvre de tous les mécanismes traditionnels d’allègement de
dette, la dette du pays en cause dépassera encore un seuil chiffré préétabli. En ce cas, un programme d’allègement de dette
est établi. Afin d’obtenir les remises maximales, le pays doit encore poursuivre une série de réformes pendant trois ans ou
plus. Ceci fait, le pays atteint ce que l’on appelle le point d’achèvement et les allègements promis deviennent effectifs.
Toutefois, entre les points de décision et d’achèvement, le service de la dette est déjà allégé sur une base provisoire. Au
total, lorsqu’elle est menée à bien, l’Initiative apportera une réduction des deux tiers de leur dette aux pays admissibles.
Le CVD a été adopté en 2005 par la Banque mondiale et le FMI comme nouveau cadre de gestion de la dette des pays à
faible revenu (PFR). Il s’applique uniquement à ces pays en se fondant sur l’argument que la capacité d’accès des pays à
revenu intermédiaire aux marchés des capitaux justifie qu’on leur applique des règles différentes de celles qui s’appliquent
aux pays dépendant essentiellement de prêteurs publics. Parmi les PFR, le CVD s’applique à ceux qui ne se sont jamais
engagés dans l’initiative PPTE, ou à ceux qui en ont mené à bien le processus. Pour les pays déjà engagés, les deux types
d’évaluation seront menés ensemble.
Une caractéristique importante du CVD est, qu’à la différence de l’initiative PPTE, il ne sert pas à calculer des
allègements de dette. Sous le régime PPTE, l’abaissement du seuil d’endettement avait pour conséquence de signaler la
nécessité d’un plus large allègement. Sous le régime du CVD au contraire, la conséquence de l’abaissement du seuil
d’endettement est de réduire l’accès à des prêts non concessionnels et de faire dépendre la couverture du financement des
objectifs de développement et de lutte contre la pauvreté par des dons, toute remise de dette supplémentaire étant exclue.
Une autre différence avec l’initiative PPTE est que le CVD ne repose pas sur des indicateurs chiffrés préétablis mais sur
des seuils d’endettement spécifiques à chaque pays. Ces seuils sont fixés suivant une méthode fondée sur trois piliers. Ils
sont calculés en fonction de la qualité de la politique du pays endetté, de l’évaluation actuelle et prévisible des indicateurs
d’endettement, fondée elle-même à la fois sur des scénarii de base et des scénarii de crise, et sur la comparaison entre la
charge de la dette du pays et ces indicateurs ; le tout conduit à une évaluation d’ensemble du risque de « crise
d’endettement » du pays. C’est sur cette conclusion finale qu’il est prévu de fonder les décisions de financement
ultérieures.
Les seuils d’endettement particuliers à chaque pays sont établis sur la base de la qualité de leur situation politique et
institutionnelle, mesurée en utilisant la méthode des Évaluations des politiques et des institutions nationales (EPIN). Cette
méthode évalue le contexte politique et institutionnel d’un pays par rapport à un ensemble de critères préétablis pour
aboutir à une note fondée sur une estimation fixée d’avance de ce qui peut être considéré comme un bon résultat. En
fonction de leur note EPIN, les pays sont classés en trois groupes (mauvais, moyen et bon), et se voient assigner pour
chacune des cinq mesures budgétaires utilisées, une plage de seuils d’endettement.
La seconde étape du processus de CVD consiste « à évaluer et à interpréter les indicateurs d’endettement actuels et
potentiels d’un pays en fonction du scénario de base et de l’éventualité de chocs possibles »4. Le scénario de base se fonde
sur les prévisions macroéconomiques et budgétaires dans les conditions que le pays aura, suivant le FMI,
vraisemblablement à affronter dans les vingt prochaines années ; les scénarii de chocs exogènes ou de crise reposent sur des
circonstances telles qu’une baisse du PNB, une réduction des exportations, ou une dépréciation de la monnaie nationale,
auxquelles il pourrait avoir à faire face.
Finalement, ces indicateurs sont comparés à des seuils déjà établis : suivant qu’ils se situent au-dessous ou au-dessus de
ces limites, un classement de risque faible, moyen ou élevé de crise d’endettement est attribué. Pris à la lettre, ce cadre
laisserait peu de marge d’appréciation, mais en fait, on encourage une pratique plus nuancée d’élaboration de la conclusion
finale : un pays, par exemple, qui franchirait un ou plusieurs de ces seuils, pourrait encore se trouver classé comme à faible
risque de crise d’endettement.
Ce classement doit permettre aux institutions financières internationales et aux autres prêteurs ou bailleurs de prévoir
leurs stratégies de financement quant à la part des dons dans les flux financiers vers les pays ainsi notés. Les pays à faible
risque de crise d’endettement et qui sont plus aptes à faire face aux effets de chocs externes sont supposés capables de
contracter des emprunts plus élevés, aidés ou non ; pour les pays plus sensibles au risque de crise d’endettement en
revanche, un recours accru au financement par des dons est considéré comme préférable. En pratique, un système de « feux
de signalisation » a été mis en place : les pays à faible risque de crise d’endettement reçoivent un « feu vert » et peuvent
financer leurs besoins par l’emprunt ; les pays à risque moyen reçoivent un « feu orange » et se financeront par une
combinaison d’emprunts et de dons ; les pays à haut risque ne pourront être financés que par des dons. Dans ce système, la
dette est censée être contenue au-dessous du seuil autorisé pour chaque pays par le maintien sur plusieurs années d’un
niveau spécifique de prêts et de dons pour la couverture de ses besoins de financement.
3
Ce chiffre provient de la Banque mondiale, 2003, 5 et les objectifs de la même source, 11. Des documents plus récents des IBW sont devenus
considérablement plus précautionneux pour décrire les buts de l’initiative (cf. FMI/AID 2003, 5 : ‘‘[L’initiative PPTE renforcée] affrète une course
pour restaurer la viabilité de la dette en fournissant des ressources pour de substantiels allègements de dette. Toutefois, l’Initiative … ne peut
qu’appuyer, pas garantir les progrès de viabilité’’.
4
FMI/AID, 2004, 24.
5
I. - LE CVD N’EST PAS DESTINÉ À DONNER AUX PAYS EN DÉVELOPPEMENT
LA CAPACITÉ DE DÉGAGER LES FINANCEMENTS NÉCESSAIRES POUR
ATTEINDRE LEURS OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN ET LES
OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT (OMD)
Une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain
exige que les pays en développement soient capables d’affecter autant de recettes
publiques que nécessaire à la réalisation des objectifs de développement humain et aux
OMD, seul le surplus étant utilisé pour payer le service ou le principal de la dette. Il en
résulte trois conditions :
1. - La nature éminente de la personne humaine étant un principe universel que le
développement humain s’efforce de sauvegarder, sa mise en œuvre ne saurait admettre
de distinction entre pays à faible ou à moyen revenu
L’initiative PPTE ne s’adressait qu’à un petit nombre de pays qui ne représentaient
qu’un faible pourcentage de la dette totale des pays en développement et qui n’hébergeaient
qu’une petite partie des pauvres du monde. Les critères selon lesquels ces pays avaient été
choisis ont été critiqués comme « arbitraires, manquant d’objectivité, et fondés plus sur le
coût des allègements de dettes pour les créanciers que sur les besoins des PPTE pour leur
développement durable »5.
Alors que le Cadre de viabilité de la dette s’applique à tous les pays à faible revenu, il
opère du même fait une distinction entre pays à faible revenu et pays à revenu intermédiaire.
Nous soutenons dans cette étude qu’une approche fondée sur le développement humain
devrait imposer de traiter sur pied d’égalité les dettes de tous les pays en développement et
que, par conséquent, la distinction entre pays à faible revenu et pays à revenu intermédiaire
est, dans ce cas, une distinction artificielle. Suivant cette approche, l’existence de variations
naturelles de niveau de développement entre pays différents justifie bien évidemment des
différences dans les seuils d’endettement. Les grandes règles de mise en œuvre des analyses
de viabilité de la dette (AVD) et le respect par celles-ci des principes du développement
humain n’en doivent pas moins rester les mêmes.
Bien que les IBW aient cherché à justifier cette distinction sur base de facteurs
prétendument objectifs selon lesquels la dette des pays à faible revenu serait d’une nature
différente de celle des pays à revenu moyen, un examen approfondi de ces justifications
montre que la distinction repose sur des bases incertaines. On a prétendu que :
« Un cadre d’évaluation de la viabilité de la dette des pays à faible revenu peut être
construit sur les bases que le FMI a adoptées pour les pays disposant d’un accès significatif
aux marchés financiers internationaux. Bien que les grands traits de ce cadre soient
applicables aux pays à faible revenu, ceux-ci partagent un certain nombre de caractéristiques
qui justifient d’importantes modifications dans l’analyse de la viabilité de leur dette : il s’agit
en particulier de leur dépendance à l’égard de flux d’aide plus ou moins fiables, du poids des
dettes à conditions privilégiées et des dettes envers des créanciers publics, de la nature des
chocs auxquels ils sont sujets, et des contraintes qui pèsent sur leur aptitude à produire les
ressources nécessaires au remboursement de leurs dettes ».
5
CNUCED 2004, 29.
6
Dans cette perspective, les différences de traitement seraient justifiées par un accès, ou
une absence d’accès, aux marchés financiers privés selon que les pays bénéficieraient de
revenus moyens ou faibles. Cette distinction nous paraît cependant fallacieuse car elle
déforme la réalité.
Les pays à faible revenu tels que définis dans le CVD peuvent avoir un endettement
d’importance surprenante envers des créanciers privés6. La demande active de titres émis par
quelques-uns des pays bénéficiaires du CVD, dont l’Inde et le Pakistan, a récemment suscité
l’attention de la presse7.
D’autre part, il est plutôt discutable de sous-estimer l’impact de la dette envers des
créanciers publics dans les pays à revenu moyen. Certains de ceux-ci peuvent montrer des
niveaux de dépendance étonnamment élevés à l’égard de créanciers publics. La quasi totalité
de la dette du Gabon, par exemple, un pays classé comme à revenu moyen, est due à des
créanciers publics8.
Même pour les pays qui se situent largement au-dessus du seuil de l’AID, et qui,
objectivement, jouissent d’un large accès au marché des capitaux privés, le poids des
créanciers publics ne doit pas être sous-estimé. Récemment, l’Argentine et le Brésil, deux
pays à revenu intermédiaire, ont décidé de rembourser la totalité de leur dette envers le FMI.
L’Argentine avait auparavant, dans le cours de ses négociations avec ses créanciers privés,
décidé de reprendre le service de sa dette à cette institution, au lieu de chercher à conclure des
accords de refinancement, de façon à être en mesure de suspendre ses accords avec le Fonds.
L’Indonésie a récemment décidé de lui rembourser sa dette ; la Turquie envisagerait de faire
de même. Dans tous ces cas, des ressources qui auraient pu être affectées à des objectifs
sociaux ou économiques ou au remboursement de créanciers privés ont servi à rembourser des
créanciers publics. Ceci indique que la dette à l’égard de ces créanciers, même si elle est
proportionnellement faible, peut avoir un impact significatif sur les finances du débiteur.
Se rendant compte du caractère trompeur d’une approche fondée sur le critère du
revenu, les IBW se sont efforcées de nuancer l’applicabilité du CVD de façon à pouvoir y
inclure certains pays qui présentent de nombreux traits spécifiques des pays à faible revenu ou
à en exclure ceux qui ne les présentent pas9. Notre étude a découvert onze AVD dans le
contexte des CVD pour des pays dont le revenu se situait au-dessus du seuil définissant les
pays relevant exclusivement de l’AID10. Le fait que les IBW elles-mêmes ne parviennent pas
à respecter cette distinction, tout en démontrant un manque de rigueur, est cause de confusion.
De plus, l’idée qui sous-tend, en apparence au moins, cette différence de traitement est
que la différence des créanciers devrait justifier une différence dans le traitement des
6
Par exemple, pour la Serbie Monténégro presque 30 % ; pour le Libéria et la Grenade, plus de 30 %, la RDC plus de 40 %.
Financial Times 2006, 2006a.
8
La dette du Gabon à l’égard des créanciers multilatéraux et bilatéraux s’élève au pourcentage étonnant de 98,8 %. Voir
également le cas de Djibouti (97%), du Paraguay (60 %), des Fidji (64 %) et de la Tunisie (57 %). Le phénomène a
également été relevé par Sachs 2005, 39.
9
cf. FMI/AID 2003, 5 (‘‘ce document laisse la porte ouverte à une définition précise des pays à faible revenu afin de
permettre l’inclusion (l’exclusion) de pays qui partagent nombre (peu) des caractéristiques de ce groupe’’).
10
Toutes ces AVS ne portent pas indication que les seuils dépendant de la politique nationale (une caractéristique distinctive
claire des CVD des PFR par opposition aux CVD des PRI) ont été utilisés. L’ambiguïté subsiste donc de savoir si oui ou
non les AVD ont été menées en fonction des CVD pour les pays à faible revenu. On s’embrouille toutefois en raison de
l’absence de mention de seuils dérivés des EPIN que l’on trouve dans ce qui est indubitablement le cas de PFR tels que
Cameroun, Rwanda, Zimbabwe.
7
7
débiteurs. Comme cela sera montré dans la quatrième partie, cette idée est incompatible avec
une approche fondée sur le développement humain.
2. - Les allègements de dettes sont nécessaires pour garantir que des pays ne soient pas
obligés de payer plus qu’ils ne le peuvent sans mettre en péril les impératifs de
développement humain
Un aspect significatif de ce nouveau Cadre apparaît dans ses conséquences politiques.
Le fait qu’il soit « tourné vers l’avenir » signifie qu’un seuil d’endettement plus bas ne
conduit en aucun cas à une augmentation des remises de dettes. De fait, un des fondements du
CVD, souligné par ses travaux préparatoires, était que la remise de dette était une décision
appliquée une fois pour toutes et qu’elle ne devait pas se répéter11.
Certains analystes ont souligné le caractère illusoire de toute tentative d’établir une
distinction entre « ancienne » et « nouvelle » dette, du point de vue de son effet sur le niveau
d’endettement d’un pays et sur sa capacité à financer les OMD12.
Il est prévu que, à la suite des CVD, le poids de la dette devrait s’alléger car les pays
endettés devraient recevoir plus de dons et moins de prêts pour le financement de leurs
besoins. Cependant, ces pays sont en concurrence pour obtenir des dons dans un
environnement où ces ressources deviennent de plus en plus rares. Ceci signifie que le CVD
ne peut en aucune manière garantir que le montant de dons qu’il aura constaté comme
nécessaire pour atteindre les OMD sera effectivement disponible. Ceci est vrai pour tous les
pays qualifiés pour prétendre à une aide non remboursable de l’AID ; ce l’est encore plus des
pays se situant au-dessus de leur seuil d’endettement et ne pouvant prétendre à ce type d’aide,
tels que les pays à financement mixte AID13. C’est pourquoi, l’absence d’un composant sous
forme d’allègement de dette ne permet pas à un CVD d’aider un pays à atteindre ses OMD.
Pour évaluer la pertinence des CVD en tant que soutien aux efforts pour atteindre les
OMD, on ne doit pas oublier la décision prise l’an dernier à la réunion du G8 de Gleneagles :
les 8 y sont tombés d’accord pour annuler 100 % de la dette envers l’AID et la Banque
africaine de développement d’un certain nombre de pays, relevant en principe de l’initiative
PPTE14. Cette décision du G8 équivaut à une reconnaissance de l’insuffisance des réponses
antérieurement données au problème de la dette des pays en développement, dont l’initiative
PPTE. Plus important encore, se situant après les discussions sur le CVD qui s’étaient
efforcées de supprimer à l’avenir tout recours à la remise de dette, elle reconnaissait que celleci restait une mesure nécessaire pour permettre à de nombreux pays d’atteindre les OMD.
Dans une évaluation récente du CVD, les services de la Banque mondiale admettent en
quelque sorte que des seuils plus bas de viabilité de la dette seraient plus cohérents avec
l’IMAD (Initiative multilatérale d’allègement de la dette), mais n’en conseillent pas moins au
Conseil de la Banque de repousser cette solution. Un des arguments à l’appui de cette
recommandation est que « l’abaissement de ces seuils risquerait de priver de financement
certains pays (…). Les pays ne relevant pas de l’IMAD, notamment, auraient besoin de plus
d’aide non remboursable pour éviter une chute brutale des flux d’aide. Ce serait coûteux
11
FMI/AID 2003, 5.
CAFOD et autres, 2004.
13
AID 2005, 26.
14
G 8 2005.
12
8
pour les bailleurs, dont l’AID »15. Ainsi, la Banque présume que les bailleurs ne fourniront
pas assez d’aide sous forme de dons.
Le fait que les ressources sous forme non remboursable, complément indispensable du
Cadre, ne seront pas disponibles a des effets négatifs sur l’efficacité du CVD, même pour
atteindre son but affiché de contenir les dettes à un niveau viable dans une perspective
d’avenir. La rareté des financements non remboursables ou à des conditions privilégiées rend
les pays débiteurs très vulnérables aux offres de financement privé à des termes non
concessionnels, ou même à des offres publiques au taux du marché ou à d’autres taux élevés,
comme celles d’agences de crédit à l’exportation. Dépourvu de tout caractère exécutoire en
dehors de la Banque et du Fonds, le CVD ne constitue pas un instrument efficace pour
atteindre son modeste objectif de contenir dans l’avenir les dettes à un niveau viable.
3. - La méthode d’élaboration des Analyses de viabilité de la dette (AVD) doit se fonder sur
la capacité des pays débiteurs à atteindre leurs objectifs de développement humain et les
Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD)
La méthode des CVD ne considère pas comme un impératif primordial, ni même
quelconque, de donner priorité à la satisfaction des besoins de développement humain sur le
remboursement des dettes. Sur les 43 AVD examinées dans cette étude, six seulement
mentionnaient les OMD ; dans un seul, celui du Nigeria, cette mention s’accompagnait d’une
estimation de ce qu’il en coûterait pour les atteindre. Cela est d’autant plus regrettable que, en
raison des progrès méthodologiques faits depuis, l’approche fondée sur le développement
humain a pour la première fois été considérée sous l’angle de son coût16.
Plus précisément, une analyse de la méthode complexe élaborée pour parvenir à
définir un niveau d’endettement considéré viable conduit à des constatations montrant que
cette méthode a peu de chances de donner des résultats compatibles avec une approche en
termes de développement humain ou de financement des OMD. À la lumière de ces
observations, la mention par les institutions de Bretton Woods des OMD comme justification
des CVD ne peut être considérée que comme un habillage pour une évaluation centrée
uniquement sur la remboursabilité de la dette.
Ceci transparaît à chaque étape de la méthodologie. Comme expliqué17, la première
étape du processus consiste à définir des seuils d’endettement en fonction de la qualité des
politiques suivies. Ces seuils sont déterminés suite à une étude des épisodes de crise
d’endettement dans les pays à faible revenu, de leur fréquence et des niveaux d’endettement
auxquels ils surviennent. Le choix d’indicateurs de crise corrélés avec les performances
politiques dérive d’études fondées sur des hypothèses assez arbitraires de ce qui peut être
considéré comme « un épisode de crise d’endettement » et de la probabilité de voir un tel
épisode considéré comme « tolérable » par le pays intéressé. Par exemple, la crise
d’endettement a été définie comme difficulté à assurer le service de la dette telle que retards
de paiement ou réaménagement par le Club de Paris, ou comme entrave à la croissance causée
par la charge de la dette18. Il importe de relever que, comparée à d’autres définitions possibles
15
FMI/AID 2006, 15.
cf. Mandell 2006 et Sachs 205.
17
cf. encadré ci-dessus.
18
Des documents de la Banque reconnaissent que la question de savoir « comment la probabilité d’une dette peut être
tolérée » relève d’un choix politique. Les conclusions qui en découlent pour considérer le maximum d’endettement
approprié reposent sur l’hypothèse que l’on pourrait, en principe, accepter comme raisonnable une crise d’endettement de
16
9
de la crise d’endettement - incapacité d’affecter des ressources suffisantes à la poursuite de
l’atteinte des OMD, par exemple, - cette approche tend à sous-estimer le ratio d’endettement à
partir duquel un pays se heurte à des situations insoutenables19.
L’étape suivante consiste à attribuer au pays considéré un seuil d’endettement en
fonction de la qualité de sa politique mesurée par l’EPIN. Un premier problème vient des
indicateurs utilisés pour fixer le seuil d’endettement : ils ne reflètent que très
approximativement le comportement d’une économie et notamment la mesure dans laquelle le
gouvernement peut dégager les ressources nécessaires pour parvenir à ses objectifs de
développement humain. L’initiative PPTE s’est attirée de graves critiques pour s’être fondée
principalement sur des ratios « dette sur exportations » ou « service de la dette sur
exportations » comme indicateurs de viabilité. En fait, les recettes d’exportations ne sont pas
nécessairement corrélées à la croissance, à la réduction de la pauvreté, ni, ce qui est encore
plus grave, aux recettes fiscales. En outre, la fixation de seuils en valeur numérique rend
impossible de saisir les éventuelles variations de la situation d’un pays. On relève enfin que
les seuils ont été fixés trop haut.
Le CVD examine la question pays par pays, en s’appuyant, pour chacun sur une
batterie d’indicateurs. À ceux déjà utilisés dans l’initiative PPTE s’ajoutent les ratios « dette
sur PNB », « dette sur recettes budgétaires » et « service de la dette sur recettes
budgétaires ». Le recours à ce dernier indice est une avancée en direction des OMD, car il est
considéré comme reflétant mieux les ressources budgétaires disponibles pour les atteindre.
Dans la pratique, toutefois, ce sont les indicateurs fondés sur les exportations qui continuent
de prévaloir. De plus, l’AID a annoncé qu’elle négligerait les indicateurs fondés sur les
recettes budgétaires en raison de « problèmes de fiabilité et de comparabilité des données
ainsi que du risque moral »20.
Pour ce qui est de la valeur des seuils, un examen de l’éventail des seuils indicatifs
d’endettement confirme qu’ils sont toujours potentiellement très élevés, en particulier pour les
pays à performances moyennes ou hautes. L’indicateur dette sur exportations peut maintenant
monter jusqu’à 200%21, même si plusieurs études ont démontré que le rapport de 150 %
utilisé dans la procédure PPTE est à peine soutenable22. L’indicateur service de la dette sur
exportations pourrait, chez les pays obtenant les meilleures performances, être autorisé à
monter jusqu’à 25 %, c’est-à-dire bien plus haut que les 12 % que des études indépendantes
considèrent déjà comme insoutenables23. Il est frappant que ce rapport ait été considéré
comme insoutenable au-delà de 3,5 % pour l’Allemagne en 195324.
En appréciant la mesure selon laquelle ces seuils permettent d’atteindre les OMD, la
décision prise par le G8 l’an dernier à Gleneagles constitue un intéressant point de référence.
Le souci des OMD a justifié, pour le petit nombre de pays bénéficiant de cette décision, un
25 %. Comme l’a avancé le FMI, « la décision crucial concerne la probabilité de crise d’endettement que l’on est prêt à
tolérer … le choix implicite des probabilités de crise d’endettement reste de l’ordre de la décision politique » (FMI/AID
2004, 19-20).
19
AID 2004, 2.
20
AID 2004, 2.
21
Ceci après la révision d’abaissement demandée par le Conseil (cf. FMI 2005).
22
Martin 2004, 17 citant des études de Cohen, Elbadawi et autres, Johnson, Pattillo et autres, et Vaugeois.
23
Cf. Martin 2004, 18. Cf. en outre AID 2004, 6-7, qui s’est engagée dans l’intéressant exercice de comparer les demandes de
CVD (selon l’interprétation de l’AID) aux pays AID à partir de l’hypothèse de ratios d’endettement à 150 % de dette sur
exportations pour les pays moyennement ou hautement performants. Sans surprise, cette demande révèle, en fonction de
cette hypothèse de comparaison, que de 8 à 18 pays supplémentaires ont des niveaux de dette insoutenables.
24
L’Allemagne avait alors obtenu un allègement de dette de 51 %.
10
abaissement des seuils d’endettement à 40 % en moyenne du rapport dette sur exportations en
201025. Les services de l’AID soutiennent cependant que « l’abaissement du seuil
d’endettement pour tous les pays pourrait rouvrir la question de l’admissibilité à l’initiative
PPTE (…), ce qui pourrait accroître le coût de cette initiative26 ». Avec de tels
raisonnements, il apparaît clairement que la principale préoccupation de la Banque n’est pas
que les pays pauvres puissent atteindre les OMD, mais que soient sauvegardés les intérêts des
bailleurs (y compris les soi-disant maigres ressources de l’AID).
Un second problème relevant de cette étape d’AVD provient du recours au système
EPIN pour déterminer les seuils d’endettement de chaque pays. Les difficultés résultant de
l’usage de ce système pour la mise en œuvre du CVD pays par pays sont traitées dans la
section III ci-après. On relève simplement ici que les notations EPIN sont totalement
inadaptées à déterminer les besoins financiers d’un pays pour atteindre les objectifs de
développement humain. La raison d’être du recours au système EPIN est tout autre : on
considère qu’un pays appliquant de meilleures politiques sera mieux à même de rembourser,
et peut donc supporter un endettement plus élevé. Toutefois, et même de ce point de vue, le
système EPIN s’est révélé lamentablement inefficace27.
La troisième étape de la procédure CVD est censée apporter un élément de prudence
dans l’évaluation de la viabilité de la dette : une estimation de la charge de la dette en cas de
chocs plausibles fait partie de la viabilité de la dette sous régime CVD. À première vue, cette
disposition semble répondre à l’une des critiques faites à l’initiative PPTE, celle d’un trop
grand optimisme dans ses projections et d’un manque d’attention aux chocs externes. À y voir
de plus près, ce n’est pas le cas.
Ce que l’on reprochait naguère à l’initiative PPTE était le grand optimisme des
projections des AVD sous-estimant la grandeur des problèmes des pays débiteurs, et donc
leurs besoins d’allègements. Le CVD n’apporte guère de sauvegarde contre ce risque de sousestimation, et les compétences discrétionnaires accrues des services de la Banque n’arrangent
pas les choses. Il est impossible de savoir si les anciens modèles surestimant les perspectives
de croissance des exportations d’un pays vont être remplacés. Les préoccupations des
analystes de l’initiative PPTE quant aux modèles utilisés pour intégrer les hypothèses
d’exportations et de croissance du PNB dans les projections sur la charge de la dette ne sont
pas dissipées par un cadre continuant de laisser la conduite de l’exercice aux mains des
mêmes acteurs, sans leur demander plus d’ouverture. Pour couronner le tout, l’AID a annoncé
qu’au moins dans un premier temps, elle ne fonderait ses évaluations que sur le premier pilier,
qui exclut toute prise en compte des estimations de vulnérabilité28.
Cette étude a découvert neuf pays dépassant leurs indicateurs de seuil respectifs, et
pourtant considérés comme ne présentant qu’un faible risque de crise d’endettement29. Six
autres pays dépassant eux aussi leurs indicateurs n’étaient considérés que comme pays à
risque modéré. Avec la poursuite de cette méthode obscure et hautement discrétionnaire
servant à tirer des conclusions à partir des tests de résistance au stress et à la vulnérabilité, il
25
FMI/AID 2006, 13.
Ibidem.
27
Une analyse exhaustive des différents arguments soulevés va bien au-delà de la portée de ce document. Cf. résumé, Caliari,
2005.
26
28
AID 2004a, 8.
Ces pays sont : Zambie, Vietnam, Sri Lanka, Papouasie Nouvelle-Guinée, Mozambique, Mali, Cap Vert, Arménie et
Albanie.
29
11
est très difficile de comprendre ce qui explique la différence de traitement entre ces pays et
ceux qu'un même dépassement des indicateurs fait ranger dans la catégorie à haut risque. Plus
inquiétant encore peut-être est le fait, découvert par les auteurs de cette étude, que, dans
quinze cas30, le classement fondé sur la qualité des politiques, qui devrait servir de base à
l’évaluation de la résistance au stress, n’est même pas publié ; on ne peut donc savoir sur quoi
est fondée l’évaluation finale31.
Dans la perspective de développement humain, quelques résultats positifs auraient pu
être attendus d’une méthode cherchant à se préserver d’une manipulation trop optimiste des
modèles et des données. Le manque de transparence et de responsabilité dans la mise en
œuvre des sauvegardes prévues neutralise les aspects potentiellement positifs du CVD.
II. - LE CVD ET LES PRINCIPES DE PARTICIPATION ET DE RESPONSABILITÉ
Une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain
implique que ceux qui portent le poids de la dette puissent participer à sa gestion
Les pays PPTE ont demandé à plusieurs reprises que les pays endettés reçoivent un
rôle directeur dans le développement des CVD32. Ceci devrait résulter des principes
d’appropriation et de participation maintes fois proclamés par la Banque mondiale et le FMI.
Cela serait également justifié à la lumière des engagements internationaux « d’élargir et de
renforcer la participation des pays en développement… aux processus de décision et de
définition des normes dans la vie économique internationale »33.
Le CVD n’apporte cependant aucune amélioration à la situation qui prévalait sous
l’initiative PPTE. Il n’est pas parvenu à élargir la participation des pays en développement
aux décisions touchant la gestion de leur dette ; en fait, ce sont les acteurs qui sont le plus
concernés par l’évaluation de la viabilité de la dette qui sont le plus mis à l’écart par les
procédures actuelles.
Bien qu’ait été critiquée, dans le système PPTE, la fixation de seuils chiffrés de
viabilité pour tous les pays bénéficiaires, on doit reconnaître que ce système avait apporté sur
les besoins d’allègement de dettes un élément utile de certitude qui manquait dans les
mécanismes précédents ; ceux-ci étaient fondés en effet sur des arrangements politiques ad
hoc, acceptés au cas par cas par les créanciers. Il est vrai aussi que c’est cet élément de
certitude qui a permis à la communauté internationale des ONG de tenir les bailleurs pour
responsables quand des pays étant passé par l’initiative PPTE conservait un endettement
supérieur au seuil quantitatif qui leur avait été assigné. L’introduction de cet élément de
responsabilité doit vraiment être considéré comme le facteur déterminant qui a finalement
conduit à la reconnaissance de l’échec de l’initiative PPTE à atteindre ses objectifs,
reconnaissance qui s’est traduite dans la décision prise par le G8 l’an dernier à Gleneagles
d’élargir les allègements de dettes.
30
Bangladesh, Bolivie, Bosnie, Cameroun, Comores, Congo, Dominique, Grenade, Liberia, Pakistan, RD Congo, Rwanda,
Sao Tome e Principe, Serbie et Zimbabwe.
31
Pour six de ces cas, l’évaluation de la vulnérabilité fait défaut (Bangladesh, Bolivie, Bosnie, Cameroun, Dominique, RD
Congo).
32
Ministres des Finances PPTE 2004.
33
Cf. Consensus de Monterrey, § 62 (« Nous soulignons le besoin d’élargir et de renforcer la participation des pays en
développement… aux processus de décision et de définition des normes dans la vie économique internationale ».
12
Le CVD propose la fixation de seuils d’endettement spécifiques par pays, assis sur un
ensemble d’indicateurs et de considérations. Conceptuellement, cette méthode est meilleure
que celle fondant l’initiative PPTE, dans la mesure où elle reconnaît cette réalité qu’une
charge de dette identique peut avoir des effets différents dans des pays différents. Cette
méthode permet également de prendre en compte les particularités du profil d’endettement de
chaque pays, et devrait permettre au pays considéré et à son peuple de faire entendre leur voix
dans le processus.
Cependant, en revenant à un système d’évaluation au cas par cas, le CVD se trouve lui
aussi sujet au manque de transparence et de responsabilité ainsi qu’aux hypothèses
macroéconomiques34 trompeuses qui caractérisaient les mécanismes d’allègements pré PPTE.
De fait, dans la procédure de fixation des seuils d’endettement, le CVD laisse tant d’éléments
à la discrétion des services des IBW qu’on ne voit pas comment des non-initiés, et les États
bénéficiaires eux-mêmes, pourraient faire porter sur ces services la responsabilité du mauvais
fonctionnement de ce cadre. L’utilité même du concept de seuil de viabilité de la dette en tant
que tel devient discutable. Avec la nouvelle méthode, les IBW pourront, en invoquant le
profil d’endettement et la conjoncture du pays intéressé, faire passer pour viable un niveau
d’endettement qui aurait jusque-là été considéré comme extrêmement élevé.
Chacun des trois piliers fondamentaux du CVD (crise d’endettement, éventails de
seuils dépendants des politiques et évaluation de la vulnérabilité aux chocs) est en dernier
ressort sujet à la décision discrétionnaire et subjective de ces services, fondée sur la
conjoncture de chaque pays.
Les seuils dépendant des politiques sont déterminés en fonction de la classification
EPIN de chaque pays. Les indicateurs utilisés pour élaborer cette classification sont fondés
sur une matrice de politiques relatives à la structure et à la gestion de l’économie, à la gestion
du secteur public et des institutions, à la justice sociale et à l’équité. Les gouvernements notés
n’ont pas voix au chapitre, que ce soit sur la note elle-même ou sur l’élaboration des critères,
si démocratiques ou participatives que soient les procédures par lesquelles sont préparées
leurs décisions politiques.
La procédure d’élaboration des notes EPIN est très secrète. Les AVD sont toujours
établies sur la base de notations EPIN n’étant pas rendues publiques. Bien que, suivant une
décision prise l’année dernière, elles doivent commencer à l’être, par pays et par critère, dans
le courant de cette année35, les questionnaires et la documentation internes leur servant de
base resteront confidentiels ; ceci privera les États de toute garantie procédurale, et la société
civile comme les experts extérieurs de toute base pour un examen indépendant36.
La vulnérabilité aux chocs extérieurs, objet du second pilier du CVD, laisse aussi un
large champ libre aux décisions discrétionnaires et secrètes. Pour chaque pays, cinq
indicateurs doivent être évalués par rapport au niveau de seuil, dans un scénario de base et
dans un scénario de crise. Mais il n’y a pas de règle définie pour la grande diversité de
scénarii possibles quand un indicateur passe au dessus ou au dessous des seuils. En ce cas, la
décision devra prendre en compte plusieurs variables supplémentaires, spécifiques au pays en
34
Le FMI lui-même a reconnu avoir montré « une tendance systématique à un optimisme excessif » (FMI/AID 2004, fn. 10).
AID 2004.
36
Cf. Caliari 2005, résumant les différentes critiques apportées à ce processus.
35
13
cause, telles que type et importance de l’écart entre indicateur et seuil, ou les caractéristiques
historiques de structure des exportations.
En fin de compte, ainsi qu’il a été dit dans la section précédente, l’éventail de seuils
d’endettement associé à chaque notation a été déterminé en fonction de jugements discutables
sur les types de situations qui peuvent être considérés comme « crise d’endettement ». De
plus, les pays intéressés n’ont aucune part à la décision.
Non seulement le CVD ne laisse aucun rôle au pays concerné pour déterminer la
viabilité de sa dette, mais il contrevient aux principes les plus élémentaires de responsabilité
et de transparence en protégeant les services des IBW contre toute tentative d’examen par des
experts extérieurs de leurs décisions sur le classement viable ou non des profils d’endettement
de tel ou tel pays.
Cette procédure constitue aussi la perpétuation d’un système inquiétant par lequel les
Institutions financières internationales, créancières elles-mêmes, décident de ce qu’est un
niveau viable d’endettement. Ceci est particulièrement inquiétant, étant donné que des
créanciers tendent à avoir leur jugement faussé par leur désir d’obtenir le remboursement de
leurs prêts. D’autres considérations sur la charge que la dette fait peser sur la croissance et sur
le développement humain dans le pays en cause n’ont de chances d’entrer en ligne de compte
que si le gouvernement et la population du pays concerné ont leur mot à dire.
III. - LE CVD CONTINUE DE DÉFENDRE UN MODÈLE ÉCONOMIQUE
STANDARD ET DÉFECTUEUX
Une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain
requière non seulement des évaluations de sa viabilité, mais aussi des réponses politiques
au problème de la dette accordant la primauté aux priorités du développement humain
L’initiative PPTE posait comme condition de réduction de dette l’adoption d’un
modèle économique « de prêt-à-porter à taille unique » analogue aux programmes
d’ajustement structurel largement promus par les IBW dans la décennie 80. Ces programmes
d’ajustement structurel ont échoué, non seulement à réduire la pauvreté ou à assurer une
croissance pro pauvres, mais surtout à assurer une quelconque croissance. Leur principal
argument était qu’ils allaient améliorer les résultats du commerce extérieur des pays les
mettant en œuvre, leur permettant ainsi de dégager un surplus de recettes en devises pour
payer leurs dettes. Après plus de vingt ans d’application, il apparaît que ces programmes n’ont
même pas réussi sur ce point, alors que les pays en développement ayant pu mettre en œuvre
des modèles différents, non orthodoxes, sont les seuls à avoir connu des améliorations
durables de leurs résultats commerciaux et un développement de leurs exportations de
produits à forte valeur ajoutée.
Ces constatations ont fini par être admises dans les enceintes internationales, se
traduisant par des appels à une plus grande liberté de manœuvre politique37 et à une meilleure
adaptation aux réalités locales38.
37
Consensus de São Paulo § 8 : « l’interdépendance croissante des économies nationales dans un monde globalisé ainsi que
l’émergence de règles de droit dans les relations économiques internationales ont signifié que l’espace réservé à la
politique économique nationale, c-à-d l’envergure accordée aux économies nationales, notamment dans le domaine du
commerce, de l’investissement et du développement industriel, est désormais de plus en plus souvent cadré par les
14
À cet égard il convient de rappeler que le CVD n’appelle pas à des allègements de
dettes, et ne les soumettra donc pas à l’application d’un programme spécifique. En même
temps toutefois, il n’appelle pas non plus à une réforme de la politique générale de
conditionnalité attachée à l’obtention de financements par les pays endettés, à des conditions
privilégiées ou non.
Outre la restriction d’espace de liberté politique associé aux dons et prêts, la
méthodologie du CVD pour juger des performances politiques encourage l’adoption d’un
modèle économique défectueux ; on le voit par les classements EPIN prenant pour étalon le
succès de l’économie, alors que cette pratique a été critiquée par la Banque mondiale ellemême dès 2001. En réalité, la méthode EPIN a été conçue à l’origine pour évaluer les
politiques plutôt que les résultats, alors que plusieurs des indicateurs du CVD apprécient les
résultats plutôt que les politiques39. Ainsi un cadre cyclique auto suffisant peut en résulter,
dans lequel les pays pauvres sont punis pour le fait d’être pauvres.
Système de mesure de prêt-à-porter à taille unique de ce que doit être une bonne
politique, l’EPIN est ainsi en contradiction avec les intentions du CVD de pousser à des
analyses pays par pays. Certains indicateurs apparaissent subjectifs : divers types de politique
commerciale peuvent apparaître bons ou non selon les intérêts divergents de ceux qui jugent ;
mais ni les économistes, ni les décideurs politiques ne sont d’accord sur ce qui constituerait
une bonne politique commerciale.
En outre, l’EPIN a à l’origine été développé pour aider à répartir les ressources de
l’AID. Bien que les IBW aient constaté des corrélations entre l’EPIN et leur conception de la
viabilité de la dette, il est techniquement peu judicieux d’user du même indicateur pour
évaluer ladite viabilité et décider de l’allocation d’une aide. Il s’agit en effet de mesurer la
capacité d’un pays, dans le second cas, à réduire la pauvreté, dans le premier, à rembourser
ses dettes. S’agissant par exemple de la politique agricole, on peut imaginer que la
spécialisation dans les produits d’exportation soit très bien notée si l’on cherche à renforcer la
capacité de remboursement, alors qu’on attendrait plutôt une réforme agraire et une protection
des paysans pauvres si l’objectif est la lutte contre la pauvreté.
L’application mécanique et irréfléchie du mécanisme EPIN masque les progrès du
CVD en d’autres domaines pour une approche adaptée. Elle montre également que les
jugements portés sur les politiques suivies par un pays, loin de se fonder sur leur aptitude à
traiter des problèmes de développement humain, ne reposent que sur l’appréciation
dogmatique de leur conformité à un modèle d’efficacité douteuse d’encouragement à la
croissance et de lutte contre la pauvreté.
disciplines internationales, les engagements et considérations du marché mondial. Chaque gouvernement se doit d’évaluer
les compromis à faire entre les bénéfices de l’acceptation des règles et engagements internationaux avec les contraintes
posées par le manque d’espace politique. Pour les pays en développement il est de grande importance de garder à l’esprit
les buts et objectifs de développement, de prendre en compte le besoin de juste équilibre entre l’espace politique national et
les disciplines et engagements internationaux ».
38
Consensus de Monterrey § 54. Cette notion a été endossée par certains des économistes dominants, comme par ex. Rodrik,
Birdsall et Subramanian 2005 9/10 (« tous les cas réussis de développement des cinquante dernières années reposent sur
des approches politiques créatives et souvent hétérodoxes… Si nous voulons aider les PED dans leur quête du
développement, le chemin à suivre n’est pas celui d’une conditionnalité de plus en plus onéreuse, de plus d’harmonisation
internationale, de meilleurs diffusion de ‘‘bonnes pratiques’’ ou de plus grande discipline internationale. Cela passe par
davantage de liberté politique ») ; Rajan 2004 (‘‘Même si un petit détournement est important, de gros détournements
peuvent rendre un modèle non pertinent. Et dans nombre de situations, au moins dans le monde en développement, le
modèle de marchés globaux est bien trop éloigné de la réalité pour être utilisable »).
39
Banque mondiale, DEO 2001, 23-24. Cf. également Herman 2004.
15
IV. - LE CVD NE PREND PAS SUFFISAMMENT EN COMPTE LE SECTEUR
PRIVÉ ET LA DETTE INTERNE
Une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain
implique que la dette doit être traitée de façon globale et contraignante. Tous les types
de dette ont des conséquences budgétaires sur les ressources nécessaires au
développement humain, tous doivent donc être examinés et recevoir un traitement
politique
L’initiative PPTE constituait une amélioration sur les tentatives précédentes de
traitement du problème de la dette au cas par cas. Pour la première fois on s’occupait de façon
cohérente de l’ensemble de la dette, qu’elle soit bilatérale, multilatérale ou privée. Elle n’en
avait pas moins pour inconvénients de manquer d’un cadre juridique pour traiter des créances
détenues par le secteur privé et de ne pas prendre en considération les problèmes de la dette
interne.
Le CVD n’est pas parvenu à améliorer la situation de la dette privée. Orienté vers les
PFR, il part de l’hypothèse que les problèmes de la dette privée ne les concernent guère étant
donnée leur difficulté habituelle d’accès aux marchés financiers privés. Ceci est en
contradiction avec la constatation vérifiable que l’existence d’une dette envers le secteur privé
n’est pas réservée, ni de fait, ni potentiellement, aux pays dépassant un certain niveau de
revenu. Plusieurs exemples de pays à faible revenu affectés d’une lourde dette privée ont déjà
été mentionnés dans cette étude40. L’absence de système juridique pour traiter de ce genre de
dette peut créer de véritables problèmes de nature à compromettre les effets de la bonne
volonté des créanciers publics.
Ceci peut se produire non seulement quand les créanciers privés détiennent une grande
part de la dette, mais aussi quand ils n’en détiennent qu’une part moindre41. Le problème est
apparu dans plusieurs PPTE où des créanciers commerciaux, parfois des « fonds vautours »42,
ont fait pression sur les débiteurs pour recouvrer le maximum de leurs créances, ce qui de fait
réduisait, ou menaçait de réduire, le bénéfice résultant d’allègements de dettes accordées par
d’autres créanciers43.
De plus le CVD n’a aucun effet contraignant sur de futurs créanciers non
concessionnels voulant prêter à des pays pauvres au-delà de leur seuil de viabilité de dette (cf.
chapitre I.3). De fait, l’AID se préoccupe, après la conclusion de l’Initiative multilatérale
d’allègement de dette, du risque de voir la marge d’aisance budgétaire ainsi créée rapidement
envahie par ces sortes de resquilleurs44.
Une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain doit lier
tous les créanciers, ce qui signifie que celui qui prête à un pays au-delà du seuil de viabilité
40
Cf. première partie, § 1, ci-dessus.
FMI/AID 2002, 18 : ‘‘quand de petits créanciers commerciaux, en termes de VAN, peuvent faire pression pour réclamer,
les débiteurs peuvent craindre l’impact d’un litige et/ou l’altération de la relation créancier-débiteur’’.
42
Les fonds vautours créanciers tirent profit de leurs achats à bas prix de la dette souveraine sur le marché secondaire et en
maximisant leur remboursement au moyen de litiges et de tous autres mécanismes de pression.
43
Par ex. Guyana, Ouganda, Nicaragua, Sierra Leone, Niger, Mozambique etc.
44
FMI/AID 2006, 21.
41
16
courrait le risque sérieux de ne jamais se voir rembourser. Ceci devrait faire l’objet d’une
traduction légale claire dans tous les grands pays créanciers45.
Pour ce qui est de la dette intérieure, si le CVD fait bien un pas en avant en
reconnaissant l’importance qu’elle peut avoir, il lui faut encore incorporer cette constatation
dans sa méthodologie46. La dette interne pose des problèmes sérieux du fait de la pauvreté des
données la concernant et des conséquences politiques délicates quelle peut entraîner. Il n’en
reste pas moins que, pour ce qui est d’assurer le financement des OMD, ses effets budgétaires
sont les mêmes que ceux de la dette extérieure. Dans un tel contexte, il y a de bonnes raisons
justifiant qu’on lui accorde une attention particulière.
Comme on l’a vu plus haut47, un défaut du CVD en tant que cadre de gestion de la
dette est de ne pas garantir l’accès à un financement par dons suffisant pour couvrir les
déficits budgétaires créés par l’impossibilité d’accéder à l’emprunt, et de rejeter a priori la
réduction de dette comme mécanisme pour combler ces déficits. Ceci pousse les
gouvernements, non seulement à emprunter à d’autres sources plus coûteuses, mais aussi à
emprunter sur leur marché intérieur. Notre étude constate qu’une AVD de la dette publique (et
pas seulement de la dette extérieure) a été menée dans seize cas, ce qui est un progrès par
rapport à la méthodologie antérieure. Bien que l’on puisse supposer que les autres pays n’ont
guère de problèmes de dette interne, il est impossible de faire dépendre d’un examen extérieur
la décision de ne pas prendre en compte la dette interne. On ne peut qu’être préoccupé de voir,
dans certains cas examinés dans l’étude où une AVD de la dette publique n’avait pas été
fournie, la dette interne mentionnée comme atteignant des niveaux inquiétants48.
Même si les conséquences politiques liées à la dette interne ne peuvent être aussi
nettes, il faudrait au moins procéder à une évaluation systématique de la dette intérieure, quel
qu’en soit le montant, ne serait-ce que pour en estimer l’effet sur les besoins de financement
des OMD et les difficultés de régler ce problème.
V. - LE CVD CONTINUE D’ELUDER UNE PRISE EN COMPTE INTEGRALE ET
HOLISTIQUE DU COMMERCE ET DE LA DYNAMIQUE FINANCIERE
L’approche fondée sur le développement humain doit être placée non seulement au
cœur des questions de viabilité de la dette, mais aussi au coeur de l’élaboration et de la
mise en œuvre de toutes les politiques économiques internationales
La nécessité d’une cohérence entre politiques commerciales, financières et monétaires
a fait l’objet d’engagements formulés dans des documents politiques importants, tels que les
Consensus de Monterrey et la Déclaration de la CNUCED XI49. Il est vrai qu’une approche du
45
Un tel cadre légal aurait ainsi pu, par exemple, prévenir l’endettement massif du Congo où le président Sassou Nguesso a
gagé en 1998-1999 les revenus du pétrole pour financer la guerre civile.
46
FMI/AID 2006. La CNUCED a aussi insisté sur l’importance de prendre en compte la dette intérieure pour évaluer la
viabilité de la dette (CNUCED 204, 40).
47
Cf. II 2.
48
Tel est le cas, par exemple de la Bosnie Herzégovine et de la République Centrafricaine.
49
Cf. Consensus de Monterrey § 52. Cf. également Consensus de São Paolo, § 17 (‘‘pour permettre aux pays en
développement de tirer le meilleur profit de la mondialisation et d’atteindre les objectifs internationaux de développement,
y compris ceux contenus dans la Déclaration du Millénaire, il y a besoin de renforcer la cohérence et la logique des
systèmes internationaux monétaire, financier et commercial … Le développement doit être au cœur de l’agenda
économique international’’).
17
problème de la dette fondée sur le développement humain ne servirait pas à grand-chose si
elle s’accompagnait de la négligence des dynamiques commerciales et financières affectant
les pays qui en bénéficient.
Cela fut pourtant souvent le cas avec l’initiative PPTE. Sa conception ne mettait
l’accent que sur les aspects strictement financiers de la dette, tenant pour acquise
l’amélioration des échanges extérieurs et mésestimant des caractéristiques bien connues du
profil des échanges des pays concernés. Face à cette négligence, il n’est pas surprenant que
nombre de ses bénéficiaires aient vu les effets de réduction de leur dette compromis par les
faiblesses de la structure de leurs exportations.
D’abord, le tableau financier considéré dans le cadre PPTE était plutôt incomplet.
L’endettement extérieur et la capacité de paiement d’un pays doivent être évalués en fonction
de son accès au financement aussi bien national qu’extérieur.
Suivant des estimations prudentes, la fuite des capitaux coûterait 500 milliards de
dollars aux pays du sud, sans compter le mauvais usage des deniers publics qu’affecte une
corruption à grande échelle. Ceci détourne de toute utilisation locale une épargne intérieure
déjà insuffisante et renchérit le coût du crédit interne, que ce soit pour les entrepreneurs ou le
gouvernement, incitant ainsi à l’emprunt étranger. Cette énorme fuite de capitaux est due en
partie à la libéralisation totale des flux de capitaux imposée par le FMI sur plus de vingt ans
d’ajustement structurel. Le CVD ne mentionne nulle part comment renforcer la maîtrise du
gouvernement sur les mouvements de capitaux.
Outre sa prise en considération très partielle de la dimension financière de la viabilité
de la dette, le CVD ne fait pas grand-chose pour prendre en compte le lien étroit entre dette et
commerce. Bien qu’il apparaisse à un moment où il semble qu’un consensus s’opère dans la
communauté internationale sur la nécessité d’assurer la cohérence entre politiques financières
et politiques commerciales, le CVD est passible de la même critique. Contrairement à ce que
semblerait exiger ce consensus, les seuils fondés sur les politiques suivies par les pays
bénéficiaires, choisis pour élaborer les évaluations de viabilité de la dette sont totalement
inadaptés pour mesurer si ces politiques, et la conjoncture dans laquelle elles s’appliquent,
pourront conduire à une amélioration durable des résultats des échanges commerciaux et à un
accroissement des recettes publiques50.
Une approche associant dette et commerce sur un fondement éthique pourrait garantir
que les ressources, provenant tant des remises de dette que d’une amélioration du commerce
extérieur, seraient d’abord appliquées à des objectifs de développement humain. Mais par sa
fixation de seuils fondés essentiellement sur les ratios d’exportations, le CVD reprend une
tradition qui tend à utiliser les recettes d’exportation d’abord pour régler la dette.
Un des points sur lesquels le CVD essaie timidement de faire mieux que son
prédécesseur est l’inclusion de divers tests de crise dans la procédure d’élaboration des CVD.
Cependant, comme cela a déjà été dit, ces tests ne sont introduits qu’en addition au scénario
de base du pays considéré et ne jouent donc qu’un rôle marginal par rapport aux projections
centrales. De fait, cette étude a trouvé seize cas où les évaluations de vulnérabilité et les tests
50
Ainsi plusieurs pertes dans la collecte des impôts proviennent à la fois de la libéralisation du commerce et de
l’investissement encouragée par les institutions financières internationales. Impôt et autres pertes fiscales encourus suite à
la libéralisation des régimes d’investissement consécutive à la nouvelle vague d’accords pour un commerce et des
investissements libres sont donc de toute première urgence.
18
de crise n’apparaissent pas. Dans sept de ces cas, les pays examinés n’en avaient pas moins
reçu un « feu vert ».
Un problème supplémentaire vient de ce que, en admettant que l’évaluation d’un pays
ait effectivement changé à la lumière des projections sur ses échanges extérieurs, on voit mal
si ce changement se reflétera vers l’aval dans la détermination de ses seuils de viabilité. Le
chapitre I. 3 a examiné des situations repérées par cette étude où la mesure dans laquelle les
considérations de chocs exogènes pèsent sur les seuils initiaux est très imprécise.
Ceci pose un problème particulièrement grave du fait que les deux principaux critères
sous-tendant l’initiative PPTE sont désormais remplacés par des seuils par pays fondés sur
une batterie d’indicateurs d’endettement. Ces seuils pourraient être plus bas, mais sont
souvent plus élevés, que ceux de l’initiative PPTE. Les éventails de seuils indicatifs, comme il
a été démontré ci-dessus, laissent largement ouverte la possibilité de voir des indicateurs
d’endettement plus lourds être considérés, en fin de compte, comme acceptables.
Le CVD ne prend pas en considération non plus toute une série de « non-chocs », ainsi
nommés en raison de leur apparente prévisibilité ou de leur caractère permanent. Un exemple
de ceux-ci est le bouleversement du marché des textiles attendu de la venue à terme de
l’Accord multifibres. Alors que de tels événements vont peser lourdement sur la viabilité de la
dette des pays affectés, le CVD n’est pas prévu non plus pour mettre au point une solution de
financement compensatoire en leur faveur.
Il importe ici de souligner à nouveau l’importance d’analyser non seulement la
méthodologie des CVD, mais aussi leurs conséquences politiques. Les gouvernements des
PPTE demandent depuis longtemps que leur vulnérabilité aux chocs soit un élément
constitutif des scénarios de base de leurs programmes. Une telle mesure les aurait aidés si elle
avait eu pour objectif la mise en place par les bailleurs et les créanciers d’un financement
compensatoire qui remédie automatiquement aux effets de tels chocs s’ils venaient à se
produire.
Les dispositions du CVD ne répondent guère à cette demande. Le but des évaluations
de viabilité de la dette dans le nouveau système est seulement d’éclairer une stratégie
d’emprunt et d’instituer des limites prudentielles aux financements aidés ou non. Si les calculs
de vulnérabilité sont adéquatement traduits dans l’évaluation de viabilité de la dette, cela
signifiera seulement que le pays considéré ne pourra s’endetter que jusqu’à un certain niveau,
et que le reste de ses besoins de financement ne pourra être couvert que par des dons. Rien
dans le CVD n’assure en revanche que le montant nécessaire de dons, ou de remises de dettes,
sera accordé. En conséquence, le pays endetté ne bénéficie d’aucune certitude quant à son
accès à un financement au cas où les chocs éventuels se produiraient. Ceci ne s’accorde guère
avec une approche qui s’efforcerait de donner la priorité à la disponibilité de ressources pour
le développement humain.
19
RECOMMANDATIONS
Une approche de la viabilité de la dette fondée sur le développement humain
implique que les impératifs de développement doivent primer sur le service de la dette.
1.
Les évaluations de viabilité de la dette seront ajustées de façon que les pays
débiteurs restent capables de répondre aux besoins de financement des
objectifs de développement humain et des OMD. La mise en œuvre fidèle de
ce principe exige que :
a) il soit appliqué de manière égale à tous les pays, sans distinction,
notamment sans distinction de revenu ;
b) les allègements et annulations de dettes soient activement encouragés
comme moyen de réduction des dettes des pays où elles dépassent le niveau
de viabilité ;
c) la méthode de réalisation des Analyses de viabilité de la dette tende
délibérément à mesurer le coût de la mise en œuvre des OMD et le
compare avec les ressources publiques disponibles pour y faire face.
2.
Les Analyses de viabilité de la dette seront transparentes, vérifiables et
indépendantes. Ceci ne peut être réalisé que par une procédure équilibrant
les voix des gouvernements créanciers et débiteurs agissant en consultation
avec les instances internes de participation démocratique de la société civile.
3.
On ne demandera pas aux pays débiteurs d’adopter, dans le cadre de leurs
stratégies de gestion de la dette, des politiques incompatibles avec leurs
priorités en matière de développement humain. Ceci implique le retrait
immédiat des conditions de politique économique, et de toute incidence des
critères de politique économique de l’EPIN pour l’élaboration du CVD.
4.
Les Analyses de viabilité de la dette traiteront de la dette de façon
exhaustive : dette interne comme externe, dette envers les créanciers publics
comme envers les créanciers privés. Un schéma de gestion de la dette
comportera un cadre juridique pour le traitement des créanciers privés
comme des créanciers multilatéraux. Il comportera également une évaluation
systématique et permanente du niveau de la dette interne, et en tiendra
compte dans sa mesure de la pression portant sur les ressources budgétaires
pouvant être affectées au financement du développement humain.
5.
Les stratégies de gestion de la dette comporteront des mécanismes
susceptibles d’empêcher que leurs bénéfices soient compromis par
l’élaboration et la mise en œuvre simultanées d’autres politiques
économiques internationales, notamment en matière de commerce.
Original en anglais
Traduction Secours Catholique – Caritas France
(jdb/jpe)
20
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Membres du groupe de travail de CIDSE et Caritas Internationalis
sur les Ressources allouées au développement
BROEDERLIJK DELEN
Contact : Ann De Jonghe
165, Huidevettersstraat
1000 BRUXELLES - BELGIQUE
Tél : (32) 2 213 04 31 - Fax : (32) 2 502 81 01
Courriel : [email protected]
Web : http://www.broederlijkdelen.be
CAFOD (CIDSE/CI)
Contact : Zoe Wildig
2 Romero Close, Stockwell Road
LONDON SW9 9TY – ROYAUME UNI
Tél : (44) 20 73265670 - Fax : (44) 20 72749630
Courriel : [email protected]
Web : http://www.cafod.org.uk/
CARITAS ESPAGNE (CI)
Contact : Elena de Luis
San Bernardo, 99 bis
Apartado de Correos n. 10095
28015 MADRID - ESPAGNE
Tél : (34) 91-4441000 - Fax : (34) 91-5934882
Courriel : [email protected]
Web : http://www.caritas.es/
CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le
Développement)
Contact : Jean Merckaert
4, rue Jean Lantier
75001 PARIS - FRANCE
Tél : (33) 1 44 82 80 00 - Fax: : (33) 1 44 82 81 43
Courriel : [email protected]
Web : http://www.ccfd.asso.fr/
CENTER OF CONCERN
Contact : Aldo Caliari
1225 Otis Street N.E.
WASHINGTON DC 20017 - USA
Tél : (1) 202 6352757 Ext. 123 - Fax: : (1) 202 8329494
Courriel : [email protected]
Web : http://www.coc.org
CORDAID (CIDSE/CI)
Contact : Johan van Rixtel
Lutherse Burgwal 10
Postbus 16440
2500 BK LA HAYE - PAYS BAS
Tél : (31) 70 3136337 - Fax : (31) 70 3136152
Courriel : [email protected]
Web : http://www.cordaid.nl/
KOORDINIERUNGSSTELLE
Contact: Hildegard Wipfel
Türkenstrasse 3
A-1090 VIENNE – AUTRICHE
Tél: 43-1-317 0321 77
Fax: 43-1-317 0321 85
Courriel: [email protected]
Web: http://www.koo.at
MANOS UNIDAS
Contact : Maria Villanueva
Barquillo 38 – 3°
28004 MADRID – ESPAGNE
Tél : (34) 91 308 2020 – Fax: (34) 91 308 4208
Courriel : [email protected]
Web: http://www.manosunidas.org
MISEREOR
Contact : Georg Stoll
9, Mozartstrasse - Postfach 1450
52064 AIX LA CHAPELLE - ALLEMAGNE
Tél : (49) 241 44 20 - Fax : (49) 241 44 21 88
Courriel : [email protected]
Web : http://www.misereor.de
SECOURS CATHOLIQUE - CARITAS FRANCE (CI)
Contact : Jean-Pol Evrard
106 rue du Bac
75341 PARIS Cedex 07 - FRANCE
Tél : (33) 1 45 49 73 30 - Fax: (33) 1 45 49 94 50
Courriel : [email protected]
Web: http://www.secours-catholique.asso.fr
TRÓCAIRE – CARITAS IRLANDE (CIDSE/CI)
Contact : Caoimhe de Barra
Maynooth - Co.Kildare - IRLANDE
Tél : (353) 1 629 3333 - Fax: (353) 1 629 0661
Courriel : [email protected]
Web : http://www.trocaire.org
Secrétariat de la CIDSE
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FONDAZIONE GIUSTIZIA E SOLIDARIETA
Contact : Riccardo Moro
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00165 ROME - ITALIE
Tél : 39-06-66398433 – Fax: 39-06-66398434
Courriel : [email protected]
Web: http://www.giustiziaesolidarieta.it
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