Cas clinique - Revue Implantologie - Nov 2010
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Cas clinique - Revue Implantologie - Nov 2010
chirurgie/prothèse implantologie novembre 2010 Réhabilitation implanto-ptothétique et ostéotomie interruptrice Cas clinique Jean PÉRISSÉ Jean-Roch PAOLI Marie-France CAZAVET Résumé A près l’exérèse de kyste épidermoïde polygéodique délabrant de 26 à 43 effondrant la corticale mandibulaire en divers endroits et nécessitant une résection interruptrice, une reconstruction est nécessaire. Elle est réalisée par la pose successive d’un greffon de fibula (péroné) qui se solde par un échec, puis d’un greffon iliaque segmenté. Au terme de cette procédure, un foyer pseudarthrosique persiste, maintenu par un fixateur externe. Pour fermer et consolider ce foyer, une solution implanto-prothétique est recherchée pour réaliser à la fois la fixité du foyer pseudarthrosique, la suppression du fixateur externe, et une restauration prothétique ; l’ensemble devant réaliser une attelle rigide permettant la cicatrisation osseuse. Cas clinique En décembre 1997 : Monsieur G.S., 50 ans consulte son chirurgien-dentiste sans aucune douleur ni gène, pour surveillance dentaire et parodontale. L’examen clinique ne note pas de déformation visible, mais il existe une voussure endo-buccale palpable au niveau de la zone cortico-linguale de la mandibule entre symphyse et branche horizontale gauche. Il n’est pas noté d’anesthésie labiomentonnière. L’orthopantomogramme dévoile alors une image ostéolytique mandibulaire de 36 à 43. L’aspect polygéodique et mal limité prouve l’agressivité tumorale. Fig. 1- 61 Travail réalisé dans le service de Stomatologie et Chirurgie Maxillo-Faciale du Professeur Franck Boutault – Hôpital Purpan (Toulouse) chirurgie/prothèse implantologie novembre 2010 Au scanner se confirme la présence d’une tumeur kystique aux contours poly-géodiques qui effondre la corticale mandibulaire en certains endroits. La biopsie révèle une tumeur kystique intra-mandibulaire bénigne : kyste primordial s’apparentant à un kyste épidermoïde (kératokyste). Compte tenu de l’extension de la destruction osseuse, on envisage une chirurgie interruptrice avec reconstruction osseuse immédiate. L’artériographie effectuée permet de prévoir une greffe par transplant micro-anastomosé de fibula. En février 1998 l’exérèse à la mandibule est effectuée. Elle s’étend de la face distale de la 45 à la face mésiale de la 36. Les anastomoses vasculaires ont été effectuées sur les collatérales de l’artère faciale du côté gauche. Au décours de la greffe, une suppuration et un foyer infectieux traduisant une oblitération de l’artère faciale ont conduit à la perte du transplant osseux. 20 jours plus tard : il est procédé à l’ablation du greffon. Dans ce contexte, il n’a pas été possible d’obtenir la fermeture endo-buccale sans réaliser une plastie complémentaire à l’aide de lambeaux locaux. Les fragments hémi-mandibulaires restants ont été alors stabilisés par un blocage intermaxillaire sur les quelques dents résiduelles d’une part et d’autre part, par un dispositif de fixateur externe, ancré par broches. Fig. 3- Cette première tentative étant un échec, il se discute alors une nouvelle procédure de reconstruction osseuse ou prothétique. Avril 1998 : Compte tenu de la bonne stabilité des fragments par les fixateurs externes, il est décidé de réaliser une greffe iliaque conventionnelle sans envisager une revascularisation par micro-anastomoses. Le nouveau greffon est prélevé classiquement, modelé par une ostéotomie et positionné au niveau de la perte de substance abordée par voie intra-buccale exclusive. La stabilité est assurée par un triple montage : d’une part, par des mini plaques vissées, ancrées sur les branches horizontales mandibulaires restantes ; d’autre part, par le maintien du système de fixateur externe préalablement mis en place, associé à un blocage maxillo-mandibulaire. Fig. 1Fig. 4- 62 Réhabilitation implanto-prothétique et ostéotomie interruptrice (Cas clinique) chirurgie/prothèse implantologie novembre 2010 En mai 1998 : Un foyer suppuratif sous mandibulaire médian, en regard de la greffe osseuse, persiste. Un drainage est alors effectué par la pose d’une lame en silicone. Malgré ce foyer infectieux péjoratif et inquiétant pour une bonne évolution du greffon, le blocage intermaxillaire est levé, du fait de la stabilité offerte par le fixateur externe qui paraît de bonne qualité et permet une alimentation mixée. Fig. 6- Fig. 5- En octobre 1998 : Il existe une pseudarthrose au niveau de l’ostéotomie du greffon. Cette pseudarthrose est le résultat d’un fort déséquilibre occlusal dans lequel la mandibule droite s’est déplacée en endo-alvéolie. Cette endo-alvéolie se situe à l’endroit où l’os iliaque a subi une plicature/fracture pour être modelé à l’arcade mandibulaire, le cal osseux à cet endroit ne s’étant pas réalisé. De ce fait, une mobilité mandibulaire existe, et réalise une rotation interne de la mandibule gauche. Un calage par coronoplastie des dents restantes est illusoire pour stabiliser et corriger le glissement. Cette malocclusion qui persiste est néfaste pour obtenir une consolidation. Il convient d’envisager une autre solution. A chaque fermeture buccale, on observe un traumatisme et une mobilité du greffon qui nuit à sa cicatrisation. Un appareil prothétique dentaire type squeletté en tant qu’attelle d’immobilisation n’est pas réalisable. Une solution de fixateur interne par le biais de structures implantaires est imaginée. La solution envisagée est de poser des implants en pont de part et d’autre du greffon pour créer une immobilisation extra-focale du greffon, les implants devant permettre d’obtenir une cicatrisation par stabilité, et de rétablir la fonction. En janvier 1999 l’intervention sur cet os remanié est évidemment délicate. L’os médullaire est très peu dense et la corticale fine. Quatre implants Atoll de type Beautyfind dépourvus d’antirotationnel sont placés en position de 47, 45, 35 et 38 ; ils pontent la zone greffée. ● Pose d’implant de type Beautyfind 13 mm en site 48 ● Pose d’implant de type Beautyfind de 13 mm en place de 44 et d’une membrane Gore Tex, avec comblement d’os récupéré. ● Pose d’implant de type Beautyfind 13 mm en site 35, avec comblement d’os récupéré. ● Pose d’implant de type Beautyfind 10 mm en vestibulaire de 38, dans le trigone rétromolaire au pied la branche montante mandibulaire. 63 Réhabilitation implanto-prothétique et ostéotomie interruptrice (Cas clinique) chirurgie/prothèse implantologie novembre 2010 Les points sont retirés à 10 jours. La membrane est retirée à 1 mois. La mise en fonction se fait 6 mois plus tard. Sur ces appuis, est réalisée la pose d’une prothèse mixte considérée comme transitoire, combinant du vissé sur implant et du scellé sur les éléments dentaires servant d’appui. Ces éléments sont réalisés en deux parties. Le but de cette prothèse est d’assurer la consolidation avant une solution définitive. Fig. 7- Ainsi, est placée une prothèse fixée à la fois aux dents et aux implants, qui maintient et immobilise la pseudarthrose tout en restaurant la fonction. En décembre 1999 : La radiographie montre une amélioration de la pseudarthrose para-symphysaire gauche au sein de la zone greffée. Cette situation indique que l’ensemble est en bonne voie de consolidation osseuse. Le patient est convoqué pour vérification de la consolidation osseuse régulièrement. Cette consolidation semble acquise, mais le montage prothétique réalisé ne peut tenir indéfiniment en porteà-faux. Le risque de casse ou de torsion des piliers 34 et 44 sous la pression masticatoire est réel. Il faut prévoir une solution durable et une utilisation du secteur greffé. Pour cela, il est envisagé une réhabilitation prothétique complète, équilibrée par la prothèse 64 Réhabilitation implanto-prothétique et ostéotomie interruptrice (Cas clinique) implanto-portée avec pose de huit implants dans le greffon. En janvier 2001 : L’évolution est en phase de consolidation, les structures n’évolueront plus de façon spontanée. Il est décidé une restauration prothétique durable et un avivement du foyer de pseudarthrose pour favoriser encore sa réhabilitation osseuse. Ceci passe par la pose d’une prothèse implantoportée avec des implants-relais complémentaires dans le greffon. L’intervention se déroule sous anesthésie générale. La qualité du greffon est vérifiée, celui-ci est correctement vascularisé comme on peut le constater au niveau des points de fraisage successifs. La dépose du matériel d’ostéosynthèse restant est entreprise. L’intervention implantaire se réalise par la mise en place de huit implants ATOLL® type Beautyfind sans antirotationnel afin de faciliter les récupérations angulaires qui pourraient exister du fait de l’architecture osseuse particulière et des risques d’aparallélisme des axes implantaires au niveau de l’os greffé dans le site mandibulaire de 35 à 43 : ● Site 43 : implant de 13 mm ● Site 42 : implant de 10 mm ● Site 41 : implant de 13 mm ● Site 31 : implant de 15 mm ● Site 32 : implant de 15 mm ● Site 33 : implant de 13 mm ● Site 34 : implant de 15 mm ● Site 35 : implant de 13 mm L’os récupéré est mis en sur-contour sur chaque implant. Un implant est mis en site 32 afin de raviver par un forage le foyer fracturaire et favoriser ainsi une induction cicatricielle. Le foyer est fermé avec un fil de suture résorbable et la mise en place d’un drain aspiratif Manovac. chirurgie/prothèse implantologie novembre 2010 Malgré cela, une hygiène moyenne à peu près satisfaisante a été maintenue pendant ces dix ans, elle a permis le bon maintien des structures. Ce qui est particulièrement remarquable dans ce cas clinique : c’est la consolidation osseuse qui s’est trouvée particulièrement améliorée du jour où la mise en fonction du bridge implantoporté a été réalisée. Fig. 8- La mise en fonction est réalisée à 7 mois. Un bridge provisoire est placé avec huit piliers droits. On déplore la perte de l’implant en 32 inséré dans le foyer fracturaire. Celui-ci ayant été posé dans le site du foyer pseudarthrosique persistant n’a pas été ostéo-intégré. Cette zone osseuse, toujours en remaniement, n’assure pas l’ostéo-intégration. Après ces étapes, le bridge implantoporté est posé sur les implants restants. Bilan à 10 ans : Le patient revient régulièrement pour des visites de contrôle de l’occlusion et de l’hygiène. L’implant en situation de 38 ayant fait son office a été retiré car il ne présentait plus d’intérêt sur le plan prothétique. 47 situé sur une restauration mixte en combinaison avec 48 et 46 a été perdu comme cela est souvent le cas en combinaison mixte. Il présentait vraisemblablement quelques surcharges occlusales qui l’ont rompu au niveau du col, ce qui se traduisait de façon épisodique par un aspect gingival de péri-implantite à son collet. Un bridge conventionnel a été réalisé entre 48 et 46. L’aspect particulier de la crête mandibulaire qui est effondrée en hauteur par rapport à son niveau normal rend la maintenance d’hygiène plus délicate que si nous étions dans un relief plus favorable. Fig. 9- Cette consolidation osseuse s’est assortie d’un remodelage qui dépasse le cadre morphologique que nous aurions pu souhaiter. En effet, c’est une véritable barre osseuse sans discontinuité qui s’est trouvée remodelée, les aspérités et les dysmorphies du greffon se sont modelées afin de donner par la fonction et la bonne mise en charge un os harmonieux et dense. Le contrôle strict de l’hygiène n’est pas toujours évident. La motivation vis-à-vis de l’hygiène est toujours difficile et le patient doit être revu pour des motivations tous les ans. La prothèse résine sur armature chrome cobalt est toujours identique. Sa réfection pour des considérations d’esthétique n’est pas envisagée du fait de la satisfaction du patient. 65 Réhabilitation implanto-prothétique et ostéotomie interruptrice (Cas clinique) chirurgie/prothèse implantologie novembre 2010 Une infiltration s’observe entre la résine et l’armature, cette infiltration ne présente qu’un caractère inesthétique et non iatrogène. Fig. 10- Conclusion L’originalité de ce cas clinique réside dans l’apport de l’implantologie en termes de fixateur et d’agent de remodelage de greffe. L’association et la concertation de la chirurgie maxillo-faciale et de la chirurgie implantaire doivent être poursuivies dans ces cas complexes où l’implant trouve ici toute son application. L’épaississement des structures osseuses est un but qu’il convient de rechercher et qui n’a pas été atteint ici. La faible hauteur générale du greffon a été une gène au maintien de l’hygiène par absence de normalisation et d’harmonisation en hauteur de la crête osseuse antérieure par rapport à la région postérieure. Ce facteur n’a pas permis d’optimiser les rapports entre l’intrados du bridge, la muqueuse attachée, et la muqueuse libre du 66 Réhabilitation implanto-prothétique et ostéotomie interruptrice (Cas clinique) plancher lingual, ce qui a été la source d’une difficulté de maintenance d’hygiène en compliquant le brossage dentaire. Ce cas nous a convaincus malgré ses difficultés, que la substitution d’un fixateur externe par un fixateur interne implantaire était plus efficace et plus confortable pour le patient. La proximité visà-vis du foyer pseudarthrosique, que réalise l’attelle induite par les implants dans ce type de montage, semble favorable à une meilleure fixité du foyer, ce qui améliore la consolidation. Le caractère fonctionnel masticatoire et esthétique, associé à la fixation du foyer s’accompagne également d’une reprise de la vie sociale particulièrement favorable pour le patient.