cap-vert les îles épargnées

Transcription

cap-vert les îles épargnées
É V A S I O N
Retour de la pêche
à Baía das Gatas,
sur l’île de São Vicente.
Au loin, l’île déserte de
Santa Luzia où se rendent
les pêcheurs du village.
CAP-VERT LES ÎLES ÉPARGNÉES
C’est l’Afrique, disent les yeux. C’est le Brésil, répondent
les oreilles. Métissage unique, peuple créole perdu dans
l’Atlantique : c’est le Cap-Vert. Dix îles éparpillées au large
du Sénégal qui offrent une étonnante diversité de paysages.
PAR GUILLAUME DE DIEULEVEULT (TEXTE) ET STANISLAS FAUTRÉ POUR LE FIGARO MAGAZINE (PHOTOS)
76 • LE FIGARO MAGAZINE - 5 DÉCEMBRE 2009
5 DÉCEMBRE 2009 - LE FIGARO MAGAZINE • 77
É V A S I O N
A
vec ses enfants
qui plongent en
riant dans les
vagues, ses barques de pêcheur
couchées sur le
sable et ses petites maisons aux
façades pastel, Tarrafal de Santiago est un
village capverdien comme les autres. Nonchalantes, des vendeuses de poissons déambulent dans les rues pavées, bassine de plastique
en équilibre sur la tête. A la tombée de la
nuit, on y croise de jeunes paysans de retour
des champs. Allure de rappeur et bêche à
l’épaule, ils saluent l’étranger d’un sourire, le
pouce levé : « Tud dret ? » (Tout va bien ?).
Avec cette douceur de vivre presque palpable à force d’être partout, c’est un endroit
comme tant d’autres dans l’archipel : hors
du temps, loin du monde.
Le Cap-Vert : dix îles éparpillées dans
l’Atlantique, au large du Sénégal. Malgré un
passé volcanique commun, elles offrent une
étonnante diversité de paysages. A l’est, les îles
de Sal ou de Boa Vista sont désertiques. Au
nord-ouest, la grande île de Santo Antão est
montagneuse. Tout comme Santiago, la plus
grande île de l’archipel, où se trouve la capitale, Praia. Quelques mois par an, les montagnes parviennent à retenir les nuages venus
du large. Et, lorsque la pluie se décide à tomber, la végétation explose dans les vallées. Il
suffit pour s’en convaincre de faire un tour •••
Dans la vieille ville de Mindelo,
les façades colorées veillent
sur le va-et-vient de marchandes
venues des îles voisines.
Chapeau, violon et plaisanteries
loufoques : le musicien Malaquias
est une figure des nuits de Mindelo.
Cesaria Evora chez elle, à Mindelo. La chanteuse
capverdienne reste profondément attachée à sa ville.
LES MONTAGNES PARVIENNENT, QUELQUES MOIS
PAR AN, À RETENIR LES NUAGES VENUS DU LARGE
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Rua da Banana, la plus
ancienne de Cidade Velha,
sur l’île de Santiago.
Ses maisons traditionnelles
sont toujours habitées.
É V A S I O N
••• au marché de Praia. Généreuses, les marchandes offrent au client une tasse de café
tandis qu’elles lui vendent manioc, ignames,
mangues ou minuscules citrons verts, maïs
et fèves pour la cachupa, le plat national.
C’est l’Afrique, disent les yeux. C’est le Brésil,
répondent les oreilles. Métissage unique,
peuple créole perdu dans l’Atlantique : c’est le
Cap-Vert.
La colonie a acquis son indépendance
en 1975. Les Portugais ont laissé au pays
une architecture que l’on l’admire à Cidade
Velha, l’ancienne capitale, sur l’île de
Santiago. Construite en 1495, l’église Nossa
Senhora do Rosário, avec son étonnante
allée de pierres tombales et ses murs couverts d’azulejos, est un témoin muet du
passé. La ville fut longtemps une escale entre l’Amérique et l’Europe. Elle connut son
apogée au XVIe siècle, et ne se releva jamais de l’attaque du corsaire nantais Jacques Cassard. Le 4 mai 1712, il la mit à sac
et l’incendia. Quelques années plus tard,
la capitale était transférée à Praia, mieux
protégée. Malgré les ravages du corsaire
français, la petite ville a fait récemment son
entrée au patrimoine mondial de l’Unesco.
A Santiago, la terre est rare et les pentes
des collines exploitées au maximum. Un muret entre deux gros cailloux, quelques pelletées de terre permettent à Domingo et Dominga Rodrigues de faire pousser trois pieds
de maïs ici, trois autres pieds plus loin. « Cette
année, il a bien plu, se réjouit le vieil homme.
Le maïs poussera bien, si senhor. » Comme
beaucoup de Capverdiens, Domingo Rodrigues a quitté son pays pour travailler à l’étranger. « J’ai vécu vingt ans au Portugal et puis je suis
Sur l’île de Santiago,
pendant la saison
des pluies, la nature explose
dans la serra Malagueta.
Ribeira Grande,
à Santo Antão.
Ce port jadis actif s’adosse
aux vallées luxuriantes
qu’exploitent les
agriculteurs de l’île.
Thons, daurades,
tazars : pour les pêcheurs
de São Pedro, la mer
est bonne nourricière.
L’AUTRE PASSION DES CAPVERDIENS, C’EST LA MUSIQUE,
ELLE EST PARTOUT, CHAQUE ÎLE A LA SIENNE
Ile de Santo Antão :
la route pavée serpente
entre la montagne
et les embruns.
revenu ici, à João Teves. Je préfère vivre au pays :
nous produisons assez de maïs pour nourrir la famille. » « Et puis l’endroit est beau », convient
Dominga en posant sa paume sur celle d’un
gamin faufilé entre les jambes des grands : la
bénédiction des anciens.
Cette douceur des uns à l’égard des autres, on la retrouve partout au Cap-Vert.
Elle a même un nom : la morabeza. Une
forme de gentillesse unique qui, mieux que
tout, lie les Capverdiens à leur terre. « Cela
prend du temps avant de comprendre ce qu’il y
a de si attachant dans ce pays », explique
Mayra Andrade. Cette jeune chanteuse capverdienne exilée à Paris revient dans ses
îles plusieurs fois par an. « J’y trouve une
forme de dureté mêlée à de l’allégresse. Ici,
c’est tellement aride que l’on est surpris par la
convivialité et par la générosité des gens. »
importantes. La première à consommer avec
modération, l’autre non.
L’autre passion des Capverdiens, c’est la
musique. Elle est partout, chaque île a la
sienne. Sur celle de Santiago, c’est le funaná.
Son principal compositeur, Codé di Dona,
habite le petit village de São Francisco. Il
■ GUILLAUME DE DIEULEVEULT
« La morabeza,
c’est notre principale richesse »
Autre lieu, autres mots. Dans le petit café
Lisboa, à Mindelo, sur l’île de São Vicente,
l’évocation de la morabeza crée immédiatement un fervent débat. « Dans la morabeza, il
y a des tas de choses », tente maladroitement
Alberto Fonseca, le patron du bar. « C’est la
sympathie, c’est de bien recevoir les gens. » « La
morabeza, on ne la trouve plus qu’à Santo Antão !,
s’énerve Dufega, un habitué. C’est le partage :
même quand on n’a rien, on donne le meilleur à
l’étranger. Mais à Mindelo, c’est perdu tout ça ! »
Et l’homme se lève, énervé, théâtral, pour
mieux s’installer dehors, à la terrasse du
café. Confirmation reçue sur l’île de Santo
Antão, auprès de Sylvino Brito, chauffeur :
« La morabeza, c’est notre principale richesse »,
affirme l’homme en souriant. Sur cette île
agricole, on la cultive comme on cultive la
canne à sucre. Le fond des ribeiras et les flancs
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des montagnes en sont couverts. Ici le rhum
s’appelle du grogue et chaque famille a sa façon de l’arranger. Nho Silves, 80 ans, en a toujours produit à Cha da Roxo, sa ferme. Et son
père aussi. « Le grogue, c’est la chose la plus importante à Santo Antão », assure le vieil homme.
Grogue et morabeza : les deux choses les plus
est joueur d’accordéon,
« un petit », précise le musicien : « C’est plus facile à
transporter quand on se
déplace à pied. » A 69 ans,
l’homme continue d’animer les fêtes, les mariages, les baptêmes. Il a
joué partout : aux EtatsUnis, en France et à Tarrafal, au nord de l’île. « Je
suis né avec le funaná et,
tant que je vivrai, j’en jouerai », assure Codé di
Dona avant de raconter
une blague pour faire rire
ses petits-enfants. A Mindelo, sur l’île de São Vicente, on joue surtout de
la morna et de la coladeira. Leur plus grande
ambassadrice, Cesaria
Evora, revient souvent dans sa ville. Les murs
de sa maison, couverts de ses disques d’or,
sont aussi ornés d’une photo d’Elvis Presley.
« J’aimais bien sa façon de danser », explique
sobrement la diva, avant de proposer un verre
de grogue aux invités. Morabeza.
circuits + vol a/r
TTC à partir de :
MAURITANIE: Intégrale des oasis
SÉNÉGAL: Séjour libre à Saint-Louis
NIGER: Rando dans l’oasis de Timia
MALI: Rando au Pays Dogon
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700€
970€
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vols secs
TTC à partir de :
Vol Paris/ATAR/Paris
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Vol Paris/ST-LOUIS/Paris
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Vol Marseille/AGADEZ/Marseille 480€
Vol Paris/MOPTI/Paris
515€
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fdm - LI n°075000080 Ph/ P.Freund
É V A S I O N
un volcan en miniature,
parfaitement formé, que l’on
grimpe facilement : panorama
inoubliable.
C A R N E T D E VOYAG E
Utile
Y aller
TAP (0.820.319.320 ;
www.flytap.fr). La compagnie
portugaise propose deux vols
quotidiens, un vers l’île de Sal et
l’autre vers Praïa (île de Santiago).
Départs de Paris (Orly Ouest),
Lyon, Marseille, Nice et Toulouse.
A partir de 691 ¤ en direction
de Sal et de 810 ¤ vers Praïa.
Comptoir des voyages
(01.53.10.30.06 ; www.comptoir.fr).
L’agence propose des voyages
individuels et sur mesure.
En plusieurs îles, les circuits à
la carte permettent de combiner
découvertes, randonnées et
culture. Voyage de 9 jours à partir
de 940 ¤. Circuit de 15 jours à
partir de 2 080 ¤.
Hébergements
ÎLE DE SANTIAGO. Pousada Quinta
da Montanha (00.238.268.50.02).
Cet hôtel accroché à la montagne
offre une vue extraordinaire sur la
serra Malagueta. Lindorfo Olivio, le
propriétaire, est ingénieur agronome.
Francophone, il aime expliquer à ses
hôtes son secret pour faire pousser
les légumes parfaitement alignés qui
ornent son jardin et ses assiettes.
Double : 50 ¤. Simple : 40 ¤.
ÎLE DE SÃO VICENTE. Residencial
Goa (00.238.232.93.55 ou
00.238.996.26.96) à Calhau.
Notre coup de cœur
Raphaëlle et Stanislas ont mis toute
leur générosité dans cet hôtel de
charme. Amoureux de l’île, ils y ont
construit cette vaste maison de
bord de mer où ils accueillent leurs
hôtes avec un soin infini. Les
chambres sont spacieuses, on
s’endort au rythme des vagues.
Apaisant. Suite pour deux : 90 ¤.
Double : 70 ¤. Simple : 55 ¤.
À MINDELO. Casa Café Mindelo
(00.238.231.87.31 ;
www.casacafemindelo.com).
Cette belle maison construite en
1870 est au cœur de la capitale
culturelle du Cap-Vert. Au rezde-chaussée, un bar restaurant,
au premier étage, la réception
et la salle à manger de l’hôtel,
au second étage : 4 chambres
et 2 salles de bains communes.
Double : 60 ¤. Simple : 40 ¤.
Hotel Sodade
(00.238.230.32.00 ;
www.residencialsodade.com).
L’hôtel domine la vieille ville de
Mindelo : vue imprenable depuis la
terrasse. Confort et prix varient
selon les étages.
Double : de 27 à 67 ¤. Simple :
de 22 à 45 ¤.
Casa Azul (00.238.231.01.24 ;
www.casa-azul-mindelo.com).
Perdue dans la montagne, cette
jolie maison bleue domine la baie
et le port de Mindelo. L’hôtel n’est
pas ouvert toute l’année. Basse
saison : de 120 à 160 ¤. Haute
saison, de 140 à 200 ¤.
ÎLE DE SANTO ANTÃO. Vila das
Pombas, Paul Aldeia Jerome
(00.238.223.21.73 ;
www.aldeiajerome.it.gg). Au pied
de la luxuriante vallée de Paul,
posée entre une mer de cannes
à sucre et l’Océan, ces jolies
maisons peintes de couleurs
vives sont une halte parfaite.
Double : 37 ¤. Simple : 30 ¤.
Restaurants, bars
La chanteuse Mayra Andrade
renouvelle la musique capverdienne.
82 • LE FIGARO MAGAZINE - 5 DÉCEMBRE 2009
Situé dans un quartier populaire
de Mindelo, l’Atelier de Violao
d’Anicelo Gomes est un endroit
magique. Anicelo Gomes a été
formé dès l’âge de 15 ans
par le maître luthier Batista
et perpétue son savoir-faire.
Ses cavaquinhos, petites guitares
à quatre cordes, sont parmi
les plus réputés du Cap-Vert.
Au marché : sous l’architecture héritée du passé portugais, la production locale.
ÎLE DE SÃO VICENTE, MINDELO.
Tradissom e Morabeza
(00.238.48.41). Installé en face des
quais, tout près d’une reproduction
miniature de la tour de Belem, ce
restaurant est un des plus réputés
de la ville. Concerts du jeudi au
samedi. Café Lisboa. Ce petit café
se trouve rue de Lisboa, la plus
animée. Alberto Fonseca, ancien
joueur de football, qui se fait un
plaisir d’accueillir les nouveaux
venus, sous le regard bienveillant
d’une clientèle d’habitués haute en
couleur. Le café de Fogo et les
pâtisseries d’Alberto sont délicieux.
Santo
Antão
Ponta do Sol
Paúl
Mindelo
Le bémol
La TACV, la compagnie aérienne
nationale qui assure les liaisons
entre les îles. Elle est surnommée
Océan Atlantique
Î L
E S
Santa Luzia
São
Vicente
D U
Sal
V E
N T
São Nicolau
Cap-Vert
E S
Î L
OLIVIER CAILLEAU
Ambassade du Cap-Vert
en France (01.42.12.73.50 ;
www.ambassadecapvert.fr).
Géré par un Français vivant sur
place, le site www.mindelo.info
fourmille d’informations.
20 km
Boa Vista
N T
V E
E L
U S
S O
Santiago
Brava
ÎLE DE SANTO ANTÃO. À PONTA
DO SOL. Beira Mar. Tout près du
joli port de pêche, ce restaurant
est réputé pour les langoustes
préparées par Fatima, la patronne.
À RIBEIRA GRANDE. Cantinho
de Amizade. Un endroit simple et
populaire où l’on sert ce que Maria
a bien voulu préparer : avec de la
chance, on y déguste la cachupa,
le plat national capverdien.
Belles randonnées
À SANTO ANTÃO. Le cratère
de Paul, tout rond avec ses petits
champs découpés au cordeau.
Une balade vous conduit vers
Vila das Pombas à travers
la plus luxuriante des ribeiras
capverdienne.
À SÃO VICENTE. Le volcan de
Viana, près du village de Calhau :
Tarrafal
Fogo
Maio
Joao Teves
PRAIA
Cidade Velha
« Transportes Atrasados do Cabo
Verde » : les transports en retard
du Cap-Vert... Une spécialité qui
s’applique aux voyageurs comme
à leurs bagages.
Ecouter et lire
Cesaria Evora : Nha Sentimento,
Sony Music. Mayra Andrade :
Stória, stória, Sony Music.
Guides : Cap-Vert. Le Petit Futé,
15 ¤. Cap-Vert, loin des yeux
du monde, Guides Olizane, 23 ¤.
Le Cap-Vert aujourd’hui,
Editions du Jaguar, 25 ¤.
Un peu plus : Cap-Vert, notes
atlantiques, Jean-Yves Loude,
Editions Babel, 9 ¤.
Récits et nouvelles du Cap-Vert,
Textes du mouvement Claridade,
Editions Chandeigne, 12 ¤.
G. D.