Retraite : quels droits à une pension de réversion
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Retraite : quels droits à une pension de réversion
Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ? A quelle retraite ont droit les épouses ou ex-épouses, en cas de décès de leur mari ou exmari retraité ? Ce droit d’obtenir le reversement d’une partie de la retraite du défunt, appelée pension de réversion, dépend de conditions variées. L’enjeu est pourtant crucial pour 4,2 millions de bénéficiaires d’une retraite de réversion, dont 90% sont des femmes. Deontofi.com décrypte les règles. (photo © GPouzin) On parle souvent des grandes mesures annoncées dans le cadre des réformes de retraite successives, mais trop peu des règles spécifiques à la pension de réversion, c’est-à-dire principalement la retraite des veuves. La pension de réversion correspond au droit indirect d’une personne à percevoir une partie de la retraite de son conjoint après son décès. Derrière ce principe, les règles sont multiples et changeantes. Deontofi.com décrypte l’enjeu des retraites de réversion, avec des exemples concrets. Cinq minutes pour comprendre : Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 25/4/2016 1/ Les pensions de réversion, c’est vraiment un phénomène important ? – Oui, on n’en parle pas assez, et souvent « en creux » par rapport aux grands enjeux de la retraite, mais la pension de réversion est un phénomène absolument fondamental dans le fonctionnement de nos systèmes de retraite, et un enjeu crucial pour les personnes qui ont besoin de cette ressource après le décès de leur conjoint, c’est-à-dire principalement les veuves. En France, un peu plus de 4,2 millions de personnes perçoivent une pension de réversion, soit plus d’un quart de l’ensemble des 16,4 millions de retraités recensés à fin 2011, selon la dernière étude de l’Insee sur ce sujet à (p.14 de ce document extrait de Insee Références « Couples et familles », édition 2015). Or, sur les 4,2 millions de personnes percevant une pension de réversion après le décès de leur conjoint ou ex-conjoint, 3,8 millions sont des femmes, soit plus de 90% des titulaires d’une retraite de réversion. Et pour ces femmes, qui Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ?|1 Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ? ont souvent eu une carrière incomplète en élevant des enfants, la pension de réversion et la majoration pour celles qui ont eu trois enfants, représente une part importante de leur retraite. Alors que la retraite directe des femmes est inférieure de 42% à celle des hommes, à respectivement 932 euros par mois en moyenne pour les femmes contre 1603 euros en moyenne pour les hommes, les retraites de réversion et majorations pour troisième enfant représentent un complément mensuel de 272 euros en moyenne pour les femmes, soit près de 30% par rapport à leurs propres droits directs à la retraite. Ce sont des moyennes, ce qui signifie que certaines femmes ont des retraites plus confortables, quand elles ont eu une carrière plus complète en ayant moins d’enfants. Mais pour d’autres, la réversion est la seule retraite à laquelle elles ont droit. On recenserait ainsi plus d’un millions de personnes, là encore principalement des femmes, qui n’ont aucun droit à retraite direct et qui perçoivent uniquement une pension de réversion représentant la quasi totalité de leurs ressources. 2/ Qui a droit à quelle pension de réversion après le décès de son conjoint ? – C’est une question que nous posent régulièrement des lecteurs et lectrices de Deontofi.com. Pour y répondre il faut être très méthodique car les règles varient selon de nombreux critères. D’abord le régime de retraite, car les règles ne sont pas les mêmes pour la retraite de base de la Sécurité sociale, versée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la Cnav, et les retraites complémentaires des salariés et des cadres du secteur privé (Arrco-Agirc) ou d’autres statuts (Ircantec, RSI, MSA, etc.). Ensuite les droits à la retraite de réversion du conjoint survivant dépendent aussi de son âge et de ses revenus, et du nombre d’enfants élevés ou encore à charge. Et puis avec la fréquence des divorces et des familles recomposées, se pose aussi la question de l’éventuel partage de la pension de réversion d’un conjoint, ou d’un ex-conjoint, décédé en laissant plusieurs ayants-droits, par exemple une première épouse dont il était divorcé, et une seconde épouse. Si l’on regarde les conditions d’attribution, par exemple, une différence fondamentale entre la retraite « Sécu » (retraite de base de la Cnav) et les retraites complémentaires, c’est que la réversion de la retraite sécu est soumise à des conditions de ressources, c’est-à-dire réservée aux veuves et veufs aux revenus les plus modestes, tandis que la réversion des retraites complémentaires de l’Arrco-Agirc n’est soumise à aucune condition de ressource. 3/ Quels sont les droits à la pension de réversion pour la retraite de base de la Sécurité sociale ? – Pour avoir droit à une retraite de réversion au décès d’un conjoint retraité, le conjoint ou l’ex-conjoint doit d’abord en faire la demande. Ce n’est pas automatique. Ensuite, le conjoint ou l’ex-conjoint concerné doit remplir trois conditions : Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ?|2 Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ? 1) être marié ou avoir été marié avec la personne décédée (déjà retraité du régime général, ou cotisant ou ayant cotisé au régime général); 2) être âgé d’au moins 55 ans (51 ans si le conjoint ou l’ex-conjoint est décédé avant 2009); 3) enfin les ressources personnelles du demandeur (ou celles du nouveau ménage en cas de remariage, Pacs, vie maritale…) ne doivent pas dépasser un certain plafond (5 028,40 €/trimestre pour une personne seule, soit 1676,13 €/mois, ou 8 045,44 €/trimestre pour un couple). Si ces trois conditions sont réunies, le conjoint ou l’ex-conjoint du retraité décédé peut prétendre à la réversion de 54 % de la retraite que percevait ou aurait pu percevoir son conjoint ou ex-conjoint décédé. Malgré les conditions d’attributions et de ressources assez restrictives de cette pension de réversion de la Sécurité sociale, plus de 2,7 millions de personnes en bénéficiaient en 2014, dont 2,2 millions de femmes, soit plus de 82% des bénéficiaires, selon les dernières statistiques de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. 4/ Comment calculer le droit à une retraite de réversion de la Cnav selon les ressources du conjoint survivant ? – Ce n’est pas simple, car le montant de la retraite de réversion peut être réduit en fonction des ressources du conjoint ou ex-conjoint survivant. Il faut examiner chaque cas particulier avec l’aide d’une personne compétente, par exemple une assistante sociale. Mais pour aider les lecteurs et lectrices de Deontofi.com à comprendre ce calcul, la Cnav a bien voulu répondre à notre demande d’illustrer ce calcul avec des exemples précis. Exemple 1: La personne demandant une pension de réversion vit seule avec des ressources personnelles mensuelles brutes de 900 € de la Cnav et 400 € de l’Arrco, soit 1300 €. Le plafond mensuel de ressources est de 1676,13€ = droit ouvert (les ressources de 1300 € sont inférieures) La retraite du régime général du conjoint décédé était de 1200 € (c’est un exemple) La retraite de réversion potentielle de la Cnav serait de 648 € (1200 x 54%) Cette retraite de réversion potentielle de la Cnav de 648 € ferait passer les ressources de la personne bénéficiaire au-dessus du plafond de ressources. Dépassement = (1300 + 648) – 1676,13= 271,87 € La Sécurité sociale déduira alors le dépassement du plafond de ressource, en réduction de la pension de réversion. La retraite de réversion du régime général à servir sera de 376,13 € (648 – 271,87 = 376,13). Exemple 2: Personne seule avec ressources personnelles mensuelles brutes de 1 100 € de la Cnav + Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ?|3 Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ? 600 € Arrco = 1700 € Plafond mensuel = 1676,13€ = droit non ouvert = rejet pour dépassement du seuil de ressources. Exemple 3: Personne seule avec ressources personnelles mensuelles brutes = 600 € Cnav + 200 € Arrco = 800 € Plafond mensuel = 1676,13€ = droit ouvert Retraite du régime général du conjoint décédé = 1200 € Retraite de réversion potentielle de la Cnav = 648 € (1200 x 54%) La réversion ne crée pas de dépassement du seuil de ressources. (800 + 648) < 1676,13 = 0 € de dépassement. La retraite de réversion du régime général correspondra bien à 54% de la retraite Sécu du conjoint décédé, soit 648 € (1200 x 54% = 648 €) 5/ Et pour la retraite complémentaire des salariés et cadres ? – Les règles de mise en œuvre de la pension de réversion sont différentes pour la retraite de base de la Cnav et pour les retraites complémentaire Arrco-Agirc des salariés et des cadres. Comme on l’a vu, les pensions de réversion Arrco et Agirc sont attribuées sans condition de ressources. Mais il y a des conditions d’âge. Actuellement, il faut avoir au moins 55 ans pour percevoir une pension de réversion de l’Arrco, et 60 ans pour une pension de réversion de l’Agirc. Ces différences sont évidemment appelées à évoluer avec la fusion de l’Agirc et de l’Arrco pour la création du Régime Unifié prévu en 2019. Il y a une exception à cette condition d’âge pour le conjoint survivant ou les ex-conjoints ayant deux enfants à charge. Ils ont alors droit à la pension de réversion, quel que soit leur âge, si les enfants sont bien à la charge de l’intéressé au moment du décès. Les enfants à charge du conjoint survivant peuvent même être pris en compte même s’ils n’ont pas de lien de parenté avec la personne décédée. 6/ Comment se calcule les droits à pension de réversion sur les retraites Arrco et Agirc ? – En principe, le droit à réversion correspond à 60% du montant des retraites complémentaires Arrco et Agirc que touchait le retraité décédé. Il faut rappeler que les retraites complémentaires Arrco-Agirc dépendent du nombre de points acquis par un retraité au cours de sa vie active. Pour mieux illustrer ce calcul prenons des exemples précis, que nous avons réalisés avec l’Agirc-Arrco pour faciliter la compréhension des lecteurs de Deontofi.com. Exemple 1: Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ?|4 Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ? Jean Dupont avait obtenu au cours de sa carrière 6000 points Arrco et 30 000 points Agirc. La valeur du point Arrco est fixée depuis le 1er avril 2015 à 1,2513 € de pension annuelle de retraite. La valeur du point Agirc est fixée depuis le 1er avril 2015 à 0,4352 € de pension annuelle de retraite. Les droits à pension de réversion pour la retraite Arrco sont de 60% de 6000 fois 1,2513 €, soit 4504,68 euros par an (6 000 X 1,2513 X 0,6 = 4504,68), ou une pension de réversion mensuelle de 375,39 € (4504,68 / 12). Les droits à pension de réversion pour la retraite Agirc sont de 60% de 30 000 fois 0,4352 €, soit 7833,60 euros par an (30 000 X 0,4352 X 0,6 = 7833,60), ou une pension de réversion mensuelle de 652,80 € (7833,60 / 12). 7/ Comment se calcule la retraite de réversion dans le cas où le retraité décédé a été marié plusieurs fois ? – La multiplication des divorces et des remariages rend les situations un peu plus complexes encore en cas de décès, notamment vis-à-vis des questions de retraite et de droits aux pensions de réversion. Il faut donc là aussi examiner chaque situation au cas par cas. Mais on peut donner quelques grandes lignes pour aider les lecteurs de Deontofi.com à s’y retrouver. Le principe de base est qu’en présence de plusieurs ayant-droits à la retraite de réversion d’un conjoint ou d’un ex-conjoint décédé, on partage la pension de réversion en fonction du prorata de durée de leurs unions. Si le conjoint ou ex-conjoint a été marié plusieurs fois, la retraite de réversion est partagée entre le conjoint et les ex-conjoints. Ce partage est proportionnel à la durée de chaque mariage. Chaque ayant droit potentiel doit faire sa demande. Exemple pour la retraite du régime général de la Sécurité sociale (Cnav) : 1ère épouse = 348 mois de mariage Veuve (2ème épouse) = 108 mois de mariage Temps total mariage = 456 mois (348 + 108) pas 420 mois (120 + 300) Retraite du régime général du conjoint décédé = 1200 € Retraite de réversion potentielle = 648 € (1200 x 54%) Partage de la retraite de réversion : Part de la 1ère épouse = 648 € x 348/456 = 494,53 € Part de la veuve (2ème épouse) = 648 € x 108/456 = 153,47 € L’ouverture du droit est ensuite étudié pour chaque demandeur, comme on l’a vu, selon les critères d’éligibilité à cette pension de réversion (âge, conditions de ressources…). Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ?|5 Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ? Exemple pour les retraites complémentaires des salariés et cadres (Arrco et Agirc) : Réversion de l’ex-conjointe (1ère épouse): Le montant annuel brut de la pension de réversion Arrco de la 1ère épouse est calculé ainsi : 6000 x 60 % x 348/456 x 1,2513 = 3437,78 € par an, soit un montant mensuel de 286,48 €. Le montant annuel brut de la pension de réversion Agirc de la 1ère épouse est calculé ainsi : 30 000 x 60 % x 348/456 x 0,4352 = 5978,28 € par an, soit un montant mensuel de 498,9 €. Réversion de la veuve (2ème épouse): Le montant annuel brut de la pension de réversion Arrco de la 2ème épouse est calculé ainsi 6000 x 60 % x 108/456 x 1,2513 = 1066,90 € par an, soit un montant mensuel de 88,91€. Le montant annuel brut de la pension de réversion Agirc de la 2ème épouse est calculé ainsi : 30 000 x 60 % x 108/456 x 0,4352 = 1855,33 € par an, soit un montant mensuel de 154,11 €. 8/ Quelles démarches effectuer pour se renseigner et faire valoir ses droits à la pension de réversion ? – Là encore, on retrouve la distinction entre le régime général de la Sécurité sociale et les régimes complémentaires. On peut d’abord trouver toutes sortes d’informations utiles sur les démarches à effectuer après un décès ici. Si le conjoint décédé a exercé une activité salariée, agricole, artisanale ou commerciale, une seule demande est nécessaire. Il faut adresser cette demande à la caisse de retraite dont relève la dernière activité de du conjoint (agricole, artisanale…). Cette caisse de retraite transmettra les informations aux autres régimes de retraite (retrouvez ici le formulaire à utiliser). Cette demande ne concerne ni les régimes complémentaires, ni les régimes spéciaux. Pour les droits à la pension de réversion des régimes de retraite complémentaires des salariés, l’Agirc-Arrco édite un guide très complet consultable ici. Pour demander l’obtention d’une retraite de réversion, il faut s’adresser à la caisse Arrco ou Agirc dont on dépend ou dont dépendait le retraité décédé. Vous pouvez aussi vous renseigner en prenant rendez-vous auprès d’un Centres d’Information de Conseil et d’Accueil des Salariés (Cicas). Il en existe une centaine en France : un par département et 5 à Paris (retrouver les coordonnées des 100 Cicas ici). Retraite : quels droits à une pension de réversion après le décès d’un conjoint ou ex-conjoint ?|6