Commission d`enquête sur l`impact de la baisse des
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Commission d`enquête sur l`impact de la baisse des
COMMISSION D’ENQUETE SUR L’IMPACT DE LA BAISSE DES DOTATIONS DE L’ETAT SYNTHESE DES INTERVENTIONS DE JEANINE DUBIE Ce document est un compte-rendu des interventions de Jeanine DUBIE, députée des HautesPyrénées dans le cadre de la Commission d’enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux EPCI [NOVEMBRE 2015] 1 AUDITIONS André Laignel, président du Comité des finances locales .................................................................................. 3 Philippe Laurent, secrétaire général de l’Association des maires de France ..................................................... 4 Charles-Éric Lemaignen, président de l’Assemblée des Communautés de France (AdCF), et Sébastien Miossec, membre du conseil d’administration de l’AdCF. ................................................................................. 6 Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France ........................................................ 8 Olivier Landel, délégué général de l’Association des communautés urbaines de France, et Franck Claeys, directeur Économie et finances territoriales de l’Association des maires des grandes villes de France. ......... 11 Xavier RAGOT, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques, OFCE .......................... 13 Bruno CAVAGNÉ, président de la Fédération nationale des Travaux publics, et Alain PICQUET, viceprésident de la Fédération française du Bâtiment ........................................................................................... 15 Nadia BELLAOUI, présidente du Mouvement associatif, et Frédérique PFRUNDER, déléguée générale du Mouvement associatif ...................................................................................................................................... 17 Gabrielle GAUTHEY, directrice des investissements et du développement local (Caisse des Dépôts et Consignations) et Marc ABADIE, directeur du réseau et des territoires (Caisse des Dépôts et Consignations) .......................................................................................................................................................................... 18 Serge BAYARD, président de La Banque postale Collectivités locales, et Jean-Sylvain RUGGIU, directeur du marché « Secteur Public et PPP » (Groupe BPCE) ............................................................................................ 20 Bruno DELSOL, directeur général des collectivités locales ............................................................................... 22 Yoann IACONO, conseiller du président de l’Association des Administrateurs territoriaux de France (AATF) 24 Luc Alain Vervisch, professeur associé à l’université de Cergy-Pontoise, membre du conseil d’administration de l’Association Finances-Gestion-Évaluation des collectivités territoriales (AFIGESE). .................................. 28 Table ronde, ouverte à la presse, sur le thème : «Numérique – Réseaux d’initiative publique » ...... 31 2 MARDI 1ER SEPTEMBRE 2015 ANDRE LAIGNEL, PRESIDENT DU COMITE DES FINANCES LOCALES Mme Jeanine Dubié. On sait que, globalement, la suppression de la Taxe professionnelle (TP) a entraîné une baisse importante des moyens alloués au bloc communal. Je ne suis pas spécialiste du sujet, mais je rencontre beaucoup de maires et il me semble que la situation est très variable d’une commune à une autre : pouvez-vous préciser ce point ? D’autre part, la baisse des dotations risque d’entraîner aussi une baisse des attributions de fonds européens : de nombreux projets ne pourront pas, par exemple, être accompagnés par le Fonds européen de développement régional (FEDER) puisque les collectivités locales ne pourront pas obtenir les contreparties nationales. Le Comité des Finances Locales (CFL) a-t-il travaillé sur ce sujet ? M. André Laignel. Les fonds européens constituent bien sûr pour nous une préoccupation. L’utilisation du fonds Juncker, notamment, demandera que des sommes importantes – des dizaines de millions d’euros – soient réunies : le Gouvernement en est conscient, et recherche des solutions, notamment par la mutualisation. Plus généralement, il faudra surtout trouver des fonds à investir pour amorcer la pompe, si vous me passez l’expression. La réforme de la taxe professionnelle a paradoxalement été une bonne affaire pour les communes dont le territoire ne comptait pas ou peu d’entreprises. Celles qui recevaient des fonds importants en TP, en revanche, ont beaucoup perdu puisque les compensations ont été gelées à leur niveau de 2010. Ces recettes – qui augmentaient auparavant de façon régulière – sont donc non pas stables, mais en baisse, du fait de l’inflation. Or il faut savoir que l’inflation n’est pas au même niveau pour les collectivités locales que pour les ménages : nous avons lancé, avec l’AMF, un « panier des maires » qui montre une hausse des prix souvent une fois et demie supérieure au chiffre national. Le ministère ne reprend pas cette initiative à son compte, mais ne conteste pas qu’il s’agisse d’une approche intéressante. La seule bonne raison de faire cette réforme, c’était d’alléger les taxes payées par les entreprises industrielles – cet objectif a d’ailleurs été en partie manqué puisque c’est parfois le tertiaire qui en a le plus bénéficié. Mais le résultat, c’est que les villes industrielles sont les grandes perdantes de la suppression de la taxe professionnelle. Or, souvent, ce ne sont pas des villes riches, bien au contraire. 3 MARDI 1ER SEPTEMBRE 2015 PHILIPPE LAURENT, SECRETAIRE GENERAL DE L’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE Mme Jeanine Dubié. En ce qui concerne le FCTVA, on a beaucoup évoqué ce qui s’est passé en 2009. La récupération anticipée des fonds avait vocation à s’appliquer à l’effort d’investissement réalisé par les communes en 2009, en prenant pour base les dépenses réelles d’équipement effectuées au cours des trois années précédentes. Un tel dispositif a eu pour conséquence une chute des investissements en 2011, dans la mesure où les collectivités avaient réalisé certains investissements par anticipation. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation bien différente, dans la mesure où nous faisons face à un problème d’ordre structurel – la difficulté des collectivités locales à s’autofinancer –, et non plus conjoncturel. Je comprends la nécessité pour les collectivités locales de récupérer la TVA le plus tôt possible afin d’améliorer leur trésorerie ainsi que leur capacité d’autofinancement : de ce point de vue, l’augmentation de 30 % de la DETR ne changera pas grandchose pour les communes rurales disposant de ressources extrêmement modestes et d’un autofinancement fragile. Le Gouvernement propose aujourd’hui un prêt à taux zéro accordé par la Caisse des dépôts et consignations, ce qui me paraît étonnant, car tout emprunt a pour effet d’augmenter la dette : est-ce à dire que la collectivité doit jouer le rôle de banquier de l’État ? En tout état de cause, cette réponse ne me paraît pas adaptée, et j’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet. Estimez-vous nécessaire de mettre en œuvre une réforme structurelle du FCTVA, ayant pour objet de permettre le remboursement de la TVA dans l’année, quel que soit l’investissement réalisé, afin d’améliorer à la fois la trésorerie et la capacité d’autofinancement des collectivités locales ? Par ailleurs, vous avez évoqué la récupération des frais de gestion. Les départements bénéficient déjà de cette mesure par l’intermédiaire des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Pouvez-vous nous donner des éléments supplémentaires sur ce point ? M. Philippe Laurent. Pour ce qui est du FCTVA, notre position est qu’il s’agit d’un remboursement de TVA et la logique veut donc que ce remboursement ait lieu dans les mois suivant la dépense concernée : c’est ce qui va permettre de procurer aux collectivités locales de la ressource supplémentaire réelle, à distinguer de celle provenant de l’emprunt. Cependant, cela engendre également une dépense budgétaire réelle pour l’État, et le contexte qui justifiait un raccourcissement – sous conditions – du délai de versement du FCTVA en 2009 n’existe plus aujourd’hui. En tout état de cause, si l’on devait effectuer un remboursement anticipé de TVA au profit des collectivités locales ayant réalisé en 2015 des investissements supérieurs à la moyenne des investissements réalisés durant les trois dernières années, cela ne profiterait pas à grand monde, sauf à prévoir un ajustement, par exemple l’application d’une décote de 10% à cette moyenne,. Un système de remboursement anticipé plus général coûterait plusieurs milliards d’euros – et l’on comprend que l’État ne souhaite pas le mettre en œuvre – mais il serait plus efficace puisqu’il permettrait de financer de l’investissement sans augmenter l’emprunt malgré la baisse de l’autofinancement. Le système du prêt à taux zéro qui a été évoqué est inimaginable, dans la mesure où il n’y a pas actuellement de problème d’accès au crédit. Certes, le principe d’un prêt à taux zéro peut sembler intéressant à première vue, mais il ne l’est pas tant que ça avec les taux d’intérêt extrêmement faibles que nous avons actuellement – l’Euribor est actuellement inférieur à 1 % –, surtout sur les prêts à court terme. Bref, cela ne sert à rien, tout en créant de la dette publique supplémentaire, puisque les emprunts sont souscrits auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Je me suis penché sur la façon dont cette opération était comptabilisée dans le budget : elle n’est pas enregistrée comme un titre de recette sur le compte 16, mais comme une avance sur le compte 10, qui présente l’avantage de ne pas entrer dans la dette publique, bien qu’il s’agisse d’une dette – la constatation de cette anomalie m’a d’ailleurs conduit à saisir le Conseil de normalisation des comptes publics (CNCP). Pour ce qui est des frais de gestion, nous proposons de récupérer la partie des frais de gestion payée par le contribuable au titre des impôts communaux et intercommunaux. Cela représente une perte de 4 recettes de 1,1 milliard d’euros pour l’État, mais c’est aussi un moyen supplémentaire de renforcer les ressources communales. En ce qui concerne le fléchage du fonds d’investissement, nous estimons qu’il convient de donner la priorité aux dépenses d’infrastructures et, parmi celles-ci, aux dépenses pouvant être engagées rapidement, sans qu’il soit nécessaire d’effectuer de longues démarches administratives – je pense notamment à l’éclairage public et au numérique. Bien évidemment, les dépenses permettant de réaliser des économies de fonctionnement sont à privilégier. L’AMF a le sentiment que la baisse des dotations vient s’ajouter à d’autres phénomènes ayant touché les communes au cours de ces dernières années, qu’il s’agisse de la fermeture de services publics, du fait que l’armée ait quitté certains territoires, ou encore du fait que certaines actions de reconversion programmées n’aient pas eu lieu, ne soient pas terminées ou n’aient pas encore produit leurs effets. De ce point de vue, ce sont certainement les villes de taille moyenne, un peu isolées, qui se trouvent le plus touchées par cette nouvelle diminution de leurs ressources que constitue la baisse des dotations. On voit bien, lorsqu’on parcourt la France, que les villes comprenant 10 000 à 15 000 habitants ont, dans l’ensemble, beaucoup souffert au cours des trente ou quarante dernières années, à quelques rares exceptions, concernant des villes qui ont pu bénéficier d’une ressource exceptionnelle – le tourisme, par exemple – ayant permis leur développement. 5 MARDI 1ER SEPTEMBRE 2015 CHARLES-ÉRIC LEMAIGNEN, PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE DES COMMUNAUTES DE FRANCE (ADCF), ET SEBASTIEN MIOSSEC, MEMBRE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’ADCF. Mme Jeanine Dubié. Je souhaiterais, monsieur Miossec, que vous prolongiez votre propos concernant les nouveaux outils de financement des investissements. Avez-vous, dans ce domaine, des pistes de réflexion à nous suggérer pour préserver les capacités d’investissement des intercommunalités sur le long terme ? Par ailleurs, force est de constater que l’élaboration des schémas de coopération intercommunale et l’agrandissement des intercommunalités provoquent parfois la colère des élus. Je souhaiterais donc savoir si l’AdCF mène des actions pédagogiques pour favoriser, sur le terrain, l’appropriation par ces derniers de l’intercommunalité et de la notion de projet de territoire et pour éviter que les élus communaux ne désertent les conseils communautaires parce qu’ils se sentent exclus de la décision. M. Sébastien Miossec. Il est vrai qu’en Bretagne, comme dans d’autres régions, l’intercommunalité a une histoire. Qu’en est-il de la mutualisation dans ces régions ? Dans mon territoire, par exemple, lorsque des marges ont été dégagées, elles ont été réinvesties pour développer des services nouveaux. Il est donc vrai que l’intercommunalité n’a pas produit d’économies, au contraire. Mais elle a permis d’offrir un niveau de service bien différent de ce qu’il était auparavant. Aujourd’hui, l’enjeu est tout autre : il est nécessaire d’économiser la dépense publique. C’est pourquoi je crois qu’il faut cesser d’utiliser les bonus de DGF pour encourager la mutualisation de manière générale et privilégier plutôt les incitations à réaliser des mutualisations propices aux économies. Il est vrai néanmoins que la mutualisation ne permet pas de dégager des marges immédiates, notamment parce que les harmonisations sont, dans un premier temps, coûteuses. M. le rapporteur a précisé à juste titre que, sans autofinancement, on ne fera rien et que les intercommunalités ont davantage de marges de manœuvre que les communes. Mais les relations entre communes et intercommunalités sont fondées sur des accords, qui peuvent être revus. Le pilotage collectif de la dépense sur les territoires intercommunaux par les communes et les intercommunalités, voilà le défi de demain ! C’est pourquoi les PPI – dans lesquels il faut en en effet intégrer les coûts de fonctionnement, monsieur Alauzet – font partie des outils que nous proposons à nos adhérents. Nous avons en effet besoin de ces plans, ainsi que des pactes financiers et fiscaux, qui seront encore plus utiles demain qu’ils ne l’étaient hier, dès lors que les recettes diminuent. M. Pellois et Mme Dubié ont souligné combien les élus communaux pouvaient être perplexes ou démotivés. Ils sont d’abord, c’est vrai, élus de leur commune, sur des listes communales, et j’ai pu constater que l’objet intercommunal paraissait assez éloigné de leurs préoccupations, en particulier pour les nouveaux élus. Toutefois, il faut faire en sorte que ces outils – PPI et pacte financier – ne soient pas réservés aux seuls élus communautaires. Les élus intercommunaux ont le devoir d’expliquer ces dispositifs aux élus communaux. Le pacte financier et fiscal ne doit pas être piloté par les maires et par eux seuls. M. Charles-Éric Lemaignen. Je crois quant à moi que la conscience communautaire, qui est certes inégalement répartie sur le territoire, progresse, et la loi NOTRe y contribuera. En 2020, les politiques « grenelliennes » seront en effet presque toutes gérées par l’intercommunalité. Or, ce sont des politiques de proximité, qu’il s’agisse des transports ou de la collecte des déchets. Par ailleurs, je précise que les schémas de mutualisation ont été rendus obligatoires pour éviter, à la suite du rapport Richard de 2005, de créer un bonus-malus de DGF en fonction des progrès des mutualisations. Il s’agit donc plutôt d’une bonne démarche. Au demeurant, il ne s’agit pas d’imposer le contenu du schéma, mais de susciter une réflexion sur cette question. J’ajoute qu’il est très courant que des réunions se tiennent avec les conseillers municipaux. Pour ma part, j’ai présenté le schéma de mutualisation dans 21 des 22 communes de l’agglomération – l’une d’entre elles ne m’avait pas invité. 6 Il est un point que j’ai omis de mentionner. Actuellement, les syndicats spécialisés ne sont pas concernés par la baisse des dotations, et l’on peut se demander s’il ne serait pas utile d’étendre le périmètre de cette mesure afin de les y inclure. Je rappelle en effet que certains d’entre eux génèrent des flux financiers non négligeables, c’est le moins que l’on puisse dire. S’agissant de la réforme de la DGF, je suis contre les incitations, mais il est évident qu’une réforme est indispensable, car la DGF est actuellement incompréhensible non seulement pour le profane, mais aussi pour le spécialiste. La bonne formule consisterait, selon moi, à définir des principes dans la loi de finances pour 2016, et à les préciser au cours de l’année prochaine en associant l’ensemble des acteurs concernés. Quant à l’État, je n’ai pas le sentiment que, dans nos territoires, il se limite à ses missions régaliennes. Je ne suis pas convaincu que la DIRECCTE et la DREAL, par exemple, participent de ces missions. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les doublons sont nombreux avec les compétences des départements, des régions, des intercommunalités et des communes. Les supprimer allégerait non seulement les dépenses de l’État, mais également les nôtres, car les contrôleurs sont parfois un peu dangereux lorsqu’ils ne sont pas les payeurs. 7 MERCREDI 2 SEPTEMBRE 2015 VANIK BERBERIAN, PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DES MAIRES RURAUX DE FRANCE Mme Jeanine Dubié. Vous portez la parole des élus et des maires de petites communes qui, au quotidien, assument la gestion communale avec toutes les difficultés que cela comporte. J’y suis d’autant plus sensible que je suis moi-même élue dans un territoire rural et de montagne, et nous devons ensemble plaider pour que la ruralité existe encore dans la France de 2030. Je suis, comme vous, inquiète de la façon dont s’est organisée cette réforme territoriale – assurément nécessaire –, qui ne procède d’aucune vision globale de l’aménagement du territoire intégrant les particularismes locaux et qui, surtout, témoigne d’un manque de confiance envers les élus. Les évolutions sociétales font que les élus ruraux ne seront plus, demain, corvéables à merci comme ils le sont aujourd’hui, et certains services doivent être assumés au-delà de la commune, au niveau de l’intercommunalité, de manière à faciliter l’exercice du mandat communal. Cela pourtant ne se décrète pas et doit se faire en concertation avec les élus de terrain. Tout en défendant l’existence de la commune , il faut à la fois repenser le service rendu au citoyen mais aussi préserver l’envie d’exercer un mandat local, qui devient de plus en plus contraignant et de plus en plus difficile. Le rapport Pires Beaune préconise une DGF à trois niveaux : une dotation universelle de fonctionnement, une dotation de centralité et une dotation de ruralité. Qu’en pensez-vous ? Par ailleurs, il semble que, dans le cadre de la réforme du périmètre des intercommunalités, certaines petites intercommunalités réfléchissent à se transformer en communes nouvelles pour mieux exister au sein du grand ensemble auquel elles vont être intégrées. Pouvez-vous nous le confirmer ? M. Vanik Berberian. Certains maires ruraux sont contre les intercommunalités mais ils sont une minorité, et ce n’est pas la position de l’AMRF. Les élus des communes rurales sont des gens pragmatiques : depuis belle lurette, ils ont compris qu’ils ne pouvaient pas tout faire tout seuls. Dans de nombreux domaines, les compétences ont donc été transférées à l’intercommunalité dans le souci de mieux répondre aux besoins de la population. Encore faut-il être honnête jusqu’au bout. Pour certains – et c’est la position de l’AMRF –, l’intercommunalité est un outil au service de la commune ; pour d’autres, elle a vocation, à terme, à se substituer à l’échelon communal. Il faut donc être clair sur les objectifs que l’on poursuit. Je tiens à préciser que nous n’avons jamais été contre le plan local d’urbanisme intercommunal, mais contre son caractère obligatoire. Tout le monde a conscience que la commune d’aujourd’hui n’est pas la commune d’hier. Comme le disait mon prédécesseur, l’époque de la commune toute seule avec son clocher tout seul et son maire tout seul est révolue. En ce sens, l’intercommunalité est une réponse. Mais comme la tendance est de systématiquement dépouiller l’échelon de proximité au profit de l’échelon supérieur, certains utilisent l’intercommunalité pour parvenir à cette fin. Certains en font même une théorie, comme Mme Agnès Verdier-Molinié, qui préconise de limiter le nombre de communes à cinq mille… L’OCDE a fait des observations similaires. Je veux bien que l’on regarde les choses sur une carte, à cinq cents kilomètres de distance… Mais ce n’est pas cela, la réalité. En ce qui concerne la DGF, elle doit rester communale et ne pas devenir « territoriale ». Nous nous méfions de la technique du saucisson, qui consiste à faire disparaître quelque chose rondelle par rondelle, et nous pensons que certaines mesures, intéressantes en apparence – je pense par exemple à l’élection des représentants intercommunaux au suffrage universel –, n’ont d’autre objet que de conduire à terme à la disparition des communes. On peut donc envisager une DGF intercommunale, mais à condition qu’elle bénéficie directement aux communes et que ce ne soit pas à l’intercommunalité de la répartir entre ses membres. M. le rapporteur. Vous voulez éviter les guerres de tranchées. 8 M. Vanik Berberian. La commune ne doit pas se retrouver dans un rapport de vassalité avec le président de l’intercommunalité. Pour une meilleure répartition de la DGF, il faut que chacun fasse des efforts et que ceux qui en ont les moyens acceptent le principe de partager, ce qui n’est pas gagné. Lorsque l’on proteste qu’il est anormal qu’un rural vaille la moitié d’un citadin, on nous rétorque que le citadin assume des charges de centralité. Certes, mais les communes rurales supportent des charges de ruralité, liées par exemple à l’importance du nombre de mètres linéaires de travaux nécessaires à l’entretien des réseaux ou de la voirie, et nous sommes reconnaissants à Mme Christine Pires Beaune d’avoir explicitement inscrit dans son rapport la formule de « charges de ruralité ». Mais si, à partir de là, certains imaginent, pour y faire pièce, des « charges d’urbanité », nous n’en sortirons pas… […] Mme Jeanine Dubié. La convention avec l’éducation nationale est l’exemple parfait d’un outil détourné de son objectif initial. Si mon département des Hautes-Pyrénées est le deuxième à l’avoir signée, après le Cantal, c’était à l’origine pour protéger le milieu rural. En effet, en Midi-Pyrénées, malgré les créations de postes, Toulouse et sa banlieue absorbaient tout le flux, ainsi que les deux départements – le Tarn-et-Garonne et le Tarn – dont la population augmentait notablement, tandis que les autres départements devaient chaque année rendre des postes pour rééquilibrer le fameux ratio professeurs/élèves : le nôtre tournait autour de dix-sept profs pour cent élèves alors qu’il est de vingt-six ou vingt-sept à Toulouse : du coup, nous sommes toujours perdants. La convention nous a permis de geler le nombre de postes pendant trois ans ; en contrepartie, nous nous sommes engagés, avec l’Association des maires de France et les parlementaires, à travailler à une réorganisation de l’offre scolaire sur le territoire. Le but n’était pas de créer des réseaux de réseaux, mais de préserver les effectifs d’enseignants pour maintenir les écoles de montagne, y compris lorsqu’il n’y avait que dix élèves et dans des communes très reculées. En outre, nous sommes comptables de l’argent public, qui est en réalité toujours celui du contribuable. Dès lors, il est révoltant que l’éducation nationale puisse annoncer la fermeture d’une classe deux ans seulement après que la commune a réalisé d’importants travaux dans l’école. À quoi bon avoir investi 200 000 ou 300 000 euros dans la réfection du bâtiment et l’ouverture d’une cantine ? Grâce à la convention, les projets d’investissement sont désormais connus du directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN), qui s’engage à maintenir des moyens en conséquence. Ainsi peuton mieux articuler des politiques d’investissement et de fonctionnement qui émanent de différentes instances – d’un côté l’éducation nationale, de l’autre l’État qui verse la DETR, le conseil général, la commune, etc. M. le président Alain Fauré. Comment l’AMRF perçoit-elle le levier fiscal en milieu rural ? En est-on arrivé au point où la pression fiscale devient insupportable ? Avez-vous eu le sentiment que des investissements étaient remis en cause à la suite des élections ? M. Vanik Berberian. Les investissements diminuent souvent au moment du changement de municipalité ; ce phénomène n’est pas nouveau. La question de la fiscalité est complexe. On a cité l’exemple de communes où la pression fiscale est faible mais dont les habitants bénéficient de véritables charges de centralité. Les communes dont la situation financière est très confortable et qui ne font rien existent assurément ; mais sont-elles aussi nombreuses qu’on le croit ? C’est à vérifier. Les règles, qui datent des années 1960, méritent d’être revues, mais le sujet est si sensible que personne ne s’y risque. Pour ce qui est des charges de centralité, soyons précis : pour moi, c’est la charge que représente un équipement dont bénéficie la population dans un périmètre très vaste. Elle doit être distinguée d’autres charges qui ne sont pas toujours justifiées mais que les communes tiennent à maintenir pour maintenir leur standing dans la compétition qui les oppose à leurs voisines. C’est une perversion de la loi : chacun veut avoir le meilleur équipement, le tramway dernier cri, etc. Faut-il en venir à changer régulièrement les candélabres au nom de l’attractivité ? 9 Quant à l’école, nous devons, nous, ruraux, faire un effort intellectuel pour la considérer non plus comme l’école du village mais comme celle de tout un territoire. C’est tout le sens du RPI. Encore faut-il aller jusqu’au bout de la démarche. Certains de mes collègues maires sont bien contents que l’école ne se trouve pas sur le territoire de leur commune : les enfants de la commune sont scolarisés dans le cadre du RPI, et eux s’en lavent les mains. Il importe donc d’œuvrer auprès des élus pour qu’ils continuent de s’investir dans la vie de l’école – l’école des communes, au pluriel. L’éducation nationale doit elle aussi changer ses disquettes, par exemple en écrivant à tous les maires concernés et non plus au seul maire de la commune où l’école est implantée, comme je le réclame à chaque conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN). 10 MERCREDI 2 SEPTEMBRE 2015 OLIVIER LANDEL, DELEGUE GENERAL DE L’ASSOCIATION DES COMMUNAUTES URBAINES DE FRANCE, ET FRANCK CLAEYS, DIRECTEUR ÉCONOMIE ET FINANCES TERRITORIALES DE L’ASSOCIATION DES MAIRES DES GRANDES VILLES DE FRANCE. Mme Jeanine Dubié. Je vous remercie pour cette présentation très utile pour une élue des territoires ruraux et de montagne, plus habituée à défendre les intérêts de ces territoires que je croyais, peutêtre à tort, plus maltraités que le milieu urbain. Le Gouvernement a proposé de solliciter la Caisse des dépôts au travers d’un prêt à taux zéro. Que pensez-vous de cette solution ? Les grandes collectivités sont d’importants donneurs d’ordres en matière de commande publique. Le secteur du bâtiment et des travaux publics exprime de vives inquiétudes. Depuis deux ans – certes, l’année électorale a pesé – et l’annonce de la baisse de 11 milliards sur trois ans, combien d’élus, qui sont malgré tout des gens réfléchis, ont pris la décision de ne pas engager de travaux ? Pouvez-vous déjà constater sur les territoires les effets désastreux pour l’emploi de ces décisions ? M. Olivier Landel. Vous avez probablement observé nos moues lorsque vous avez parlé du prêt à taux zéro : cela permet de faire une annonce… Je crois que la Caisse des dépôts elle-même n’est pas convaincue de l’utilité de l’opération… Ce n’est rien d’autre qu’une ligne de trésorerie. Pourquoi pas ? Mais le sujet est ailleurs. Dans deux ans, le problème se reposera à l’identique. Dans la masse des emprunts, cela va alléger d’un ou deux points de base – même pas de l’épaisseur du trait. Cela aura à peu près le même effet que la consigne invitant à moins imprimer… Mais cela permet de dire des choses, d’annoncer, là où il aurait fallu travailler. Si cette mesure avait été conçue comme le point d’entrée d’une réduction progressive de la durée de remboursement du FCTVA – ce que nous avions proposé –, elle pouvait se comprendre. Nous pouvons entendre que le report d’un an est trop coûteux, mais dans ce cas, lissons-le dans le temps et facilitons-le : préfinançons par un prêt à taux zéro et lissons le remboursement dans le temps. Cela aurait pu avoir du sens, mais pas le prêt à taux zéro pris isolément. Par ailleurs, on me dit que le produit n’est pas tellement consommé. M. Franck Claeys. Ce qui nous a le plus gênés dans cette histoire, c’est d’essayer de travailler avec nos amis de la Caisse des dépôts qui l’étaient eux-mêmes énormément… On a fait le job, passons à autre chose ! S’agissant des donneurs d’ordres, la réponse est dans votre question : c’est la première fois que l’on voit nombre de collectivités, indépendamment des étiquettes politiques, communiquer non sur ce qu’elles vont faire, mais sur les projets qu’elles ont décidé d’abandonner. J’ai commencé par compiler les exemples avant de me rendre compte que ce n’était pas un épiphénomène : c’est un flot continu ! C’est le symbole d’une inflexion de comportement qui caractérise bien le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Les élus parlent beaucoup d’investissements alors que nous essayons aujourd’hui de vous convaincre que le problème est ailleurs, dans la consolidation de l’autofinancement et la section de fonctionnement. Cette apparente contradiction s’explique par deux raisons : premièrement, vis-à-vis des médias, nous avons échoué à imposer un autre sujet. Le vocabulaire est terrible : pour le grand public, « fonctionnement » renvoie aux fêtes et aux cérémonies alors qu’il s’agit en fait de production de service public. Du coup, médiatiquement, il était plus facile de parler d’investissement. Deuxième raison, plus concrète : les représentants du bâtiment et des travaux publics font antichambre dans les mairies. C’est ce que nous rapportent nos élus, et nous pouvons le confirmer. Nous n’avons jamais autant travaillé avec la fédération nationale des travaux publics et la fédération du bâtiment, nous 11 avons engagé des actions communes. Cette présence est sans doute plus visible dans les grandes collectivités, mais le phénomène est général. M. Olivier Landel. Je suis intervenu lors d’un congrès des représentants de l’artisanat en France au cours duquel deux tables rondes étaient organisées. Dans la première, les discussions tournaient autour des thèmes : les dépenses publiques sont trop importantes, il faut réduire la voilure, les fonctionnaires sont des fainéants, etc. Dans la seconde, à laquelle je participais, mes interlocuteurs redoutaient que la création des métropoles et des grandes régions ne favorisent les grosses entreprises au détriment de l’artisanat… Je me suis permis dans mon propos introductif, de leur poser la question : si nos fonctionnaires doivent être plus mobilisés, si nous mettons au travail nos plombiers, nos peintres, que vous restera-t-il à faire, messieurs les artisans ? Cet exemple, caricatural j’en conviens, illustre la schizophrénie à laquelle nous sommes confrontés : d’un côté, tout le monde veut moins de dépenses publiques – sans s’interroger pour autant sur ses vertus et son utilité –, et de l’autre, il faut plus de commandes parce que les artisans ont besoin de travailler ! Les positions défendues témoignent rarement d’une vision globale des choses. 12 MARDI 15 SEPTEMBRE 2015 XAVIER RAGOT, PRESIDENT DE L’OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES CONJONCTURES ECONOMIQUES, OFCE Mme Jeanine Dubié. Au mois d’avril dernier, l’un des membres de l’OFCE s’exprimant dans la presse s’était montré beaucoup plus optimiste que l’État en matière de croissance, prévoyant des taux de 1,5 % pour 2015 et de 2,1 % pour 2016 – censée être l’année de la reprise. Que pensez-vous aujourd’hui de cette évaluation ? Par ailleurs, on sait que la baisse des dotations au niveau des communes et intercommunalités pèse sur la commande publique, notamment sur le bâtiment et les travaux publics. Pour vous, cela pourraitil contribuer – même s’il faut prendre en compte d’autres facteurs comme le niveau de l’euro et le prix du pétrole – à tuer dans l’œuf la reprise que certains annonçaient ? M. Xavier Ragot. La réflexion que vous évoquez est d’actualité, car nous sommes justement en train de mettre au point les prévisions que nous allons publier à la mi-octobre. Deux éléments sont à prendre en compte : d’une part, la dimension conjoncturelle – le niveau de l’euro, le prix du pétrole, la baisse des dépenses publiques –, d’autre part, l’état du tissu productif français, la croissance potentielle et la capacité exportatrice de notre pays, facteurs autour desquels la conjoncture oscille en fonction des effets de ralentissement ou de stimulation de l’activité publique. De notre point de vue, la tendance de long terme se caractérise par une érosion du tissu productif français. Notre situation est très inquiétante par rapport à celle de l’Allemagne si l’on se place du point de vue de la dynamique européenne et, à moyen terme – trois à cinq ans –, le tissu productif a souffert d’une baisse d’investissement ayant eu des effets aussi bien sur la demande – par effet d’entraînement – que sur l’offre – c’est-à-dire la capacité de production et de conquête des parts de marché. Cette érosion est assez marquée mais réversible : on peut espérer que rien ne soit cassé durablement et que la capacité exportatrice de la France se restaure en cas de reprise de l’activité. Nous maintenons donc une perspective de croissance potentielle sur le long terme supérieure à 1, mais inférieure à 1,5. M. Éric Heyer. Pour ce qui est de l’évolution des perspectives de croissance pour 2015 et 2016, le taux de 1,5 % pour 2015 auquel vous faites référence n’était pas un chiffre officiel : la précédente prévision de l’OFCE était en fait de 1,4 %. Elle se basait sur l’hypothèse d’un prix du pétrole et de taux d’intérêt restant à un niveau peu élevé, qui s’est trouvée vérifiée ; en revanche, notre hypothèse d’une forte appréciation du dollar et d’une baisse de l’euro – 0,95 dollar en 2016 – s’est révélée fausse, puisque l’euro se situe actuellement à 1,15 dollar. L’évaluation des taux de change est l’une des choses les plus complexes qui soient, ce qui s’explique par le fait que ces taux dépendent de facteurs très difficiles à anticiper – je pense notamment aux décisions des banques centrales. Notre prochaine estimation de croissance devrait donc se situer aux environs de 1,1 %, la différence avec notre précédente estimation – 1,4 % – s’expliquant essentiellement par la révision du taux de change euro-dollar, passé de 0,95 à 1,15. Selon le ministère de l’économie et des finances, une baisse de 10 % de l’euro se traduit par une hausse supplémentaire de croissance de 1,2 % la première année ; pour notre part, nous n’évaluons cette hausse qu’à 0,8 %, ce qui est déjà considérable. Comme on le voit, toute erreur sur l’évolution des taux de change se traduit par un écart conséquent sur l’estimation du taux de croissance, y compris à court terme. Pour ce qui est de la conjoncture, elle est difficile à cerner tant les indicateurs actuels soufflent le chaud et le froid. Avec un PIB en hausse de 0,7 % au premier trimestre, nous sommes le meilleur élève de la zone euro, mais nous dégringolons à la dernière place au deuxième trimestre : globalement, sans doute la vérité est-elle entre ces deux extrêmes. Pour ce qui est de l’indice de production industrielle, il montre une incapacité à repartir. Dans le même temps, on note un rebond extraordinaire du climat de confiance au sein des chefs d’entreprise, qui estiment que l’activité est en train de repartir. La reprise est spectaculaire dans le secteur des services et assez marquée dans 13 l’industrie – seule la construction restant en retrait –, et les crédits des ménages et des entreprises repartent assez fortement. Nous sommes donc partagés en découvrant au fil des mois les publications de l’INSEE, tantôt extraordinairement positives, tantôt décevantes. On peut penser que la croissance sera insuffisante pour être considérée comme la vraie reprise économique que l’on pouvait espérer après un tel effondrement de la conjoncture, mais assez marquée pour témoigner d’un mouvement d’accélération de la croissance – nous allons atteindre 1 % de cette croissance cette année, alors que nous étions bloqués à 0,3 % depuis trois ans. Pour 2016, notre prévision s’établit légèrement au-dessous de 2 % de croissance. Progressivement, l’investissement devrait compenser les chocs exogènes constitués par le prix du pétrole et le niveau de l’euro : c’est un mieux, mais insuffisant pour se traduire par une baisse significative du chômage. 14 MARDI 15 SEPTEMBRE 2015 BRUNO CAVAGNÉ, PRESIDENT DE LA FEDERATION NATIONALE DES TRAVAUX PUBLICS, ET ALAIN PICQUET, VICE-PRESIDENT DE LA FEDERATION FRANÇAISE DU BATIMENT Mme Jeanine Dubié. Je vous remercie, messieurs, pour la présentation que vous avez faite de votre secteur d’activité. Moi qui suis élue d’une circonscription rurale et montagnarde, je sais que ce que vous avez dit est vrai, au moins pour les 300 000 entreprises de moins de dix salariés. Je tiens également à témoigner, monsieur le président de la FNTP, de l’esprit de responsabilité dont ont fait preuve la fédération départementale des Hautes-Pyrénées et ses entreprises, au moment des graves inondations qui ont détruit tous les accès des ouvrages d’art sur des territoires de montagne, en juillet 2013. Le lendemain de cette catastrophe, le président du conseil général a reçu le président de la fédération départementale des travaux publics. Ensemble, ils ont mis en place un protocole d’accord à partir d’un bordereau unique d’intervention. Les entreprises sont parties sur le terrain, et, en l’espace de deux mois, tous les accès ont été rétablis. Aujourd’hui, deux ans après, le paysage a changé. Les entreprises de travaux publics y ont largement contribué. Ainsi, on a su répondre à un état d’urgence et à une situation de crise en se mettant d’accord entre donneurs d’ordre et entreprises, en s’organisant et en simplifiant les procédures, dans l’intérêt des citoyens. Je crois qu’il est nécessaire de faciliter l’accès à la commande publique, notamment en simplifiant les démarches pour les petites entreprises. Et cela ne peut qu’améliorer la situation de vos secteurs d’activité. Enfin, je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il faut absolument travailler à une extension du FCTVA aux travaux d’entretien et de réhabilitation. Si on laisse à l’abandon notre patrimoine, qu’il s’agisse de routes ou de bâtiments, on en paiera cher les conséquences. Dans le bulletin de conjoncture du deuxième trimestre, j’ai lu qu’il y aurait une légère reprise dans le bâtiment. Je voudrais savoir si cela se confirme. J’ai également lu que, lorsqu’elles connaissaient des difficultés en raison de l’état de leur trésorerie, les entreprises du bâtiment étaient directement mises en liquidation judiciaire, sans passer par la procédure de redressement judiciaire. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions ? J’observe qu’on a pris des mesures en matière de rénovation énergétique, qui concernent les particuliers. Ceux-ci peuvent également solliciter l’aide de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Cela vous semble-t-il aller dans le bon sens ? Je tiens, d’autre part, à vous rassurer : les conseils départementaux, que nous avons réussi à sauver, remplaceront les services de l’État pour apporter conseil et assistance aux petites communes et continueront à assurer l’ingénierie. C’est en tous cas ce qui se passe dans les Hautes-Pyrénées. Je fais remarquer par ailleurs qu’il ne suffit pas d’augmenter la DETR pour aider une commune à investir : il faut aussi que celle-ci puisse s’autofinancer ou recourir à l’emprunt. Qu’on le veuille ou non, les subventions d’investissement ne dépassent pas 50 % d’un projet ; la commune doit donc trouver les autres 50 %. Pour autant, il est important d’augmenter les aides à l’investissement, comme cela a été fait en 2014 pour la DETR – à hauteur de 30 %. Et je pense, monsieur le président de la FNTP, que, sur le milliard d’euros du fonds d’investissement dont nous avons parlé en début d’audition, 500 millions seront en effet destinés au monde rural. Vous devriez en récupérer une bonne partie. Après tout, il y a 36 000 communes en France, ce qui représente 36 000 mairies, clochers et salles des fêtes… 15 M. le président Alain Fauré. Vous avez déclaré tout à l’heure que vous aviez l’impression de ne pas être entendus. Pourtant, les choses bougent, même si tout n’est pas encore acquis. Je pense, par exemple, à la récupération de la TVA sur les travaux de réparation – peut-être pas sur les ponts, mais dans les bâtiments, pour des raisons d’économies d’énergie. M. Bruno Cavagné. Merci, madame la députée, pour les mots que vous avez prononcés. Je crois en effet que, dans votre département, que je connais très bien, les entreprises de travaux publics ont répondu présentes. Malheureusement, on parle surtout de travaux publics ou d’infrastructures lorsque des catastrophes naturelles se produisent. Et celles-ci risquent d’être de plus en plus fréquentes. Par ailleurs, j’observe que les subventions au bloc communal sont en forte diminution : moins 7,5 % dans les budgets primitifs 2015 pour les infrastructures. Depuis 2007, la chute est de 36 %, ce qui constitue un réel problème. Quant à la DETR dont vous parliez, j’espère que nous allons pouvoir en bénéficier. Le problème est que, dans son discours, le Président de la République fait allusion au bâtiment, mais pas forcément aux travaux publics. Nous aurions donc bien besoin de quelques précisions, et que la référence aux travaux publics figure dans la loi de finances. Il faudra donc veiller, mesdames et messieurs les députés, à ce que le secteur des travaux publics bénéficie de la DETR – comme du FCTVA. Je terminerai sur les liquidations d’entreprises, qui s’accélèrent en effet. Il y a quelques années, c’étaient plutôt des petites entreprises peu structurées qui déposaient le bilan. Maintenant, c’est aussi le cas d’entreprises plus importantes. Toutes vont directement à la liquidation, sans passer par le redressement judiciaire, tant leurs difficultés sont importantes, tant leur trésorerie est exsangue. 16 MARDI 15 SEPTEMBRE 2015 NADIA BELLAOUI, PRESIDENTE DU MOUVEMENT ASSOCIATIF, ET FREDERIQUE PFRUNDER, DELEGUEE GENERALE DU MOUVEMENT ASSOCIATIF Mme Jeanine Dubié. Au début de votre intervention, vous avez insisté sur le caractère très hétérogène du monde associatif. Pour simplifier, on peut dire qu’il y a, d’un côté, un univers constitué essentiellement de bénévoles qui contribuent à maintenir du lien social dans les communes grâce à des activités sportives ou culturelles, et, de l’autre, des associations qui sont délégataires de service public. Ces dernières œuvrent non seulement dans le service aux personnes âgées, dont nous avons parlé, mais aussi dans les domaines de l’insertion ou de la sauvegarde de l’enfance, où le financeur est le département et non plus la commune ou l’intercommunalité. Dans ce cas, le financement prend rarement la forme d’une subvention et passe le plus souvent par des dotations ou une tarification horaire. Au sein de votre mouvement, compilez-vous aussi les informations concernant ces associations qui sont souvent organisées en fédérations nationales ? Nous sommes en train de mesurer les baisses de subventions accordées aux clubs de sport, aux associations culturelles et autres MJC. Mais les restrictions budgétaires pourraient aussi affecter ces autres formes de financement que sont les tarifications horaires et les dotations. Je m’en inquiète, car, d’une part, ce secteur est le plus grand pourvoyeur d’emplois du monde associatif, et, d’autre part, les effets pourraient se faire sentir en matière de service public. Pourriez-vous nous apporter des éléments un peu plus précis sur ces associations délégataires de service public ? Mme Nadia Bellaoui. Pour vous répondre de manière plus complète, nous solliciterons plus particulièrement l’un de nos membres, l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), qui fédère ce secteur des associations délégataires de service public. Nous avons l’occasion d’en discuter régulièrement. Les organismes déplorent des tarifications immuables qui ne tiennent pas compte des besoins de qualifier le personnel, alors même qu’on leur demande de gagner en efficacité. Cependant, en première analyse, nous avons le sentiment que le secteur a été plutôt protégé en 2015. En tout cas, c’est ce que tendent à montrer les informations qui nous parviennent des unions régionales interfédérales des organismes privés sanitaires et sociaux (URIOPSS) et des fédérations spécialisées. Nous n’avions pas abordé ce thème, parce que les conseils généraux nous semblaient être hors du cadre de votre commission. M. le président Alain Fauré. C’est le cas. Mme Nadia Bellaoui. Notez que, de plus en plus et à très juste titre, on nous demande de mieux faire travailler des organismes ensemble autour d’une dynamique territoriale. D’ailleurs, nous nous le demandons aussi à nous-mêmes. Il existe une dynamique de rapprochement entre le médico-social et l’éducatif, entre l’éducatif et l’éducation populaire, la culture et le sport. Il ne faudrait pas que les restrictions budgétaires détruisent cette dynamique qui contribue à une prise en charge globale de la personne, qui évite de mettre les gens dans des cases et de multiplier les silos. Il faudrait donc que les collectivités locales puissent continuer à financer l’action sociale, en complément du conseil 17 MARDI 29 SEPTEMBRE 2015 GABRIELLE GAUTHEY, DIRECTRICE DES INVESTISSEMENTS ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL (CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS) ET MARC ABADIE, DIRECTEUR DU RESEAU ET DES TERRITOIRES (CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS) Mme Jeanine Dubié. Plusieurs intervenants nous ont dit avoir travaillé avec vous sur le préfinancement du FCTVA, en nous faisant part de leur scepticisme. Le dispositif du prêt à taux zéro leur apporte en effet plutôt une aide de trésorerie qu’il n’est un soutien à l’investissement. Je ne puis imaginer que la Caisse des dépôts ne compte pas un service de prospective ou d’anticipation qui puisse faire des prévisions. Pour ma part, je suis bien moins optimiste que notre président et je m’attends à une baisse des dotations en 2015, en 2016 et en 2017. Le phénomène va s’accentuer. La capacité d’autofinancement des communes va baisser, particulièrement en zone rurale, où cette problématique ne se pose pas dans les mêmes termes que pour les grandes métropoles. Quand une commune ne compte que 600 habitants, ce sont bien eux qui sont directement touchés à la moindre réduction des coûts de fonctionnement, car tout est déjà calculé au plus juste. La réduction de la capacité d’autofinancement affecte aussi immédiatement l’entretien des bâtiments communaux, de la voirie. La France, tant vantée pour ses paysages, ne le sera plus guère… Tous les travaux visant à une meilleure attractivité touristique ne pourront plus être poursuivis faute d’entretien, dans les cinq ou dix ans à venir. Ne pensez-vous pas qu’il devrait au moins être possible, pour les collectivités, de récupérer la TVA sur les travaux de grosses réparations ? M. Marc Abadie. Pour avoir été directeur de l’agence de l’eau Adour-Garonne, j’ai des souvenirs très précis de votre département, madame la députée. Quant au préfinancement du FCTVA, certains rapports d’inspection laissent entendre que c’est le mécanisme lui-même qui devrait être revu. Néanmoins, dès lors que 8 % ou 9 % des opérations ont été déclarées éligibles, nous les préfinançons, ce qui représente un coût pour la Caisse des dépôts, même si nous limitons au plus simple l’ingénierie financière en privilégiant la dématérialisation. Les préfets et directeurs régionaux de la Caisse attirent l’attention des maires et des présidents d’intercommunalité sur ces opportunités, en réalisant un travail de persuasion qui est en train de porter ses fruits, après un démarrage assez lent. Quant à savoir, dans un monde où prévaut le principe de libre administration des collectivités territoriales, si le mécanisme peut produire un effet structurant sur la relance de l’investissement, félicitons-nous déjà que l’État ait permis qu’il n’ait pas d’effet aggravant sur la dette des collectivités, puisqu’il devrait être comptabilisé à part. La situation sera en tout état de cause très variable d’une commune à l’autre. Puisque nous sommes entre la première campagne et la deuxième, je pense que nous ne pouvons pas encore arriver à des conclusions définitives. Mais, comme son nom l’indique, le FCTVA n’a pas pour finalité première de relancer l’investissement. Mme Gabrielle Gauthey. Sur les petits travaux et le petit budget d’entretien, Mairie Conseil serait sans doute mieux à même de vous donner des exemples et des conseils. Comme directrice de l’investissement, je travaille à un allégement des procédures de financement qui permettent une rénovation des bâtiments dans le sens d’une meilleure performance énergétique. L’étalement du financement des travaux sur la durée me semble une piste intéressante. Les Pyrénées nous fournissent un bon exemple de mutualisation, grâce à leur système de réservation en ligne des stations de ski, géré par la SEM N’Py Résa. En mettant leurs forces en commun, les huit communes concernées ont eu plus de réservations que si elles s’étaient débrouillées chacune de son côté. Nous les avons aussi aidées à s’attaquer à la question des « lits froids ». Certes, cet exemple de mutualisation réussie concerne le domaine touristique et saisonnier, non l’entretien au jour le jour d’une école ou d’un bâtiment. 18 Mme Jeanine Dubié. Je salue vos propos responsables. Il serait en effet illusoire de croire que le processus de réduction des dotations publiques où nous sommes engagés pourra être inversé. Mais certaines collectivités sont prêtes à ce changement et jouissent de l’envergure nécessaire et de la capacité d’ingénierie nécessaire pour bénéficier de votre accompagnement, tandis que d’autres, dans des zones rurales comme les Hautes-Pyrénées, me donnent beaucoup d’inquiétude. Je rappelle que ce département, à 80 % rural, compte 474 communes de moins de 250 habitants. Dans certains villages reculés, la voirie ne pourra plus être entretenue. De l’autre côté de la frontière, en Espagne, des villages fantômes sont déjà apparus dans le Val d’Aran. M. Marc Abadie. La Caisse des dépôts ne saurait tout faire, son réseau comptant moins de 1000 personnes. Pour nous prémunir contre la tentation de travailler de préférence avec des agglomérations de quelque importance, nous avons pris deux orientations fortes. D’abord, Mairie Conseil verra son offre renouvelée et accrue. En outre, de premiers accords privilégiés ont déjà été signés, dans l’Aude ou en Haute-Saône, pour anticiper sur la loi NOTRe. En dernier ressort, ce sont bien les petites intercommunalités et les communes qui en profiteront. Gabrielle Gauthey prenait à juste titre l’exemple des stations pyrénéennes, qui sont en effet un modèle. Mais tout dépend du degré d’organisation des collectivités, car nous ne travaillons jamais qu’en partenariat avec elles. Nous pouvons les inciter et les encourager à agir, les accompagner dans cette action, mais jamais nous substituer à elles. En tout état de cause, nous attendons beaucoup de la refonte de la carte intercommunale, en espérant qu’elle permettra d’imaginer des solutions nouvelles et adaptées aux besoins des territoires. 19 MARDI 29 SEPTEMBRE 2015 SERGE BAYARD, PRESIDENT DE LA BANQUE POSTALE COLLECTIVITES LOCALES, ET JEAN-SYLVAIN RUGGIU, DIRECTEUR DU MARCHE « SECTEUR PUBLIC ET PPP » (GROUPE BPCE) Mme Jeanine Dubié. On parle du bloc communal sans distinguer communes et intercommunalité. Constatez-vous, l’un ou l’autre, que les investissements qui ne sont pas réalisés par les communes sont compensés par une hausse des investissements des intercommunalités ? Est-ce quelque chose que vous pouvez mesurer, ou bien est-il beaucoup trop tôt pour le faire ? J’ai besoin d’une précision s’agissant de l’entretien du patrimoine actuel du bloc communal, dont vous avez dit qu’il nécessiterait 37 milliards d’euros par an de dépenses d’investissement. Avez-vous bien dit qu’au bout des trois ans, la baisse de 10 milliards d’euros des dotations se traduirait par une baisse de 10 milliards d’euros des investissements ? J’ai besoin d’une explication, parce que je pense n’avoir pas bien compris. M. Serge Bayard. Nous livrerons nos conclusions sur l’évolution de l’investissement en 2015 au mois de novembre. Nos équipes y travaillent actuellement, mais, aujourd’hui, rien ne remet en cause nos prévisions pour 2015, qui avaient été publiées en 2014. Le constat est donc celui d’une baisse de l’investissement, sachant que l’année 2015 est marquée par deux phénomènes. Le premier est, avec l’installation des nouvelles équipes municipales, le lancement d’investissements dès le début de l’année. Le second est qu’il y a beaucoup d’opérations de renégociation de dettes. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, nous ne savons pas ce que nous finançons. Parfois, nous ne savons pas, en accordant un prêt à une collectivité, qu’elle rembourse par ailleurs un autre banquier – en fait, elle n’investit pas, et nous l’apprenons souvent plus tard. Cette distinction entre endettement nouveau et endettement de substitution est une question à travailler, parce qu’il y a eu effectivement beaucoup de renégociations d’emprunts, notamment au premier semestre où les taux étaient très bas. Je ne parle pas là de désensibilisation de prêts toxiques, je parle bien de collectivités qui ont emprunté en 2010 ou 2011, à des taux très élevés. M. le rapporteur. Elles font de la gestion active ! M. Serge Bayard. Je n’aime pas trop cette expression. Je préfère parler de « renégociation d’emprunt », qui est du même style que le bon gros prêt immobilier que l’on souscrit à titre personnel. Cela m’amène à la toute dernière question. Effectivement, depuis plusieurs années maintenant, les prêts aux collectivités locales sont assortis d’indemnités de remboursement anticipé. Ainsi, il est parfois plus onéreux de rembourser par anticipation un prêt que d’en souscrire un autre à un taux plus bas. C’est vraiment dans le cadre de la relation qu’ils entretiennent avec la banque qui leur a accordé ce prêt que les maires peuvent négocier une baisse ou, plus rarement, une suppression de ces indemnités de remboursement anticipé. Pour faire un parallèle tout à fait trivial, c’est exactement la même chose que quand vous voulez renégocier votre prêt immobilier contracté vers 2010, comme cela se fait beaucoup. Pour ma part, je suis extrêmement réservé sur des montages qui viseraient à rallonger démesurément la dette ou à transformer un prêt amortissable en crédit in fine, ce que j’estime assez dangereux. Par contre, je n’ai aucun problème avec la renégociation d’un prêt, qui me paraît participer de la bonne gestion. Une question portait sur la gestion du patrimoine des collectivités. Celui-ci est bien de 1 300 milliards d’euros : c’est donc un montant énorme. Quant à donner un scénario de rééquilibrage, je ne suis pas Mme Soleil, mais je pense que les nouveaux élus, ayant à cœur de réaliser les projets pour lesquels ils ont été élus, seront certainement tentés de faire des arbitrages en faveur de ces projets au détriment de l’entretien et du renouvellement du patrimoine existant. Des maintenances et des renouvellements seront repoussés. Ayant moi-même été élu, je sais qu’on peut se dire que les routes 20 tiendront bien encore deux ans, et, finalement, il faut qu’elles tiennent trois ans, cinq ans. Le problème, c’est qu’à la fin, l’investissement requis pour les remettre en état sera plus important. S’agissant des pratiques nouvelles, je ne voudrais pas qu’elles se résument au retour aux pratiques anciennes. Je suis très réservé face aux demandes d’allongement de la durée de remboursement d’une dette, de dix à trente-cinq ans, ou de transformation d’un prêt amortissable en crédit in fine. Ce ne sont pas là des pratiques nouvelles : on les a connues avant 2010. Et, comme dirait l’autre, « il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes ». Nous sommes donc assez réservés, parce qu’il ne faudrait pas qu’un emprunteur, pour gagner deux ou trois ans, se retrouve ensuite dans une situation financière extrêmement dégradée. 21 MERCREDI 30 SEPTEMBRE 2015 BRUNO DELSOL, DIRECTEUR GENERAL DES COLLECTIVITES LOCALES Mme Jeanine Dubié. Depuis le début de nos auditions, nous entendons que la baisse des dotations – ces fameux 12 milliards d’euros sur trois ans – n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. Il me semble pourtant que cela relève de la responsabilité de l’État. La DGCL a-t-elle fait des simulations ? Si oui, pouvez-vous nous apporter quelques éléments de compréhension ? Pouvez-vous nous donner des solutions pour aider les collectivités à rééquilibrer leur budget, notamment leur budget de fonctionnement ? Est-il envisagé de modifier les règles liées aux amortissements, notamment l’allongement de la durée des amortissements ? M. Bruno Delsol. En matière d’évolution d’effectifs, les communes ont en effet le sentiment qu’on leur fait un mauvais procès. Bien évidemment, ce n’est pas ma position ni celle du Gouvernement. Je n’entends pas donner aux communes des conseils de gestion. Je ne suis ni habilité à le faire, ni qualifié pour le faire, et le Gouvernement ne le fait pas davantage. Les analyses faites sur l’évolution de la dépense et des effectifs n’impliquent aucun jugement de valeur sur l’utilité de la dépense. C’est une autre question, sur laquelle je me garderai bien d’intervenir. Le rapport Lambert-Malvy cite des cas de collectivités qui sont parvenues à baisser leur masse salariale. Depuis un peu moins de dix ans, on constate un freinage de la hausse – pas une baisse – qui semble témoigner d’une évolution dans les comportements. Le coût des normes explique très probablement une partie de la hausse des dépenses de fonctionnement et sans doute aussi une partie de l’augmentation des effectifs. J’étais, il y a peu de temps encore, préfet d’un département rural. À cette occasion, j’ai pu mesurer à quel point les maires sont irrités par la prolifération des normes. Ils ont le sentiment qu’on leur invente tous les jours quelque chose qui vient leur compliquer la vie. J’appelle votre attention sur le fait que ces normes contrarient aussi l’administration qui en est la victime et pas seulement l’auteur. La volonté du Gouvernement est bien de maîtriser l’inflation normative. Le Premier ministre a fixé pour objectif que le coût de toute norme nouvelle devra être gagé par le coût d’une simplification. Pour l’année 2015 – le sujet a été documenté par le Conseil national d’évaluation des normes (CCEN) –, nous sommes parvenus à stabiliser le coût réglementaire. Il est vrai cependant que le coût des mesures en matière de fonction publique n’entre pas dans cette comptabilité car nous estimons qu’il est d’une autre nature. Je parle ici des normes proprement dites, c’est-à-dire des normes techniques. Il existe un intervalle de temps entre le moment où nous maîtrisons mieux au niveau central la machine à produire des normes et celui où les communes s’en aperçoivent dans leur vie quotidienne. Nous sommes précisément dans cette période, qui est assurément la moins confortable. Il est indiscutable que la maîtrise des effectifs dans les collectivités doit tenir compte de questions telles que l’ancienneté, le rythme des départs à la retraite, etc. Comment concilier la politique de maîtrise des effectifs avec des données qui sont rigides, comme l’âge de départ à la retraite des agents et leur ancienneté ? J’ai l’impression que les collectivités se heurtent à des questions qui sont très familières à l’État. J’ai rappelé, devant des assemblées de maires, que dans ma préfecture j’avais ainsi perdu en six ans 20 % de mes effectifs. L’effort demandé aux collectivités n’est pas du même ordre. La Direction départementale des finances publiques (DDFiP), la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DCSPP), la Direction départementale des territoires (DDT) ont perdu entre 20 et 25 % de leurs effectifs ; on n’a jamais demandé aux communes d’en faire autant. Le nombre d’emplois aidés a augmenté en 2013 de 44 %, ce qui est considérable mais qui correspond au décollage des emplois d’avenir qui n’existaient pas jusqu’à présent. Quant à la pyramide des âges, nous vous la transmettrons. Elle a été publiée dans l’ouvrage Les collectivités locales en chiffres. Par contre, je vous demanderai de nous laisser le temps de vérifier si nous avons des données chiffrées sur le GVT. À vrai dire, je n’en suis pas certain. 22 J’en viens aux fusions de communes. Je ne suis pas prescripteur en la matière. Les fusions de communes ne peuvent se faire que par le libre choix de ces dernières puisqu’une décision à l’unanimité est nécessaire, soit par délibération des conseils municipaux, soit par recours au référendum qui doit être positif dans toutes les communes. Je constate actuellement une certaine dynamique en ce qui concerne la création de communes nouvelles. J’ai connaissance de 200 à 300 projets à des degrés d’avancement différents. Vous m’interrogez sur la montée en gamme de l’intercommunalité. Aujourd’hui, la dotation d’intercommunalité dépend de la catégorie juridique. Si les communes passent d’une communauté de communes à une communauté d’agglomération, la dépense augmente alors que l’enveloppe est fermée. Le projet de réforme de la DGF, examiné ce matin en conseil des ministres, prévoit de mettre fin à ce système dans lequel le montant de la dotation par habitant est fonction de la catégorie juridique au profit d’un système à notre avis plus équitable où la dotation d’intercommunalité sera fixée en fonction des charges de centralité, du degré d’intégration et de critères de péréquation. Quant au rythme de décaissement de la DETR, nous vous transmettrons un tableau très précis. Ce rythme est bien connu et bien documenté puisque nous en avons besoin pour programmer nos ouvertures de crédits de paiement. En gros, il est de 15 % l’année de l’ouverture des autorisations d’engagement et de 35 % la deuxième année. La question de la modification de la durée d’amortissement est à l’étude. Actuellement, les règles en matière de durée d’amortissement des immobilisations laissent aux collectivités des marges de manœuvre assez importantes. Nous n’excluons pas de les élargir, à condition de rester dans le cadre des principes du plan comptable général. Vous le savez, un effort important a été fait pour mettre la comptabilité publique française aux normes internationales comptables. On ne peut pas s’en éloigner. Il faut rester conforme au principe selon lequel la comptabilité doit donner une image fidèle. M. le rapporteur. Vous avez oublié de répondre à madame Dubié qui vous a demandé si une étude d’impact avait été réalisée. Elle rejoint la question que j’ai posée sur les notes aux ministres, que nous viendrons chercher puisque j’ai bien compris qu’il était compliqué de les avoir. M. Bruno Delsol. Tous les projets de lois sont accompagnés d’une étude d’impact, y compris la loi de programmation des finances publiques qui a décidé cette hausse. Reste à savoir si vous avez trouvé dans cette étude d’impact tout ce que vous auriez souhaité y voir. Mais c’est une question distincte… M. le président Alain Fauré. Quand on ne veut pas voir certaines informations dans un document, on ne les trouve pas, en effet ! M. le rapporteur. Comme madame Dubié, je ne sais pas lire ! Dans l’étude d’impact, je n’ai pas vu les conséquences des baisses de dotations sur les finances des collectivités locales et sur la croissance. Cela n’y figure pas. Sinon nous n’aurions pas eu besoin d’une commission d’enquête. M. le président Alain Fauré. Monsieur le rapporteur, ce n’est pas ce qu’a dit monsieur Delsol. C’est moi qui ai pu semer le trouble. Ne mettons pas en porte-à-faux nos intervenants, même s’ils se doivent de répondre aux questions. M. Bruno Delsol. Il est possible que j’aie répondu rapidement sur certains points. Aussi, je vous transmettrai une documentation complémentaire, certaines de vos questions appelant des tableaux de chiffres ou des fiches. M. le président Alain Fauré. Je vous remercie en effet de les transmettre. Elles pourront servir à la rédaction de notre rapport. 23 MERCREDI 30 SEPTEMBRE 2015 YOANN IACONO, CONSEILLER DU PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DES ADMINISTRATEURS TERRITORIAUX DE FRANCE (AATF) Mme Jeanine Dubié. Il y a longtemps que l’on entend le discours de l’optimisation des moyens et des missions dans les collectivités locales, et que nombre de mesures sont mises en œuvre dans tout ce qui touche à la RH et notamment à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Beaucoup de collectivités sont engagées dans ce processus, au risque de mettre en place de véritables usines à gaz finalement plus coûteuses. La fonction publique territoriale compte beaucoup d’agents de catégorie C, ce qui pose le souci de l’adaptation des agents aux postes de travail. Les collectivités doivent conduire un important effort de formation continue et initiale. Ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire de toiletter le référentiel de formation pour qu’il corresponde à ce que l’on attend des fonctions d’encadrement intermédiaire et d’encadrement des collectivités locales ? Je pense notamment à l’usage du numérique. S’agissant des dépenses, pourriez-vous apporter des éléments sur ce qui touche aux politiques d’achats publics, notamment en achats centralisés et en commande groupée ? Travaillez-vous sur ces pistes ? Afin d’améliorer le rendement de la fiscalité locale, des collectivités passent des protocoles d’accord avec les services fiscaux pour travailler sur le redressement des bases fiscales, la collectivité apportant en contrepartie une aide et un suivi au recensement. Avez-vous connaissance de telles expériences ? Enfin, sur la gestion active du patrimoine, n’y a-t-il pas des choses à améliorer ? Certaines collectivités ne savent même pas qu’elles sont propriétaires d’immeubles ou de bureaux répartis sur un département. M. Yoann Iacono. Il y a effectivement des choses à faire dans le domaine la commande publique. Je sais, pour avoir travaillé avec des organisations professionnelles du bâtiment, qu’il faut fluidifier la commande publique, au bénéfice de l’économie, du territoire et de ses entreprises du BTP. Nous sommes parfois tenus par des règles tout à fait légitimes, qui ont produit des effets vertueux et positifs en termes de qualité de gestion, à l’instar de celles sur la transparence ou la lutte contre la corruption. Mais aujourd’hui, dans un contexte de crise économique, il serait peut-être bon de les fluidifier. Concrètement, lors du travail que nous avons réalisé avec les entreprises du bâtiment pour tous les marchés de construction en lien avec le BTP, elles nous ont expliqué que pour être performantes, elles devraient réduire considérablement les temps de chantier. Pour cela, elles devraient être davantage associées aux maîtres d’œuvre en amont, dans la construction du projet, ce qui éviterait de nombreux problèmes qui sont réglés ensuite sur le chantier. Or plus il y a de jours de chantier, plus la performance de l’entreprise est dégradée. Nous avons donc essayé d’élaborer des marchés de conception-réalisation, qui associent la maîtrise d’œuvre et les entreprises du BTP. Mais il faudrait trouver une solution dans le code des marchés publics pour aider les entreprises à réduire les temps de chantier – c’est une bonne idée – et associer les collectivités plus en amont dans les phases de conception, en prenant exemple sur ces marchés de conception-réalisation mais en trouvant un levier juridique différent. Les entreprises nous faisaient aussi savoir que les appels d’offres et les cahiers des charges étaient trop compliqués. Les petites PME ou les TPE n’ont pas de services pour faire de la veille, ou lire toutes les clauses dans des documents de cent pages. Nous nous sommes donc engagés à simplifier les mémoires techniques en deux pages, de manière très concrète et standardisée, afin que les TPE et les PME puissent s’y retrouver. Nous nous sommes aussi engagés à faire beaucoup plus de communication en amont, car les entreprises nous informaient qu’elles n’arrivaient pas à s’organiser et qu’elles n’avaient pas de lisibilité sur les dates de lancement des appels d’offres. 24 Il y a donc des règles de droit contenues dans le code des marchés publics à faire évoluer – le Manifeste de la décentralisation contient des propositions – mais aussi toute une visibilité de la commande publique de l’État et des collectivités à organiser, y compris avec des outils numériques. Du point de vue des entreprises, il est anormal d’avoir autant de plateformes que de collectivités publiques. Il faudrait une plateforme unique sur un territoire qui regroupe les marchés de l’État et ceux des strates de collectivités territoriales, afin que les entreprises n’aillent sur une seule plateforme, car pour les entreprises qui n’ont pas de moyens de veille, aller sur toutes les plateformes est compliqué. Les informations données peuvent être très sommaires : les entreprises n’ont besoin que de l’objet, du montant, de la date prévisionnelle et des différents lots – il faut qu’elles sachent s’il y a beaucoup d’allotissement, si c’est de l’entreprise générale ou s’il y aura du macro-lot. Cela leur suffit, à une échelle de six mois, pour s’organiser. Vous avez donc raison, il y a un travail profond à mener sur la commande publique et des propositions très concrètes peuvent être mises en œuvre. Sur la question du patrimoine, les collectivités territoriales comme l’État sont déjà engagés dans une gestion active du patrimoine. Si l’on veut jouer sur tous les leviers d’optimisation, il est nécessaire de travailler ce point en mettant en place des systèmes d’information géographiques (SIG) et des logiciels de suivi. Mais une fois encore, il y a une inégalité entre collectivités riches et pauvres. Après avoir travaillé pour une région, je travaille pour une communauté d’agglomération, et je vois la différence. À l’échelle de la région, nous avions un SIG extrêmement développé pour la gestion de notre patrimoine, avec des vues en trois dimensions, et l’on pouvait piloter tout cela et faire des cessions. Dans la communauté d’agglomération où j’arrive, il n’y a pas de logiciel de suivi. Cela pose la question des dépenses d’investissement : sachant que ces dépenses sont extrêmement comprimées, qui pourrait demander au président de la communauté d’agglomération de réduire l’investissement dans une crèche pour investir dans un SIG de patrimoine ? L’arbitrage est vite fait. On voit que la baisse de revenu des collectivités touche souvent les dépenses innovantes, ou qui sont susceptibles de générer des économies de fonctionnement. Par exemple, pour la collecte des ordures ménagères dans la communauté de communes où je travaille, le matériel est vétuste et il faudrait que nous renouvelions le parc de véhicules avec des camions électriques. Mais cela coûte extrêmement cher, et ce n’est donc pas la priorité. Compte tenu du contexte financier, cette dépense-là sera reportée et notre matériel continuera de vieillir, entraînant un accroissement des dépenses de maintenance, de fluides et de consommables, alors qu’un investissement dans le parc électrique permettrait des gains en termes de qualité de service, de nuisances sonores et de fonctionnement. Mais nous ne ferons pas cette dépense car elle n’est pas prioritaire. De la même façon, pour en revenir au patrimoine, nous ne faisons pas la dépense pour acquérir un SIG parce que ce n’est pas une dépense prioritaire dans un contexte contraint. Et tout cela se retrouvera dans les tensions en fonctionnement. Nous aurons beau nous démener, si nous n’arrivons pas à faire les investissements innovants de performance énergétique parce que le contexte est trop contraint, nous ferons face à des difficultés financières. Il faut donc permettre ces investissements plus innovants. Cela pose la question des dépenses d’investissement : sachant que ces dépenses sont extrêmement comprimées, qui pourrait demander au président de la communauté d’agglomération de réduire l’investissement dans une crèche pour investir dans un SIG de patrimoine ? L’arbitrage est vite fait. On voit que la baisse de revenu des collectivités touche souvent les dépenses innovantes, ou qui sont susceptibles de générer des économies de fonctionnement. Par exemple, pour la collecte des ordures ménagères dans la communauté de communes où je travaille, le matériel est vétuste et il faudrait que nous renouvelions le parc de véhicules avec des camions électriques. Mais cela coûte extrêmement cher, et ce n’est donc pas la priorité. Compte tenu du contexte financier, cette dépense-là sera reportée et notre matériel continuera de vieillir, entraînant un accroissement des dépenses de maintenance, de fluides et de consommables, alors qu’un investissement dans le parc électrique permettrait des gains en termes de qualité de service, de nuisances sonores et de fonctionnement. Mais nous ne ferons pas cette dépense car elle n’est pas prioritaire. S’agissant maintenant du statut de la fonction publique territoriale, il me semble protecteur, mais il permet d’être innovant. C’est pour cela que j’ai choisi la fonction publique territoriale ; j’aurai pu en 25 choisir une autre, mais j’aime cette fonction publique car elle est moderne. Lorsque je postule dans une collectivité locale, aucun bureau du personnel d’un ministère n’intervient pour gérer ma carrière à l’ancienneté. Je fais exactement comme dans le privé : j’envoie un CV, une lettre de motivation, et je passe une série d’entretiens jusqu’à l’entretien final avec un président ou un maire. Et si l’on me recrute, c’est sur des compétences, sur mon expérience. J’ai l’impression de travailler dans le privé, parce que c’est quelque chose de moderne. J’ai trente-quatre ans, je suis assez jeune, j’ai été directeur général délégué d’une grande région et je trouve assez exceptionnel d’avoir la confiance d’élus sans que l’on exige de moi un parcours déterminé. Aujourd’hui, je suis directeur général des services adjoint d’une communauté d’agglomérations en Île-de-France, et je trouve que la fonction publique territoriale est innovante et moderne. Nous aurions néanmoins intérêt à travailler plus en lien avec la fonction publique d’État, car nous sommes nous-mêmes bloqués dans des déroulés de carrière que nous souhaiterions plus ouverts, pour aller vers d’autres fonctions publiques, et même le monde de l’entreprise : cela n’a rien de choquant. S’agissant de la prédominance du personnel de catégorie C dans le bloc communal, je n’en ignore rien, puisque j’ai en charge la propreté. Pour ne rien vous cacher, nous travaillons aujourd’hui sur l’intégration de cette compétence dans un territoire plus vaste, ce qui nous amène à travailler très concrètement avec les agents, dans le dialogue social, en insistant sur la polyvalence. Nous leur expliquons qu’ils ne pourront pas exercer demain comme aujourd’hui : ils devront faire preuve de polyvalence territoriale, de polyvalence de compétence, et tout cela est permis par le statut de la fonction publique territoriale. De la même façon, ce statut permet de rémunérer au mérite, d’adosser une partie du régime indemnitaire annuel à une évaluation professionnelle fondée sur des objectifs mesurables et quantifiables, et d’avoir un régime indemnitaire adossé qui varie dans des proportions importantes. Quand je travaillais pour une région, une part importante de mon régime indemnitaire était adossée à l’évaluation au mérite, et certaines années j’avais plus que d’autres. Ce n’était pas choquant, l’ensemble du personnel de catégorie A l’acceptait parce que cela avait été discuté et s’inscrivait dans le cadre d’une politique managériale assumée. Sur la formation, je ne voudrais pas être désagréable, et je suis désolé de m’exprimer à nouveau du point de vue de la région, mais les derniers transferts de compétence ont plutôt concerné les départements et les régions. Quand les régions ont hérité le personnel d’entretien des lycées, je peux vous assurer qu’une politique extrêmement importante de formation et de santé a été mise en place. Ce personnel n’avait aucun entretien médical annuel et un absentéisme extrêmement important a très vite été constaté par la région pour cause de maladies professionnelles, parce que le travail de suivi de santé qui échoit à tout employeur n’avait pas été fait. Je rejoins donc tout à fait vos propos sur le personnel de catégorie C dans le bloc communal. Il y a un chantier à mener sur la formation et l’adaptation aux métiers liés aux nouvelles attentes. Aujourd’hui, l’exigence des citoyens est extrêmement forte. Il y a une part de schizophrénie de notre société qui a une grande exigence à l’égard des services publics mais qui ne veut pas payer d’impôts et trouve qu’il y a trop de fonctionnaires. Les élus locaux et les fonctionnaires sont tiraillés au milieu de tout cela. Nous essayons de faire au mieux, mais on ne peut pas résoudre une équation qui a trop d’inconnues. Le thème de la formation rejoint celui du numérique, des nouvelles technologies, de l’accueil du public. Je suis convaincu qu’il y a dans ces domaines un enjeu majeur de mutualisation à travailler, et nous le faisons. Mais sur le numérique, je crois que les gains financiers ne seront pas immédiats. Le travail à mener pour dématérialiser complètement des dispositifs d’aide, de paiement ou de factures est considérable. Cela suppose un investissement considérable en temps de travail, des achats et des acquisitions de matériel, tout un travail managérial pour accompagner des personnes qui peuvent être réticentes à l’usage du numérique ou à des écrans. Cela demande un travail extrêmement important, qui doit être mené car c’est le sens de l’histoire, mais qui n’apportera pas de gains à court terme. Il en va de même pour la mutualisation : quand les mutualisations se sont mises en place à l’issue de la loi Chevènement – c’est un sujet que je connais également –, les gains de mutualisation ne sont pas apparus à court terme ; c’est plutôt à moyen terme, à un horizon de huit à dix ans. Mais aujourd’hui, quels que soient les projets de l’intercommunalité ou des régions, les gains ne seront pas immédiats. Quand il faut mutualiser des progiciels financiers, des progiciels RH ou des organisations, 26 il est fait appel à la force interne de la collectivité, parfois à des conseils, parce que ce sont des projets extrêmement techniques, et cela coûte cher. Il y a donc un surcoût les premières années, et l’on espère un gain les années suivantes. Mais dire que la mutualisation apporte un gain immédiat ne se vérifie pas au niveau technique. 27 MARDI 6 OCTOBRE LUC ALAIN VERVISCH, PROFESSEUR ASSOCIE A L’UNIVERSITE DE CERGY-PONTOISE, MEMBRE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’ASSOCIATION FINANCES-GESTION-ÉVALUATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES (AFIGESE). Mme Jeanine Dubié. J’ai bien entendu que la baisse des dotations ne venait que s’ajouter à un processus déjà engagé, et qu’elle ne suffisait pas à expliquer l’essentiel de la baisse de l’investissement. Reste que celle-ci devrait être de 10 % par an. Le tissu communal est composé à 80 % de communes de moins de 250 ou 300 habitants, qui ont très peu de marge de fonctionnement : on ne peut pas leur prendre ce qu’elles n’ont plus. Déjà, la plupart du temps, c’est l’élu qui se démène pour que l’on y maintienne un service public de proximité. C’est l’investissement de ces communes qui fait vivre l’artisanat local. Quant aux travaux publics, ils dépendent à 70 % de la commande publique. Dans ces conditions, je me demande si nous n’allons pas vers la disparition de nos villages. En effet, la population finira par partir si le patrimoine, la voirie et les réseaux d’eau potable ne seront plus entretenus. C’est ce qui s’est passé en Espagne, où des villages ont été abandonnés. Notre pays risque de payer cher ce manque d’entretien, en termes d’attrait touristique et de cohésion sociale. M. Luc Alain Vervisch. L’État est pleinement conscient des risques d’évolution négative des territoires ruraux : d’où le fonds d’un milliard d’euros supplémentaires ; d’où la modification de la DGF qui devrait redonner, grâce à la dotation de ruralité, une certaine capacité d’action financière aux collectivités, fragilisées notamment par la faiblesse de la densité démographique. Celle-ci avait déjà été repérée – en particulier dans l’étude d’Alain Guengant et Guy Gilbert –, mais n’avait pas pu être traitée dans la DGF de 2004. Il est indéniable que les communes rurales souffrent. Je remarque toutefois qu’elles souffrent proportionnellement un peu moins que les autres : la contribution au redressement des comptes publics étant calculée sur les recettes de fonctionnement, comme les recettes de fonctionnement par habitant en milieu rural sont moins élevées, la pression y est un tout petit peu plus faible. Cela étant, les mesures de compensation prises par l’État aboutissent à « recentraliser » la décision. Le milliard d’euros est ainsi réparti soit sur des politiques stratégiques définies par lui, soit en faisant jouer un rôle au préfet. Est-ce la résurgence de ce qui existait avant 1982, quand les projets d’investissement communaux, pour pouvoir être financés par des prêts bonifiés, avaient besoin d’une subvention de l’État, ce qui faisait indirectement de celui-ci le maître du développement territorial ? Est-ce un retour en arrière par rapport à la décentralisation ? Je partage tout à fait votre interrogation sur ce point. Pour autant, je ne crois pas que l’on ira là où vous craignez qu’on aille, même si la faible densité du territoire national et le niveau aujourd’hui exceptionnel de ses équipements amènent à s’interroger sur notre capacité financière à les entretenir, alors que la croissance et les moyens financiers globaux sont malheureusement réduits. Cela me conduit à évoquer l’emprunt, et la pertinence ou la qualité des choix d’investissement faits dans le passé. Je ne crois pas du tout que l’on puisse dire, à part quelques exceptions locales, que la stratégie d’investissement des trente premières années a été mal venue. Simplement, elle s’est fondée sur un équilibre économique dans lequel on empruntait pour investir, parce que l’on savait que l’on pourrait rembourser grâce à des ressources en croissance tendancielle. Exactement comme un ménage emprunte pour acheter sa maison parce qu’il anticipe sur ses ressources pour rembourser ses mensualités. En outre, en cas d’accident de la vie, les primes d’assurance lui permettront toujours de passer ce cap difficile. Mais les collectivités territoriales n’ont pas de primes d’assurances. 28 La baisse des dotations de l’État provoque donc une rupture dans la tendance à la croissance des ressources ; elle amène à s’interroger sur la façon de rembourser la dette passée, et rend les collectivités plus frileuses quant au recours à l’emprunt pour financer des investissements nouveaux. De fait, dans l’exposé des motifs du PLF, le déficit public local pour 2016 est estimé à 0,1-0,2 % – il serait beaucoup plus faible que ce qui était prévu dans les projets de prospective. Cela montre bien que les collectivités emprunteront moins, non pas parce qu’elles sont moins ambitieuses en matière d’investissements, mais parce qu’elles craignent de ne pas avoir la capacité de les rembourser. Voilà pourquoi je n’avais pas évoqué l’emprunt comme solution, même si, dans les modèles économiques qui ont pu tourner, le recours à l’emprunt reste une réalité et atténue la baisse de ces fameux investissements en volume à un niveau qui permettra globalement de maintenir le patrimoine. Mais ce ne sera pas partout le cas, compte tenu de certaines situations individuelles. Je ferai une remarque à propos du revenu par habitant. Selon moi, la qualité d’un indicateur tient à sa signification, et surtout au fait que sa signification est permanente. Si l’on considère que le revenu par habitant traduit le poids des charges publiques, encore faut-il que ce revenu n’évolue pas d’une année sur l’autre, ce qui laisserait penser que les charges publiques évoluent elles aussi fortement, alors qu’elles sont par nature très rigides. Entre 2014 et 2015, l’évolution du revenu par habitant a été de 6 %, avec un écart type – onc une variation par rapport à 6 – de 2,50. Cela signifie qu’il y a un coefficient de dispersion de 40 %. On peut donc dire qu’au niveau des ensembles intercommunaux, l’indicateur n’est absolument pas fiable. Sinon, cela signifierait qu’il traduit une non-permanence des charges publiques. Vous comprendrez donc que je sois un peu réservé. La formule des « neuf ans en dix ans » n’a de sens que lorsque l’on investit sur du neuf. Faire un projet nouveau en dix ans plutôt qu’en neuf ans ne me paraît pas constituer un problème crucial. En revanche, ne pas pouvoir entretenir normalement son patrimoine, c’est prendre le risque qu’au bout de neuf ans, au moment où il aurait dû être réparé, il s’effondre, ce qui est évidemment plus préoccupant. Enfin, je pense vraiment que le développement de la technicité, en matière financière et en matière d’outils de pilotage de la gestion, est de nature à générer des économies. Il peut permettre, par exemple, d’améliorer la rentabilité fiscale. C’est ainsi que lors des dernières assises, la communauté d’agglomération du Grand Saint-Brieuc nous a présenté, pour le prix de l’innovation, un dossier sur le suivi de la taxe du versement transport ; un cadre s’en occupe à temps plein, mais le coût de son travail est largement compensé par l’efficacité de la mesure. De telles démarches doivent plutôt être engagées au niveau intercommunal, voire au niveau de regroupements d’intercommunalités. Sur l’observatoire fiscal, sur le pilotage des partenaires, sur l’évaluation des politiques publiques, elles ne peuvent être techniquement menées, en effet, que sur des territoires suffisamment vastes. M. le rapporteur. J’ai cru entendre que le revenu par habitant avait augmenté de 6 % entre 2014 et 2015. M. Luc Alain Vervisch. D’après les statistiques de la direction générale des finances publiques, le revenu par habitant pris en compte pour le calcul des données de la DGF a en effet augmenté de 6 % entre 2014 et 2015. Ces chiffres me surprennent, sans doute tout autant que vous, car ce n’est pas le (1) sentiment que l’on a . M. le rapporteur. Ce n’est pas la réalité ! M. Luc Alain Vervisch. Ces chiffres portent sur les ensembles intercommunaux, dont il faut exclure les communes qui étaient encore isolées, principalement Paris et la Première couronne. Mais ils concernent tout de même la majeure partie de la population française. 29 M. le rapporteur. Alain Calmette s’est arrêté sur l’affirmation selon laquelle le volume des investissements permettrait de faire en dix ans ce que l’on aurait pu faire en neuf. J’observe que certains intervenants nous ont dit qu’on ferait en dix ans ce que l’on aurait pu faire en sept, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Par ailleurs, je m’interroge : si la baisse des dotations aboutit à la recentralisation d’un certain nombre de compétences, ne peut-on pas dire que la baisse des dotations est inconstitutionnelle ? M. Luc Alain Vervisch. On pourrait aussi dire le contraire, puisque le transfert de compétences s’accompagnerait d’un transfert de moyens ou de ressources dans l’autre sens, ce qui est tout à fait dans la lettre du texte. Pour autant, je reconnais que c’est un véritable enjeu pour le monde local. Globalement, la décentralisation est une exceptionnelle réussite en termes de développement territorial. Ce n’est toutefois pas le cas sur deux points : premièrement, la structuration financière de la décentralisation, qui est un échec ; deuxièmement, la démocratie locale, qui mérite d’être améliorée. Mais vous connaissez ce sujet mieux que moi… 30 MERCREDI 13 OCTOBRE TABLE RONDE, OUVERTE A LA PRESSE, SUR LE THEME : «NUMERIQUE – RESEAUX D’INITIATIVE PUBLIQUE » Mme Jeanine Dubié. L’investissement dont vous parlez, caractérisé par le mariage du public et du privé, concerne les zones peu, voire très peu denses. Mais, dans les zones AMII, c’est le jeu du marché et des opérateurs qui prévaut. Cela veut dire que le contribuable local paiera plus en milieu rural qu’en milieu urbain, que ces opérations pèseront plus sur sa feuille d’impôts. Quand ce sont les collectivités qui financent, elles passent nécessairement, en effet, par la fiscalité ou par l’emprunt. Je voudrais aborder la question de la tarification des réseaux publics. L’ARCEP, suite à la loi Macron, vient de lancer une consultation sur la définition des grilles tarifaires pour faciliter les relations commerciales des RIP avec les fournisseurs d’accès internet (FAI). Le régulateur propose un dispositif en trois temps pour faciliter la convergence des tarifs pratiqués entre les zones d’initiative publique et la zone privée. Tout cela doit permettre de dégager des recettes pour les RIP, qui pourront ainsi rentabiliser les investissements réalisés. J’aimerais donc savoir si les orientations que prend l’ARCEP vous conviennent, et si elles vous semblent favorables aux RIP. Il ne suffit pas d’investir, il faut ensuite amortir l’investissement. Les recettes sont donc primordiales pour les collectivités. Je suis d’autant mieux placée pour en témoigner que, dans le département des Hautes-Pyrénées, le déploiement de la fibre optique se fait dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) sur lequel je n’insisterai pas, sinon pour vous assurer que les recettes prévues ne sont pas au rendez-vous. D’une manière plus générale, quelles suggestions pouvez-vous faire pour améliorer les recettes, et donc l’amortissement des investissements réalisés par les collectivités ? M. Étienne Dugas. Je souhaite répondre à la question de madame Dubié sur les lignes directrices, sujet ô combien important puisque la consultation vient d’être lancée par l’ARCEP, suite au travail du législateur. L’idée initiale était de donner des lignes directrices afin de pérenniser les business plans des opérateurs d’opérateurs travaillant pour le compte de collectivités locales. Certes, le modèle retenu chez vous – un PPP – est particulier, mais vous avez les mêmes problèmes que d’autres collègues dans d’autres territoires. Tout d’abord, il faut distinguer la fibre dite « noire » et la fibre « activée ». L’ARCEP propose 13 euros pour la ligne FttH en fibre noire, avec une fourchette de 50 centimes. Le tarif moyen nous convient, mais nous trouvons la fourchette est un peu étroite. En revanche, la deuxième proposition de l’ARCEP ne nous va pas du tout : pour les lignes activées, la fourchette va de 19 à 26 euros. Sachant que Bouygues Télécom a fait de la ligne activée son business model, je me demande comment ils vont survivre avec de tels prix. Je rappelle qu’un accès grand public est vendu 30 euros TTC, et que Bouygues Télécom fait des offres d’appel à 19,90 euros TTC. Cela veut dire qu’ils vendraient à perte, et le business model risque de s’en trouver compliqué. Pour ajouter un exemple à celui qu’a cité monsieur Nguyen Van Sang, nous pouvons citer Vannes. La communauté d’agglomération y a lancé un RIP, en partie sur zone AMII, avec une option au cas où l’opérateur ne respecterait pas ses engagements sur la zone AMII. C’est très efficace : l’opérateur déploie plus vite la fibre à Vannes que dans d’autres endroits. Et on pouvait déjà voir cela dans le cadre des RIP de première génération – on parlait de DSL à l’époque. Il fallait aller chercher les centraux téléphoniques de l’opérateur historique, et les déploiements de l’opérateur historique étaient aiguillonnés par les initiatives des collectivités locales. M. Patrick Vuitton. Je rejoins tout à fait les propos qui viennent d’être tenus sur les lignes directrices de l’ARCEP. Nous nous réjouissons qu’elles introduisent un degré de souplesse qui n’existait pas 31 auparavant, mais elles posent problème sur certains points essentiels au moment du démarrage des réseaux. Pour des raisons diverses, Bouygues Télécom a bien d’autres chats à fouetter que les quelques centaines de milliers de prises des RIP, Free est toujours dans la roue d’Orange et préfère ne traiter qu’avec cette entreprise, Numericable-SFR se concentre sur ses propres investissements, et Orange, ayant le réseau cuivre, ne souhaite pas voir de réseaux fibres là où il a le cuivre. La situation est donc assez complexe, et nous devons la débloquer avec des outils tarifaires. De nouvelles offres de services apparaissent : Canal Plus-Coriolis et Vidéofutur se sont positionnés en profitant de l’absence des quatre grands opérateurs. Il faut que nous puissions accompagner ce mouvement sans dévaloriser l’investissement public. Quoi qu’il en soit, vendre beaucoup plus cher quand on a déjà du mal à vendre ne semble pas, en termes économiques, une porte de sortie évidente. 32