Pas d`accord ? Dites-le

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Pas d`accord ? Dites-le
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Pas d ’accord ? Dites-le !
© Stone
Prendre la parole en public, donner son
avis, critiquer un ami… Il y a certaines
situations où l’audace de dire nous
manque. Eric Albert, psychiatre et
fondateur de l’Institut français de l’anxiété
et du stress propose une analyse de ces
“épreuves” au quotidien et nous donne des
conseils pour les dépasser.
Laura Lil
u lycée, les cours de langue à l’oral étaient un supplice ; je passais
l’heure à prier pour ne pas être interrogée et ne pas avoir à parler devant la
classe » ; « Dans une file d’attente, je me laisse doubler sans jamais rien
oser dire »…
Ces témoignages illustrent une même difficulté de la vie quotidienne :
exprimer son point de vue ou défendre ses intérêts. Dans ce cas, les
comportementalistes parlent de problèmes "d’assertivité" ou "d’affirmation de
soi". Quel que soit le contexte (privé, professionnel, dans un face -à-face ou
en présence d’un groupe d ’inconnus), cette anxiété repose toujours sur ce
que le psychiatre Eric Albert nomme « mécanisme projectif » : projeter sur
l’autre un regard dépréciatif et hostile vis-à-vis de soi. Les pensées qu’on
lui attribue sont alors nourries par la peur : d’être jugé, d’entrer en conflit, de
ne pas être à la hauteur… A l’origine : un manque de confiance en soi.
Auquel s’ajoute le souci du respect de règles morales implicites, du type : on
ne contredit jamais son chef. « Intégrées depuis l ’enfance, ces règles
s’imposent à nous comme des évidences », explique le psychiatre. En outre,
« les personnes qui manquent d’assertivité oscillent constamment entre deux
positions extrêmes : passivité ou agressivité. »
Alors comment devenir "assertif ", c’est-à-dire capable d’exprimer son avis,
sans stress et dans le respect de l’autre ? « D’abord, il faut identifier
l’émotion qui nous empêche de parler et la pensée ou repr ésentation sur
laquelle elle repose », conseille Eric Albert. Par exemple, qu’est-ce que je
ressens à l’id ée de faire une critique à mon employ é ? Et pourquoi est-ce que
je ressens cela ? Ensuite, explorer cette représentation jusqu’au bout, selon
la technique dite des "fl èches descendantes" : si je lui fais une critique, il va
mal le prendre. Et alors ? Il sera toujours en opposition avec moi. Et alors ? Il
sera démotivé… Donc, si je me tais, c’est en fait parce que je pense qu’en lui
faisant une critique, il ne voudra plus travailler. « Le but de cette technique
est de nous faire prendre conscience de la dimension exagérée et
irrationnelle des pensées qui nous freinent »
A l’inverse, on s’interrogera ensuite sur les conséquences possibles de notre
silence : que va-t-il se passer si je garde cette critique pour moi ? En tant que
patron, je mets l ’autre en position d’échec puisque je me fais une opinion
négative de lui. De plus, en ne lui expliquant pas ce qui ne convient pas dans
son attitude, je l’empêche de progresser. Conclusion : ma critique est
indispensable. Reste à la formuler. Comment lui faire cette critique sans le
vexer ou sans risquer de m ’emporter ? « Beaucoup optent pour le silence,
parce qu’ils cherchent à tout prix à masquer leur émotion », remarque Eric
Albert. Au contraire, il est bon que cette émotion soit verbalisée : je suis
très gêné de vous dire cela, mais il me semble que… ; ne le prenez pas mal,
mais… « Même face à un public d’inconnus, on peut exprimer clairement sa
gêne ou sa difficulté à parler, remarque le psychiatre. Car plus on verbalise
son émotion, moins elle s’exprimera de façon non verbale, c’est-à-dire par
des rougissements ou des tremblements de voix. »
Ces conseils valent dans de nombreuses situations. La preuve, ce
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31/10/2002
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décryptage de scénarios parmi les plus délicats de la vie quotidienne.
Renvoyer un plat au restaurant
Le plat arrive sur la table… froid. Mais au lieu de le renvoyer en
cuisine, on ravale sa déception. Pourquoi ? Par politesse (cela ne se
fait pas), et par crainte du regard hostile des autres (ils vont croire que
je fais des manières). Car renvoyer son plat, c’est se démarquer et
s’imposer en disant : ce plat est trop froid "pour moi".
Pour dépasser cela, on admettra, d’une part, qu’il n’y a rien de
présomptueux à vouloir manger ce pour quoi on va payer. D’autre part,
que l ’on peut tout à fait renvoyer un plat sans attirer les regards de
tous. Cela dépendra de la façon dont on formulera sa demande : vous
allez peut-être penser que je suis difficile, mais je trouve que ce plat
est froid ; je ne veux pas me faire remarquer, mais… Des formules qui
permettront d’obtenir ce que l’on souhaite sans pour autant passer
pour un odieux personnage.
Réclamer sa monnaie à un commerçant
D’après une règle implicite de la vie sociale, on ne parle pas d’argent. Dès
lors, la situation devient, pour certains, angoissante (j’ai peur de la réaction
de l’autre) ; pour d’autres, culpabilisante (je m’en veux de le mettre mal à
l’aise en lui faisant remarquer son erreur).
Dans tous les cas, elle se dénouera par le choix de précautions oratoires. On
remplacera, par exemple, le "vous" accusateur par les pronoms neutres.
Plutôt que : "vous" ne m’avez pas rendu ma monnaie, on optera pour : je
crois qu’"il" manque tant … L’autre, dans la forme en tout cas, sera ainsi
déchargé de sa responsabilité.
Oser exprimer une opinion contradictoire
Dans toute relation, la première rencontre repose sur un rapport de
séduction : chacun espère renvoyer une image positive de soi, d’où la
volont é de se ranger du côté de l’opinion générale et de ne pas
paraître en "rupture" avec elle. « Mais comme le rapport de séduction
est aussi un rapport de force, la difficulté sera de trouver une position
intermédiaire entre celle du passif et celle de “l’attaquant ” », remarque
le psychiatre.
Cela repose sur la maîtrise de ses émotions : ne pas s’emporter dans
sa controverse, mais prendre le temps de réfléchir à ses arguments et,
toujours, opter pour des formulations subjectives (je ne veux pas
paraître contrariant, mais de mon point de vue … ; cela me gêne de
vous contredire, seulement…).
Demander une augmentation
La pensée qui nous inhibe alors est : ne va-t-il pas me trouver
présomptueux ? Autrement dit : est-ce que je m érite vraiment d’être
augmenté ? Il est certes difficile d’estimer la valeur de son travail, et encore
plus pour les personnes qui manquent de confiance en elles.
Pour y parvenir, on se référera à des preuves concrètes : le nombre
d’ann ées passées dans l’entreprise, les appréciations sur notre travail
(félicitations, reproches…). On pourra également prendre pour base
d’estimation le travail d ’un collègue : la comparaison entre son rendement et
le nôtre est une donnée objective qui nous permettra de vérifier si l ’on est en
mesure de prétendre à un meilleur salaire.
A LIRE :
• “N’obéissez plus !” d’Eric Albert et Daniel Nguyen Nhon.
Une étude qui décrit le cercle vicieux dans lequel peut nous enfermer
la hiérarchie (Editions d’Organisation, 2001).
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• “Oser parler en public” de Marie-France Muller.
Une mine de conseils pour être à l’aise lorsque l’on est l’objet de tous
les regards (Jouvence, 1997).
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Laura Lil
octobre 2002
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31/10/2002