Cour administrative d`appel de Paris N° 11PA02525 Inédit au

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Cour administrative d`appel de Paris N° 11PA02525 Inédit au
Cour administrative d’appel de Paris
N° 11PA02525
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. PERRIER, président
Mme Michelle SANSON, rapporteur
M. ROUSSET, rapporteur public
SELARL DAVIDEAU ASSOCIES, avocat(s)
lecture du mardi 19 mars 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2011, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par la
Selarl Davideau ; M. A... demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0917231/6-3 du 7 avril 2011 par lequel le magistrat désigné
par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à
l’annulation de la décision du ministre de l’intérieur en date du 1er octobre 2009 annulant
son permis de conduire ;
2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée, ainsi que les décisions
de retraits de points prononcés à la suite des infractions commises les 13 juin 2008, 11
novembre 2008 et 22 janvier 2009 ;
3°) d’enjoindre au préfet de police de lui restituer son permis de conduire dans un délai de
dix jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par
jour de retard ;
4°) d’enjoindre à l’administration de restituer la totalité des points affectés à son permis de
conduire ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public,
sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience, en application de l’article R.
732-1-1 du code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 février 2013 :
- le rapport de Mme Sanson, rapporteur,
- et les observations de MeB..., pour M.A... ;
1. Considérant qu’à la suite d’infractions au code de la route relevées les 13 juin 2008, 11
novembre 2008 et 22 janvier 2009, le ministre de l’intérieur a prononcé le retrait,
successivement, de 6, 1 et 6 points du capital de points affecté au permis de conduire de
M. A... ; que, par une décision en date du 1er octobre 2009, le ministre, après lui avoir
notifié cette dernière décision et rappelé les retraits de points prononcés antérieurement,
lui a fait injonction de restituer son permis de conduire qui avait perdu sa validité pour
solde de points nul ; que, par un jugement du 7 avril 2011 dont M. A...relève appel, le
magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande
tendant à l’annulation des décisions susmentionnées, à la reconstitution de son capital de
points et à la restitution de son titre de conduite ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la circonstance que le magistrat désigné ait tenu compte d’un
formulaire vierge produit par le ministre n’est pas de nature à entacher d’un défaut de
motivation le jugement attaqué, qui a répondu aux moyens soulevés par le requérant ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
Sur l’infraction du 13 juin 2008 :
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 223-3 du code de la route dans sa rédaction
alors en vigueur : “ Lorsque l’intéressé est avisé qu’une des infractions entraînant retrait
de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l’article L. 223-2,
de l’existence d’un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui
d’exercer le droit d’accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. / Lorsqu’il est fait
application de la procédure de l’amende forfaitaire ou de la procédure de composition
pénale, l’auteur de l’infraction est informé que le paiement de l’amende ou l’exécution de
la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l’infraction
reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également
informé de l’existence d’un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui
d’exercer le droit d’accès. / Le retrait de points est porté à la connaissance de l’intéressé
par lettre simple quand il est effectif “ ; qu’aux termes de l’article R. 223-3 du même code :
“ I. - Lors de la constatation d’une infraction entraînant retrait de points, l’auteur de celle-ci
est informé qu’il encourt un retrait de points si la réalité de l’infraction est établie dans les
conditions définies à l’article L. 223-1. / II. - Il est informé également de l’existence d’un
traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui
d’accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui
est remis ou adressé par le service verbalisateur. Le droit d’accès aux informations
ci-dessus mentionnées s’exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L.
225-9. / III. - Lorsque le ministre de l’intérieur constate que la réalité d’une infraction
entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa
de l’article L. 223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de
conduire de l’auteur de cette infraction./ Si le retrait de points lié à cette infraction n’aboutit
pas à un nombre nul de points affectés au permis de conduire de l’auteur de l’infraction,
celui-ci est informé par le ministre de l’intérieur par lettre simple du nombre de points
retirés. Le ministre de l’intérieur constate et notifie à l’intéressé, dans les mêmes
conditions, les reconstitutions de points obtenues en application des alinéas 1 et 3 de
l’article L. 223-6. / Si le retrait de points aboutit à un nombre nul de points affectés au
permis de conduire, l’auteur de l’infraction est informé par le ministre de l’intérieur par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception du nombre de points retirés. Cette
lettre récapitule les précédents retraits ayant concouru au solde nul, prononce
l’invalidation du permis de conduire et enjoint à l’intéressé de restituer celui-ci au préfet du
département ou de la collectivité d’outre-mer de son lieu de résidence dans un délai de dix
jours francs à compter de sa réception “ ;
4. Considérant que la notification au conducteur des retraits de points de son permis de
conduire, prévue par les dispositions de l’article L. 223-3 du code de la route, ne
conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant, la légalité de ces retraits ;
que cette procédure a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l’intéressé et de
faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction
administrative ; qu’il est constant que, par sa décision du 1er octobre 2009, le ministre a
procédé à la notification du dernier retrait de points et récapitulé les précédents retraits,
les rendant ainsi opposables à l’intéressé ;
5. Considérant que le ministre a produit le procès-verbal de constat de l’infraction du 13
juin 2008 signé par l’intéressé, qui a déclaré reconnaître l’infraction mentionnée sur ce
document ; qu’il ressort par ailleurs du relevé d’information intégral relatif au permis de
conduire de M. A...qu’il a payé l’amende forfaitaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que
la réalité de l’infraction ne serait pas établie n’est pas fondé ;
6. Considérant que, lorsqu’il est fait application de la procédure d’amende forfaitaire,
l’information remise ou adressée par le service verbalisateur doit porter, en vertu du
deuxième alinéa de l’article L. 223-3 du code de la route, d’une part, sur l’existence d’un
traitement automatisé des points et la possibilité d’exercer le droit d’accès conformément
aux articles L. 225-1 à L. 225-9 du code et, d’autre part, sur le fait que le paiement de
l’amende ou l’exécution de la composition pénale établit la réalité de l’infraction, dont la
qualification est précisée, et entraîne un retrait de points correspondant à cette infraction ;
que, si M. A...fait valoir que le procès-verbal s’est borné à indiquer que la contravention
entraînait un retrait de points sans préciser le nombre de points devant être retirés de son
permis de conduire, ni l’article L. 223-3, ni l’article R. 223-3 du code de la route n’exigent
que le conducteur soit informé du nombre exact de points susceptibles de lui être retirés,
dès lors que la qualification de l’infraction qui lui est reprochée est dûment portée à sa
connaissance ;
7. Considérant que les dispositions portant application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du
code de procédure pénale en vigueur à la date des infractions litigieuses, notamment
celles de ses articles A. 37 à A. 37-4 de ce code, issues de l’arrêté du 5 octobre 1999
relatif aux formulaires utilisés pour la constatation et le paiement des contraventions
soumises à la procédure de l’amende forfaitaire, prévoient que lorsqu’une contravention
soumise à cette procédure est relevée avec interception du véhicule mais sans que
l’amende soit payée immédiatement entre les mains de l’agent verbalisateur, ce dernier
utilise un formulaire réunissant, en une même liasse autocopiante, le procès-verbal
conservé par le service verbalisateur, une carte de paiement matériellement indispensable
pour procéder au règlement de l’amende et l’avis de contravention, également remis au
contrevenant pour servir de justificatif du paiement ultérieur, qui comporte une information
suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de
la route ;
8. Considérant, dès lors, que le titulaire d’un permis de conduire à l’encontre duquel une
infraction au code de la route est relevée au moyen d’un formulaire conforme à ce modèle
et dont il est établi, notamment par la mention qui en est faite au système national des
permis de conduire, qu’il a payé l’amende forfaitaire correspondant à cette infraction a
nécessairement reçu l’avis de contravention ; qu’eu égard aux mentions dont cet avis est
réputé être revêtu, l’administration doit alors être regardée comme s’étant acquittée envers
le titulaire du permis de son obligation de lui délivrer les informations requises
préalablement au paiement de l’amende, à moins que l’intéressé, à qui il appartient à cette
fin de produire l’avis qu’il a nécessairement reçu, ne démontre s’être vu remettre un avis
inexact ou incomplet ;
9. Considérant, enfin, que si l’intervention de l’arrêté du 5 octobre 1999 ne garantit pas, à
elle seule, que des formulaires établis selon un modèle antérieur, où le document
comportant les informations requises et celui nécessaire au paiement étaient entièrement
distincts, n’aient pas continué à être utilisés pour la constatation des infractions, il résulte
tant du règlement du Conseil du 3 mai 1998 concernant l’introduction de l’euro que des
mesures législatives et réglementaires prises pour sa mise en oeuvre, s’agissant
notamment du montant des amendes, que de tels formulaires, libellés en francs, n’ont pu
être employés après le 1er janvier 2002 ; que, pour les infractions relevées avec
interception du véhicule à compter de cette date, la mention au système national des
permis de conduire du paiement ultérieur de l’amende forfaitaire permet donc au juge
d’estimer que le titulaire du permis s’est vu remettre un avis de contravention comportant
les informations requises ;
10. Considérant que l’infraction du 13 juin 2008 a donné lieu au paiement d’une amende
forfaitaire majorée le 14 octobre suivant ; que, dès lors, la délivrance des informations
prescrites par l’article L. 223-3 du code de la route doit être regardée comme établie ;
11. Considérant que, dès lors qu’est constatée la réalité d’une infraction dans les
conditions sus rappelées du code de la route, le ministre de l’intérieur est tenu de
prononcer les retraits de points et, le cas échéant, de constater la perte de validité du titre
de conduite de l’intéressé pour solde de points nul ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que
M. A...aurait besoin de conduire son véhicule pour l’exercice de son activité
professionnelle est inopérant ;
Sur les infractions des 11 novembre 2008 et 22 janvier 2009 :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
12. Considérant que les infractions susmentionnées ont été constatées avec interception
du véhicule et ont fait l’objet du règlement le jour même de l’amende forfaitaire ; que le
ministre de l’intérieur ne produit au dossier aucun élément permettant de déterminer que
ce paiement n’a été effectué dans les mains de l’agent verbalisateur mais ultérieurement ;
que, lorsqu’une contravention soumise à la procédure de l’amende forfaitaire est relevée
avec interception du véhicule et donne lieu au paiement immédiat de l’amende entre les
mains de l’agent verbalisateur, il incombe à l’administration d’apporter la preuve, par la
production de la souche de la quittance prévue à l’article R. 49-2 du code de procédure
pénale dépourvue de réserve sur la délivrance de l’information requise, que celle-ci est
bien intervenue préalablement au paiement ; que le ministre, qui n’a pas produit la souche
de la quittance correspondant aux infractions des 11 novembre 2008 et 22 janvier 2009,
n’établit pas que M. A...aurait reçu les informations prescrites à l’article L. 223-3 du code
de la route ; qu’il suit de là que les retraits de points afférents à ces contraventions sont
entachés d’illégalité ;
Sur l’invalidation du permis de conduire de M.A... :
13. Considérant que la décision du ministre ne pouvait légalement se fonder sur les
retraits de points consécutifs aux infractions des 11 novembre 2008 et 22 janvier 2009 ;
qu’il en résulte que le solde de points afférents au permis de conduire de l’intéressé
n’étant pas nul, l’invalidation de son titre de conduite est également illégale ;
14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à
demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à
l’annulation des retraits de points consécutifs aux infractions des 11 novembre 2008 et 22
janvier 2009 et de la décision du 1er octobre 2009 prononçant l’invalidation de son permis
de conduire ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
15. Considérant que l’annulation, par le présent arrêt, des retraits de points consécutifs
aux infractions des 11 novembre 2008 et 22 janvier 2009 et de la décision du 1er octobre
2009 implique nécessairement que l’administration restitue à M. A...son titre de conduite,
sous réserve d’éventuelles décisions ultérieures affectant ce permis, et qu’elle
reconnaisse à l’intéressé le bénéfice des sept points illégalement retirés dans la limite d’un
capital de douze points ; qu’il y a lieu d’enjoindre au ministre d’y procéder dans un délai de
deux mois à compter de la notification de l’arrêt, sans qu’il soit besoin d’assortir cette
injonction d’une astreinte ;
Sur les frais exposés :
16. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la
charge de l’Etat la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non
compris dans les dépens ;
DECIDE:
Article 1er : Les décisions du ministre de l’intérieur portant respectivement retrait d’un
point et de six points du capital de points affecté au permis de conduire de M.A..., à la
suite des infractions des 11 novembre 2008 et 22 janvier 2009, et la décision du 1er
octobre 2009 portant invalidation de son titre de conduite sont annulées.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 7 avril 2011 est réformé en ce
qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur de restituer au permis de conduire de M.
A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, les points
illégalement retirés par les décisions annulée à l’article 1er, dans la limite d’un capital
maximum de douze points après restitution, et de prescrire au préfet de police de restituer
à l’intéressé son titre de conduite, sous les réserves mentionnées dans la motivation du
présent arrêt, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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