Sport et socialisation
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Sport et socialisation
UE4A SHS TATU Sport et socialisation I Introduction La socialisation d’après le dictionnaire de sociologie de BOUDON, 1997 : ● Socialiser c’est transformer un être asociale à un être sociale qui a intériorisé un certains nombre de règles, de normes et de valeurs ce qui forment alors une certaine cohésion sociale (capacité à vivre ensemble) Socialiser c’est faire transformer, donc on peut considérer que l’éducation sociale permet la construction de repères. Quelles sont alors les normes et valeurs ? ● Les normes sont les règles qui régissent les conduites collectives et individuelles. Les normes évoluent avec les mœurs donc elles dépendent de la société et de l’époque. ● Les valeurs sont un concept plus large, un principe général. Elles s’organisent en système et sont caractéristiques de l’appartenance culturelle à une époque donnée. Les valeurs sont la base de la culture Comment l’éducation fait intérioriser à l’individu les normes et valeurs de la société ? Différente conception : 1. Conception holiste (Bourdieu). Priorité de la société sur l’individu. C’est la société qui conditionne l’individu. On parle alors de déterminisme social ou de reproduction sociale. L’individu est alors pensé comme un être passif dont le comportement se résume à une reproduction de chaînes acquises. On nous inculque alors l’ensemble des règles de vie et l’individu n’est pas acteur. 2. En revanche pour LAHIRE, il existe une forme de manœuvre, conception personnaliste, où il existe des formes d’autonomie de l’individu. Le processus de socialisation est alors plus souple et prend en considération l’autonomie et les choix de la personne, la capacité de celui-ci à adapter les dispositions acquises aux situations vécues et même à modifier au besoin les normes et valeurs intériorisées en fonction de certains problèmes. L’individu est perçu comme un acteur intelligent, qui peut prendre de la distance aux normes qu’on lui a inculquées. La socialisation permet l’intégration des règles et des valeurs de la société pour ainsi créer une certaine régulation sociale d’où la notion de culture : La culture fait appel au sentiment d’appartenance qui permet de s’identifier. En 1871, selon TYLOR, la culture serait ce tout complexe qui inclut les connaissances, croyances religieuses, l’art, la morale, les coutumes et les habitudes que l’h acquiert en temps que membre de la société. La culture est alors un construit humain. En revanche pour les culturalistes (BOURDIEU) la culture est assez stable mais peut se moduler quand même. CUCHE en 2001, montre qu’il n’y a pas qu’une culture dominante mais qu’il y a autant de culture que de groupes sociaux. Le sport a d’abord été l’apanage d’une classe élite mais aujourd’hui le sport se reflète dans toutes les cultures et classes sociales. L’existence de la culture crée l’identité : BOUDON - l’identité collective, l’aptitude à se reconnaître comme groupe - l’identité individuelle, l’aptitude par un individu à s’identifier à ce groupe, à se reconnaître Problématique Quels liens le sport entretient-il avec la socialisation ? Est-ce que le sport participe au processus de socialisation, ou est-ce qu’il est une conséquence de la socialisation ? Le sport peut-il être à l’origine de processus de socialisation donc de construction d’une culture et d’identité spécifique, ou est-il simplement un élément de la culture ? I Sport et différenciation sociale (≠ regards) 1. Problématique sociologique En 1987 l’INSEP montre qu’il y a un taux de pratique sportive égal à 73% en France et qu’en 2001 ce même institut montre qu’il y a 83%. On peut constater par ailleurs que les conditions d’accès ne sont pas les mêmes en fonction des classes sociales, du genre… Il existe alors une discrimination plurielle du recrutement de la pratique sportive. Cependant avec le temps et malgré les inégalités d’accès, il y aurait une forme de démocratisation de la sportivisation mais s’agit-il du même sport ? Est-on réellement entrain d’assister à une démocratisation du sport ou ces constats masquent-ils un phénomène de diversification des pratiques, de leurs modalités et de leurs pratiquants ? 2. Le phénomène sportif comme apanage de la classe dominante 1. Une analyse du phénomène sportif basé sur le matérialisme dialectique de MARX (1818-1883) MARX dans le Capital en 1867 affirme que tout réside dans une histoire de lutte de classes. Pour lui, une classe sociale c’est faire référence à une catégorie de citoyens qui se distinguent sur la base de leur patrimoine et fortune. Pour BOUDON, la classe est tout un ensemble d’individus manifestant des caractéristiques, des comportements identiques ou comparables. Pour différencier les individus d’une classe à une autre, selon Marx, il faut simplement prendre comme critère le matérialisme dialectique, c'est-à-dire ceux qui possèdent les moyens de production et ceux qui ne les possèdent pas. (Dialectique car la relation est binaire pour Marx, ceux qui ont et ceux qui n’ont pas). Pour Marx : - l’état est l’instrument de la classe dominante - toute forme d’idéologie agit comme aliénation au même titre que le travail - la base de l’économie, c’est la quête du profit sans fin 2. La classe de loisir de VEBLEN, le sport comme pratique ostentatoire Théorie de la classe de loisir : selon VEBLEN, ceux qui ont fait fortune affichent leur aisance économique au travers d’activité de loisirs, improductives, qui ne servent à rien : c’est le sport. Historiquement le sport était d’abord aristocratique puis bourgeois. Le sport participe à une culture distinctive, donc c’est une pratique ostentatoire et révélatrice d’une classe sociale. 3. Le sport comme appareil idéologique d’état au service de la classe dominante BROHM Contrairement à Veblen, c’est la sociologie politique du sport où le sport est au service de la classe dominante. BROHM est le premier qui a fait une thèse d’Etat en STAPS. Il a montré que le sport est le produit de la société capitaliste. Le sport est indissociable des rapports sociaux dans lesquels il prend naissance. Sa problématique est d’essayer de comprendre pourquoi toutes les sociétés développées adoptent la même structure sportive alors qu’elles diffèrent dans leurs rapports sociaux ? Hypothèse : les rapports sociaux qui sont importants sont les rapports sociaux de production. Il existe un principe commun entre l’économie du capitalisme et du sport. Les mêmes principes sont : - le model pyramidal, du simple exécutant à décideur - le rendement et l’efficacité, Taylorisme travail à la chaîne pour gagner du temps - la spécialisation et rationalisation des tâches, chacun son rôle. Brohm insiste que la spécialisation du sportif rentre dans cette logique avec l’instinct producteur, cette spécialisation restreint nos capacités - l’idéologie du progrès et de la justice. Le progrès : on croît dans le progrès scientifique et technologique, quête du record selon ERHENBERG, 1991 sur la perfectibilité humaine. La justice : on croît à la justice du classement, le salaire augmente avec les responsabilités, à la juste inégalité du sport car croyance d’une promotion sociale du sport, on accepte qu’il y ait discrimination Le sport à une fonction interne et une fonction externe : - fonctions externes : ●fct emblématique, le sport vitrine est là pour représenter la nation ● fct narcissique, c’est de créer l’unité social autour d’une équipe par ex (coupe du monde 1998) - fonctions internes : ● fct d’aliénation, le travail est l’idéologie ou une fonction de crétinisation des masses (c’est un moyen de détourner les foules de leurs soucis quotidiens→ maintien publique ● fct grégaire, crée l’unité, la masse, la meute, l’esprit mouton Pour BROHM, le sport est un appareil idéologique d’Etat, il eut le capitalisme et la classe dominante Critique : la fct emblématique se voyait aussi avec les pays du bloc communiste BROMBERGER a fait des études sur le hooliganisme qu’il considère comme une manifestation politique pour revendiquer une place dans la société. 4. Les limites des analyses sportives du phénomène marxiste 1 limite : la nomenclature de Marx est uniquement basée sur les moyens de production mais cette opposition binaire ne tient pas selon TOCQUEVILLE. Il existe une mobilité sociale qui induit le principe du dominé qui veut monter en classe. 2ème limite : pour WEBER, il critique la définition des classes. Pour lui la classe sociale est une situation de classe « c’est la probabilité, la chance des individus de manifester des intérêts similaires » BOUDON mais il y a pas forcément de lien entre les individus d’une même classe. Le groupe de statut se sont les attentes qui sont liées à la position sociale Quels sont les processus qui font que tel groupe occupe telle position sociale ? BOURDIEU, esquisse d’une théorie de la pratique, 1972 « déceler les stratégies par lesquelles les agents des ≠ classes renouvellent les ≠ et les distinctions qui les séparent et les hiérarchisent » en ce sens, les classes sociales sont définis comme le lieu de détermination essentiellement des comportements, des models de perception et d’action de tous les agents sociaux. ère Le système sportif est alors considéré comme une pratique au service de la classe dominante soit une pratique exclusive de la classe dominante. Or le sport s’est diversifié récemment donc nouveau regard sur la pratique. 3. La distinction sociale des pratiques sportives et des goûts sportifs : le sport comme élément d’une culture de classe (sport = produit) (les classes sont plurielles et non binaires) « Etude des probabilités différentielles d’accès à tel ou tel sport » LAHIRE 1. Le sport n’est plus l’apanage d’une seule classe 2. Le sport est considéré comme un produit de socialisation. 1. Les concepts du structuralisme génétique (BOURDIEU) Les champs sociaux : univers social qui gravitent les uns par rapport aux autres. Un champ s’applique à un domaine. Il y a des luttes dans un champ. Ex : le champ scientifique. Chaque agent peut rentrer dans la lutte avec ses capitaux possédés. La lutte aura un impact pour l’ensemble du champ et pour lui personnellement. BOURDIEU = théorie holiste ≠ personnaliste Habitus : concept central du structuralisme génétique. Tout est conditionné par notre position sociale. Un habitus c’est « un système socialement constitué de disposition, c'est-à-dire de schèmes de perception et d’action structurés et structurant à qui par la pratique est constamment orienté vers des fins pratiques » Structuré : intégration du social dans l’individuel, le social s’impose à nous et organise nos manières de vivre malgré nos choix (déterminisme social) Structurante : organise nos choix de pratiques, goûts, choix futurs… L’habitus est issu d’après BOURDIEU de la socialisation primaire (éducation familiale) et la famille joue un rôle dans nos futurs goûts. La reproduction sociale : si j’hérite, moi-même je vais transmettre ces mêmes habitus. Donc la société est considérée alors comme stable. Les capitaux : dépendent de la position sociale. C’est l’ensemble des ressources qu’il a et qui conditionne l’accès à différentes pratiques (physiques, professionnelles, scientifiques) - capital économique (revenu + patrimoine) Pour les hommes, le capital éco agit en temps que conditionneur pour la pratique sportive mais pas chez les femmes. - capital culturel (diplôme + patrimoine culturel et activités culturelles, lectures, théâtre…) - capital social (le réseau de relation) la pratique sportive est assez conviviale, donc personnes isolés auront tendances à moins pratiquer. + rôle du parrainage. Résumé : Habitus agit comme conditionnement de goût (sportif notamment) conditionneur d’accès (possibilité de choix) → détermine les pratiques sportives. Habitus est issu de la socialisation primaire, il n’y a pas bcp de marge. 2. L’Espace de Positions Sociales (E.P.S) de BOURDIEU et de SAINT MARTIN « anatomie du goût » ARSS n°5, 1076 Volume + X prof d’EPS Capital économique – Capital culturel + Capital économique + Capital culturel Volume - 3. Le système des sports de C. POCIELLO « Existe-t-il une distribution sociale des pratiques sportives ? » Sports et Sciences Sociales, 1999 Il existe des luttes à l’intérieur du champ sportif pour définir la pratique sportive légitime. Les capitaux agissent sur notre investissement sportif. L’habitus agit sur l’hexis corporelle (manière du rapport au corps) qui conditionne la pratique. C’est autour de ces questions que se noue la problématique de la distribution sociale des pratiques, en effet les sports se constituent en système en se distribuant régulièrement dans l’espace. Ce rapport d’affinité s’établi à un moment donné de l’histoire entre certains types de sports et certains groupes sociaux. Quelles sont les affinités ? Sont-elles définitives ? Qui pratique quel sport ? Ex : pour le rugby, le recrutement est hétérogène mais présence d’un noyau dur légèrement à droite. Ce noyau dur positionne la valeur sociale de l’APSA. C’est la valeur symbolique Limites : - cette analyse est variable avec le temps - cette une analyse quantitative et oubli bcp de pratiquants - cette une analyse descriptive 4. Sportifs « glisseurs » sportifs « rugueux » : des dispositions et aspirations différentes et évolutives. Comment se crée cette disposition sociale des sports et pourquoi le système des sports n’est pas figé. Qu’est-ce qui agit comme frein ou moteur d’accès à la pratique ? POCIELLO montre que l’apparition d’une nouvelle valeur dans une pratique attire des gens différents qui ont ces valeurs dans leurs habitus. Chacun investit dans sa pratique ce qui constitue ses habitus. Le système des sports évolue. [ B. LAHIRE, « Disposition et pratique sportive, débat actuel dans sociologie du sport » 2004 L’étude des dispositions sociales familièrement constituées permet de comprendre les plus grandes affinités sociales entre des groupes sociaux et des activités corporelles ou sportives singulières, de rendre raison de la distribution socialement différencié des ≠ sports. ] 4. La distribution sociale des modalités sportives ou des fonctions : les styles de pratiques comme éléments de groupe sociaux « étude des manières différenciées de s’approprier le même sport » 1. La segmentation d’une pratique en modalités différentes : analyse sociopraxique de LAPIERRE et POCIELLO LAHIRE « comprendre comment les ≠ catégories de pratiquants s’approprient l’activité en question, ce qu’il y investissent différentiellement » LAPIERRE a réalisé une analyse sur la pratique du canoë. Qui sont les pratiquants ? Quelles sont les caractéristiques sociodémographiques qui agissent comme filtre d’accès. 3 types de pratiquants (touristes, puristes, compétiteurs). On peut alors distinguer des variables dépendantes et indépendantes (discriminative) en fonction du sport. Ces analyses témoignent d’une double hétérogénéité à l’intérieur d’un sport et l’hétérogénéité des modalités de pratique. 2. La division sociale et technique des tâches au sein d’un même sport : une reproduction de la division sociale du travail. POCIELLO Analyse sur la pratique historique du rugby. Deux pratiques ≠ : le gentleman plutôt aisé, technique et l’ouvrier avec le rugby de contact par réaction (1920) Recrutement différencié, trois types de rugby (de décision, de tranché, de panache) Le recrutement des tâches se fait en fct du recrutement social différencié. La division renvoi à la division des habitus sociaux. LAHIRE « Chaque sport n’enferme jamais en lui-même une série de signification ou de propriétés culturelles mais il est susceptible de faire l’objet d’appropriation multiple socialement différencié selon le sexe, la classe sociale, l’âge… » 3. La confirmation spatiale de la distribution sociale des modalités de pratique : un marché sportif séparé. WASER ex : on croyait le tennis élitiste mais il s’est diffusé en masse en touchant d’autres catégories sociales. Massification = démocratisation ? Cette apparente démocratisation par ouverture du recrutement social a-t-elle annulée les discriminations ? On peut remarquer 3 types de clubs, le club universitaire (la sociabilité est aléatoire et occasionnel), chique (la sociabilité est intéressé, avec le même capital pour confirmer son statut) et intermédiaire (sociabilité sportive plutôt familial, stable et maîtrisé). Le processus de différenciation sociale agit sur les modalités de pratique et sur les lieux de pratiques. 5. Un recrutement social évolutif : le rôle des contextes socioculturels dans l’accès du sport 1. Une histoire socioculturelle du recrutement social d’une pratique DEFRANCE, étude sur les courses à pied de villes. Comment comprendre les nouvelles modalités de pratiques qui apparaissent dans un sport et les nouveaux pratiquants ?