seance n° 4 - les vices du consentement(2)

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seance n° 4 - les vices du consentement(2)
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Fiche à jour au 29 novembre 2011
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Matière : Droit des obligations
Auteurs : Jézabel JANNOT, actualisé par Clément DUREZ
SEEAANNCCEE NN° 4 - LES VICES DU
CONSENTEMENT(2) : LLEE DDO
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I. LA NOTION DE DOL
4 Civ.3ème, 21 février 2001
4 II. ELEMENTS CONSTITUTIFS
5 A. ELEMENT MATERIEL
5 Civ.1ère, 3 mai 2000
6 Civ.3ème, 15 novembre 2000
7 Civ.3ème, 17 janvier 2007
8 B. ELEMENT INTENTIONNEL
8 Com., 14 novembre 1995 :
8 Civ.3ème, 29 novembre 2000
10 III. CARACTERES DU DOL
A. CARACTERE DETERMINANT
Date de création du document : année universitaire 2010/2011
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11 11 2
Civ.1ère, 29 avril 1997
11 B. LE DOL DOIT EMANER DU COCONTRACTANT
II. IV. LA SANCTION DU DOL :
12 Civ.1ère, 28 mai 2008
04/01/2012 - 2:37
12 12 2Les vices du consentement, le dol.doc
2/13
3
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contrat).
4
I.
La notion de dol
Aux termes de l’article 1116 du Code civil, « le dol est une cause de
nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des
parties sont telles qu’il est évident que sans ses manœuvres l’autre partie
n’aurait pas contracté ».
Il serait possible de se demander si le dol ne fait pas double emploi avec
l’erreur, mais le dol est une erreur provoquée, alors que l’erreur
envisagée par l’article 1110 du Code civil est une erreur spontanée. Par
ailleurs, les conditions de mise en œuvre de ces deux vices ne sont pas
les mêmes, et certaines catégories d’erreurs comme l’erreur sur les
motifs personnels, l’erreur sur la valeur ou l’erreur inexcusable qui ne
permettent pas l’annulation du contrat sur le fondement de l’article 1110
du Code civil peuvent être prises en considération si elles ont été
provoquées par dol.
Ainsi la Cour de cassation a pu considérer, dans l’arrêt ci-dessous
reproduit, que « la réticence dolosive si elle est établie, rend toujours
excusable l’erreur provoquée ».
Civ.3ème, 21 février 2001
Demandeurs à la cassation : M. Lucien Plessis
Défendeurs à la cassation : M. Jean-Luc Errera et autres
et
autre
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que la demande en première instance tendait à
l'annulation des cessions, la cour d'appel a exactement retenu que les
demandes nouvelles en appel et tendant à la réduction du prix et
subsidiairement à l'allocation de dommages-intérêts n'étaient pas
virtuellement comprises dans la demande soumise aux premiers juges et ne
tendaient pas aux mêmes fins ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1116 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix, 20 mai 1998), que, suivant deux actes,
reçus par M. Gas, notaire, les 26 mai et 6 juillet 1989, la société civile
immobilière Errera (SCI) a vendu un immeuble à usage d'hôtel à M. Plessis
et la société Hôtel Le Galliéni (société) le fonds de commerce exploité dans
cet immeuble au même acquéreur ; qu'une précédente décision ayant
accueilli la demande de la SCI et de la société en réitération des cessions,
M. Plessis les a assignées en annulation des ventes pour dol ; qu'il a
également demandé la condamnation de M. Gas à lui payer des dommagesintérêts ; qu'en appel M. Plessis a maintenu sa prétention à titre subsidiaire et
demandé à titre principal la réduction du prix et subsidiairement l'allocation
de dommages-intérêts ;
Attendu que pour débouter M. Plessis de sa demande en annulation pour dol,
l'arrêt retient que les conditions d'une telle annulation ne sont pas réunies
5
quant aux griefs avancés par M. Plessis en raison du caractère inexcusable de
l'erreur dont il soutient avoir été victime, l'ignorance de l'exploitation sans
autorisation d'ouverture et non-conformité aux règles de sécurité n'étant pas
admissible de sa part alors qu'il avait une obligation particulière de se
renseigner compte tenu du caractère professionnel de l'opération et que des
vérifications élémentaires auprès des cédants lui auraient révélé l'exacte
situation administrative de l'établissement ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne permettent pas d'exclure
l'existence d'une réticence dolosive et alors qu'une telle réticence dolosive, à
la supposer établie, rend toujours excusable l'erreur provoquée, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. Plessis de sa demande dirigée contre le
notaire, l'arrêt relève que M. Gas n'est intervenu qu'après la conclusion des
cessions qui liaient de manière définitive les parties par la signature d'un
accord du 26 mai 1989 et que la convention du 6 juillet 1989, rédigée par
M. Gas, n'a eu aucune incidence sur la conclusion des cessions déjà
définitives ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le notaire qui participe à la rédaction d'actes de
vente est tenu d'un devoir de conseil destiné à assurer la validité et l'efficacité
des actes auxquels il a apporté son concours, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables comme
nouvelles en appel les demandes en réduction du prix des cessions et
subsidiaires en indemnisation formées, sur les divers fondements entrepris,
par M. Plessis en substitution, au principal, de sa demande initiale, l'arrêt
rendu le 20 mai 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-enProvence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans
l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie
devant la cour d'appel de Nîmes ;
Par rapport à l’erreur le dol est souvent plus facile à prouver car on est
fréquemment en présence de comportements matériels. Il n’est pas alors
nécessaire de scruter la psychologie de l’errans.
Un peu comme en matière d’infractions pénales, il y a dol lorsque sont
réunis certains éléments constitutifs (A), mais par ailleurs, le dol doit
revêtir certains caractères (B) pour pouvoir permettre l’annulation du
contrat.
II. Eléments constitutifs
A. Elément matériel
L’article 1116 du Code civil ne vise que les « manœuvres » de l’une des
parties, mais la jurisprudence a interprété de manière extensive ce texte,
et a ajouté aux manœuvres stricto sensu (actes positifs visant à tromper
6
le cocontractant), le mensonge (fausse affirmation d’une partie sur un
élément du contrat) et la réticence dolosive.
Une distinction peut être faîte entre bon (dolus bonus) et mauvais dol
(dolus malus), le bon dol étant constitué par l’habileté permise dans la
vie des affaires comme l’exagération dans un but publicitaire des qualités
d’un produit, alors que le mauvais dol va au-delà de cette simple
exagération. Mais à l’heure actuelle, notamment en raison du
développement du droit de la consommation, il n’est pas certain que
cette distinction perdure, et que l’on continue à admettre le bon dol du
cocontractant.
Actuellement, c’est la réticence dolosive qui peut se définir comme
« l’abstention de l’auteur du dol sur un élément d’information, visant à
tromper le cocontractant », qui semble susciter le plus d’hésitations en
jurisprudence. A la question de savoir si l’acheteur commet une réticence
dolosive en n’informant pas son vendeur de la valeur exacte de la chose
vendue, la première chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt
« Baldus », inséré ci-après, a répondu par la négative. Il n’y a pas de
réticence dolosive, car la Haute cour rattache cette forme de dol à
l’existence d’une obligation d’information. Or elle énonce dans cet arrêt,
qu’aucune obligation d’information ne pèse sur l’acheteur et qu’en
conséquence, il n’y a donc pas de réticence dolosive.
Civ.1ère, 3 mai 2000
LA COUR - (... )Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
• Vu l'article 1116 du Code civil ;
• Attendu qu'en 1986, Mme Boucher a vendu aux enchères publiques
cinquante photographies de Baldus au prix de 1000F chacune ; qu'en 1989,
elle a retrouvé l'acquéreur, M Clin, et lui a vendu successivement trente-cinq
photographies, puis cinquante autres photographies de Baldus, - au même
prix qu'elle avait fixé ; que l'information pénale du chef d'escroquerie,
ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile de Mme Boucher, qui
avait appris que M. Baldus était un photographe de très grande notoriété, a
été close par une ordonnance de non-lieu ; que M™ Boucher a alors assigné
son acheteur en nullité des ventes pour dol ;
• Attendu que pour condamner M. Clin à payer à Mme Boucher la somme de
1915 000 F représentant la restitution en valeur des photographies vendues
lors des ventes de gré à gré de 1989, après déduction du prix de vente de 85
000 F encaissé par Mme Boucher, l'arrêt attaqué, après avoir relevé qu'avant
de conclure avec Mme Boucher les ventes de 1989, M. Clin avait déjà vendu
des photographies de Baldus qu'il avait achetées Aux enchères publiques à
des prix sans rapport avec leur prix d'achat, retient qu'il savait donc qu'en
achetant de nouvelles photographies au prix de 1000 F l'unité, il contractait à
un prix dérisoire par rapport à la valeur des clichés sur le marché de l'art,
manquant ainsi à l'obligation de contracter de bonne foi qui pèse sur tout
contractant et que, par sa réticence à lui faire connaître la valeur exacte des
photographies, M. Clin a incité M™ Boucher à conclure une vente qu'elle
n'aurait pas envisagée dans ces conditions
• Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune obligation d'information ne
pesait sur l'acheteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Par ces motifs :
7
• Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre
1997, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en
conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens
(...).
Cette jurisprudence a pu être critiquée par certains auteurs1, car elle met
de côté l’obligation de contracter de bonne foi qui pèse normalement sur
tout contractant (cf, art. 1134 al.3 C.civ.). Nous sommes là en réalité en
présence de deux conceptions différentes du dol.
Une conception objective, retenue par la Cour de cassation, qui relie la
réticence dolosive à l’obligation d’information dont elle n’est que la
conséquence, et une conception subjective, où l’accent est mis sur la
démonstration de la mauvaise foi de la future partie qui a gardé le silence
dans l’intention de tromper (position de la cour d’appel dans l’arrêt
Baldus). A une plus grande échelle, il s’agit même de deux conceptions
différentes des relations contractuelles, une individualiste et l’autre
fondée sur la loyauté, la bonne foi, le « solidarisme contractuel » ou
encore la « fraternité contractuelle ».
Par le passé, la jurisprudence avait pourtant pu retenir une réticence
dolosive d’un acquéreur en certaines hypothèses (voir, ainsi, 3e civ., 27
mars 1991)2 et récemment, la Cour de cassation a semblé vouloir se
rapprocher d’une conception plus traditionnelle du dol en sanctionnant la
réticence dolosive d’un acquéreur dont la mauvaise foi était manifeste
dans un arrêt rendu le 15 novembre 20003. Mais dans cet arrêt les
circonstances étaient tout à fait particulières, ce qui incite à ne pas le
considérer comme un revirement de jurisprudence.
Civ.3ème, 15 novembre 2000
(…)
Il ne peut être fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé la nullité de la
vente d’un terrain pour vice de consentement du vendeur ; en effet, ayant
relevé que les vendeurs ignoraient la qualité du sous-sol de leurs terres, que
l’acte de vente avait été signé sans que l’acquéreur ne révèle pour le compte
de qui il contractait, que le fait qu’une clause de substitution ait été prévue ne
pouvait justifier que la société, acquéreur effectif, se soit dissimulé derrière
un prête-nom, son propre directeur général, alors qu’elle avait connaissance
de la richesse de la composition du sol, qu’elle s’était tue, jusqu’à la
signature du compromis, sur son projet d’expropriation, maintenant ses
cocontractants dans l’ignorance et que le projet d’acte authentique qu’elle
entendait soumettre aux vendeurs stipulait que l’immeuble était pour partie à
l’habitation et le surplus à usage agricole, la cour d’appel a pu déduire que le
dol était constitué (pourvoi n°99-11.203 P+B c/CA Rennes, 1ere civ., sect.A,
8 déc.1998).
1
Voir la note sous cet arrêt de C. Jamin, JCP 2001, II, 10510, ainsi que celle de D. Mazeaud, Defresnois 2000,
pages 1110 et s, qui parle d’une « amère défaite de l’obligation de contracter de bonne foi ».
2
Cf ; 3e civ., 27 mars 1991, Bull.civ.III, n°108 ; Com. 27 février 1996, Bull.civ. IV, n°65.
3 e
3 civ, 15 novembre 2000, Bull.civ. III, n°171, Defresnois 2001, 242, note E. Savaux. Arrêt inséré dans la fiche
de TD virtuelle.
8
Il est donc possible de dire qu’une certaine appréciation de la mauvaise
foi de l’acheteur a peut-être été réintroduite en matière de dol par cet
arrêt. Néanmoins il ne peut être considéré comme un revirement de
jurisprudence d’autant que la Cour de cassation a depuis eu l’occasion de
réitérer sa position de l’arrêt Baldus :
Civ.3ème, 17 janvier 2007
Sur le moyen unique :
Vu l’article 1116 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2005), que M. X...,
marchand de biens, bénéficiaire de promesses de vente que M. Y... lui avait
consenties sur sa maison, l’a assigné en réalisation de la vente après avoir
levé l’option et lui avoir fait sommation de passer l’acte ;
Attendu que pour prononcer la nullité des promesses de vente, l’arrêt retient
que le fait pour M. X... de ne pas avoir révélé à M. Y... l’information
essentielle sur le prix de l’immeuble qu’il détenait en sa qualité d’agent
immobilier et de marchand de biens, tandis que M. Y..., agriculteur devenu
manoeuvre, marié à une épouse en incapacité totale de travail, ne pouvait luimême connaître la valeur de son pavillon, constituait un manquement au
devoir de loyauté qui s’imposait à tout contractant et caractérisait une
réticence dolosive déterminante du consentement de M. Y..., au sens de
l’article 1116 du code civil ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’acquéreur, même professionnel, n’est pas
tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du
bien acquis, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions,
l’arrêt rendu le 27 octobre 2005, entre les parties, par la cour d’appel de
Paris.
B. Elément intentionnel
A la différence de l’erreur, le dol suppose la volonté de tromper. S’il
s’agit d’agissements positifs, l’intention sera le plus souvent déduite des
actes positifs. La situation est plus délicate en matière de réticence
dolosive, ce qu’illustrent les arrêts ci-après reproduits : la
jurisprudence a parfois pu déduire la volonté de tromper du simple
manquement du cocontractant à son obligation d’information4 .
Com., 14 novembre 1995 :
LA COUR; - (...) Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches:
4
Cf. en matière de cautionnement ; civ.1ère, 10 mai 1989, D. 1990, somm. page 385. Contra ; civ.1ère, 13 février
1996, Bull.civ. I, n°78.
9
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt
attaqué (CA Grenoble,
3juin 1992) que les époux Touloumian ont cédé leur fonds de commerce aux
époux Vignon; que les époux Dikici, propriétaires des murs, contestant le fait
que les cédants aient été titulaires d'un droit au bail sur le local en cause, se
sont opposés à l'installation des époux Vignon, lesquels ont alors abandonné
les lieux et assigné les époux Touloumian en résolution de la vente;
Attendu que les époux Touloumian reprochent à l'arrêt d'avoir prononcé
l'annulation de la vente du fonds litigieux, alors, selon le pourvoi, d'une part,
qu'en vertu de l'article 1116 du Code civil, l'intention de tromper est un
élément nécessaire du dol; que par suite, en retenant l'existence d'un dol
après s'être bornée à énoncer que les époux Touloumian ne rapportent pas la
preuve de ce qu'ils ont informé leurs acquéreurs du litige intéressant le droit
au bail sans rechercher si le défaut d'information éventuel imputable aux
vendeurs avait été fait intentionnellement dans le but de tromper les
acquéreurs, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de
l'article 1116 du Code civil; alors d'autre part, qu'il résulte des dispositions de
l'article 1er, alinéa2, de la loi du 17mars 1909 que seule la clientèle est un
élément essentiel du fonds de commerce, le droit au bail ne présentant pas ce
caractère; que par suite, en qualifiant le droit au bail d'élément essentiel du
fonds de commerce, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1er,
alinéa2, de la loi du 17mars 1909; alors de surcroît, que l'article 1603 du
Code civil met à la charge du vendeur deux obligations essentielles: délivrer
et garantir; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les vendeurs
avaient satisfait à leurs obligations de délivrance et de garantie; qu'en
refusant néanmoins de faire produire effet à l'acte de cession du fonds de
commerce intervenu entre les époux Touloumian et les époux Vignon, la
cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres
constatations et violé par refus d'application les dispositions de l'article 1603
du Code civil; et alors, enfin, qu'en omettant de réfuter le motif des premiers
juges selon lequel les époux Touloumian "ne peuvent être tenus pour
responsables du litige opposant les époux Vignon aux époux Dikici", la cour
d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Nouveau Code de
procédure civile;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en énonçant que le droit au bail était un
"élément essentiel du fonds de commerce vendu par les époux Touloumian",
la cour d'appel n'a fait qu'apprécier concrètement l'importance que revêtait,
en l'espèce, le droit au bail dans l'ensemble des éléments composant le fonds
cédé; qu'ainsi l'arrêt n'encourt pas le grief formulé par la deuxième branche
du moyen; Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que les époux
Touloumian n'avaient pas informé les époux Vignon du litige qui les
opposait aux propriétaires des lieux concernant l'existence même du droit au
bail, élément essentiel du fonds cédé, l'arrêt a fait ressortir que cette réticence
constituait une manœuvre des vendeurs sans laquelle les acquéreurs
n'auraient pas contracté; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'était pas tenue de
réfuter expressément un motif inopérant du jugement entrepris, a légalement
justifié sa décision;
Attendu, en troisième lieu, qu'ayant prononcé l'annulation de la vente
litigieuse, la cour d'appel n'avait pas à examiner les conditions de sa
résolution;
D'où il suit que le moyen, qui critique des motifs surabondants de l'arrêt en
sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus.
Par ces motifs:
Rejette le pourvoi; (...).
10
Civ.3ème, 29 novembre 2000
Sur les premier et second moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juin 1998), que par acte authentique du
20 mars 1990, M. Vial a vendu aux époux Halleux, les lots 19, 20, 21 et 22,
réunis en un appartement, dépendant d'un immeuble en copropriété ; que par
arrêté du 15 septembre 1992, le préfet de région a mis en demeure les époux
Halleux d'observer l'interdiction d'habiter prononcée par arrêtés préfectoraux
en date des 18 avril 1962, 7 avril 1972 et 27 février 1985 pour la chambre
située au 5e étage ; que reprochant à leur vendeur de ne pas les avoir
informés de cette interdiction et d'avoir tout au contraire déclaré dans l'acte
de vente qu'il n'existait "aucun obstacle, ni aucune restriction d'ordre légal ou
contractuel à la libre disposition du bien vendu" les époux Halleux ont
assigné M. Vial, le 6 décembre 1994, en nullité de la vente, restitution du
prix et paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que M. Vial fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes de ces
derniers, alors, selon le moyen :
1°/ que le vice caché s'entend de l'impropriété de la chose vendue à sa
destination normale et qu'en présence d'un tel vice, l'action en garantie des
vices cachés est le fondement unique et exclusif ouvert aux acquéreurs ; que
l'existence d'un arrêté d'interdiction d'habiter dont les acquéreurs n'auraient
pas eu connaissance est constitutive d'un vice caché ; qu'en prononçant dès
lors l'annulation de la vente intervenue entre M. Vial et les époux Halleux
sur le fondement du dol au motif que M. Vial aurait dissimulé aux
acquéreurs l'existence d'un arrêté d'interdiction d'habiter, quand une telle
circonstance ne pouvait caractériser qu'un vice caché du bien vendu, ce qui
interdisait aux acquéreurs d'agir sur le fondement d'un prétendu vice du
consentement, la cour d'appel a violé de façon flagrante l'article 1641 du
Code Civil ;
2°/ qu'en se bornant à considérer que l'action en nullité fondée sur le dol
n'est pas soumise au bref délai de l'article 1648 sans examiner, comme il le
lui était demandé, si les circonstances alléguées par les époux Halleux
n'étaient pas en réalité constitutives d'un vice caché et non d'un vice du
consentement de telle sorte que l'action intentée par ces derniers était
irrecevable faute d'avoir été exercée à bref délai, la cour d'appel a privé sa
décision de toute base légale au regard de l'article 1641 du Code Civil ;
3°/ que le vendeur non professionnel n'est tenu à une obligation
d'information que pour les éléments dont l'acquéreur ne pouvait lui-même
avoir connaissance ; qu'en jugeant que M. Vial avait commis un dol par
réticence sans rechercher, comme elle en avait le devoir, si les acquéreurs ne
devaient pas prendre eux-mêmes connaissance de la prétendue défense
d'habiter qui aurait concerné le bien cédé, et si leur prétendu vice du
consentement n'avait pas de toutes les façons pour origine la seule
négligence de ces acquéreurs, la cour d'appel a privé sa décision de toute
base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
4°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de M. Vial qui faisaient
valoir que par une clause du contrat de vente notarié les acquéreurs avaient
reconnu avoir connaissance du certificat d'urbanisme et faire leur affaire de
son contenu en renonçant à tout recours contre le vendeur sur le contenu des
documents d'urbanisme, la cour d'appel a entaché sa décision d'un flagrant
défaut de motifs et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure
civile ;
11
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que si M. Vial
avait cru pouvoir ignorer pour lui-même l'arrêté d'interdiction d'habiter, il ne
pouvait se croire de bonne foi autorisé à taire cette interdiction à ses
acquéreurs, à déclarer qu'il n'existait de son chef aucune restriction d'ordre
légal à la disposition du bien vendu, et à s'abriter derrière l'absence de
mention d'habitabilité dans le certificat d'urbanisme pour justifier sa fausse
déclaration, ce certificat concernant l'immeuble dans son entier et non chacun
des lots privatifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une
recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu, répondant aux
conclusions, retenir que l'absence de déclaration par le vendeur d'une telle
situation était constitutive d'une réticence dolosive de nature à vicier le
consentement de ses acquéreurs et que l'action n'était pas soumise au bref
délai de l'article 1648 du Code civil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
III. Caractères du dol
A. Caractère déterminant
Le dol n’est pris en compte en tant que source de nullité de la convention
que s’il a déterminé le consentement de la victime. C’est ce caractère
déterminant, apprécié souverainement par les juges du fond comme
l’illustre l’arrêt ci-dessous, qu’évoque l’article 1116 du Code civil,
quand il dispose que « sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas
contracté ».
A partir de là, une distinction peut être opérée entre dol principal,
déterminant du consentement et entraînant la nullité du contrat et dol
incident, sans influence sur le consentement contractuel et dont la seule
sanction réside dans l’allocation de dommages-intérêts au profit de la
victime (sur le fondement de l’article 1382 C.civ.).
Cela a par ailleurs déjà été évoqué, toute erreur provoquée par dol, dès
lors qu’elle est déterminante du consentement peut être prise en compte
alors même qu’elle ne porte pas sur les qualités substantielles.
Civ.1ère, 29 avril 1997
LA COUR,
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. Periz a souscrit, le
8 août 1990, une police d’assurance automobile auprès de la compagnie Rhin
et Moselle ; que cette compagnie, soutenant que son consentement avait été
vicié par dol, a demandé l’annulation du contrat ; que l’arrêt attaqué
(Orléans, 14 février 1995) a accueilli cette demande ;
12
Attendu que, sous le couvert d’un grief non fondé de privation de base
légale, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine
faite par l’arrêt attaqué du caractère déterminant, sur le consentement de
l’assureur, des manœuvres dolosives pratiquées, lors de la souscription du
contrat par M. Periz, qui reconnaissait avoir fait de fausses déclarations à la
compagnie Rhin et Moselle et avoir falsifié un document qu’il lui avait
remis, afin d’obtenir un tarif préférentiel et de lui dissimuler qu’une police
souscrite antérieurement auprès d’un autre assureur avait été résiliée pour un
non paiement de primes ;
D’où il suit que le moyen est sans fondement ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE…
B. Le dol doit émaner du cocontractant
C’est l’une des particularités du dol par rapport aux vices du
consentement. Le dol du tiers est juste sanctionné par la responsabilité
civile (art. 1382 C.civ.)
Cette règle connaît toutefois des exceptions, en cas de dol du
représentant (mais ce n’est pas alors une véritable exception car celui-ci
n’agit pas en son nom), en cas de dol d’un complice, ou encore lorsqu’il
s’agit d’un acte unilatéral.
Le dol est sanctionné par la nullité relative du contrat, mais la nature de
délit civil du dol est par ailleurs source de responsabilité civile de
l’auteur du dol (art.1382 C.civ.). La victime peut choisir d’exercer l’une
ou l’autre de ces actions ou les deux à la fois.
II. IV. La sanction du dol :
Comme les autres vices du consentement le dol engendre la nullité
relative du contrat mais la victime peut également engager la
responsabilité délictuelle de l’auteur du dol :
Civ.1ère, 28 mai 2008
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que, par acte authentique du 24 janvier 2001, la SCI Audrey a acquis
de la SCI Le Parc des renardières un appartement situé en rez-de-chaussée et
pourvu d'un jardin privatif ayant vue sur un espace vert communal ; qu'ayant
appris que la commune de Courbevoie envisageait de construire un logement
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de gardien sur cet espace vert, la SCI Audrey a assigné son vendeur en
réduction du prix de vente en invoquant des manoeuvres dolosives ayant
consisté à lui dissimuler ce projet de construction occultant la vue de son
appartement ; que l'arrêt attaqué (Versailles, 19 janvier 2007) a condamné la
SCI Le Parc des renardières à payer à la SCI Audrey la somme de 15 000
euros à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que la SCI Le Parc des renardières fait grief à l'arrêt d'avoir dit
qu'elle avait commis un dol par réticence au détriment de la SCI Audrey ;
Attendu qu'ayant relevé que le silence gardé par le vendeur sur le projet de
local constituait des manœuvres dolosives dès lors que l'édification de ce
local, qui privait les acquéreurs d'une large perspective sur la zone verte
publique, constituait une donnée déterminante du consentement, telle que si
l'acquéreur l'avait connue, il n'aurait certainement pas donné le même prix du
bien à vendre, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande tendant à
l'annulation de la vente, a pu, sans avoir à se prononcer expressément sur le
caractère intentionnel de la réticence qu'elle constatait et qui s'analysait aussi
en un manquement à l'obligation précontractuelle d'information du vendeur,
allouer des dommages-intérêts à l'acquéreur en réparation de son préjudice ;
que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois dernières branches, et sur le second
moyen :
Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du
pourvoi ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

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