BELGIQUE • Très chères compagnies low cost

Transcription

BELGIQUE • Très chères compagnies low cost
BELGIQUE
• Très chères compagnies low cost
Quand Ryanair ouvre cinq nouvelles lignes depuis l’aéroport wallon de Charleroi, c’est
Strasbourg qui trinque et les contribuables qui paient. Enquête sur une compagnie dont
la venue se monnaie à coups de millions d’euros.
Début décembre, la compagnie à bas coût Ryanair ouvrait cinq nouvelles destinations au départ de
Charleroi : Bergerac, Perpignan, Limoges, Porto et Saragosse. Ce nouvel essor est aussi l’occasion
de rappeler que le transporteur irlandais a été récemment condamné à rembourser à la même
région wallonne 2,5 millions d’euros d’aides européennes indûment perçues. Toutefois, ces
nouvelles lignes sonnent le glas de tous les vols de la compagnie irlandaise vers LondresStanstead, ce qui pourrait peser lourd en termes d’emploi… notamment à Strasbourg, Londres
étant la seule destination de Ryanair au départ de l’aéroport d’Entzheim. L’Alsace voit donc
s’envoler l’oiseau irlandais au moment précis où la chambre régionale des comptes s’inquiétait des
sommes importantes versées au transporteur. Coïncidence ?
De plus en plus de voix s’élèvent, en Belgique comme en France, pour dénoncer la façon dont les
collectivités locales sont “contraintes” de dérouler le tapis rouge pour accueillir les vols de la
compagnie low cost sur les aéroports régionaux. Les exigences de Ryanair constituent, en effet,
une première dans le trafic aérien : des contrats de cinq ou dix ans résiliables unilatéralement par
la compagnie, sans préavis ni indemnité, par lesquels les collectivités locales s’engagent à la faire
bénéficier d’avantages financiers parfois vus comme des subventions déguisées. Le montage le
plus courant est le “plan média” : les aides obtenues étant converties en publicités sur les sites
web et autres espaces que possède Ryanair et valorisées (très cher) via sa filiale Airport Marketing
Services. L’exemple de l’aéroport de Strasbourg a été épinglé par la chambre régionale des
comptes de la Région Alsace ; un rapport cite une garantie contractuelle de 492 000 euros par an
concédée en 2002 par la chambre de commerce et d’industrie de Strasbourg à Ryanair pour chaque
nouvelle ligne journalière ouverte au départ de l’aéroport alsacien. Montant en contrepartie duquel
la compagnie s’engageait à réaliser un plan de promotion de l’Alsace et de Strasbourg sur son site
Internet et d’autres supports. Le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le plan
marketing offert par Ryanair ne couvrait pas ces montants et que les “aides” ainsi accordées sont
en réalité des “aides d’Etat”. Autrement dit, c’est le contribuable qui paie pour que les compagnies
low cost puissent rentabiliser leur activité tout en pratiquant un dumping sur les prix.
La libre concurrence, c’est surtout pour les autres !
A l’aéroport de Charleroi, on affirme que l’exploitation de l’infrastructure par Ryanair ne souffre
d’aucune distorsion de concurrence, un domaine “bien trop sensible” pour qu’on prenne le moindre
risque à cet égard, nous dit-on à la Sowaer (Société wallonne des aéroports). Reste que le plan
d’investissement de la Sowaer pour la période 2002-2020 à Charleroi s’élève à quelque 175
millions d’euros de fonds publics, au bénéfice presque exclusif de Ryanair. On note à cet égard
l’extrême difficulté qu’ont d’autres compagnies à ouvrir des lignes au départ de Charleroi, face aux
réticences actives de la compagnie irlandaise. Jusqu’ici, seule la compagnie hongroise Wizzair est
parvenue à s’y implanter, pour des destinations non couvertes par l’irlandais – qui se dit pourtant
grand défenseur de la libre concurrence… C’est que le business semble juteux : la stratégie qui
consiste à s’implanter sur des aéroports régionaux en utilisant l’argument du développement local
pour débloquer des aides a fait ses preuves. Mises bout à bout, ces subventions, sur lesquelles la
Commission européenne tente actuellement de légiférer, pèsent lourd dans les centaines de
millions d’euros de bénéfice net dégagés par l’entreprise.
Un rapport de la chambre régionale des comptes de Bretagne indique que la chambre de commerce
et d’industrie (CCI) de Saint-Malo a accordé à Ryanair, pour sa présence sur l’aéroport local
(Dinard), des avantages divers pour un montant de 658 000 euros pour 2003, 834 000 euros pour
2005 et 1,143 million d’euros pour 2005. Pour quel retour sur investissement ? L’aéroport reste
déficitaire et Ryanair n’emploie pas un seul salarié à Dinard. Les hôtesses au sol, les agents de
sécurité et les préposés aux bagages sont tous des salariés de la CCI. Il en va de même à
Charleroi, à cette différence près qu’avec quatre avions basés sur place un contingent permanent
d’une centaine de salariés de Ryanair travaille et vit dans la région. Nul doute que la France, où la
Cour des comptes s’intéresse de près à la question, s’apprête à connaître quelques réajustements
dans le financement des aéroports régionaux fréquentés par Ryanair.
Yves Kengen
Luxemburger Wort

Documents pareils