Corrigé devise de la République

Transcription

Corrigé devise de la République
Monique Langeraert
La devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » garde-telle un sens aujourd’hui ?
Ile-de-France – Centre interdépartemental de gestion – Première Couronne 2006
Spécialités administration générale et secteur sanitaire et social
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- Circonscrire le sujet
La formulation du sujet laisse entendre qu’il y a problème : la devise républicaine « garde-t-elle un sens »
malgré, ou en dépit de tout ce qui aujourd’hui semble s’opposer à ce qu’elle affirme ?
Face aux problèmes que rencontre notre société, pouvons-nous encore nous réclamer de ces valeurs de «
liberté, égalité, fraternité » ou avons-nous renoncé à les mettre en œuvre ? Le sujet conduit donc à
s’interroger sur la devise républicaine et les valeurs qu’elle affirme, sous ses trois aspects. Ces valeurs
sont-elles devenues désuètes, inadaptées aux réalités de notre époque, trop idéales ?
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- Trouver la problématique
La réponse à une telle question peut difficilement être « non », ce qui fermerait toute perspective politique.
La problématique doit le plus possible rester constructive et positive, mais ne doit pas pour autant esquiver
le problème.
C’est donc un sujet qui doit d’abord évoquer les divers aspects de notre société qui ne respectent pas ces
valeurs républicaines, les atteintes aux libertés, à l’égalité des droits, à la solidarité pour ensuite, dans un
deuxième temps, évoquer d’autres aspects qui permettent d’affirmer que cette devise reste une
revendication toujours d’actualité.
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- Rechercher des idées
Les trois valeurs républicaines doivent être distinctement interrogées
1 La devise républicaine date de la Révolution française de 1789. Face à un régime qui embastillait
arbitrairement, qui reconnaissait à certains des privilèges, qui abandonnait les pauvres à la mendicité, la
République a affirmé fortement des valeurs de liberté, d’égalité des droits et de solidarité nationale.
2 Inscrite aux frontons de nos édifices publics, elle est inscrite aussi dans la Constitution
3 Terrorisme, violences, insécurité ont convaincu les citoyens d’accepter des formes de contrôles,
vidéosurveillance, fouilles, pour garantir une plus grande sécurité
4 Les technologies, notamment l’informatique, permettent aujourd’hui aux employeurs, aux pouvoirs publics
de savoir de plus en plus de choses sur nous. Les puces électroniques, si commodes, ont une traçabilité qui
permet une surveillance qui peut empiéter sur la vie privée
5 Des organismes (CNIL) assurent une surveillance garantissant aux citoyens que les fichiers informatiques
ne se retrouveront pas publics et accessibles à tous, et notamment aux employeurs, banquiers, etc.
6 De nombreuses associations maintiennent vivant l’idéal républicain : droit au logement, les restau du
cœur, celles qui font du « testing »
7 Les reportages effectués lors des émeutes de banlieues ont montré une fois de plus que l’égalité n’était
pas une évidence pour ceux qui se retrouvent exclus du logement, du travail, des loisirs, pour une question
de couleur de peau ou de religion
8 La liberté d’aller et venir en sécurité n’est pas une réalité pour ceux qui habitent certains quartiers, pas
plus qu’elle n’est une réalité pour ceux qui sont systématiquement contrôlés dans ces mêmes quartiers
9 CMU, APA : autant de mesures votées quasi unanimement par nos parlementaires et qui soulignent
l’attachement des français à une solidarité nationale
10 Certains français ont voté non au référendum européen de 2005, estimant que les valeurs de solidarité
n’étaient pas suffisamment garanties dans le projet constitutionnel proposé.
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11 Certains estiment que le principe d’égalité maintient les inégalités et préfèrent parler d’équité; rompant
avec le principe d’égalité, ils prônent des discriminations positives pour lutter contre les inégalités, la notion
d’équité apparaît alors plus efficace que l’égalité stricte.
12 L’école républicaine est souvent accusée de ne plus assurer l’égalité des chances
13 Renoncer à un jour férié pour les personnes âgées n’a pas suscité un réel enthousiasme dans la
population. Même si cette mesure peut sembler discutable, cette attitude souligne que renoncer à certains
avantages acquis semble difficile, même quand cela apparaît nécessaire
14 Des élus refusent d’appliquer la loi SRU et de construire du logement social, évoquant leur électorat qui
ne le souhaite pas. Les intérêts des uns, qui trouvent leur place dans la société, modestement parfois,
s’opposent à ceux des exclus, rejetés et ghettoïsés
15 L’égalité homme/femme est loin d’être une réalité
16 Les contraintes budgétaires, la pression des marchés économiques conduisent à des comportements
individualistes, dans une société de consommation dont chacun aspire à profiter, où il est difficile de
renoncer à ce qu’elle offre, dans une certaine indifférence pour ceux qui en sont exclus, entraînant des
comportements soucieux de garder la misère à distance (« Not in my backyard » : pas dans mon jardin)
17 La loi SRU, la loi sur les retraites, le plan de cohésion social : autant de mesures qui maintiennent un
souci de solidarité nationale
18 Le mouvement des jeunes contre le CPE exprime un souci de solidarité nationale face à une mesure qui
renforçait la précarité d’une fraction de la population
19 ZEP, discrimination positive contribuent à atténuer les inégalités
4
- Etablir un plan
Intro : 1 2
1 – Les valeurs républicaines fondatrices sont parfois « oubliées »
3 4 7 8 11 12 13 14 15 16
Liberté 3 4 8, égalité 7 11 12 15, fraternité 13 14 16
2 – Les français semblent toutefois attachés à ces valeurs qui restent fondamentales
5 6 9 17 18 19
Liberté 5, égalité 6 18 19, fraternité 9 17
Conclusion : 10
5
- Rédiger
Introduction
Cadrage
historique
Actualité et
problématique
Annonce du
plan
La devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » date de la Révolution de 1789. Face
à un régime royaliste qui embastillait arbitrairement ses sujets, qui reconnaissait à
certains d’entre eux, les aristocrates, des privilèges et qui abandonnait les pauvres à la
mendicité et à l’Eglise, la République a affirmé fortement des valeurs de liberté pour
tous les citoyens, d’égalité des droits et de solidarité nationale.
Inscrite aux frontons de nos édifices publics mais aussi dans la Constitution, elle reste
la devise nationale affirmant une certaine spécificité française. Pourtant, certains
affirment que cette devise est devenue incantatoire, et que la réalité est loin de voir la
mise en œuvre chaque jour améliorée de valeurs républicaines aujourd’hui abandonnées
ou oubliées.
Une première partie évoquera d’abord les « défaillances » de notre devise républicaine,
mais une seconde montrera qu’elle reste cependant une référence vivante et constante
dans notre pays,
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partie 1
Annonce des
sous parties
Libertés
L’affaiblissement des valeurs républicaines peut effectivement être constaté
aujourd’hui, et cela pour des raisons diverses, concernant aussi bien les libertés, l’égalité
des droits et la solidarité nationale.
Face au développement du terrorisme et à la manifestation de diverses formes de
violences urbaines, les citoyens acceptent des formes de contrôle qui sont des atteintes
aux libertés (vidéosurveillance, fouilles…) pour bénéficier d’une plus grande sécurité.
Dans les aéroports, les grands magasins, des fouilles garantissent une plus grande
sécurité. En contrepartie, les citoyens sont observés, leurs sacs attentivement détaillés.
La législation autorise ces contrôles qui limitent les libertés individuelles.
Concernant la liberté d’aller et venir en sécurité, on doit constater qu’elle n’est pas une
réalité pour ceux qui habitent certains quartiers, pas plus qu’elle n’est une réalité pour
ceux qui sont systématiquement contrôlés dans ces mêmes quartiers.
Les technologies les plus modernes, notamment l’informatique, permettent par ailleurs
aujourd’hui aux employeurs, aux pouvoirs publics de savoir de plus en plus de choses sur
chacun d’entre nous. L’administration informatisée, les puces électroniques si commodes
mais laissant une trace, tout cela permet une surveillance qui peut parfois empiéter sur
la vie privée, l’administration disposant désormais de fichiers facilement communicables.
Egalité
L’égalité des droits n’apparaît pas non plus toujours effective. Les reportages effectués
lors des émeutes de banlieues ont montré une fois de plus que cette égalité n’était pas
une évidence pour ceux qui se retrouvent exclus du logement, du travail, des loisirs, pour
une question de couleur de peau ou de religion. Ils rencontrent des difficultés que
d’autres ne rencontrent pas, et l’injustice est parfois flagrante pour ceux qui se
heurtent au racisme, à diverses formes de discrimination qui ne leur permettent pas de
s’intégrer avec les mêmes chances dans la société.
L’école n’apparaît plus comme permettant, à travers dispositif qui devait le garantir
(avec la gratuité ou le collège unique, notamment) une égalité des chances. Le territoire
que l’on habite, les moyens financiers ou culturels des parents jouent un rôle de plus en
plus visible dans la réussite scolaire, universitaire et sociale. Plusieurs sociologues ont
analysé ces mécanismes d’exclusion qui signalent des disfonctionnements majeurs dans
un système scolaire qui prétend toujours donner à tous les mêmes chances.
Certains estiment d’ailleurs que le principe d’égalité maintient les inégalités et préfèrent
parler d’équité; rompant avec le principe d’égalité. Pour lutter contre les inégalités, la
notion d’équité apparaît alors plus efficace que l’égalité stricte.
Enfin, l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ne progressent guère : à la
maison, dans le monde du travail ou en politique, les droits affirmés restent souvent
lettre morte et les inégalités perdurent en ce qui concernent le salaire, l’accès aux
responsabilités dans le public comme dans le privé, et la représentativité nationale reste
massivement masculine.
Fraternité
Enfin, la fraternité, qui se traduit par des formes de solidarité, apparaît parfois peu
généreuse. Les mesures prises pour lutter contre les inégalités sociales ne rencontrent
pas toujours un franc succès dans la population : renoncer à un jour férié pour les
personnes âgées n’a pas suscité un réel enthousiasme. Même si cette mesure peut
sembler discutable dans la mesure où elle ne touche que les salaires et non l’ensemble
des revenus, cette attitude souligne que renoncer à certains avantages acquis semble
difficile, même quand cela apparaît nécessaire pour lutter contre des inégalités.
Quand la loi Solidarité et Renouvellement Urbain puis la loi Borloo tentent de lutter
contre les inégalités territoriales, certains élus refusent de les appliquer et de
construire du logement social, évoquant leur électorat qui ne le souhaite pas. Les
intérêts des uns, qui trouvent leur place dans la société, même modestement parfois,
s’opposent à ceux des exclus, rejetés et ghettoïsés.
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transition
partie 2
Plus généralement, les contraintes budgétaires, la pression des marchés économiques
conduisent à des comportements individualistes, dans une société de consommation dont
chacun aspire à profiter. Il est difficile de renoncer même partiellement à ce qu’elle
offre, et une certaine indifférence s’exprime pour ceux qui en sont exclus. Certains ne
cherchent qu’à préserver leur situation, soucieux de garder la misère à distance. La
formule NIMBY (« Not In My BackYard » : pas dans mon jardin) exprime bien cette
forme d’indifférence : si les droits au logement, aux soins, à la pratique religieuse de
chacun ne sont pas contestés, on ne veut pas qu’ils s’exercent en modifiant les quartiers
privilégiés. Des logements sociaux, des mosquées ne trouvent ainsi pas de terrains pour
être construits, et des centres sociaux (pour drogués, par exemple) trouvent
difficilement un espace à louer.
On ne peut donc nier l’affaiblissement aujourd’hui de nos valeurs républicaines dans une
société très différentes de celle des siècles précédents. Pour autant, on ne peut dire
que nos valeurs républicaines aient disparu. Elles persistent, tant au niveau des
institutions qu’au sein de la société civile, et parfois plus vivantes que jamais malgré les
difficultés rencontrées.
Libertés
Concernant les risques d’atteintes aux libertés qu’entraînent les nouvelles technologies,
des dispositions législatives encadrent l’usage que l’on peut faire des fichiers
informatiques. Un organisme (Commission Nationale Informatique et Libertés) assure
une surveillance garantissant aux citoyens que ces fichiers (commerciaux ou des
administrations) ne se retrouveront pas publics et accessibles à tous, et notamment aux
employeurs, banquiers, etc. Cette commission permet donc de garantir les libertés
individuelles, en limitant l’accès à certaines informations exclusivement dans certaines
conditions garanties par le juge (comme dans le cas de fichiers concernant les crimes
sexuels par exemple).
Ainsi la France, et l’Europe, n’ont pas accepté de communiquer aux compagnies
américaines qui le demandaient des renseignements sur les voyageurs à destination des
USA, soucieuse de ne pas transmettre des fichiers à un pays n’offrant pas certaines
garanties en matière de liberté depuis les attentats du 11 septembre.
Egalité
Concernant l’égalité des droits, des mesures ont également été décidées pour lutter
contre les inégalités des chances maintenues, voire amplifiées par le système scolaire.
Des formes de discriminations positives ont été mises en place qui visent à les atténuer.
Les Zones d’Education Prioritaire bénéficient de moyens supplémentaires pour
compenser les difficultés que rencontrent les établissements situés dans des quartiers
en difficultés. Des lycées prestigieux, l’Institut d’Etudes Politiques de Paris permettent
à quelques « bons » élèves de banlieues défavorisées de poursuivre leurs études dans de
bonnes conditions. Même limité, cet effort d’intégration contribue à corriger l’inégalité
des chances entre ceux qui sont nés dans de bonnes conditions et les autres.
Le curriculum vitae anonyme, que soutiennent certaines entreprises, cherche également
à lutter contre les discriminations à l’embauche qui touchent les minorités subissant le
racisme. Des associations, employant le « testing », contribuent à dénoncer des
pratiques discriminatoires dans la recherche de logement, ou dans les lieux de loisirs.
Les condamnations sont désormais de règle quand la preuve peut être établie
d’infractions à la loi. Elles tentent d’empêcher les entreprises ou les lieux de loisirs de
« sélectionner » leurs salariés ou leur publics.
Les zones franches, qui accordent des allègements fiscaux aux entreprises qui
s’installent dans des quartiers défavorisés, visent à améliorer l’accès à l’emploi pour les
populations qui y habitent.
Le mouvement des jeunes contre le CPE a exprimé de son côté un souci de maintenir un
droit du travail qui protège les salariés face à une mesure qui renforçait la précarité
d’une fraction de la population.
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Quant aux disparités constatées entre les hommes et les femmes, plusieurs mesures
sont prises pour rendre plus effective l’égalité des sexes au sein de la famille, dans le
monde du travail et dans la vie politique. La loi qui impose la parité homme/femme dans
les listes électorales en est l’exemple le plus net, même si les résultats n’ont pas été à la
mesure des attentes notamment en ce qui concerne les candidats aux élections
législatives où les femmes se retrouvent souvent suppléantes. Mais là où cela était plus
facile, notamment dans les assemblées territoriales, les femmes sont désormais de plus
en plus présentes. Les mesures sont plus difficiles à prendre concernant le monde du
travail, et encore davantage dans la vie privée des couples. Les politiques familiales
(crèches, congés parentaux) visent toutefois également à aider les femmes à pouvoir
mener une vie professionnelle à égalité avec les hommes.
Fraternité
De nombreux dispositifs, tels que la Couverture Maladie Universelle, l’Allocation
Personnalité d’Autonomie, le Revenu Minimum d’Activité sont autant de mesures votées
quasi unanimement ces dernières années par nos parlementaires et qui soulignent
l’attachement des français à une solidarité nationale
La loi SRU, le plan de cohésion social de Jean-Louis Borloo : autant de lois qui
maintiennent un souci de solidarité nationale indéniable en fixant des objectifs de
nature à lutter contre le chômage et les problèmes de logements des populations les plus
modestes. La loi sur les retraites qui maintient un système de retraite par répartition
marque également le désir de maintenir une solidarité nationale intergénérationnelle.
De nombreuses associations maintiennent vivant l’idéal républicain : Droit au logement,
soutenus par des personnalités comme le professeur Albert Jacquard, les Restau du
cœur lancés par Coluche et soutenus par le monde du spectacle : autant de signes qui
montrent que le souci de solidarité a toujours une résonance très forte dans notre pays.
Face aux mesures d’exclusion de certains enfants étrangers annoncées par le Ministre
de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, des associations se sont même prononcées pour une
désobéissance civile, prêtes à désobéir à la loi qu’ils estiment injuste.
Conclusion
Les valeurs républicaines semblent bien toujours à l’œuvre dans les choix politiques, ou
dans les manifestations de la société civile. Même si elles paraissent parfois remises en
cause partiellement, notre société reste attachée à des valeurs constitutives de notre
république et qui la caractérisent.
On peut enfin noter que certains français ont voté non au référendum européen de
2005, estimant que les valeurs de solidarité n’étaient pas suffisamment garanties dans
le projet constitutionnel proposé. Partagées par d’autres pays européens, les valeurs de
liberté, d’égalité et de fraternité semblent également constituer un socle commun à
l’Europe, même si des réflexes protectionnistes existent quand la concurrence joue et
menace des emplois.
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