Synthèse Circuits courts - GAL Saveurs et Patrimoine en Vrai Condroz
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Synthèse Circuits courts - GAL Saveurs et Patrimoine en Vrai Condroz
Etablir un circuit court innovant sur le territoire du GAL Saveurs et Patrimoine en Vrai Condroz Synthèse des expériences et bonnes pratiques 1 1. Introduction Depuis quelques années, on assiste à l’émergence chez les consommateurs d’un intérêt pour la notion de proximité, à tel point que les spécialistes en économie et en marketing s’intéressent au phénomène. Pour des raisons écologiques, identitaires, de sécurité alimentaire, les gens veulent savoir d’où viennent les produits qu’ils achètent. Les circuits classiques de distribution ne s’y sont pas trompés et étiquettent désormais l’origine des produits vendus, voire le mode de transport utilisé. Dans les grandes surfaces, le terroir, qu’il soit authentique ou pur produit de marketing, a le vent en poupe. Mais depuis toujours, le produit proche, authentique et savoureux se trouve avant tout chez le producteur. En Europe, les producteurs qui décident de se lancer eux-mêmes dans la mise en valeur et la vente de leur propre production se multiplient. Cette démarche devrait être appelée au succès puisqu’elle rencontre le désir légitime des consommateurs, répond aux impératifs écologiques et de traçabilité du moment et crée des emplois et une économie non délocalisables. Pourtant, les initiatives de valorisation des productions fermières par les agriculteurs eux-mêmes se heurtent partout en Europe aux mêmes obstacles. S’il paraît aujourd’hui évident que les difficultés de mise en place de circuits courts ne résident pas dans la recherche de débouchés et de clients (la demande est supérieure à l’offre), l’écueil serait plutôt la rencontre effective d’un produit et de son marché. Une autre difficulté au développement de la vente directe par les producteurs semble être la maîtrise des charges et des coûts engendrés par le surcroît de travail important et la logistique lourde que ces filières peuvent nécessiter. Pour les producteurs, le développement de l’activité ne peut donc plus s’envisager sans une rationalisation des investissements en temps, en travail et en argent. Ainsi, cette synthèse, fruit d’une revue de la bibliographie existante nourrie de visites et de rencontres avec des producteurs de Belgique et de France, est destinée à guider consommateurs et producteurs dans leurs choix et leurs réflexions sur base d’une analyse et d’un inventaire des différentes expériences de circuits courts. Les potentialités/avantages et les fragilités/inconvénients de ces circuits seront abordés pour éclairer les agriculteurs dans leurs initiatives. Il ne s’agit pas ici de leur proposer des solutions toutes faites parce qu’il n’y en n’a pas mais de leur donner une base de travail étayée et argumentée. 2 2. Qu’est qu’un circuit court ? 2.1. Définition Le circuit court est un mode de commercialisation des produits agricoles impliquant au maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur. Les initiatives de circuits courts naissantes représentent des alternatives au système de consommation et de distribution classique. L’émergence de ces circuits se situe à la croisée de préoccupations actuelles portées à la fois par les producteurs et les consommateurs, notamment : les nouvelles aspirations à des modes de consommation et de production durables, plus respectueux des personnes et de l’environnement ; la recherche de produits sains, de qualité et d’origine identifiée par les consommateurs ; la volonté des producteurs de mieux maitriser les différents aspects de la commercialisation de leurs produits pour leur revalorisation économique (meilleure maitrise de la fixation des prix) et qualitative. Les circuits courts recouvrent ainsi sous ces préoccupations des enjeux multiples, à la fois économiques, sociaux, environnementaux et identitaires plus largement explicités dans la suite de la synthèse. 2.2. La notion de proximité : notion primordiale Les circuits courts s’appuient sur la notion de proximité entre producteurs et consommateurs. La proximité géographique est à mettre en lien avec un souci de consommation de produits locaux, avec des conséquences non négligeables sur la protection de l’environnement et la participation au développement local. Elle se rapporte à la distance physique entre les acteurs mais peut être considérée comme une donnée subjective dépendant du jugement porté par les individus sur la distance qui les sépare, relativement au temps et aux coûts de transport notamment mais également à leur propre conception du « local ». Elle a reçu plusieurs autres qualificatifs : proximité matérielle, physique ou encore spatiale. La proximité organisée/relationnelle autorise quant à elle les relations sociales et les échanges autour de l’alimentation. Cela permet une revalorisation du travail et du savoir-faire de l’agriculteur et une vraie communication sur les produits vers des consommateurs de plus en plus soucieux de leur origine. Elle est définie par la possibilité qu’offre le circuit court de faire interagir les acteurs concernés, de manière formelle ou informelle. Deux dimensions de la proximité organisée peuvent être dentifiées : la proximité d’appartenance et la proximité de similitude. La logique d’appartenance est liée à l’interaction entre acteurs facilitée par le respect de règles communes, l’installation de routines alors que la logique de similitude correspond à un lien créé par le partage d’un même système de représentations et de croyances. On retrouve ainsi en un sens la distinction entre 3 proximité organisationnelle et institutionnelle, la première nécessitant une interaction directe entre les acteurs contrairement à la seconde. Dans le second cas, le partage d’une même culture alimentaire entre le producteur et le consommateur, peut notamment expliquer la demande de produits fermiers de la part de consommateurs non issus du territoire d’origine de ces produits. Au-delà de cette distinction sommaire, on peut repérer divers types de proximités entre le consommateur et le producteur au travers des circuits courts. Ces proximités sont présentes à des degrés variables et se conjuguent différemment en fonction des circuits de commercialisation. Proximité d’accès Proximité fonctionnelle Facilité pour le consommateur de se rendre au magasin : distance, temps, commodité d’accès. Recherche par le consommateur d’efficacité par rapport à l’activité : trouver facilement les produits, ne pas attendre en caisse, avoir un large choix de produits, etc. Proximité relationnelle Rencontres physiques, relations directes entre le producteur/le personnel et le consommateur. Proximité identitaire Relation entretenue par le consommateur avec le magasin et les valeurs qu’il représente. Proximité de processus Importance accordée par le consommateur au fonctionnement interne du magasin : qualité et provenance des produits, modes de préparation et de distribution. 2.3. Hétérogénéité des circuits courts Au-delà de la définition sommaire du circuit court, le nombre considérable d’initiatives naissantes laissent entrevoir une hétérogénéité des filières courtes sur base de certains critères. Le critère géographique Un circuit court repose en théorie sur une offre locale. Mais qu’entend-on par local ? La proximité géographique repose en effet en grande partie sur un jugement subjectif. Le critère géographique est-il équivalent pour tous les types de produits ? La définition du critère géographique est-elle la même pour les filières de production que pour les consommateurs ? Ce critère est-il le même pour les consommateurs en pleine campagne qu’en zone périurbaine ? Et lorsque le circuit court passe par internet, que devient le critère de proximité ? La proximité géographique n’est en réalité pas 4 évidente à appréhender. Nous sommes au 21 ème siècle et nos moyens de communication changent la donne. La nature des intermédiaires Les intermédiaires des circuits courts sont divers : associations de consommateurs, marchands ambulants, magasins du terroir, restaurateurs, et même grande distribution. De plus en plus de grandes surfaces traitent en effet directement avec des « petits » producteurs ou se spécialisent même dans la vente de produits fermiers. Mais reste-t-on dans le cadre d’un circuit court lorsqu’un acteur est « la grande distribution » ? La question fait débat. Le degré d’implication des acteurs de l’échange Le circuit court peut impliquer un acte d’achat/vente classique ou demander à l’acheteur et/ou au producteur un investissement en temps et en argent (paiement de paniers à l’avance, abonnement, centralisation et redistribution aux bénéficiaires, etc.). Le caractère individuel ou collectif des échanges L’acte d’échange peut impliquer des personnes privées mais également des groupements de vendeurs et/ou d’acheteurs, ainsi que des collectivités. Les initiateurs du projet La diversité des initiateurs de circuits courts est importante. Il peut s’agir de personnes privées, professionnels divers (fermiers, bouchers, traiteurs, restaurateurs, etc.), collectivités, acteurs sociaux, pouvoirs locaux et d’autres encore. Le lieu de l’échange Les lieux de l’échange sont multiples. Certains producteurs choisissent même de jouer sur plusieurs tableaux : marchés, vente à la ferme, points de vente communs, etc. 2.4. Les enjeux du développement de circuits courts Au-delà de l’hétérogénéité des circuits courts, leur développement recouvre certains enjeux fondamentaux pour les producteurs et les consommateurs. Enjeux économiques Mieux valoriser économiquement les productions locales Les producteurs choisissant les circuits courts ont une meilleure maitrise de la fixation du prix des produits, qui peut mieux prendre en compte les coûts de production et de rémunération du producteur tout en conservant un coût raisonnable pour le consommateur. Le rapport 5 rémunération/temps de travail reste cependant parfois un problème pour des producteurs qui souvent ne comptent pas leur temps de travail. Créer et maintenir des emplois non délocalisables A moyen terme, le développement de circuits courts favorise la création et le maintien d’emplois non délocalisables, pour une économie locale solidaire. Enjeux sociaux Revaloriser l’image et le rôle du producteur par le renforcement des liens entre consommateurs et producteurs On constate une association entre l’occurrence des circuits courts et une revalorisation de l’image des agriculteurs/producteurs. Pour le producteur, la proximité et particulièrement le contact direct avec le consommateur est régulièrement perçue comme une plus-value inestimable qui lui permet de communiquer sur son travail, notamment sur les contraintes rencontrées, ainsi que sur son mode de production et ses produits. Le client se trouve ainsi sensibilisé aux réalités des producteurs et assuré de la provenance et de la qualité du produit. Il met un nom et un visage derrière un produit pour redonner son véritable rôle aux producteur, souvent oublié dans le système de consommation de masse. L’image du producteur s’en trouve positivement transformé. Les circuits courts permettent en outre d’atteindre d’autres acteurs de cette manière tels que les restaurateurs, les traiteurs, les écoles, acteurs clés en termes d’image à véhiculer. Renforcer la coopération entre agriculteurs Les circuits courts renforcent la coopération entre agriculteurs, même en terme de liens non strictement contractualisés comme dans une coopérative. Les différents agriculteurs peuvent faire appel aux produits de leurs confrères pour augmenter leur gamme dans le cas des ventes à la ferme. Cela crée des collaborations voire des synergies et dans certains cas, une réelle solidarité. Enjeux environnementaux Réduire la consommation énergétique et la production de gaz à effet de serre Si l’impact des circuits courts sur les transports de marchandises est discutable, il n’en reste pas moins que dans la chaîne alimentaire, les postes liés à la production et à la transformation sont d’importants consommateurs d’énergie et émetteurs de gaz à effet de serre. Or, des études montrent que les produits vendus en circuits courts sont en général moins énergivores, plus frais et moins emballés. Préserver la biodiversité Le maintien d’exploitations de taille humaine, la préservation des paysages, la mise en valeur de variétés régionales ou anciennes, autorisés par les circuits courts, sont autant d’atouts pour la préservation de la biodiversité. 6 Aménager le territoire La préservation de petites exploitations à échelle familiale autorise le maintien d’un paysage plus traditionnel, favorise l’emprise agricole par rapport à l’immobilière et garde aux fermes leur caractère agricole. Enjeux identitaires Mettre en avant le territoire par la création d’une identité territoriale liée aux produits De nombreuses collectivités tentent de créer une image territoriale associée à celle des produits. Le terroir fait vendre. De nombreuses « marques » géographiques voient le jour, particulièrement en France, en association avec une image territoriale, patrimoniale et touristique. 3. Etablir un circuit court : bonnes pratiques 3.1. GAL et circuits courts Face au nombre florissant d’initiatives de circuits courts, une question apparaît : « Qu’est-ce qu’un circuit court viable ? ». Dès 2006, Serge Schmitz (ULg, SEGEFA), dans sa synthèse « Guide des bonnes pratiques dans la valorisation des produits issus de l’agriculture locale dans les GAL wallons », fait le point sur les démarches visant à l’établissement de circuits courts innovants par des GAL (Groupe d’Action Local) au cours de la programmation LEADER +, fonds européen destiné au développement rural. Ses conclusions vont dans le même sens que nos observations et que les conclusions de la plupart des acteurs de terrain que nous avons rencontrés. Le problème global est la rencontre entre un produit et son marché. La plupart des projets initiés par les GAL wallons sont basés sur la recherche de partenariats sur le territoire. En général, le chargé de mission, responsable du projet, établit en se basant notamment sur un recensement agricole, une liste des producteurs présents sur le territoire du GAL. Ensuite, il tente de trouver parmi ces producteurs et en restant inféodé au territoire, ceux qui souhaitent participer au projet de création d’une filière courte de commercialisation de leurs produits. Il s’agit donc de fédérer avant toute chose. Malheureusement, l’aspect strictement commercial est souvent mis au second plan, ce qui met à mal la viabilité du circuit court. L’établissement d’une filière courte doit répondre à trois grands principes : 1. La primauté de la démarche stratégique sur la recherche de partenariats. Il faut privilégier les choix stratégiques en terme de produits, de producteurs, d’image et de marchés. Juste rassembler des acteurs dont les intérêts convergent vaguement sans un investissement concret et fort de ceux-ci est contre-productif. 2. Une véritable coopération va au-delà d’une simple convergence d’intérêts. Aucun circuit court innovant ne pourra être établi s’il ne se crée pas une structure coopérative forte 7 imposant des contraintes, un investissement financier, physique et temporel à ses adhérents. Une véritable coopérative est indispensable pour mutualiser les efforts et les investissements tout en diminuant le coup des charges individuelles et les risques d’un tel projet. Or, il semble que la Wallonie soit quelque peu à la traîne par rapport à ses voisins français ou allemands en matière de coopération entre agriculteurs. 3. Il faut vérifier la faisabilité de la filière envisagée dans sa globalité pour pouvoir sortir du niveau de l’initiative subsidiée : il faut des producteurs et des produits mais aussi un marché et une filière de commercialisation structurée et bien pensée au niveau de ses coûts. Par exemple, développer une plateforme internet de vente sans prévoir une structure logistique viable dès le départ est un non-sens. En outre, l’établissement d’une filière courte devrait passer par trois étapes : 1. La première étape consiste à définir le projet, la gamme de produits et les marchés potentiels. Il faut repérer les manques et les combler pour arriver à une offre structurée et cohérente. Pour cela, la limitation stricte au territoire d’un GAL est rarement pertinente. 2. Les lignes stratégiques de commercialisation doivent être définies : cible(s), message associé au(x) produit(s), filière(s) de commercialisation, logistique liée à la production, au stockage, au transport et à la distribution, etc. 3. Enfin, il s’agit de définir une structure collaborative stricte et fédératrice, avec une charte, des moyens communs, un processus décisionnel fort et strict. Avec ce projet considérablement abouti, les producteurs peuvent être contactés. 3.2. Critères de durabilité des circuits courts en relation avec leurs enjeux Critères économiques Soutenir et développer la demande en produits locaux La visibilité et l’accès aux produits locaux pour la population locale, voisine et touristique doivent être favorisés sur le territoire pour maintenir voire accroître la demande. Soutenir la structuration et la diversification de l’offre Tout projet de structuration (rassemblement en un point de vente) et de diversification (nouveaux produits) de l’offre doit être soutenu car ces projets tendent à rapprocher l’offre des circuits courts de l’offre classique des grandes surfaces en terme d’achalandage et d’accessibilité. Identifier le potentiel économique des filières locales de distribution La qualité des filières de transformation et de distribution locales doit être évaluée. Si les producteurs locaux ne rencontrent pas de difficulté dans l’écoulement de leur production, des modifications peuvent tout de même être étudiées dans la transformation des matières premières en produits finis pour créer de la valeur ajoutée et une vraie diversité de produits. Cela implique évidemment de maitriser les enjeux spécifiques à la population agricole locale. 8 Inclure les filières touristiques et HORECA dans la distribution des produits issus de circuits courts Tout comme les filières HORECA (restaurants, cantines, restauration collective), les acteurs touristiques et publics doivent inclure l’aspect local dans leurs politiques de communication et de soutien. Critères sociaux Récréer un lien social entre le consommateur et le producteur Le développement territorial d’un circuit court doit privilégier le dialogue et la proximité de fait entre les acteurs et ainsi tendre à recréer un lien social entre le consommateur et l’agriculteur. Les développeurs de circuits courts, en collaboration avec les autorités locales, doivent favoriser les échanges et les espaces de rencontre entre producteurs et consommateurs : actions publicitaires, inaugurations, marchés, sites internet communaux, etc., permettant le dialogue et la compréhension mutuelle pour développer et solidifier les circuits au travers des relations sociales entretenues. Appuyer l’évolution des comportements alimentaires des consommateurs L’établissement stable d’un circuit court passe par l’évolution durable des comportements alimentaires. Un travail de sensibilisation des consommateurs est primordial afin de favoriser la compréhension des enjeux sous-jacents du développement des circuits courts et de leur faire prendre conscience de leur rôle possible dans l’aboutissement de ces enjeux. Cela devra également passer par un réapprentissage du « manger local » et du savoir-faire culinaire requis. Ce travail global devra être porté par les producteurs eux-mêmes mais également pas les écoles, les associations et les élus locaux. Démocratiser l’accès aux circuits courts Le développement d’un circuit court doit viser la connaissance et l’accessibilité à tous. Les circuits courts gardent encore souvent l’image de « filière particulière » destinée à une frange minime de la population, marquée par ses moyens financiers et son éducation. A ce titre, des efforts de communication doivent être faits par les promoteurs de circuits courts pour démocratiser les idées de nutrition saine, durable, équitable et écologique. Si pour une partie grandissante de la population, le budget alimentation est l’unique variable permettant d’ajuster les dépenses du ménage aux revenus, il faut démontrer que la cuisine familiale à partir de produits locaux peut avoir un impact moindre sur le budget familial que les plats préparés et que l’intérêt est également gustatif et qualitatif. Pour les personnes à mobilité réduite, la tournée ou l’entremise d’un service public qui apporte des repas à domicile peut également être un vecteur intéressant. L’intégration d’un CPAS, d’une EFT ou de tout autre structure territoriale à caractère sociale est donc souhaitable dans la mise en place d’un circuit court pour une évolution globale des comportements des consommateurs. Gérer localement les projets de circuits courts La mise en place de circuits courts doit être intégrée au développement du territoire entier dans une optique durable, en fonction des enjeux globaux d’aménagement du territoire. Les pouvoirs locaux et 9 supra locaux (communes, groupements de communes au sein de GALs, parcs naturels, maisons du tourisme, provinces) doivent coordonner leurs actions en concertation avec les agriculteurs de façon à fédérer les moyens et les énergies mais aussi à répondre aux enjeux et aux particularités des territoires. Faire émerger une sociologie de la profession agricole La production fermière écoulée en circuit local échappe aux flux mondiaux du prix des denrées alimentaires et est source d’emplois locaux et non délocalisables. Sur un territoire, la sociologie du monde agricole doit donc être établie et suivie : tranches d’âges, taille et structure des exploitations. Dans l’ensemble, les pouvoirs locaux et régionaux, aidés de cette base sociologique, doivent faciliter la conservation de l’acquis, l’installation de nouveaux agriculteurs dans les circuits courts et favoriser la transmission des savoir-faire, notamment via l’enseignement. Le territoire encourage-t-il via l’enseignement agricole l’émergence de filières courtes ? Cela doit être particulièrement réfléchi sur notre territoire qui abrite l’EPASC. Critères environnementaux Etablir une convergence avec les politiques publiques environnementales Le développement de circuits courts doit être mis autant que possible en relation avec les enjeux environnementaux. Des pratiques culturales moins productivistes et plus environnementalistes devraient être encouragées et mises en valeur, le rôle d’aménagement des paysages et de sauvegarde de la biodiversité de l’agriculteur doit être mis en avant et l’adéquation de ces comportements avec les politiques environnementales locales (PCDN) doit être soulignée. Afin d’apporter une plus-value environnementale observable, un circuit court viable doit tenter de répondre à une série de critères environnementaux globaux, gage d’adéquation avec les politiques et les mentalités tournées vers un avenir durable. Un circuit court devrait notamment veiller à : - Réduire les déchets liés à l’alimentation - Réduire les principales sources d’émission de gaz à effet de serre liées aux pratiques agricoles - Préserver les ressources en eau - Lutter contre l’érosion des sols - Améliorer l’état de la biodiversité sur et autour des exploitations - Harmoniser les pratiques agricoles avec les enjeux des milieux naturels humides Critères identitaires Créer une identité territoriale positive et rassembleuse Le circuit court doit être l’aboutissement d’une stratégie qui associe l’idée de territoire avec celle d’un lieu où on consomme différemment, plus sainement et plus écologiquement pour créer une identité territoriale positive forte. 10 4. Inventaire des circuits courts Au cours de ces dernières années, le chargé de mission du GAL Saveurs et Patrimoine en Vrai Condroz a eu l’occasion de rencontrer de nombreux acteurs de circuits courts en Wallonie, en Flandre et en France. Ces rencontres enrichies par la consultation d’une base de données bibliographiques ont permis d’esquisser un tableau général des différents types de circuits courts avec leurs inconvénients et leurs avantages. Il existe de nombreux types de circuits courts qui sont autant de filières de commercialisation des produits fermiers. L’étude des modes de commercialisation ces produits en Région wallonne (OCAGbxABT-ULg, 2011) révèle en effet une grande variété dans les circuits courts déjà existants. Si certains ont toujours existé comme la vente directe à la ferme, les marchés et les tournées, d’autres sont totalement innovants et sont liés à l’explosion de la demande et de l’image positive des produits fermiers ces dernières années (paniers, vente par internet, distributeurs automatiques, etc.). Comme précisé précédemment, les critères de distinction retenus peuvent être le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur (0 ou 1), la proximité, le mode de gestion (individuel ou collectif), l’initiateur de la filière courte (producteur, consommateur, collectif, individuel), l’engagement, le contrôle des termes de l’échange. La diversité des structures de vente en circuit court sur notre territoire est étonnante. Pour esquisser une classification, la typologie proposée est dès lors la suivante : Vente directe Autres circuits courts (vente non directe) A la ferme - Magasin à la ferme Cueillette Restauration à la ferme Evénement à la ferme Distributeur automatique à la ferme Marché à la ferme Vente de paniers à la ferme - En dehors de la ferme - Marché extérieur Livraison de paniers Echoppe en bordure de route Commerce ambulant Vente/démonstration chez le particulier Vente par correspondance et internet Foire et salon Point de vente collectif 11 Restauration privée ou collective Point de vente chez un autre producteur Vente de paniers via un intermédiaire Commerces Groupements d’achat Comités d’entreprises Vente via un représentant Internet Examinons à présent quelques types de circuits courts de façon concrète. Le magasin à la ferme Le magasin à la ferme est véritablement « l’option de base » du circuit court. Sur le territoire du GAL, plusieurs producteurs ont développé un magasin à la ferme. L’emplacement de ce point de vente est crucial. Une ferme située le long d’une grand axe de circulation aura davantage de chances de réussite dans cette entreprise qu’une ferme isolée et difficile d’accès. De ce point de vue, la communication est primordiale. Le point de vente à la ferme présente souvent l’inconvénient de proposer une gamme de produit limitée même si certains, notamment sur le territoire du GAL, deviennent petit à petit des boutiques du terroir affichant une gamme plus ou moins étendue de produits. Malgré tout, cela reste une démarche personnelle et non systématique. Dans cette optique, la politique de mutualisation des productions entre producteurs de façon à achalander le mieux possible les boutiques, mais aussi à rationnaliser l’offre et à lui donner une image cohérente devrait être encouragée, systématisée et encadrée. C’est sans doute une démarche importante dans le développement de circuits courts, qui doit pas forcément être menée à l’échelle du territoire d’un GAL mais également de façon plus large, sur un territoire comme le Condroz dans son ensemble. Avantages : unité géographique de l’exploitation, de l’atelier de transformation et du point de vente / logistique simplifiée. Inconvénients : emplacement géographique souvent peu optimal (accessibilité réduite) /achalandage réduit / visibilité limitée / disponibilité horaire. La coopérative agricole Le réseau Hartenboer : vente de paniers via internet Réseau Hartenboer http://www.boerenvoedsel.be/webwinkel/hartenwinkel Hartenboer est une coopérative agricole initialement implantée dans le Limbourg. La structure de producteurs fonctionne à partir d’un magasin en ligne pour vendre en circuit court les produits des producteurs coopérateurs sur une bonne partie de la Flandre, jusque dans la banlieue d’Anvers. La ferme en économie sociale « De Brabander » est un point névralgique du réseau où sont centralisés et préparés les paniers de produits frais et de terroir livrés dans différents points de dépôt. Pour les producteurs, cette structure de commercialisation apporte des prix rémunérateurs, une meilleure anticipation et régularité des ventes, un lien direct avec le consommateur ainsi qu’un paiement direct. Hartenboer a une clientèle individuelle mais fournit surtout des groupes d’achats communs, les Voedselteams. Le réseau des Voedselteams correspond aux AMAPs français et aux GACs wallons 12 mais avec un développement sans commune mesure, des dizaines de groupes et des centaines d’adhérents en Flandre. La machine Hartenboer est bien rôdée et bien équipée. Des centaines de paniers sont préparés et expédiés chaque semaine vers des points de dépôt établis dans toute la Flandre. Un système informatique complexe, semblable aux systèmes qu’on retrouve dans les grandes surfaces utilisant le « collect & go », centralise et traite les commandes informatiques des clients pour les communiquer aux producteurs afin de permettre la confection des paniers. Ce fonctionnement demande un personnel conséquent. Hartenboer a donc fait les démarches pour être reconnu comme « entreprise de formation par le travail » et reçoit des subsides en ce sens, leur permettant de remettre des jeunes en décrochage dans le circuit du travail. Cela implique la présence de moniteurs et d’un personnel habilité à suivre les stagiaires. Comme beaucoup d’entreprises en circuit court, Hartenboer se retrouve confronté au dilemme d’une clientèle de plus en plus large mais de moins en moins sensibilisée, ce qui implique une mauvaise compréhension des problèmes de disponibilité et de saisonnalité liés aux circuits courts fermiers. Ainsi les clients continuent à exiger des bananes et des tomates en hiver. Hartenboer pallie à cet inconvénient pour certains consommateurs en offrant un pourcentage de produits non régionaux dans ses paniers. Dans ce cas, la coopérative assure respecter des priorités géographiques et éthiques dans ses choix. Si des kiwis sont ajoutés au panier, ils sont donc de préférence biologiques et européens. Avantages : chalandise importante / organisation efficace / clientèle large et nombreuse / pôle d’emplois et de développement économique. Inconvénients : coût élevé des investissements / transformation en entreprise sociale / entorses à la définition stricte des circuits courts. Au panier vert : point de vente collectif Au Panier Vert 3862 Hameau de la Croix de Bois 59236 Frelinghien Tél : 03.20.39.86.40 - Fax : 03.28.53.69.31 http://www.aupaniervert.fr/ Au Panier vert est une coopérative située à Frelinghien, au nord de la métropole lilloise, regroupant 28 producteurs pratiquant la vente directe de leurs produits. L’atout majeur de la coopérative est une petite surface commune où sont stockés , transformés et vendus les produits des différents producteurs. Cette surface collective comprend un magasin, des entrepôts, un atelier de boucherie et une boulangerie. La coopérative a été créée en 1986 et propose grâce à ses 28 adhérents une gamme très étendue de produits : fruits, légumes, viande et charcuterie, produits laitiers, miel, confitures, plats cuisinés, boissons, conserves, pain, pâtisseries, etc. Si la coopérative emploie 13 salariés, l’essentiel du travail est réalisé par les coopérateurs eux-mêmes qui se relaient pour tenir le magasin. Cela permet un contact direct entre les consommateurs et les 13 agriculteurs locaux et favorise la connaissance mutuelle. Les heures prestées sont rémunérées. Après déduction des charges du chiffre d’affaires, le surplus est divisé entre les coopérateurs. La marque collective Un exemple de mutualisation : le Trèfle d’or, dans le Pays de Herve Le Trèfle d’or est la « marque » commune d’une asbl créée à l’initiative d’un producteur de la région de Herve, « Saveurs du Haut Pays de Liège ». L’asbl bénéficie du soutien d’une autre asbl, PROFRUIT, qui lui prête du personnel. Une employée de cette asbl représente les produits des différents membres de l’asbl Saveurs du Haut Pays de Liège dans différentes foires. L’asbl organise également une tournée des producteurs pour mutualiser leurs produits et leur permettre de présenter une gamme plus large. La création d’une « marque commune » joue sur l’image du Pays de Herve. Cette marque est distinguable grâce au macaron accolé sur les produits des différents producteurs participant. Néanmoins, l’individualité des producteurs est respectée. La représentation sur les marchés et les foires, en Belgique et à l’étranger, constitue une vitrine pour l’ensemble des produits. Néanmoins, le manque chronique de moyens reste un problème. L’asbl ne dégage pas suffisamment de revenus pour pouvoir payer un employé ni pour avoir du matériel de transport adéquat et conforme aux normes et fonctionne grâce au bon vouloir de quelques membres qui prêtent véhicule, locaux et personnel. Le marché de terroir Le GAL Saveurs et Patrimoine en Vrai Condroz a mis en place des marchés de terroir itinérants mettant parallèlement en valeur le patrimoine bâti local. Si en terme d’animation du territoire, ces marchés sont une réussite, les agriculteurs/producteurs du territoire ne s’y sont pas forcément retrouvés au niveau du rapport investissements/gains, d’autant plus que les dates et heures de ces marchés correspondent souvent aux seules périodes de repos hebdomadaires des producteurs. La vente sur les marchés nécessite en effet une logistique importante, relativement lourde à mettre en place. En outre, l’acte de vente sur un marché est une démarche tout à fait différente de l’acte de vente à la ferme : il faut aller vers le client, avec le bagou et l’effort de visibilité que cela suppose. L’organisation de marchés rend également les ventes particulièrement tributaires du climat. Certains marchés développent une animation culturelle et sociale d’envergure. Mais le risque est alors que les producteurs de terroir n’y occupent qu’une place secondaire et que les gens s’y rendent avant tout dans un esprit de promenade et de délassement, plutôt que pour y faire des achats en grande quantité. Il faut alors veiller à ne pas tomber dans ce piège. Néanmoins, les marchés du terroir reste une belle vitrine de promotion pour les producteurs locaux et une opportunité de contact direct avec les consommateurs. Une communication efficace pour l’évènement peut permettre de mobiliser un nombre considérable d’acheteurs potentiels et offrir 14 une excellente publicité aux producteurs présents. Quant à la commercialisation directe, le choix de la formule s’avère primordiale pour une efficacité optimale. Le point de vente commercial La Ferme du Sart : le Supermarché du terroir La Ferme du Sart Rue Louis Constant, 1 59491 Villeneuve d’Ascq http://www.lafermedusart.com Accueilli dans les bureaux de Mathieu Leclerc à la Ferme du Sart à Villeneuve D’Ascq (France), on s’aperçoit de suite qu’on change de dimension par rapport aux circuits courts traditionnels. Ici, on est avant tout dans le monde de l’entreprise commerciale. Mathieu Leclerc étant le fils du créateur de Décathlon, derrière le projet se trouve ainsi le groupe Décathlon et par conséquent le Groupe Mulliez (Auchan). Les chiffres du projet sont éloquents : une surface de 15 ha dont 10 réservés à la culture avec 4600 m² de serres, une surface de vente de 1200 m² accueillant une offre de 500 produits frais « essentiellement » locaux (au moins 50 %). La Ferme du Sart, c’est aussi une moyenne de 7000 clients par semaine, 35 salariés dont 50% de l’encadrement issu du monde agricole. 25 agriculteurs de la région fournissent le magasin et deux agriculteurs produisent sur le site même 250 tonnes de légumes par an. Non seulement les agriculteurs fournissent le magasin mais ils s’occupent également de la transformation et du conditionnement des produits (emballage, découpe,…). Les produits présentés sont beaux et ont l’air savoureux. L’origine des produits, le nom du producteur et la distance parcourue de la production à la vente, est notifiée. Néanmoins, lors de la visite du chargé de mission du GAL, il n’y avait pas d’agriculteur en tant qu’interlocuteur. Il est donc difficile d’émettre un avis critique sur la qualité de la relation entre le supermarché et ses fournisseurs , les agriculteurs. Par contre, les coopératives agricoles de commercialisation de la région ne voient pas d’un très bon œil l’arrivée de cet acteur qui désire ouvrir d’autres magasins. Une deuxième enseigne devrait d’ailleurs voir le jour près de Lille et selon les mêmes principes. C’est une véritable chaîne commerciale qui est en train de naître. Avantages : chalandise très importante / impact d’une grande surface de vente / délégation de l’acte commercial (publicité, communication, vente) / maintien d’un seul intermédiaire entre le producteur et le consommateur (circuit court au sens strict). Inconvénients : tendance de ces structures à ouvrir des succursales et à tendre vers une situation dominante voire hégémonique / tentation du producteur d’orienter entièrement sa production vers ce débouché. 15 Un projet particulier : le projet Mestdagh Franck Mestdagh envisage de créer en 2012 une sorte de supermarché du terroir en Wallonie. Le projet est ambitieux et diffère radicalement du projet « concurrent » développé par Décathlon. Il s’agirait ici d’une véritable coopérative de production et de commercialisation avec une plate-forme de préparation, de transformation et de distribution des produits. Le projet démarrerait avec un magasin mais serait prolongé par un réseau classique de supermarchés et de franchisés. Le dépôt de la coopérative devra garantir un rayon de fourniture inférieur à 50 km pour 50 % de son achalandage. Pour l’instant, l’emplacement de cette plate-forme est prévu à Gembloux. Le rayon de 50 km permet tout de même de trouver des agriculteurs jusqu’à Ciney, Halle, Louvain ou encore Givet. La première surface de vente devrait faire entre 400 et 600 m² pour évoluer vers 1200 m² à terme. L’adhésion à la coopérative signifierait pour le producteur : 1. L’inscription à la coopérative incluant une participation financière et une partie de sa production garantie pour la coopérative 2. L’adhésion à une charte de qualité 3. Une capacité de production régulière en quantité et en qualité 4. La livraison par ses propres moyens de produits à la coopérative. 5. Une souplesse dans le démarrage en acceptant notamment un délai de 1 ou 2 ans avant de pouvoir fournir des volumes conséquents Franck Mestdagh aimerait démarrer le projet avec 25-30 producteurs et garantir à la coopérative une marge de 25-30 %. La coopérative travaillerait principalement avec des produits frais. Avantages : La mise en commun : - Des produits : élargissement de la gamme et des services. Des moyens : investissements partagés (la surface de vente, la mise en place des ateliers de transformation, les moyens logistiques, l’engagement personnel). La vente par internet Panier Malin Région de Jodoigne : Culturalité en Hesbaye brabançonne asbl Grand' Place, 1 1370 Jodoigne Tél : 010/24 17 19 ou 0484/17 68 38 [email protected] - http://www.paniermalin.be Topino http://www.topino.net La plateforme de vente en ligne de produits fermiers permet au consommateur de se confectionner un panier de denrées produites par différents producteurs. Deux initiatives belges illustrent deux modes de fonctionnement envisageables pour ces plateformes, Panier malin et Topino. 16 Panier malin est un système de vente en ligne de produits fermiers développé par les GAL « EntreSambre et Meuse » et « Culturalité » en Hesbaye Brabançonne. Les clients confectionnent et commandent leur panier en ligne et peuvent le récupérer la semaine suivante, un jour fixe de la semaine, en un lieu prédéterminé. Les lieux de dépôt des paniers, s’il y a distribution de produits frais, doivent être équipés de manière à respecter les normes d’hygiène et de traçabilité fixées par l’AFSCA. A terme, ces lieux pourraient peut-être proposer aux consommateurs autre chose que la simple réception des paniers : un lieu de convivialité, de rencontres, un rendez-vous culturel… Cela renforcerait l’attractivité du système et pallierait à un éventuel au problème de l’éloignement du point de récupération des paniers : on s’y rendrait une fois par semaine, non seulement pour y faire ses achats mais aussi pour une autre raison, festive, culturelle, sociale. Topino, plateforme créée par la société coopérative « Feed the Future », propose un autre concept intéressant à l’échelle de la Wallonie. En développant un réseau de producteurs et un réseau de clients, l’idée du site est de multiplier les points de récupération des commandes en fonction des déplacements préférentiels des clients. D’un clic, vous pouvez connaitre les produits à acheter sur la route travail-domicile, sur la route pour aller dans votre famille, etc. Le consommateur traite ici directement avec le producteur avec lequel accord est pris sur la date et le lieu de la livraison. Avantages : La plateforme internet a potentiellement une visibilité énorme et une grande flexibilité pour l’utilisateur. Il peut anticiper son achat et effectuer sa commande depuis son domicile ou son travail. La mise en place du système ne coûte pas cher d’un point de vue logistique. Bien conçu, il ne nécessite pas une grande équipe pour fonctionner et est donc pérenne. Inconvénients : La plateforme internet, par définition, est virtuelle. Si son élaboration et son maintien sont relativement abordables, toute la logistique qu’il y a derrière la préparation des commandes et surtout leur acheminement vers le client est souvent laissée à charge des producteurs. Il faut également trouver des points de vente équipés pour répondre aux normes de l’AFSCA. Enfin, les relations entre les parties (intermédiaires, responsables de plateforme, propriétaires des points de dépôts, etc.) doivent être clairement définies, de même que leur position juridique. La plateforme de distribution de repas Auvergne Bio Distribution : une plate-forme de distribution bio en flux tendus à destination de la restauration collective Auvergne Bio Distribution Tél : 04.63.85.80.18 - Fax : 04.73.97.92.63 [email protected] - http://www.auvergnebiodistribution.fr Il s’agit ici d’un circuit court mené en coopérative mais axé uniquement sur la livraison de repas aux collectivités. En voici un bref historique. En 2001, à l’initiative d’une militante, l’association Auvergne biologique se lance dans la fourniture de repas dans les collèges du département du Puy de Dôme. En 2005, cette association subventionnée par le département plafonne à 40 000 repas par an. Mais la demande stagne et l’on se rend compte que cette distribution de repas n’a que peu d’impact sur les 17 filières locales. Une étude est donc mandatée par le département du Puy de Dôme et les problèmes inhérents à beaucoup de structures semblables sont mis en lumière, à savoir : beaucoup de déplacements pour un faible volume de repas livrés / l’exigence bio empêchant de se fournir forcément sur le département / l’inadéquation entre l’offre et la demande : problème de disponibilité des produits chez les producteurs ou demande trop faible ou inconstante. L’association dont le conseil d’administration est uniquement constitué de producteurs et de commerciaux décide alors d’instaurer des « Jeudis bio » dans certaines écoles avec l’aide du département. Il s’agit donc d’une demande constante de 1 repas/15 jours ; La plateforme fonctionne désormais de façon autonome sans aucun subside public. L’association compte actuellement 40 associés comprenant 11 producteurs, 10 transformateurs, des administrations, etc. En 2010, le chiffre d’affaires était d’environ 700 000 euros, équivalent à la distribution de 500 000 repas complets. Deux personnes à temps plein sont employées. Le nombre de producteurs fournisseurs réguliers tourne quant à lui autour de 30. Le niveau logistique a été simplifié au possible puisque la plateforme ne possède rien hormis certains locaux en location. Elle fait appel à des prestataires de service qui sont des professionnels du transport des denrées alimentaires. Première conséquence pratique, alors que la demande est nulle pour les écoles en juillet/août, les frais et les charges fixes sont eux aussi réduits drastiquement. Néanmoins, la structure rencontre actuellement plusieurs problèmes : Un manque d’engouement des publics cibles La structure n’est pas subsidiée, ce qui clarifie les choses envers la concurrence qui serait tenter de crier à la concurrence déloyale. Cependant, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer. Et leurs efforts financiers devraient se porter vers : • • • la sensibilisation des publics cibles : élèves, directeurs, cantines, etc. la subsidiation des écoles et cantines en faveur de l’alimentation bio et/ou régionale. la formation des cuisiniers et responsables de cantine au travail de produits frais et non formatés. L’appui du politique à la sensibilisation des acteurs scolaires est primordial. Le bio de façon générale représente pour les établissements un surcoût de 30 % par rapport au traditionnel. Cependant, le bio local aurait tendance à être moins cher que le bio industriel, ce qui les discours séduisants et la force de marketing impressionnante des commerciaux auraient tendance à occulter. Le manque de débouchés en été Malgré la réduction des frais en été, un problème se pose pour les producteurs fournisseurs de la plateforme qui récoltent souvent la majeure partie de leur production à la belle saison et perdent au même moment un débouché qui peut être conséquent. Diverses solutions encore imparfaites sont investiguées : centres aérés, homes, casernes, services publics, etc., afin de diversifier et élargir le public potentiel. 18 Le glissement de la demande du bio vers le strictement local C’est une tendance lourde que ressentent les responsables de la plateforme qui pensent à s’ouvrir aux producteurs locaux non-bio qui devraient suivre un cahier des charges strict, ce pour avoir un bon équilibre entre une éthique locale et une éthique environnementaliste. Quelques éléments supplémentaires sur la plateforme : - Au niveau du transporteur, la plateforme préfère les moyennes structures. Elle travaille notamment avec un grossiste en légumes et poissons qui a une activité de transport. - La plateforme fait une marge de 20% sur les produits des producteurs. - La plateforme vend des produits qu’elle n’a pas. Elle travaille en flux tendus. Elle accepte des commandes provenant des écoles (délai minimal de trois semaines mais pas de planification annuelle) puis elle cherche les produits chez les producteurs affiliés. S’ils ne sont pas disponibles, la plateforme s’adresse au réseau français des distributeurs de bio fermier. Il y a un ordre de priorité basé sur la proximité dans les producteurs et ceux-ci ne doivent pas dépendre de la plateforme à plus de 50 % de leurs capacités de production. - Le fait d’être repris comme simple distributeur simplifie grandement les démarches vis-à-vis des autorités sanitaires. - Le groupement fonctionne plus grâce au contrat moral qu’à l’écrit, via de nombreuses réunions fastidieuses mais nécessaires. La plateforme prend garde à rester flexible vis-à-vis des producteurs. Enfin, le personnel employé doit avant tout être formé dans les métiers de comptabilité, gestion, logistique et avoir un sens aigu de la vente. 5. Les consommateurs et les circuits courts Une étude du CRIOC (Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs) en Belgique et une étude en France présentent des résultats similaires quant à l’attitude du consommateur face aux circuits courts. En Belgique, seuls 30 % des consommateurs utilisent même occasionnellement les circuits courts, principalement la vente directe à la ferme. Cependant, 70 % de la population belge connait la vente directe à la ferme. La marge de progression de ce type de circuits de vente réside donc non seulement dans la publicité mais également dans la résolution des problèmes d’accessibilité et de logistique. Ces mêmes études montrent qu’en moyenne, les consommateurs sont disposés à parcourir 1,53 km pour se rendre à la ferme. Cette distance se réduit encore si on ne tient compte que des habitants des petites villes qui eux ne sont près, en moyenne, à parcourir qu’à peine 800 mètres ! Ces chiffres donnent finalement des zones de chalandise primaire et secondaire de respectivement 2,3 km et 3,1 km ! Si le prix reste prépondérant dans les choix de consommation alimentaire pour le belge, la qualité, la fraicheur et la sécurité ne sont pas loin derrière. Au niveau du choix du lieu d’achat, la proximité du domicile ou du lieu de travail est primordiale. 19 Par rapport à la vente directe à la ferme, le consommateur belge connait très peu les autres circuits courts : le point de vente collectif est connu par à peine 30 % de la population et utilisé par 6% seulement. La marge de progression est énorme mais délicate puisque là aussi les zones de chalandise primaire et secondaire sont respectivement de 8,8 km et de 10 km. C’est tout de même mieux mais pas énorme. En France, le contexte semble bien différent. Une étude menée en Haute-Loire montre que 95 % des répondants déclarent utiliser occasionnellement des circuits courts et 85 % sont des utilisateurs réguliers. Cependant, si on analyse les résultats en détail, on s’aperçoit que 73 % des achats se font sur des marchés et 54 % dans des circuits de distribution qui proposent du local. Seuls 40 % des consommateurs se rendent principalement à la ferme. C’est une remarque générale par rapport aux initiatives françaises qui sont présentées dans ces lignes : le contexte diffère de celui de la Belgique avec en France une sensibilisation largement plus prononcée des consommateurs à l’achat direct au producteur. Par contre, dans les deux pays, on constate une demande des clients de trouver les produits fermiers dans les circuits « normaux » de distribution tout en pouvant continuer à se rendre occasionnellement à la ferme dans l’optique d’un contact direct avec le producteur. Pour la Belgique, l’étude du CRIOC sur les circuits courts de 2010 démontre les points suivants : - Le marché et le magasin de proximité sont les formules les plus connues. La vente directe à la ferme, la vente par internet et la vente en tournée à domicile sont également connues par environ un consommateur sur deux. - Le marché, le magasin de proximité et la vente directe à la ferme sont les formules considérées comme les plus intéressantes par un consommateur sur deux. La vente en tournée, le marché à la ferme, la vente par internet ou le panier collectif rencontrent un intérêt chez moins d’un consommateur sur quatre. Les autres formules recueillent un intérêt plus marginal. Circuits courts et approche commerciale Parmi les critères d’achat des produits alimentaires en vente directe, la fraîcheur, le goût, l’odeur, la proximité et l’aspect sont cités en premier. Ensuite la qualité, les prix et la variété des produits sont nominés, suivis de la sécurité, du parking et de l’absence d’additifs dangereux. Ces critères sont quasi identiques aux critères de choix des produits alimentaires vendus en grande surface. Chaque circuit connaît un intérêt particulier, selon les profils des consommateurs. Ils s’adressent chaque fois à des segments particuliers des consommateurs, intéressés par des produits adaptés sur des zones de chalandise déterminées. Une approche commerciale spécifique mérite ainsi d’être mise en place. 20 La vente de paniers Les consommateurs recherchent idéalement un panier de produits alimentaires sur mesure, adapté à leurs besoins en matière de contenu, reprenant une liste de courses (complémentaires) ou des recettes, livré à domicile ou dans un dépôt dans un rayon de 1,6 Km du domicile, et ce, hebdomadairement, réceptionnable en soirée avec un abonnement de maximum 3 mois. La vente via internet L’offre internet s’adresse en priorité aux consommateurs les plus jeunes (surtout les moins de 30 ans, voire de 40 ans) et aux groupes socio-économiquement favorisés, même si quatre consommateurs sur dix consulteraient un site reprenant l’ensemble des offres des producteurs en circuit court et leur disponibilité. 6. Conclusions Au terme de ce travail, des ouvrages consultés mais surtout des rencontres effectuées dans le domaine des circuits courts, plusieurs points essentiels doivent être retenus. Ces points doivent être pris en compte lors de la création d’un mode de vente innovant en circuit court : 1. Le point névralgique de tout circuit court est la logistique. Cette logistique doit être rationalisée de façon à en maitriser les coûts et à répondre aux impératifs des producteurs et de l’AFSCA d’une part, et aux besoins des consommateurs d’autre part. 2. De ce fait, la logistique doit être : - Professionnalisée - Mise en commun entre plusieurs producteurs - Partiellement externalisée 3. Le facteur géographique ne doit pas être une limite à la mise en place d’un circuit court. Les limites territoriale d’un GAL sont trop étroites pour envisager la création d’un circuit court, d’un réseau de distribution ou d’une marque géographique. Le territoire d’un circuit court doit tenir compte de la complémentarité des producteurs y participant. Il faut réunir des producteurs motivés offrant la gamme de produits la plus large possible. De plus, il faut adhérer à une charte qualitative la plus claire et la plus visible possible. Les réseaux de distribution et de chalandise doivent également dépasser les limites étroites d’un GAL et tenir compte des zones urbaines, demandeuses de produits de qualité et de proximité. Avec Namur, Marche, Huy, Andenne, Liège à proximité, notre région possède des atouts appréciables. 21 7. Bibliographie Articles scientifiques Dumain A., Lanciano E., (2010) « Comment ne pas faire de commerce tout en en faisant ? : Le cas de systèmes paniers dits alternatifs en agglomération lyonnaise », Réconcilier Démocratie et Economie : la dimension économique de l’entrepreneuriat en économie sociale et solidaire, Editions Michel Houdiar, Chapitre 7. Fiche D., (1999) « Les circuits courts, un débouché essentiel pour le quart des légumiers », Agreste, Les Cahiers, n°41, p. 17-23. Merle A., Piotrowski M., (2012) « Consommer des produits alimentaires locaux : pourquoi et comment ? », Décisions Marketing, n°67, 12 p. Transrural Initiatives, (2006) « Longue vie aux circuits courts », Dossier Transrural Initiatives, n° 313, 8 p. Transrural Initiatives, (2007) « Longue vie aux circuits courts (2) », Dossier Transrural Initiatives, n° 333, 8 p. Etudes et publications officielles Centre d’Economie Rurale, (2010) Potentiel de diversification agricole sur le territoire des communes d’Assesse, Gesves et Ohey - Rapport final, Marloie, 129 p. CIVAM, Guide d’accompagnement de projet collectif en circuits courts : Valorisation d’expériences de terrain en Massif Central, 27 p. CIVAM, Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, (2009) Guide de la restauration collective responsable à l’attention des collectivités et des entreprises, Fiche 1, 80 p. Davadan M., Bievez E., (2011) Visite de terrain en Flandre - Réseau Hartenboer, Réseau wallon de Développement Rural, Fiche Ressource n° 11, 7 p. URL : http://www.reseau-pwdr.be/media/4587/FicheRess11_Hartenboer.pdf Davadan M., (2010) Topino, plateforme libre de commande en ligne de fruits, légumes et produits du terroir, Réseau wallon de Développement Rural, Fiche Ressource n° 13, 3 p. URL : http://www.reseau-pwdr.be/media/4551/FichRess13%20_topino.pdf Davadan M., (2010) Structuration d’un réseau de distribution Circuit court - Panier malin, Réseau wallon de Développement Rural, Fiche Ressource n° 15, 3 p. URL : http://www.reseau-pwdr.be/ficheressource-r%C3%A9seau/fiche-ressource-15-panier-malin.aspx Davadan M., (2010) Structuration d’une filière bio régionale - Auvergne Bio Distribution, Réseau wallon de Développement Rural, Fiche Ressource n° 16, 2 p. URL : http://www.reseaupwdr.be/media/4637/FicheRess16_AuvergneBioDistribution.pdf 22 Fontaine K. & al., (2009) Les circuits-courts : un avenir pour l’agriculture en Condroz-Famenne ?, UCL, 83 p. Réseau wallon de Développement Rural, (2009) Rapport du groupe de travail « Circuits courts de commercialisation », 24 p. Vanwuytswinkel S., (2007) Stratégie globale d‘accompagnement des producteurs et transformateurs locaux existants ou potentiels au développement et à la valorisation des produits locaux : Expérience du GAL Pays de Condroz-Famenne, Projet Leader + - Capitalisation de bonnes pratiques, 13 p. Actes de colloques, congrès et journées d’étude Dufour A. & al., (2012) L’herbe est-elle plus verte dans le panier ? Satisfaction au travail et intégration professionnelle de maraîchers qui commercialisent sous forme de paniers, Colloques National Circuits courts alimentaires - Etat des lieux de la recherche, Paris, 14 p. Emin S., Schieb-Bienfait N., (2009) Ce que l’économie sociale fait à l’entrepreneuriat ou les défis que l’économie sociale et solidaire pose aux paradigmes dominants de l’entrepreneuriat, 6ème Congrès de l’Académie de l’Entrepreneuriat : Entreprendre et innover dans une économie de la connaissance, 33 p. Hérault-Fournier C. & al., (2009) Les points de vente collectifs de produits alimentaires : Au croisement de différents formes de proximité, 6ème Journées de le Proximité, Poitiers, 20 p. Herault-Fournier C. & al., (2009) Quel impact des contextes territoriaux sur l’émergence de démarches de valorisation des produits alimentaires fondées sur une proximité producteurs consommateurs ?, Colloque Entre projets locaux de développement et globalisation de l’économie : quels équilibres par les espaces régionaux ?, ASRDLF, 27 p. Lanciano E., Saleilles S., (2006) Le développement des circuits courts alimentaires : un nouveau souffle entrepreneurial dans l’agriculture ?, Congrès International Francophone sur l’Entrepreneuriat et la PME, Bordeaux, 20 p. Merle A., Piotrowski M., Prigent-Simonin A.-H., (2009) La consommation locale : pourquoi et comment ?, 13ème Journées de Recherche en Marketing de Bourgogne, Dijon, 18 p. Le Velly R. & al., Comment se fait la rencontre entre offres et demandes locales pour la restauration collective publique ? Premiers enseignements, Colloques national Circuits courts alimentaires, Paris, 10 p. Participation aux journées d’étude et colloques suivants : • Journée d’études Hartenboer, Réseau wallon de Développement Rural, jeudi 22 avril 2010. • Colloque de lancement du réseau rural et périurbain Nord-pas de Calais : Les circuits courts alimentaires, Arras, vendredi 30 avril 2010. • Colloque maraîchage et circuits courts, GAL du Pays des Condruses, Strée, 27 mai 2010. 23 • Colloque durabilité des filières aviaires et porcines, Facultés Agronomiques de Gembloux, mercredi 13 octobre 2010. • Visite de la plate-forme « biodistribution », Réseau wallon de Développement Rural, Auvergne, jeudi et vendredi 2 et 3 décembre 2010. • Colloque Circuits courts, Facultés Agronomiques de Gembloux, mercredi 8 décembre 2010. • Colloque durabilité des filières laitières, Facultés Agronomiques de Gembloux, mercredi 2 mars 2011. • Visites en région Nord-Pas de Calais avec le groupe de travail « Alimentation et territoire », Réseau wallon de Développement Rural, mercredi 25 mai 2011. • Réunion d’information sur le projet de « Supermarché du terroir » de Frank Mestdagh, Facultés Agronomiques de Gembloux, mercredi 8 juin 2011. 24