Un « livre des minutes », pourquoi
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Un « livre des minutes », pourquoi
vos affaires Un « livre des minutes », pourquoi ? U n client vient vous voir et vous demande d’incorporer son entreprise, qu’il doit opérer en société. Celle-ci étant légalement constituée, il faut procéder à son organisation juridique et à la préparation d’un livre de société (communément appelé « livre des minutes ») qui devra par la suite être tenu à jour. Le client interroge alors : « Pourquoi un livre des minutes ? » Cette question nous étant fréquemment posée, ce texte présente les obligations imposées par la loi et l’importance de tenir un tel livre des minutes. Le contenu d’un livre des minutes En pratique, le livre des minutes n’est malheureusement pas la préoccupation première du client, alors qu’il devrait en être tout autrement. En effet, la société étant une fiction de la loi, le livre des minutes constitue sa seule manière de s’exprimer. À l’organisation juridique qui suit immédiatement l’incorporation, le livre des minutes contiendra l’acte de naissance de la société, soit les statuts de constitution (appelée communément « la charte »), les règlements de base concernant son fonctionnement interne, les procès-verbaux des actionnaires et des administrateurs, un registre des transferts, des valeurs mobilières, ainsi que les noms des actionnaires et des administrateurs et les certificats d’actions émis. Par la suite, il contiendra toutes les modifications apportées à l’actionnariat, et on y indiquera les changements d’administrateurs ainsi que les décisions importantes prises au fil des années. En réalité, c’est tout l’historique de la société qui y sera contenu ! Son importance et les divers problèmes rencontrés Il est courant de se trouver en présence d’un livre de société incomplet ou dont la mise à jour a été négligée. Outre les obligations imposées par la loi, les transferts d’actions www.conseiller.ca mars 2011 Me Odile St-Hilaire Michel Lessard effectués 15 ans plus tôt et non consignés au livre, les démissions manquantes d’anciens administrateurs, les assemblées annuelles non produites, voilà autant d’exemples pour lesquels le livre peut être incomplet, et la liste est encore longue ! Le livre et les registres sont une preuve prima facie de leur contenu dans toute action, poursuite ou procédure engagée contre la société ou contre un actionnaire. À défaut de posséder un livre à jour, la société devra présenter des preuves par l’intermédiaire de témoins et effectuer des démarches souvent onéreuses. Le client dont le livre est incomplet peut voir un financement retardé, puisque le conseiller juridique n’est pas en mesure d’émettre une opinion sur le statut de la société. Un livre complet et à jour sera capital lors d’une vente d’actions, puisque l’acheteur prendra généralement la responsabilité du passé de la société. Imaginez que des transactions d’actions passées n’aient pas été consignées et que, de surcroît, un ancien actionnaire soit décédé, un actionnaire qui s’est départi de ses actions ait déménagé à l’étranger ou ne soit plus en bons termes avec le client. Il sera alors bien difficile de régulariser le livre, et la transaction pourrait être mise en péril. La mise à jour régulière des livres évitera tout désordre et malentendu avec un futur acheteur. Elle garantira que la compagnie est construite sur une structure juridique solide, ce qui facilite les négociations entre les parties. Qu’en sera-t-il également lors d’une vérification fiscale si la société n’est pas en mesure de prouver ses décisions passées, ou si un conflit surgit entre les actionnaires et que le livre ne reflète pas la réalité ? Pour les sociétés qui subissent de nombreux changements ou engagent plusieurs transactions, il sera difficile de s’y retrouver si le livre n’est pas à jour ou si les renseignements qu’il contient sont incomplets ou même contradictoires. 31 L’obligation imposée par la Un livre complet et à jour est capital lors d’une vente d’actions, puisque l’acheteur prend généralement la responsabilité du passé de la société. Loi sur les sociétés par actions du Québec La Loi sur les sociétés par actions du Québec exige que la société tienne, à son siège social ou à tout autre endroit à l’extérieur du Québec 1 désigné par les administrateurs, un livre contenant 2 : ■■ les statuts, le règlement intérieur et toute convention unanime des actionnaires; ■■ les procès-verbaux des assemblées et les résolutions des actionnaires; ■■ les nom et adresse domiciliaire de chacun des administrateurs, ainsi que les dates de commencement et de fin de leur mandat; ■■ le registre des valeurs mobilières 3, lequel doit contenir les noms, par ordre alphabétique, et adresses des personnes qui détiennent ou ont détenu ces actions; le nombre d’actions détenues par ces personnes; la date et les détails de l’émission et du transfert de chaque action ; et le montant dû sur chaque action, le cas échéant. Les actionnaires peuvent consulter les livres de la société pendant les heures normales d’ouverture de ses bureaux. Ils peuvent également, sur demande et sans frais, obtenir une copie des statuts, du règlement intérieur et de toute convention unanime des actionnaires. Les créanciers de la société peuvent, de la même manière, consulter toute convention unanime des actionnaires 4. La société, ainsi que toute personne intéressée, peut demander au tribunal de rendre une ordonnance afin que soit rectifié dans ses livres tout renseignement nominatif ou d’une autre nature, si un tel renseignement y a été inscrit, supprimé ou omis prétendument à tort 5. Toute personne qui autorise une fausse entrée au livre ou y participe s’expose à une amende minimale de 5 000 $, et maximale de 50 000 $ 6. Selon la nouvelle loi entrée en vigueur le 14 février 2011, lors de l’organisation d’une société par actions québécoise, il n’est plus requis d’émettre au moins une action 7. Le conseil d’administration pourra également décréter une émission d’actions sans certificat. Dans ce dernier cas, l’existence d’actions sans certificat est constatée par la seule inscription de ces actions au nom d’un actionnaire dans le registre des valeurs mobilières de la société 8. Un actionnaire unique pourra aussi choisir de ne pas former de conseil d’administration. Ces nouvelles mesures permettent de simplifier le contenu devant être consigné au livre des minutes d’une société québécoise, mais sans remettre en question sa nécessité, pour les raisons exprimées plus loin. L’obligation imposée par la Loi canadienne sur les sociétés par actions La loi fédérale exige elle aussi que la société tienne, à son siège social ou à tout autre endroit au Canada désigné par les administrateurs, un livre contenant les éléments prévus à la loi québécoise, en plus d’un exemplaire des avis des administrateurs et des changements déposés à Corporations Canada 9. Toute personne qui ne respecte pas ces obligations s’expose à une amende maximale de 5 000 $ 10. 1 Voir article 35 de la Loi sur les sociétés par actions du Québec (LSA). 2 Voir article 31 de la LSA. 7 3 Voir article 11 de la LSA. Voir article 33 de la LSA. 8 4 Voir article 61 de la LSA. Voir article 32 de la LSA. 9 5 Voir article 456 de la LSA. Voir article 20 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA). 6 Voir article 493 de la LSA. 10 Voir paragraphe 20(6) de la LCSA. 32 mars 2011 Comme le stipule la loi québécoise, les actionnaires, les créanciers, leurs représentants personnels ainsi que le directeur (Corporations Canada) ou toute personne intéressée peuvent consulter les livres pendant les heures normales d’ouverture des bureaux de la société 11 et en obtenir une copie sans frais. Les assemblées et mises à jour annuelles L’assemblée annuelle des actionnaires prévoit l’adoption des états financiers de la société, l’élection des administrateurs et le renouvellement du mandat du vérificateur. Notez que les sociétés qui sont des émetteurs fermés, soit la plupart des sociétés de nos clients, peuvent renoncer à la nomination d’un vérificateur si tous les actionnaires y consentent. L’assemblée annuelle des administrateurs prévoit l’approbation des états financiers, et prévoit qu’au moins un administrateur est autorisé à les signer. C’est généralement l’occasion de préparer les résolutions particulières telles que la déclaration et le versement de dividendes ou de bonis. Il sera important de vérifier également si des changements sont survenus au cours de la dernière année, tels que le changement d’administrateurs, le rachat ou la vente d’actions ou toute autre transaction. Tout changement impliquera la mise à jour des registres concernés, soit ceux portant sur les actionnaires, les actions, le transfert ou les certificats d’actions. Si la société procède à une modification de ses statuts ou à une fusion, les résolutions ou les règlements approuvant celles-ci devront également être consignés dans le livre. 11 Voir paragraphe 21(1) de la LCSA. www.conseiller.ca vos affaires La reconstitution d’un livre Le livre incomplet ou irrégulier, de même que le livre perdu, devra être reconstitué ou régularisé. Mais attention, si des pages cruciales ont été enlevées ou si le livre est falsifié, cela peut entraîner des amendes ou des recours. Si une inscription est irrégulière ou manquante dans les registres, des recours pour faire rectifier, annuler ou effectuer cette inscription peuvent être entrepris. Pour ces raisons, de nombreux juristes refusent d’effectuer la régularisation de transactions passées ou la reconstitution du livre. Le maintien à jour du livre évitera de se trouver dans une telle situation. Mentionnons qu’il peut en coûter beaucoup plus cher à un client de régulariser ou de reconstituer son livre des minutes que de l’avoir tenu à jour année après année. Le travail exclusif d’un juriste La loi accorde le droit exclusif de pratique en droit corporatif aux notaires et aux avocats, et les autorise à rédiger des documents se rapportant à la constitution d’une personne morale ou des déclarations de nature administrative prescrites par la Loi sur la publicité légale des entreprises. La Chambre des notaires, particulièrement, poursuit de plus en plus ceux qui entreprennent une pratique illégale de la profession de notaire en droit corporatif 12. À titre d’exemple, si vous apparaissez à titre d’administrateur d’une société et que vous avez démissionné, et si cette société doit des sommes au ministère du Revenu, ce dernier intentera des poursuites contre vous afin de récupérer ces dettes. Vous devrez dès lors faire preuve que dans les faits, vous n’êtes plus administrateur, en montrant une copie des résolutions ou un avis de démission qui en font foi, d’où l’importance de produire une déclaration modificative dès que des changements surviennent. Chaque année, toute compagnie doit, dans les six mois suivant la fin de son exercice financier, produire une déclaration annuelle au Registraire des entreprises. Toutes les sociétés par actions régies par la loi fédérale doivent en plus soumettre au directeur de Corporations Canada un rapport annuel. Notez que la société qui n’a pas produit de rapport annuel après deux ans pourrait être dissoute. La tenue de livres En pratique, il arrive fréquemment que le client ne se souvienne plus de l’endroit où se trouve le livre des minutes de la société, et qu’il se demande si celui-ci est chez le comptable, le notaire, l’avocat, à la maison ou même perdu ? Sachez que certaines firmes de juristes offrent le service de tenue de livre et de mise à jour annuelle. Ce service comprend généralement la vérification des registres gouvernementaux, la préparation des assemblées annuelles ainsi que la préparation des résolutions particulières telles les déclarations de dividendes, les bonis ou les emprunts contractés, ainsi que la préparation des résolutions, avis ou transferts ayant eu lieu dans la dernière année. Ce service permet de garder votre livre toujours au même endroit, à jour, sans vous occasionner de maux de tête. Me Odile St-Hilaire, notaire et fiscaliste, Groupe Conscia. Michel Lessard, fiscaliste, assureur vie agréé et Pl. Fin., Groupe Conscia. Les registres gouvernementaux Il est primordial pour une société de se conformer à ses obligations d’information auprès des différents gouvernements, notamment à Corporations Canada et au Registraire des entreprises du Québec, car celles-ci sont opposables aux tiers. La plupart des informations (le nom de la compagnie, le ou les noms d’emprunt, le domicile, le nom des administrateurs et les principaux dirigeants de même que l’adresse du ou des établissements) font preuve de leur contenu à l’égard des tiers de bonne foi 13. 12 Voir entre autres la Chambre des notaires du Québec c. Dubeau, 2009 QCCQ 12769, 19-11-2009. 13 Voir le 2e alinéa de l’article 13 de la LSA. www.conseiller.ca mars 2011 33