サ イ レ ン ト 対 話 - Bibliothèque de l`école Camondo

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サ イ レ ン ト 対 話 - Bibliothèque de l`école Camondo
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本
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包
装
サ
イ
レ
ン
ト
対
話
Dialogues Muets
emballages japonais
ZOÉ BOULAIS
Dialogues Muets
emballages japonais
ZOÉ BOULAIS
Mémoire de 5ème année
École CAMONDO
Année 2014-2015
Chargée de mémoire : Manolita Filippi
REMERCIEMENTS
Je tiens à adresser mes remerciements aux
personnes qui m’ont aidée dans la réalisation de ce
mémoire.
En premier lieu, je remercie Manolita Filippi, professeure à l’école Camondo, qui a su me guidée dans
mon travail et m’a aidée à trouver des solutions pour
avancer.
Je tiens à remercier sincèrement Monsieur Toru Ito,
vice président de l’association du packaging japonais
et directeur de l’agence de design ESQUISSE, qui m’a
accordée du temps pour m’expliquer la culture japonaise et m’a permis ainsi d’ouvrir mon projet.
Je tiens à remercier sincèrement Monsieur Joan Larroumec, gérant du club privé Miwa, pavillon de la
cérémonie du cadeau, qui m’a expliquée le savoirfaire japonais de l’origata.
Un merci tout particulier à la famille Oomori, qui m’a
accueilli et m’accueille encore si chaleureusement, et
qui m’a expliquée avec sincérité l’histoire de l’emballage japonais.
J’aimerai enfin remercier mes parents pour leur aide
et leur soutien tout au long de ce travail.
5
SOMMAIRE
09.
INTRODUCTION
15.
S’APPRÉTER : VÊTEMENTS ET ACCESSOIRES
69.
ORIGAMI
• la matière papier et l’origami
• la matière papier et l’imprimerie
KIMONO ET FUROSHIKI
• l’utilisation des tissus dans la culture japonaise
ORIGATA
• offrir des cadeaux, un cérémonial socialisant et engageant
• les motifs et teintures
• le kimono, un symbole fort
• le furoshiki, l’emballage de tissu
• les exemples de furoshiki, anciens et contemporains
INRÔ
• l’inrô, un accessoire ancestral masculin
43.
• déclinaisons de l’utilisation de l’inrô
SE RESTAURER : LES ARTS DE LA TABLE
(S’)OFFRIR : UN CADEAU
• les occasions pour offrir
• la technique d’emballage de l’origata
92.
CONCLUSION
94.
BIBLIOGRAPHIE ET AUTRES...
ITADAKIMASU (bon appétit)
• le bentô-bakô, la boîte à mets traditionnelle
• l’évolution de la matière du bentô-bakô
• le bentô-bakô moderne, le Cup Noodle
• le Cup Noodle laqué
KANPAI ! (santé !)
• le saké, liquide et contenants
• exemples locaux de saké
• initiative et rite autour du saké
6
7
INTRODUCTION
Le Japon moderne, pays aux subtilités insoupçonnées, tire sa force d’un langage muet, d’une
codification évidente aux yeux des Japonais. Ce jeu
silencieux, inaccessible à la première lecture pour
les étrangers, met en avant une culture traditionnelle
riche, totalement intégrée au style de vie moderne japonais. M. Toru Ito, designer et co-président de l’association de packaging japonais 2, définie le style japonais comme « délicat, qui tourne autour du sujet ».
« Il se trouve que dans ce pays (le Japon) l’empire des signifiants est si
vaste, il excède à tel point que la parole, que l’échange des signes reste
d’une richesse, d’une mobilité, d’une subtilité fascinante en dépit de
l’opacité de la langue, parfois même grâce à cette opacité.
«
BARTHES Roland, L’empire des signes, 1
1. Barthes Roland. L’empire
des signes. Collection Points
Essais. Paris : édition Seuil,
2007, (première édition
1970) 157p., p.34
2. Entretien réalisé le 22
août 2014 à Tôkyô
3. T. Hall Edward. Comprendre les Japonais.
Collection Essais, Edition
Seuil, 1991, 217p.
4. Jolivet Muriel. La crise
des modèles. Paris : édition
Philippe Picquier. 9 septembre 2010, 320p., p.95
8
La vitesse de lecture à laquelle est décodée un
message est très importante.
Les individus peuvent être assimilés à des « messages
lents ». Apprendre à les connaître et s’introduire dans
leur intimité est particulièrement long. La structure
fortement hiérarchique nippone crée une barrière
supplémentaire à ce rapprochement. 3
Ce système de communication en dérange
certain, comme Murakami Ryu, auteur de « Les Bébés
de la consigne automatique » ou « love & pop », qui
dénonce un grave problème de communication à tous
les niveaux. « Nous appartenons à une société où on a
toujours pensé qu’il était inutile de verbaliser ce qui
allait de soi : beaucoup de choses passent par le nondit. On ne peut pas dire qu’on ait perdu un mode de
communication pour la bonne raison qu’on n’en ait
jamais eu ! ». 4
9
Pourtant, 50 à 90% des informations sont
transmises à l’aide de moyens non-verbaux grâce aux
objets, vêtements, gestes, posture… Les objets, les
« messages rapides », sont des indicateurs de puissance et de statut, tandis que le comportement renseigne entre autre sur les sentiments et la disposition
de l’interlocuteur. C’est ce qui rend l’Objet si puissant
visuellement.
de huit millions de déités -qui ressemblent plus à des
concepts tels que l’âme ou la nature- à travers chaque
objet, chaque chose. Bien plus qu’une simple matière,
l’objet contient une « existence ».
6. charactère ancien tsutsumu
Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon
lance une campagne agressive d’échanges culturels
en vue de reconquérir sa position antérieure dans la
société internationale. Les Japonais veulent diffuser
la culture nippone à d’autres parties du monde, tout
en introduisant la vie occidentale dans la vie quotidienne japonaise. Leur capacité d’adaptation, leur
mobilisation à répondre rapidement et efficacement
au changement et l’acceptation des transformations
inhérentes ont permis de moderniser l’industrie nippone de façon fulgurante.
Le design est d’ores et déjà reconnu comme
indispensable au processus de fabrication, malgré
des faiblesses économiques. De nombreuses mesures
sont prises par le gouvernement afin de promouvoir et de stimuler les designers, comme la création
d’écoles de design dès 1950, ou encore la création de
compétitions sponsorisées par des entreprises publiques et privées. Le redressement de l’économie et
la politique stable instaurée par le parti démocrate libéral, permettent aux Japonais de jouir d’une liberté
de temps et d’une certaine aisance financière. 5
10
Au début des années 1980, le pays nippon
devient une société de consommation ou règne la
surabondance, une société de consommation hystérique et ultra complexe. L’engouement pour la revalorisation des valeurs et matières traditionnelles
se fait ressentir. Cette coexistence d’éléments de
conception traditionnelle et moderne, vigoureusement soutenue par le grand public, est issue de l’univers du polythéisme, et de la classification culturelle
2
de l’animisme*. Les Japonais discernent la présence
Les boîtes, les enveloppes, les emballages, objets qui passent de mains en mains doivent par leur
simple existence exprimer le contenu et anticiper le
dialogue, mais avant tout donner un abri à un objet rempli de vie. M. Toru Ito explique que la notion
de l’emballage au Japon n’est pas anodine. En effet,
le mot pour emballer, tsutsumu (包) 6, est dérivé du
pictogramme chinois représentant le ventre d’une
femme enceinte. La protection et la douceur maternelle sont indissociables. Contrairement à la conception occidentale donc, l’essentiel n’est pas ce qui se
trouve à l’intérieur, mais plutôt une sorte d’harmonie
entre le contenu et le contenant, l’un ne mangeant pas
l’autre. A travers cet échange, les Japonais cherchent
le respect et la gratitude du donateur.
A travers une recherche orientée sur la forme,
la matière, les motifs et la couleur, se posent les questions suivantes. Comment les techniques traditionnelles japonaises s’expriment à travers l’emballage
contemporain ? Par quel moyen l’objet exprime-t-il ce
qu’il renferme ? Comment l’objet emballé favorise-t-il
le lien social ?
5. BERQUE Augustin.
Dictionnaire de la
civilisation japonaise. Paris :
édition Hazan, 1994, 108p.
J’ai choisi d’articuler mon propos selon le
déroulement d’une cérémonie traditionnelle au Japon, le mariage. Les objets symbolisent des rituels
marquant les différentes étapes de cet évènement.
La première partie s’articule autour du vêtement traditionnel et de ses accessoires à travers la notion de
s’apprêter. La seconde partie concerne les arts de la
table grâce aux contenants alimentaires et saké afin
de se restaurer. La troisième et dernière partie se rapporte à l’emballge cadeau et les conséquences de se
don, à travers la notion de (s’)offrir.
11
23 Juillet 2013
16h22
La longue ascension du Mont Fuji durant la nuit fraîche du mois de juillet ne
m’a pas empêchée d’apprécier la douceur du soleil levant.
Après m’être assoupie dans le bus du
retour et afin de pouvoir me détendre,
je décide de m’arrêter, comme il est
coutume de faire, au onsen d’Odaiba,
île artificielle de Tôkyô. Les onsen, littéralement sources chaudes, sont des
bains publics situés en extérieur et
dont l’eau est issue de sources thermiques. Ces lieux proposent aussi des
divertissements, de quoi s’y restaurer
et voire même de s’y loger.
Cet endroit si particulier à mes yeux,
nommé Ooedo Onsen Monogatari «
histoire au onsen d’Edo » (ancien nom
de Tôkyô), s’inspire de la période du
même nom. Tout a été pensé pour nous
plonger dans cette période historique
où le Japon était encore isolé du reste
du monde.
Avant de pouvoir pénétrer dans l’enceinte du bâtiment, on me demande
de choisir parmi une dizaine de yukata
(habit traditionnel léger), aux motifs
et couleurs flamboyantes. Je dépose
mes habits dans un casier prévu à cet
effet, puis enfile le yukata et le noue
sur le côté de façon plutôt incertaine.
Je découvre à travers les portes coulissantes semi-transparentes la reconstitution d’une rue d’Edo en pleine
effervescence. J’y aperçois des restaurants, des lanternes, des couleurs et lumières chaleureuses, des écritures calligraphiées abstraites mais aussi des
stands traditionnels pour jouer au go
ou pour pécher des poissons rouges à
l’aide d’épuisettes dissolubles. L’opacité des paravents me laisse distinguer
le mouvement d’une foule vêtue de
couleurs vives, qui se disperse lentement dans les ruelles adjacentes.
L’immersion est totale, et le temps me
semble arrêté.
S’APPRÊTER
KIMONO ET FUROSHIKI
L’UTILISATION DES TISSUS DANS
LA CULTURE JAPONAISE
L’enveloppement du corps, le découpage des
espaces et l’emballage des objets suivent un langage
commun. Les Japonais accordent le même soin à
envelopper les objets qu’à recouvrir le corps d’un
kimono, où à délimiter avec raffinement un espace
d’habitation en utilisant des matériaux comme le tissu
ou le bois nu. Dans tous les cas, le but est de sublimer
esthétiquement la fonctionnalité, une démarche
souvent empreinte de référence au sacré. Les rideaux
et autres tissus suspendus de textures et d’épaisseurs
variées, partitionnent l’habitat, composant des
espaces privés dédiés aux rencontres intimes, ou
laissent au contraire une vue libre et dégagée pour
encourager les intrusions et la contemplation
d’autrui.
14
Les tissus brodés de motifs décoratifs, le choix
indiscutable de la combinaison des couleurs, et
le nombre de couches successives évoquent non
seulement le rang social, mais aussi l’humeur et la
personnalité de celui qui les porte. La connexion avec
la nature reste de plus très présente. Ainsi, toutes les
décisions esthétiques suivent un code commun établi
de tous, et participent au langage symbolique, aussi
complexe que la poésie. Cela s’exprime par le choix
15
du papier sur lequel on écrit une lettre et la sélection
du parfum qui l’accompagne, du choix des tissus et
la façon dont ils sont pliés... Aucun détail n’est laissé
au hasard, et c’est cela même qui définie au mieux
l’esprit japonais. 7
LES MOTIFS ET TEINTURES
Les techniques traditionnelles de teinture
et de tissage ont survécu jusqu’à nos jours grâce à
des travaux de grandes qualités. Pendant plus de dix
siècles, l’artisanat de la teinture et du tissage s’est
perpétué sans que les formes originelles initiales
ne soient modifiées par les fluctuations des modes
auxquelles, selon les époques, il s’est prêté. C’est ce
que l’on peut appeler la force de la tradition. Elle est
parvenue jusqu’à l’époque actuelle en s’enrichissant
constamment d’éléments nouveaux. Telle est
l’originalité de cet artisanat.
16
C’est à l’époque Yayoi (300 av. JC - 300 ap.
JC) qu’avec l’apparition de l’agriculture se répand
l’usage de filer les textiles et de tisser la toile. A
l’époque Kofun (IIIe-VIe), des fibres végétales
provenant de plantes ligneuses et herbacées, ainsi
que des soieries, des tissus sergés et des brocards
ont été découverts. Il apparaît donc qu’à la faveur des
échanges avec la péninsule coréenne et le continent
chinois, de nouvelles techniques de teintures et de
tissage avaient, dès cette époque été introduites
au Japon. Puis au VIIe, l’importation des Sui et des
Tang chinois, de magnifiques tissus teints vont
favoriser l’essor très rapide de l’artisanat dans ce
domaine. Plusieurs techniques de coloration voient
le jour : le shiborizome où certaines parties du tissu,
isolées au moyen de noeuds, échappent au bain de
teinture et produisent ainsi des motifs décoratifs
blancs, le hasamizome («teintures à points pincés»)
et la teinture à la cire. De plus, les tissus imprimés
nommés suri-e sont issus d’un procédé qui consiste
à faire pénétrer les couleurs dans le tissu à l’aide de
pochoirs à motifs. La broderie a elle aussi déjà fait son
7. MENEGAZZO Rossella.
Wa : the essence of japanese
design. Edition Phaidon Press,
2014, 288p. pp. 215-219
Kimono aux motifs
paulownia et phoenix.
Période Edo (18ème siècle)
Porté par Tokugawa
Muneharu.
Tokogawa Art Museum
Kimono au motif Nuihaku
Période Edo (17ème siècle)
Tokugawa Art Museum
17
apparition. L’époque de Nara (710-794) dévoile ainsi
un éventail quasi complet de toutes les techniques de
base employées au Japon, techniques qui atteignent
dès lors le niveau le plus élevé au monde.
Le Japon de l’époque Heian (794-1185) se dégage
de l’influence de la Chine et développe sa propre
culture. Ce processus est marqué, en particulier dans
la société aristocratique de la cour, par les nouvelles
habitudes vestimentaires. 8
LE KIMONO, UN SYMBOLE FORT
Kimono au arabesques et
motif de gourde
Période Edo (17ème siècle)
Tokugawa Art Museum
8. BERQUE Augustin. op.
cit. p.365
Kimono teint à la
hasamizome
Période Edo (18ème siècle)
Tokugawa Art Museum
18
Le kimono (着物), littéralement «chose que
l’on porte sur soi», devient un habit de choix pendant
la période Heian. Il est soumis à un code rigide de
l’étiquette, et distingue ceux qui vivent «au dessus
des nuages», c’est à dire les membres de la cour, de
ceux du peuple. La soie (kinu), une fibre naturelle
adorée pour son éclat, son élasticité et sa légèreté,
est teintée de façon traditionnelle, cousue et brodée
à la main d’or, d’argent ou de ficelles colorées, et
peinte, toujours à la main, de motifs de saisons, de
lieux de littérature, ou d’autres symboles de bon
augure afin de marquer les occasions spéciales.
Certains décors sont privilégiés comme le premier
bourgeon du prunier ou la floraison épanouie des
cerisiers au printemps, le flamboiement des feuilles
d’érable à l’automne ou bien les reflets de la lune
sur un paysage hivernal. Tous ces ornements aux
codes bien précis prennent leurs racines du monde
de la nature. On peut y voir un embellissement
de la forme du corps. Les jûnihitoe, portés par les
femmes de la cour, et aujourd’hui encore lors de
mariage impériaux et de cérémonies d’intronisation,
consistent à superposer douze couches (comme son
nom l’indique), de dimensions variables. La couleur
de chacune des couches est soigneusement choisie
pour le plaisir esthétique que leur combinaison
produit au niveau des manches et du cou, lignes
sensuelles et érotiques, pouvant être comparables à
celles du décolleté occidental. Tandis que les hommes
enfilent un large et long pantalon retroussé de façon à
19
ne jamais toucher le sol. Le kimono estompe les lignes
du corps à travers les étoffes et les couleurs. Comme
l’explique Roland Barthes, ce n’est pas la voix (avec
laquelle nous identifions les «droits» de la personne)
qui communique [...], c’est tout le corps (les yeux, le
sourire, la mèche, le geste, le vêtement) qui entretient
une sorte de babil auquel la parfaite domination des
codes ôte tout caractère régressif, infantile.» 9
A travers les siècles, le kimono se simplifie,
jusqu’à atteindre sa forme actuelle, un habit constitué
de longues pièces rectangulaires ou carrés cousus
ensemble. Le côté gauche du tissu chevauche le droit.
La ceinture (obi) quant à elle est attachée à l’arrière de
façon élaborée en fonction des occasions et du statut
social et ferme le kimono. La longueur des manches
varie elle aussi en fonction de l’âge. Conjointement,
les préférences pour les combinaisons de couleurs
et les arrangements décoratifs ont évolué. Répartis
de façon plus ou moins équitable sur le vêtement,
ils se condensent principalement au niveau des
épaules, des manches et du bas de l’habit, laissant la
partie destinée à l’obi sans ornementations. Avec des
références toujours aussi présentes liées à la nature,
les saisons, ou les contes, le kimono devient un espace
picturale, comparable aux boîtes laquées 10 ou autres
objets en céramique. Ces dialogues et échanges
entre la littérature et les arts visuels et décoratifs
impliquent indéniablement la connaissance de la
matière et de la technique.
Les nombreux seigneurs conviés utilisent alors ce
tissu au blason de leur famille pour éviter de mélanger
leurs kimonos et autres effets personnels. Ce terme se
généralise à l’époque d’Edo (1603-1868) avec l’usage
plus régulier des bains publics (onsen) permettant de
ne pas mélanger ses affaires mais aussi de s’essuyer
les pieds à la sortie du bain. Cependant, l’emballage
par le tissu trouve son origine bien avant, à l’époque
Nara (710-794) sous le simple nom de tsutsumu. Il
était utilisé pour garder des objets de valeur comme
les objets du trésor impérial de Shoso-in au temple
Todai-ji à Nara.
Dessins de motifs de
kimono
Période Meiji
Tokugawa Art Museum
9. BARTHES Roland.
op. cit p.54
10. Laque : notion abordée
partie «se restaurer» p.47
LE FUROSHIKI, L’EMBALLAGE DE TISSU
Le furoshiki est un morceau de tissu carré
qui s’enroule et se noue autour d’objets, et permet
d’envelopper les possessions les plus diverses.
24
L’appellation furoshiki, littéralement bain (furo) et
étaler (shiki), désignant à la fois le tissu et la technique
d’emballage, apparait à l’époque Muromachi (13361573), lorsque le shogun 11 Ashikaga Yoshimitsu fait
construire un grand bain dans sa résidence à Kyoto.
11. Chef militaire qui exerçait le véritable pouvoir
au Japon du Moyen Age au
XIXe siècle
12. Mottainai : sentiment de
gaspillage, expression que
l’on peut traduire par «quel
gâchis»
Le succès du furoshiki est en parti dû à sa
facilité et sa rapidité d’utilisation pour emballer les
effets personnels mais aussi se déplacer rapidement
lors de pèlerinages ou en temps de guerre pour éviter
les pillages. Les Japonais ont d’autant plus appris à
réagir dans l’immédiateté, en raisons des nombreuses
catastrophes naturelles, et à vivre dans le provisoire
; ils vivent dans l’immédiateté. Les marchands eux
aussi tirent profit de cette technique pour transporter
les marchandises et les mettre en valeur auprès de
leur clientèle. Ils s’en servent aussi comme support
publicitaire, rendu possible grâce aux nombreuses
techniques de teintures. Utilisé à profusion au Japon
Edo, cet indispensable accessoire de kimono n’a pas
résisté à la modernité et encore moins à l’invasion du
costume occidental dès la seconde guerre mondiale.
De plus, le furoshiki tombe en désuétude avec la
généralisation des sacs plastiques et papiers. Depuis
une vingtaine d’années en revanche, le Ministère de
l’Environnement japonais a remis au goût du jour
ce morceau de tissu, et prône le développement
de ce geste écologique pour lutter contre la
surconsommation des emballages plastiques. Il
s’inscrit parfaitement dans la politique des 3R
(réduire, réutiliser, recycler), proche du mouvement
mottainai 12 qui lutte entre autre pour une meilleure
utilisation des ressources la terre.
25
EXEMPLES DES FUROSHIKI
Le furoshiki se trouve en plusieurs tailles, et
les différentes façons de le nouer dépendent de ce
qu’on y emballe. Deux caractéristiques approuvées
par le grand public japonais ont permis la création de
nombreuses variantes. D’une part, chaque préfecture
a développé sa propre technique et l’identité
régionale reste très présente chez les Japonais. Les
cérémonies et objets de cérémonie ponctuent d’autre
part les étapes importantes de la vie. A Kyushu par
exemple, il existe une variante appelée minofuroshiki
qui constitue une partie importante du trousseau des
femmes, utilisé lors de rites de passage de vie.
• L’UTILISATION ANCIENNE DU FUROSHIKI
26
Les trousseaux de mariage comme dot se
généralise à l’époque d’Edo dans la première moitié
du XVIIIème siècle. Il contient le nécessaire de toilettes
et de maquillage, des objets pour la cérémonie de
l’encens, des écritoires et ustensiles pour la table
(des bols, assiettes), et quelques meubles pour leur
rangement. Chaque élément reprend le même thème
décoratif. Le nombre total d’objets et la richesse du
décor sont des éléments révélateurs de fortune de la
famille commanditaire. Constitué de trois morceaux
cousus ensemble, le minofuroshiki porte l’inscription
du nom de la maison de naissance de la femme.
Il est offert après le mariage, symbolisant le lien
indestructible entre les familles. Le minofuroshiki
est utilisé pour envelopper les boîtes destinées à
être envoyé à la mariée, qu’elle réutilisera lorsqu’elle
reviendra visiter ca famille. De ce fait, ce tissu fait
parti des objets les plus précieux à posséder. Dans
les familles les plus pauvres, le trousseau de la
mariée est envoyé au fur et à mesure après l’union,
et le minofuroshiki enveloppe finalement la dernière
cargaison. Il est par la suite déposé sur le cercueil
de la défunte, et garder de génération en génération
en souvenir du lien fort qui unie les deux familles.
Des traditions similaires existent aussi d’en d’autres
Dessins des types de
noeuds furoshiki
© Zoé Boulais
27
13. “Paris Tokyo Paris 18971997. Shisedo la beauté”.
Paris : Connaissance des
Arts, 1997, 66p., p.47
Projet Tôkyô Komon par
Moeno Suzuki, 2013
<http://www.kisode.com/>
préfectures, comme à Saga, Fukuoka ou encore
Nagasaki, où le furoshiki porte le nom de yomeirifuroshiki. 13
• L’UTILISATION MODERNE DU FUROSHIKI
La liberté des designers s’exprime surtout à
travers les couleurs et les motifs des tissus anciens.
Faisant partie intégrante de l’habit traditionnel, le
designer Moeno Suzuki, retravaille de façon moderne
les motifs de kimono de la période d’Edo, représentatif
du quotidien. Les différentes façons de pliées sont
mises en avant par le choix du motif et des couleurs
vives. Les motifs repris sont des symboles forts de
cette période des shoguns.
Le furoshiki bleu, au motif seigaha, est composé de
vagues stylisées, vagues de l’océan bleu de forme
circulaire concentrique. Il tire son nom des costumes
utilisés pour le bugaku (danse traditionnelle) et
des courtes pièces musicales. Cette stylisation nous
rappelle aisément le symbole «wifi», représentatif
d’un Japon moderne, classé deuxième mondial du plus
gros consommateur d’internet. Ce mélange original
permet de garder un pied à terre dans les traditions,
entre le temple bouddhiste et la Tôkyô Tower.
Le pluvier (un oiseau du littoral qui vol en groupe,
qui effleure gracieusement les vagues et qui se laisse
guider par les rivières) est un motif récurant présent
sur les vêtements, la vaisselle, le mobilier mais illustre
aussi les parchemins.
Le motif hexagonal inspiré des feuilles de chanvre,
se répète comme des étoiles. Composés de lignes
horizontales, verticales et diagonales, ces feuilles
toujours organisées en groupe composent une image.
28
Pour le projet Architexture lancé en 2006, six
architectes, dont Kengo Kuma, accoutumés à dessiner
des volumes, ont créé des tissus qui s’apprécient
en 3D. Pour les Japonais, la séparation entre arts
29
majeurs (peinture, sculpture, dessin) et arts mineurs
(art décoratif) n’existe pas, l’art doit être présent
dans chaque objet. Rohukei Inoue retourne à ses
origines pour créer un emballage destiné à la série
du thé vert Poésie Zen. Cette enveloppe hybride, en
papier washi 14, décliné dans des tons sourds, est noué
à la façon furoshiki. Les étiquettes semblent avoir été
calligraphiées au pinceau et à l’encre et rappelle les
peintures zen en rouleaux que l’on accroche au mur
pour la cérémonie du thé.
Cette application pour les détails continue
à être une particularité de design contemporain et
souligne l’humilité des Japonais face au matériau brut
à travers toutes les étapes de transformation. Même
si le furoshiki ne laisse pas deviner l’objet emballé,
le raffinement du nœud, l’excentricité et la grande
variation de motifs imaginée par les designers et les
artisans locaux permet au furoshiki d’être un achat de
premier choix à ramener comme souvenir.
30
Projet Poésie Zen par Rokuhein Inoue,
1988
MENEGAZZO Rossella.
op. cit.
Projet Architexture par
Kazuyo Sejima, Yui Tezuka,
Hiroshi Naito, 2006
<http://www.kisode.com/>
14 washi : notion abordée
partie «s’offrir» p.69
31
S’APPRÊTER
INRÔ
et n’est pratiquement pas ouvragé. Ce n’est que bien
tardivement, à l’époque d’Edo que s’est développé
un style de décoration propre au Japon. L’intérieur
est traité de façon sobre, juste laquée avec quelques
marques dorées, l’artiste utilisant généralement la
partie extérieure comme surface d’expression. Les
artistes travaillent dès lors avec toutes les ressources
de la ciselure, et utilisent des matériaux beaucoup plus
diversifiés : du bois dur noble tel le cerisier ou santal,
de l’ivoire d’éléphant, de sanglier ou de cachalot,
du bambou, du métal, de la porcelaine. Les scènes
représentées sont significatives de la vie quotidienne
nippone, et se traduisent par des représentations
graphiques allant du moustique à l’éléphant, du pin
au cèdre, des ruisseaux aux océans, des courtisans
aux guerriers, des jouets aux armes ... Cet accessoire
très prisé, permet à chacun d’exprimer son statut
social ainsi que son goût pour les arts mineurs.
L’INRÔ, UN ACCESSOIRE ANCESTRAL
MASCULIN
Contrairement au vêtement occidental,
l’habit traditionnel japonais, le kimono, ne comporte
aucunes poches et ne permet pas d’emporter avec soi
des objets. Les hommes prennent ainsi l’habitude de
transporter leurs effets personnels (tabac, bourse ou
médicaments) pendus à la taille grâce à une cordelette
fixée au obi. Les femmes quant à elles, préfèrent le
sac à main. Ces objets pendus portent l’appellation
générale de sagemono. Pour ne pas que l’objet glisse
ou tombe, une breloque appelée netsuke est fixée à
l’extrémité du cordon devenant lui aussi un objet
utilitaire indispensable à l’habit. Il portait autrefois
le nom d’obibasami («pince de ceinture») ou encore
obikake («pendentif de ceinture»). 15
32
Ce nouvel objet apparaît à l’époque de Muromachi,
et est utilisé initialement pour retenir l’inrô, boîte
qui contenait à l’origine les sceaux personnels à
cacheter ainsi que la cire vermillon. Les inrô (印籠),
littéralement «panier de cachets», changent peu à peu
de vocation, et deviennent spécialement utilisés pour
la pharmacie. Cet accessoire d’usage courant au Japon
dès la période Temmon (1532-1554) est fabriqué à
partir de matériaux naturels, comme le fragment de
corail, dent ou corne d’animal ou en morceau de bois,
15. BERQUE Augustin. op.
cit. p.204
Ils sont compartimentés en plusieurs parties
emboitables les unes dans les autres. Le nombre
de composants peut varier de un à sept, toujours
surmonté du couvercle, et sont maintenus par une
cordelette qui coulisse dans des canaux situés de part
et d’autres des compartiments. Les plus beaux inrô
sont eux mêmes rangés dans un étui, généralement
en laque unie, qui peut être découpé sur l’une de ses
faces permettant ainsi d’entrapercevoir l’inrô. De
cette façon, les chocs entre eux évitent d’endommager
les contenants. Les Japonais apprécient ce jeu de
transparence, de voir et être vu, d’intrusion furtive
dans l’intimité. Deux familles de laqueur se sont
distinguées par la production de pièces remarquables
: les descendants de Kajikawa Hikobei et ceux de
Koma Kyui.
Après deux siècles d’isolement, le Japon
s’ouvre au monde occidental à la suite du forcement
du blocus japonais par le commodore Perry en 1853.
Les traités et échanges commerciaux se multiplient. A
mesure que le Japon assimile avidement la civilisation
occidentale, les costumes européens (vêtements avec
poches- se généralisent, la cigarette remplace le
33
tabac pour la pipe. L’utilisation des inrô, dont le sort
est intimement lié au kimono perd sa raison d’être et
finit par décroître. De son côté, l’Europe et la France
découvrent la civilisation japonaise et un nouvel
art de vivre. . Les européens utilisent les estampes
d’ukiyo-e comme du papier d’emballage bas prix pour
les articles importés du Japon comme les céramiques
ou laques.
34
A partir de l’ère Meiji (1868-1912), le netsuke et l’inrô
sont considérés par les Japonais comme un ouvrage
d’artisanat miniature, un article de bimbeloterie,
sans grande valeur. Cependant, ce sont de véritables
objets d’art qui prennent leurs racines dans la
vie quotidienne de l’époque d’Edo. La fabrication
exige un sens raffiné de la beauté et une technique
artisanale d’une grande minutie. A présent au Japon,
ces objets miniatures sont enfin reconnus comme des
œuvres artistiques faisant appel aux techniques les
plus élaborées de l’histoire de l’art.
Inrō avec un oiseau posé sur
un mûrier en fleur. Artiste
Koma Yasutada, Période Edo
Inrō avec un poan et des
fleurs. Artiste Koma
Yasutada, Période Edo
Inrō avec un beateau rempli
de trésors. Artiste Kajikawa
Bunryûsai (1751-1817),
Période Edo (19ème siècle)
Inrō avec des feuilles de
vignes. Artiste Masanari
Shiomi (1647-1722),
Période Edo (18ème siècle)
DÉCLINAISONS DE L’UTILISATION DE L’INRO
• PAR SHISEIDO
Un jeune entrepreneur, Yushi Fukuhara fonde
en 1872 une modeste -mais première- pharmacie
nommée Shiseido de style occidental, au cœur du
quartier le plus élégant de la capitale, Ginza. Il profite
de l’ouverture du Japon pour visiter l’Europe, et
notamment l’Exposition Universelle de Paris en 1900.
Il rapporte dès lors tout ce qu’il l’a impressionné et
fusionne la méthode de gestion à la japonaise, basée
sur le confucianisme, et la nouvelle technologie
à l’occidentale. Il profite de la rapide expansion
économique pour lancer ses propres productions.
Ainsi voit-on sortir de ses laboratoires le dentifrice
sanitaire Fukuhara, des lotions faciales ou encore
les premières crèmes japonaises. Les produits de
beauté prennent par la suite le pas sur la pharmacie.
Un département de création voit le jour en 1916, et
est chargé de concevoir des affiches, publicités et
35
agencement de boutiques. C’est à son fils que l’on doit
le logo de Shiseido, le camélia stylisé hanatsubaki.
A travers les supports de marque et de publicité,
Shiseido s’est dessiné une interprétation japonaise
de l’art décoratif des années 1920, un art qui avait luimême subit des influences japonisantes, et multiplient
les arabesques qui resteront longtemps l’essentiel
de sa signature. Le parfum, élément constitutif de
l’espace féminin, évoque un lieu, une atmosphère,
une humeur. Les vêtements et les cheveux en sont
les premiers véhicules. Pour un retour aux sources
d’inspiration traditionnelle, Shiseido inspiré par
l’étroite relation entre le parfum et le kimono, crée le
flacon et l’emballage Zen influencés par le décor d’un
laque conservé dans le temple Kodai. 16
Le parfum solide contenu dans un inrô, va encore
plus loin dans sa référence à l’art japonais ancien. On
y retrouve le compartiment unique et son couvercle,
la cordelette nouée par le dessous ainsi que le netsuke
ici représenté par une sphère rouge au motif de tiges.
Les motifs sur le inrô, comparable à la stylisation
de l’époque Edo, représentent un décor des sept
plantes symbolisant l’automne, parmi lesquels on
retrouve le chrysanthème. Malgré que le matériau
traditionnel ait été remplacé par des équivalents plus
modernes en plastique, l’essence même du design
traditionnel reste présente, et respecte ses origines.
Contrairement à d’autres emballages, un soin tout
particulier est accordé aux produits cosmétiques,
car ils incarnent la beauté bien sûr, mais aussi car ils
restent plus longtemps sur l’étagère.
16. “Paris Tokyo Paris 18971997. Shisedo la beauté”.
op. cit.
Flacon et emballage Zen,
Shiseido, 1970.
“Paris Tokyo Paris 1897-1997.
Shisedo la beauté”. op. cit.
Parfum Snow Fairy, 1934
Parfums Magnolia, 1920
Shiseido.
“Paris Tokyo Paris 1897-1997.
Shisedo la beauté”. op. cit.
• PAR YAMAZAKI MARIKO
36
De façon plus moderne et un peu plus éloignée,
Yamazaki Mariko s’inspire de l’ouverture spécifique
du inrô pour son emballage de bonbons sucrés
Tokoyo Hanamame. La cordelette rouge, simplifiée, et
apparente à chaque étape de l’ouverture du paquet,
permet de dévoiler ce qui se cache à l’intérieur.
Le couvercle, élément fort de cet emballage, placé
37
au niveau supérieur tel un netsuke représente un
hexagone, forme traditionnelle de feuille de chanvre.
Ce motif souvent assemblé les uns aux autres, crée
dans ce cas une frise interminable, que l’acheteur
associe aussi à la marque. Pour un design global,
le logo, traité par le même principe, exprime les
différentes strates regroupées par le fil rouge.
Une des règles fondamentales du formalisme
japonais consiste à mettre en scène chacun des
éléments de l’objet. Juxtaposés, ils ne sont jamais
fondus dans l’unité d’une composition. Chacun
semble être traité indépendamment avant d’être
réuni aux autres. Il ne s’agit pas de répondre à un
ordre rationnel mais d’inventer des tensions nées
de la maîtrise intuitive du ma, notion japonaise pour
l’espace, les formes, les couleurs et les matières. Le
séisme provoqué par la révolution industrielle n’a
pas coupé le Japon de ses racines, mais cherche une
cohabitation entre le mode de vie industriel et les
traditions. Comme pour la peinture, les éléments sont
juxtaposés et respectent l’espace qui les sépare.
Même si le inrô n’est plus aujourd’hui un
produit réservé à l’homme, son accroche et plus
particulièrement son système d’ouverture ont su
être valorisés différemment mais toujours en lien
avec la tradition ancestrale. En effet, cette boite
anciennement destinée à contenir diverses objets
s’inspire encore aujourd’hui de la période d’Edo par
l’évocation de l’univers de l’habit.
38
Projet Tokoyo Hanamame
par vYamazaki Mariko
S.N. New Traditional Japanese
Design. Tôkyô : BNN, 2013,
176p., p.71
39
13 Juillet 2013
10h06
Comme tous les mois à cette même
période, Tokie Oomori –mon hôte mais
avant tout mon amie- visite ses parents
à Kiso (préfecture de Nagano). C’est
tout naturellement qu’elle me propose
de l’accompagner, ce que j’accepte de
bon cœur.
Nous voici à la gare d’une station tokyoïte, prêtes à prendre le shinkansen
(train express japonais) direction Kiso
pour un voyage d’un peu plus de trois
heures. Arrivées en avance comme tout
bon Japonais, je remarque avec stupéfaction que les trains –équivalents des
TGV- s’arrêtent sur le quai à seulement
deux minutes d’intervalles.
Les personnes qui montent et qui descendent ne se croisent jamais, chacun
respecte l’autre et le chemin qui lui est
tout tracé.
Je sens, à travers ses flux de va-et-vient,
une douce odeur de riz qui me dirige
vers un petit stand, à l’apparence plutôt
vétuste, posé là sur le quai comme si de
rien n’était. Dans l’étroite vitrine est
entreposé de façon très organisée une
multitude d’aliments : des légumes
frits, du riz au sésame, des nouilles
au Sarrazin, de la viande grillée… Ces
mets artificiels de cire sont à s’y méprendre et allèchent tous les passants
sans aucune difficulté. Je me laisse
aussitôt tenter par l’expérience, et c’est
avec enthousiasme que je ressors avec
ma boîte bien garnie pour seulement
550 ¥ (moins de quatre euros).
Les panneaux s’allument, Tokie m’interpelle, le train entre en gare.
SE RESTAURER
ITADAKIMASU (BON APPÉTIT !)
LE BENTÔ-BAKO, LA BOÎTE À METS
TRADITIONNELLE
1. Entretien avec M. Joan
Larroumec, gérant du club
privé Miwa, pavillon de la
cérémonie du cadeau,
réalisé le 24 septembre
2014, Paris, France.
42
De nombreux contenants alimentaires
sont utilisés par les Japonais - furoshiki, feuilles de
bambou, sac en cuir, enveloppe et panier en paille
tissée, seau en bois - bien avant l’apparition de boîtes
spécialement créés à cet effet. Même si l’origine du
bentô-bako («boîte à repas compartimentée», bentô
ne faisant allusion qu’au contenu) reste floue, les
historiens s’attachent à croire qu’elle fut inventée
pendant la fin de la période Kamakura (1185-1333)
lors de pique-nique. Le riz (hoshi-ii), aliment courant
de l’époque, est par la suite réhydraté grâce à de l’eau
bouillante transportés tout deux dans un petit sac.
Peu après, le bois devient un matériau de choix car
il préserve l’humidité du riz. Comme l’explique Joan
Larroumec 1, les Japonais privilégient l’association
de certains matériaux, comme la pierre pour les
couteaux, le cyprès qui parfume le riz... Les nombreux
périples des classes moyennes émergentes à l’époque
d’Edo (1603-1867) engendrent un grand intérêt pour
ces boîtes de transport, qui deviennent dès lors une
surface d’expression et de raffinement.
L’aristocratie japonaise n’hésite pas à se procurer
des boîtes laquées, incrustées de matériaux précieux
comme l’or ou l’argent et ornées de nacre. Les
43
divertissements comme le théâtre, ou regarder
l’éclosion des sakura («fleurs de cerisier») créent
de nouvelles opportunités de repas à l’extérieur. Le
makuno-uchi bentô-bako par exemple s’apprécie
au théâtre Nô 2 ou Kabuki 3. Les aliments privilégiés
restent les onigiri («boule de riz»), pouces de
bambou, champignons, fruits de mer... La religion
bouddhiste introduit ultérieurement le bentôbako à toutes les cérémonies, sacrées ou laïques. A
l’ouverture de la ligne ferroviaire japonaise en 1885,
qui relieUtsunomiya (préfecture Tochigi) au quartier
tokyoïte uppé Ueno, apparaît le premier bentô-bako
de gare, le ekiben. Les tentations sont multiples car
chaque gare vend la spécialité de sa région et ne coûte
que quelques centimes.
Comme le ressent Roland Barthes, «la gare japonaise
est traversée de mille trajets fonctionnels, du voyage
à l’achat, du vêtement à la nourriture : un train peut
déboucher dans un rayon de chaussures. Vouée au
commerce, au passage, au départ et cependant tenue
dans un bâtiment unique, la gare (est-ce d’ailleurs ainsi
qu’il faut appeler ce nouveau complexe?) est nettoyée
de ce caractère sacré qui marque ordinairement les
grands repères de nos villes : cathédrales, églises,
mairies, monuments historiques.» 4
Depuis toujours, le bentô-bako symbolise le statut
social. Les mères préparent chaque matin le bentô
pour leur enfants qui ne bénéficient que très rarement
de cantine, tandis que les maris passent au konbini
(«supérette ouverte 7j/7 et 24h/24) ou prennent
leur repas à emporter. Cet emballage, aux qualités
conservatrices reconnues et facile à transporter, fait
partie d’un mode de vie réglée comme du papier à
musique.
L’EVOLUTION DE LA MATIÈRE DU BENTÔ-BAKO
•LE BOIS
44
L’association du bois au bentô-bako n’est pas anodine.
En effet, le Japon, pays au climat chaud et humide,
2. héritier des formes les
plus anciennes du théâtre
japonais, il trouve son
origine dans les fêtes religieuses célébrées dans les
campagnes, afin d’égayer les
divinités, et ce faisant, s’assurer de leur bienveillance
pour les récoltes.
3. forme épique du théâtre
japonais traditionnel. Centré
sur un jeu d’acteur à la fois
spectaculaire et codifié, il se
distingue par le maquillage
élaboré et l’abondance de
dispositifs scéniques.
4. BARTHES Roland. op. cit.
p. 55
5. Aujourd’hui tout
bâtiment moderne doit
être démoli après 50 ans,
et reconstruit selon les dernières lois antisismiques
est particulièrement propice au développement des
arbres. Leur croissance rapide permet aux Japonais
d’exploiter cette ressource comme combustible,
et pour développer tout types d’objets. En outre, le
rythme des saisons permet de distinguer le bois
initial ou «bois de printemps» du bois final ou «bois
d’automne», qui expriment la beauté des veines du
bois, veinure droite et irrégulière. Cet aspect naturel,
et cette sensation au toucher sont des qualités bien
accordées au goût des Japonais, et qui est de nos jours,
encore très fortement apprécié. Les nombreuses
catastrophes naturelles font du bois le matériau
qui convient le mieux à ce pays en perpétuelle
construction/reconstruction. 5
L’utilisation des objets en bois au Japon
remonte à l’époque Jômon (8000 av J.C. - 300 av
J.C.), et indique que les techniques de travail du bois
à l’aide d’instruments en pierre étaient largement
développées. C’est à partir de l’époque Yayoi (300 av
J.C. - 300 ap J.C.) que les objets en bois se multiplient
de façon remarquable. Les communautés villageoises
s’installent sur les terres humides, du fait des débuts
de la riziculture, et contribuent donc à cette profusion
d’objets : ustensiles culinaires, outils agricoles,
armes, métiers à tisser... Ce qui retient l’attention
est l’ingéniosité avec laquelle le bois est employé en
fonction de sa provenance en tenant compte de sa
dureté, de sa résistance aux chocs, de la qualité de
sa coupe. Il faudra attendre l’époque Kofun (IIIe-VIe)
pour voir apparaître les techniques de menuiserie.
Les nombreux échanges avec la péninsule coréenne à
propos des procédés chinois permettent aux Japonais
d’améliorer et d’affiner rapidement leurs techniques.
Avec l’introduction du bouddhisme vers la moitié du
VIème siècle, des temples se construisent sur toute
l’archipel, entrainant ainsi la création d’objets de
cultes. Les Japonais maîtrisant les techniques de
menuiserie, de cintrage, d’évidage, s’attèlent aux
procédés de décorations : marqueterie de bois,
incrustation de lamelles d’ivoire, de burgau, d’écailles
de tortue, de jade, placage d’or et d’argent, peinture à
45
l’huile, laquage.
L’EVOLUTION DE LA MATIÈRE DU BENTÔ-BAKO
•LA LAQUE
Les laques se développent à l’époque de Heian
(794-1185), et la plupart des objets en bois sont dès
lors laqués. L’élaboration d’objets raffinés dans le
style Ôchô, autre nom de cette période, devient très
populaire. La laque (urushi), qui s’applique sur tous
matériaux (bois, céramiques, métal, textile...) couvre
densément et équitablement toute surface. La laque,
nom donné au liquide -à bien différencier de «le»
laque qui fait référence à l’objet- est extraite de la
sève du rhus vernifica, qui une fois sèche devient
imperméable et inaltérable. Elle était originellement
utilisée pour renforcer et protéger un objet ou une
pièce de sculpture, mais est reconnue plus tard pour
sa fonction décoratrice.
Bentô-bako en bois laqué
au motif noshi
Période Edo (18ème siècle)
MENEGAZZO Rossella. op.
cit.
Bentô-bako en bois laqué
façon maki-e avec perles
incrustées
Période Edo, 1698
MENEGAZZO Rossella. op.
cit.
46
6. MENEGAZZO Rossella.
op. cit. pp.20-25
La laque a naturellement une couleur brune, mais il
est coutume d’y ajouter des pigments rouge ou noir.
Cette matière, issue d’un processus long et méticuleux
s’applique couche par couche, est toujours appréciée
par les Japonais pour les ustensiles de cuisines, bols
et plateaux, bentô-bako, petites pièces de mobilier,
et set d’articles de décoration comme les peignes
et épingles à cheveux. Cette technique est aussi
utilisée pour embellir les équipements militaires
des samourai, épées, selle à cheval, étriers, masque
ou bouclier. A cette époque prédomine la technique
décorative du maki-e, consistant à saupoudrer d’or,
d’argent ou à incruster de perles les motifs en laque
avant qu’ils ne sèchent. L’âge d’or du maki-e coïncide
avec la période de mutation durant laquelle le Japon,
se dégageant de l’influence chinoise, élabore sa
propre culture. 6
Cette technique fréquemment employée, se
diversifie tous au long des époques à venir, et reste
une technique de premier choix. Le kamakura-bori
par exemple, est une technique représentative de
l’époque Kamakura qui consiste à graver des motifs
47
floraux sur un enduit de laque recouvrant un support
en bois. Les laques negoro de l’époque de Muromachi
(1336-1573), sont obtenues grâce à la superposition
d’une laque rouge et d’une laque noire. Le ponçage fait
apparaître par endroit sous forme de taches, de stries
ou de motifs décoratifs la couleur noire. Atteignant
sa plus grande forme de raffinement à la période
d’Edo. L’amélioration de la situation économique
des citadins favorise les laques à l’usage courant.
Comme pour toutes spécificités artisanales, chaque
région de l’archipel développe sa propre technique
de laque, qui persiste encore aujourd’hui. L’artisanat
provincial prospère grâce aux mesures de protection
et d’encouragement des industries locales. Ce bentôbako de quatre compartiments, en laque et aux
décors de noshi, déborde d’un lyrisme proprement
japonais. Le noshi empaquetait autrefois des
cadeaux de célébrations à l’aide de bande d’ormeaux
(mollusque) séchés. Il fut remplacé par la suite par
des bandes de papiers colorés synonymes de bon
augure. Ces objets utilitaires accèdent au statut de
création artistique par la poésie de la matière et les
implications spirituelles du décor.
L’EVOLUTION DE LA MATIÈRE DU BENTÔ-BAKO
.MAGEWAPPA (BOIS CINTRE)
Projet Magewappa par Shunji Kurimuri
1977
MENEGAZZO Rossella. op. cit.
48
Projet Shiraki Tsukushi Bentô par
Yoshinobu Shibata.
2003
Collectif, Wa l’harmonie au quotidien.
op. cit.
Puis la culture japonaise se particularise,
se spécifie et fait preuve d’avancées originales. La
beauté des courbes, des surfaces convexes et autre
coins arrondis séduisent le peuple. Magewappa est
une technique artisanale traditionnelle originaire de
la ville Odate (préfecture d’Akita) datant de la période
d’Edo. Cette région est particulièrement connue pour
sa production de cèdres. Depuis près de quatre-cent
ans les Japonais, très poches de la nature, plantent
et replantent des cèdres, désherbent, élaguent, et
ce chaque année afin de préserver cette qualité de
vie saine et l’environnement pour les générations
futures. Même si quatre-cent jeunes arbres ont
été plantés, moins de trente ont été utilisés pour la
manufacture. Afin de ne produire que des objets de
49
LE BENTÔ-BAKO MODERNE, LE CUPNOODLE
qualité fait-main, les arbres avec des noeuds ou avec
une mauvaise coloration ne sont pas utilisés. Cette
technique consiste à faire bouillir les copeaux de bois
pour pouvoir les plier. Le bois cintré est alors façonné
avec de l’écorce foncé, généralement de cerisier.
Comme il n’y a pas de couche de vernis, ces objets ne
peuvent pas rester longtemps dans l’eau. Cependant
sa légèreté et sa préservation des goûts en fait un
objet de premier choix.
50
Les bentô-bako de Yoshimasa Shibata et de la Japan
Craftwork Corporation (artisans locaux) sont la
preuve incontestable du regain de popularité pour le
savoir-faire traditionnel et local, malgré la tentation
des produits industriels. Cet usage quotidien combine
qualité et robustesse. Yoshimasa Shibata met en avant
l’expérience produite par cette technique, qui n’inclut
pas seulement le toucher et la vue, mais aussi le goût
et l’odeur. L’utilisation de ces sens met en relation le
contenant et contenu, l’objet et l’espace qui l’entoure,
l’objet et l’utilisateur. Les produits de la Japan
Craftwork Corporation ont reçu des nombreux prix,
notamment le «Good Design Award» décerné par
le Ministère japonais de l’Industrie et des Echanges
Internationaux qui cherche à promouvoir le savoirfaire nippon. 7
Dessin inspiré du musée Cup
Noodle à Yokohama
© Zoé Boulais
7. Odate Crafts Co., Ltd.
Magewappa [en ligne]
Disponible sur
<www.magewappa.co.jp>
Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon
lance une campagne agressive d’échanges culturels
afin de reconquérir sa position antérieure dans
la société internationale. La culture occidentale
s’impose, mais le Japon trouve tout de même sa place
à travers se nouveau style de vie. Ce double échange
représente parfaitement la mentalité de Momofuku
Ando, inventeur des nouilles instantanées. A cette
époque, le Japon manque de vivres, et se procurer de
la nourriture devient difficile. En reprenant les idées
génératrices du bentô-bako (portion individuelle
facile à transporter) Momofuku Ando, qui voie sa
femme frire des tenpura (beignets), a l’idée d’utiliser
la friture comme moyen de conserver les nouilles.
Après plusieurs réajustements, il sort en 1958 les
Chicken Ramen (nouilles instantanées au goût
poulet). Son produit -fris, séché et vendu dans des
petits sachets plastiques - fait de son entreprise
Nissin Foods une firme colossale. De séjour aux
Etats-Unis en 1966, il se confronte à un mur. En effet,
ses Chicken Ramen, qui doivent être consommés
dans un bol d’eau bouillante avec des baguettes
ne correspondent pas aux habitudes occidentales.
Pour pouvoir atteindre un public plus large, et après
de nombreuses discussions avec ses homologues
américains, il décide d’utiliser la forme d’une tasse,
51
8. d’après ma visite du musée CupNoodle à Yokohama
le 24 août 2014
qui fait office d’emballage mais aussi de plats. Manger
directement dans le contenant est en effet la dernière
idée génératrice du bentô-bako. La difficulté était de
trouver un moyen inratable et rapide pour incorporer
les nouilles sèches dans son emballage. La solution
ingénieuse de Momofuku Ando a été d’introduire les
nouilles par le haut. 8 Baptisé simplement Cup Noodle
en 1971, la révolution culinaire est en marche.
Le progrès technique mécanique engendre une
production industrielle importante, et le succès
est immédiat. L’invention de ce produit n’est pas à
prendre à la légère, car il révolutionna tout un mode
de vie et une façon de consommer rapidement dans
le monde entier. Les nouilles instantanées font partie
du quotidien japonais, et les emballages prévus à cet
effet font preuves d’une ingéniosité remarquable.
Une particularité du musée de Cup Noodle à
Yokohama est la personnalisation des emballages.
Il est possible, après avoir acheter préalablement
un emballage « vierge », de dessiner sur la « cup »
que l’on viendra remplir nous même d’ingrédients
divers choisis par nos soins, selon le procédé de
Momofuku Ando. Il a bien compris que comme
aujourd’hui l’identité de l’individu gagne de plus en
plus d’importance, il devient nécessaire d’étudier à
quel point les emballages sont capables de s’adapter
à l’individualité du consommateur.
LE CUPNOODLE LAQUÉ
52
9. Nendo. Disponible sur
<http://www.nendo.jp/>
A travers plusieurs projets pour la boutique souvenir
du musée Cup Noodle à Yokohama, Oki Sato - alias
Nendo, designer japonais mondialement reconnudécide de faire redécouvrir cet emballage que
chacun d’entre nous a eu au moins une fois dans
ses mains. Pour le projet Urushi (laque)9 Oki Sato
travaille en collaboration avec des artisans laqueurs,
qui recouvrent directement de laque les contenants
originaux comme cela est le cas pour les bols en bois.
Les signes distinctifs de la technique maki-e s’y
retrouvent : laque noire ou rouge pour la tasse et le
53
doré pour les liserés, rappelant les incrustations d’or
et d’argent de l’époque. Ce retour aux origines et cette
inspiration d’une technique traditionnelle fait de cet
objet si banal un objet de valeur culturelle. Sa fonction
première, c’est à dire contenir les nouilles, n’est pas
entravée. Ce design né d’une culture hybride fait
preuve d’un niveau de sophistication, de sensibilité et
de cohésion surprenante.
Projet Urushi par Nendo,
2011.
<http://www.nendo.jp/>
54
55
KANPAI ! (SANTÉ !)
SE RESTAURER
LE SAKÉ, LIQUIDES ET CONTENANTS
Le terme sake est un terme générique utilisé
au Japon pour désigner les boissons alcoolisées
incluant le vin, la bière et le whisky. L’alcool de riz
japonais est en fait appelé nihon-shu (littéralement
alcool japonais) ou sei-shu.
56
Le riz, grain à partir duquel est fabriqué le saké,
est cultivé en Chine depuis plus de 7000 ans. A partir
de l’époque Yayoi la culture du riz devient courante
au Japon. Les plus anciens écrits concernant le saké
japonais apparaissent dans des livres d’histoires
chinois du troisième siècle. Ils expliquent que les
Japonais ont pris l’habitude de se réunir en buvant
du saké pour pleurer les morts. Issus d’une technique
innovante chinoise -grâce à une saccharisation par
les moisissures-, le Japon développe par la suite ses
propres techniques encore utilisées aujourd’hui.
Historiquement, le saké est étroitement lié à
l’agriculture et aux rituels shintoïstes. A la fin de
période Kamakura, les sanctuaires shintoïstes et
temples bouddhistes commencent à développer eux
même leur propres techniques de brassage. Cette
boisson, accompagnée de denrées alimentaires issues
de l’agriculture, sert d’offrandes pour s’accorder
Estampe The Strong Oi
Pouring Sake par
Katsushika Hokusai.
1835
Exposition Hokusai au
Grand Palais
57
les bienfaisances des déités. Les innovations en
menuiserie de la période Muromachi (1336-1576)
permettent la fabrication de grandes cuves de 1500L,
facilitant la fabrication massive du saké. Ainsi née
une production à part entière de spécialistes non
affiliés aux temples ou sanctuaires. La conservation
de cet alcool évolue au fil des époques et les premiers
tonneaux voient le jour sous la période d’Edo.
Appelé komodaru, ces tonneaux en bois de cèdre de
taille unique permettent d’obtenir trois capacités
différentes grâce à un système de faux-fond réduisant
la hauteur de moitié ou trois-quarts. Recouverts de
pailles de riz et de motifs traditionnels, ils sont taillés
comme les occidentaux sabrent le champagne. Sous
l’ère Meiji (1868-1912), la forme des bouteilles de
bière importées suite au forcement du blocus japonais
par le commodore Perry inspire un nouveau format
pour le conditionnement du saké. Les premières
bouteilles de saké en verre de 1.8L font aussi leur
apparition. Elles mettent en avant un nouveau mode
de vie, une nouvelle façon de consommer adapter à
une vie sédentaire.
58
Grâce aux progrès fulgurants de l’industrie
durant cette époque, de nouvelles techniques
importées comme le verre moulé ou étiré sont
introduites. Les Japonais se sont en effet intéressé
tardivement à cette matière. D’après Augustin Berque,
«cela tient peut-être à la perception esthétique des
Japonais, différente de celle qui a cours en Occident,
où le verre est considéré comme une pierre précieuse
artificielle. Il est fort possible, en effet, que la nature
froide du verre n’ait pas correspondu au penchant
des Japonais pour les objets doux et agréable
au toucher».10 Les Japonais, adeptes du utsushi
(tradition de la copie), assimilent à l’époque d’Edo les
techniques et fabrications du verre importé de Chine
et d’Europe. Appelé biidoro ou encore gyaman, le
verre devient une matière très prisée représentative
de la culture occidentale récemment introduite. En
1676, Nagasaki devient la première ville fabricante
du verre, dont l’usage se répand par la suite dans la
vie quotidienne. D’autres grandes villes de l’archipel
comme Osaka et Kyôto approfondissent la technique,
et plus particulièrement Edo (actuel Tôkyô) qui
perfectionne la gravure. La diversification du style de
vie pendant ses années a provoqué un changement
considérable de l’emballage saké, même si quelques
Japonais perpétuent les rituels.
11.
10. BERQUE Augustin.
op. cit. p.501
Je me permets de faire brièvement la
comparaison entre l’évolution du contenant du
saké et de la sauce soja. La sauce soja été autrefois
conservée dans de grandes bouteilles d’1.8L puis
été transvaser dans des récipients plus petits pour
disposer sur la table. Kenji Ekuan révolutionne les
habitudes en dessinant en 1961 le flacon en verre de
150mL Kikkoman 11, qui peut être posé directement
sur la table. Il réduit la bouteille à sa forme essentielle,
critiquée à l’époque pour son apparence non-finie.
Comme la bouteille du saké, le style de vie sédentaire
à influencer l’usage et donc par conséquent la taille
des contenants alimentaires : plus petits pour se
transporter plus facilement. Le respect de la nature
et donc par conséquent le recyclage est une notion
importante que le gouvernement japonais n’hésite pas
à promouvoir comme on a pu le voir pour les furoshiki.
Les parties des objets sont pensées détachables, avec
peu de plastique, comme le bouchon Kikkoman aux
deux trous pour ne pas éclabousser. Les produits
issus de la production de masse, simples, sobres et
élégants n’ont pas disparu bien au contraire. Les
changements incroyables dû à la modernité, style de
vie contemporain, les changements d’espaces de vie
et d’introduction aux technologies, qui dans un sens a
apporté des changements de formes et de matériaux,
favorisent ceux qui sont pratiques, utiles, faciles à
utiliser et facile à nettoyer.
EXEMPLES LOCAUX DE SAKÉ
Chaque région a son propre style de vie, ses
propres matsuri (cérémonie shintoïste). Refléter
sa culture locale à travers les objets de grande
distribution est donc primordial. Le gouvernement
59
japonais prend d’ailleurs des mesures dans ce
sens afin de promouvoir les industries locales. Les
entreprises qui ont recourt à des services de designer
notamment pour travailler dans un lieu de production
en province bénéficient d’une aide financière.
Le producteur de saké Fukinishi, fondé il y
a deux cent ans mise sur des produits naturels, et
des méthodes de production traditionnelles. Afin de
s’attirer de nouveaux clients sans pour autant rebuter
les anciens, il fait appel en 1993 à Issay Kitagawa.
Président de l’imprimerie Graph Co. Ltd fondée en
1932, ce designer et graphiste est reconnu pour la
simplicité et le bas coût de ses réalisations. «Reduce to
the max» (réduire au maximum) est son mot d’ordre,
parfois le mieux étant l’ennemi du bien. L’enjeu est
de taille car l’étiquette, le logo et les papiers à en-tête
doivent à la fois symboliser la tradition mais aussi le
modernisme de l’entreprise, et bien entendu stimuler
les ventes. Le logo associe tel un rébus le nom de
l’entreprise et des symboles forts pour les Japonais.
Le symbole, au centre représente un grain de riz
-produit de base du saké- combiné à l’hiragana fu qui
établit le lien avec la distillerie Fukunishi.
Il est important de savoir que l’écriture japonaise
est une combinaison de caractères chinois appelé
kanji ayant une double lecture, et de deux systèmes
syllabiques : les hiragana et les katakana spécialement
utilisés pour des mots d’origines étrangères ou tout
ce qui n’a pas ses origines au Japon. Dans un effort
de préservation de la culture, cette particularité sert
également à distinguer les origines des créations.
Cela permet de conserver l’identité nippone tout
en respectant l’origine des produits. Comme me
l’explique Toru Ito lors de notre entretien 12, le
kanji s’envisage comme une image ou une idée, ce
qui rend la lecture beaucoup plus visuelle et facile à
interpréter. Les occidentaux lisent pour comprendre,
tandis que les Japonais regardent pour comprendre.
60
Les Japonais sont plus sensibles aux images, ce qui
fait de chaque élément graphique un symbole fort. La
12. M. Ito op. cit.
Projet Fukinishiji par Issay Kitagawa,
1993.
Collectif, Wa l’harmonie au quotidien .
op. cit.
61
conception graphique est donc capitale pour donner
un aspect local ou non au produit. Il est intéressant
de voir que le logo s’associe aussi bien sur les
tonneaux, contenants phare de la période Edo que
sur sa représentation moderne la bouteille en verre.
traditions, Kichii Kishimoto Shoten débute en 2012 un
nouveau projet intitulé Komobalto. Treize designers
et artistes japonais ont créé les motifs des tonneaux
mais aussi des tenugui (serviette en coton servant à
toutes occasions) qui l’accompagnent. Même si leur
fonction première n’est plus de contenir le liquide,
la référence au matsuri reste dominante. Utilisés
pour s’asseoir lors de la cérémonie kagami biraki,
pour décorer ou pour offrir, Komobalto joue un rôle
didactique et familiarise les Japonais aux symboles
traditionnels.
Projet Komobalto pour
Kichii Kishimoto Shoten
2012
<http://jpdesign.org/>
RITE ET INITIATIVE AUTOUR
DU CONTENANT À SAKÉ
62
De nombreuses fêtes et rites de passages
japonais sont accompagnés d’un verre de saké. Le
11 janvier, le masturi kagami biraki (littéralement
«ouvrir le miroir») permet d’exposer aux fidèles
la «lumière» des déités (kami) contenue dans les
tonneaux ou autres artefacts. Ces réceptacles sont en
effet cachés de la vue du public le reste de l’année. Il
est coutume de se réunir en famille pour boire du saké
appelé shishu (nouveau saké) le matin du jour de l’an
(o-seibo). Divers rites incluant le saké sont associées
aux passages des saisons, éléments primordiaux
surtout dans ce qui est comestible. En effet, chaque
moment de l’année est associé à des symboles forts.
Au printemps, les Japonais se désaltèrent devant les
cerisiers en fleurs (sakura) tandis qu’à l’automne
ils placent des pétales de chrysanthèmes dans les
coupes de saké et boivent en admirant la lune. Les
sakana (mets d’accompagnement) varient eux aussi
en fonction des saisons. Afin de perpétuer ces
13. Nendo. Disponible sur
<http://www.nendo.jp/>
Anchor Coffee et Sekinoichi, entreprises
situées respectivement à Kesennuma et à Ichinoseki,
sont spécialisées dans le saké et la bière. Elles
collaborent en 2013 avec Nendo pour leur projet
caritatif de Beer Bottle Sekinoichi. Ces deux villes ont
été détruites après le tremblement de terre et tsunami
de 2011, et ce projet permet de collecter des fonds
pour venir en aide aux personnes sinistrées. Pour
éviter les surcoûts de production, des bouteilles déjà
existantes on été réutilisées, couvertes de graines de
café collé à la main. Elles sont suffisamment simples
pour garder l’identité de la marque, et aussi uniques
car la disposition des motifs placés à la main varie
entre chacune d’entre elle. 13
Dans cette même lignée des motifs collés, Higuchi
63
14. Entretien réalisé le 22
août 2014 à Tôkyô
Projet Umeshu par Higuchi
Kentaro
<http://suisei-suisei.com/>
Kentaro propose son vin de Umeshu. Le motif de la
prune ume, élément traditionnel représentatif de
l’hiver, a été réduit à sa plus simple forme, ne laissant
transparaître que l’essentiel 14. L’unique et principal
motif exprime sans ambiguïté le contenu à tous
Japonais imprégnés de cette culture visuelle. Il n’est
donc pas nécessaire d’en rajouter plus, l’emballage se
suffit à lui-même.
Aujourd’hui, les éléments principaux qui
définissent l’alcool japonais sont les motifs liés aux
contenants, mais aussi les kanji, hiragana et katakana.
Le peuple se sédentarise, les portions et formes
s’adaptent à ce nouveau mode de vie. Les motifs et
autres systèmes d’écriture explicitent le contenu.
Projet Coffee Beer par
Nendo, 2013
<http://www.nendo.jp/>
64
65
5 Août 2013
7h35
Après deux mois chez Tokie et son
mari, mon départ pour Paris approche.
J’entrepose soigneusement dans ma
valise tous les souvenirs que j’ai pu accumuler jusqu’à présent, tous ce qu’on
a pu m’offrir. C’est avec nostalgie que
je range le livre « when B-side become
A-side » et le mouchoir en coton bleu
que Jo Nagasaka –mon maître de stagem’a offert avant mon départ
Tokie m’appelle et me demande de la
rejoindre dans le salon. Je lui remets
un livre sur les vins français soigneusement emballé par la vendeuse, acheté
la veille pour la remercier de son accueil si chaleureux. Gênée et émue, elle
pose le paquet encore dans son sac
sur le canapé. Je n’aurai donc jamais la
chance de savoir si ce cadeau lui a plu.
A côté d’elle se trouvent deux sacs bien
remplis. J’y trouve des gâteaux aux haricots rouges, cinq boîtes de différents
thés verts, du café, du riz, des reposes
baguettes et un album où elle a entreposé toutes les photos prises lors
de mon séjour. Elle a pris soin de les
emballer convenablement, et surtout
de choisir des aliments synonymes de
bon augure. Le soin apporté à chaques
cadeaux, par leur emballage papier, par
leurs couleurs ou par leur valeur symbolique me touche énormément.
Grâce à cet échange finalement peu anodin, nous nous sommes liées d’amitié.
(S’)OFFRIR
ORIGAMI
LA MATIÈRE PAPIER ET L’ORIGAMI
L’origami, le pliage de papier carré sans
découpage ni collage, n’est pas une technique
spécifique aux cadeaux, mais permet de mieux
appréhender la technique origata. Je m’autorise
donc à aborder ce sujet dans cette partie.
Le papier japonais, appelé communément
washi, le kanji « wa » signifiant « Japon » et le
kanji « shi » voulant dire « papier » (se lisant aussi
kami ou gami). Ce terme générique s’applique
à tout papier fait main sur le territoire nippon,
excluant ainsi toute production étrangère.
Cette matière est reconnue et appréciée au
Japon comme en Occident pour ses propriétés
physiques telles que sa densité, sa transparence,
son opacité, ses couleurs subtiles et sa texture
profonde. Réunies, elles expriment l’essence de
l’esthétique japonaise, et définissent certaines
caractéristiques de l’art, du design et de
l’architecture japonaise. Inventé en Chine, le
papier ainsi que sa technique de fabrication sont
introduits au Japon en 610 par un moine coréen
d’après ce qu’en rapporte la première histoire
69
officielle, et utilisé pour écrire les sutras. A cette
même époque, des bandes de papier coupées et
pliées ornent les autels des sanctuaires lors des
fêtes, ce sont les prémices de l’origami. 1 Symbole
de beauté et de pureté, le papier blanc s’utilise
comme offrandes pour les huit millions de
déités. Ainsi lors de cérémonies de purification
shintoïstes, mille grues pouvaient être pliées
pour porter bonheur aux malades et personnes
âgées. De part sa nouveauté et sa symbolique
religieuse, le washi est considéré comme
précieux et onéreux, et s’offre généralement
comme cadeau de mariage. Pour cette occasion,
il est courant de sceller les flacons de saké par un
papier en forme de papillon.
Pour fabriquer du papier, la Chine utilisait
à l’origine un mélange de diverses fibres végétales
ainsi que des morceaux de tissus et de filets de
pèche. Après de nombreux essais de fabrication,
trois plantes originaires de l’archipel ont été
sélectionnées spécifiquement pour le washi.
Le kôzo (mûrier) donne un papier « robuste
et vigoureux » (selon l’expression de Yanagi
Soetsu*), mistumata (arbuste edgeworthia
papyrifera) permet d’obtenir un papier velouté,
absorbant et « raffiné comme une femme de la
cour », et ganpi (arbuste wikstroemia sikokiana)
donne un papier racé « noble comme une
princesse ». 2
70
Le washi définie un sens de l’espace
qui joue sur la limite floue de l’intérieur et
l’extérieur, la relation entre être-humain et leur
environnement, et s’exprime à travers les parois,
rideaux et barrières de toutes les formes et de
toutes les tailles. Ainsi les shoji (parois mobiles)
séparent les espaces intérieurs des vérandas
extérieures. Composées de carrés de papier blanc
1. Berque Augustin. op. cit.
p.317
2. Berque Augustin. op. cit.
p.328
Projet Ori Folder par Katsuya
Iwamoto et Yuki Kumagai
MENEGAZZO Rossella. op. cit.
Projet Ori Bourse Kaishi par
Origata Design Institute
< http://origata.com/>
71
doux au toucher, elles laissent transparaître
une fois fermée, une lumière filtrée qui pénètre
jusqu’au fond de la pièce.
Dès l’époque de Nara, la vocation du
washi change, et s’utilise désormais pour la cour
impériale, l’administration gouvernementale
et les activités littéraires de l’aristocratie. Ce
matériau est donc toujours considéré comme
luxueux. Ce n’est qu’au XIIIème siècle que la
technique de fabrication du papier atteint
l’Europe, soit 600 ans après la production
japonaise. Le papier se banalise, et son usage
se généralise et imprègne la vie quotidienne
quelque soit le statut social dès l’époque Edo.
La technique origami s’envisage donc peu à peu
comme un divertissement et est destinée plus
particulièrement aux enfants. L’importance du
washi est telle qu’elle devient la deuxième source
de revenu pour l’autorité féodale après le riz. Le
papier est cité avec le riz, le saké et le sel comme
nécessités quotidiennes pendant l’air de Kyôhô
(1717-1735). 3
72
La mécanisation des rendements et
l’assimilation de méthodes industrielles
occidentale au début de l’ère Meiji ont réduit
considérablement la production artisanale alors
à son apogée. Des cent milles ateliers d’alors, il en
reste moins de six cent en 1983. La détermination
du Japon à sauvegarder le papier est claire ; le
Ministère de la Culture entreprend dès lors
une politique de subvention afin de maintenir
et promouvoir les techniques traditionnelles,
classées « bien culturel important ». De plus, le
Ministère japonais récompense ses maîtres du
papier qu’il considère comme les « coffres forts »
d’une culture à sauvegarder, la plus grande
reconnaissance pour ses artisans étant le statut
4. M. Joan Larroumec op. cit.
3.Idem
de ningen kokuhô (trésor national vivant). 4 Il
n’en existe qu’un seul par génération, ce qui en
fait un titre particulièrement prestigieux. Les
paysans de leur côté assurent une production
pour répondre aux besoins immédiats et locaux,
tandis que les artisans fournissent du papier de
haute qualité pour des usages précis comme la
restauration de peinture, ou des papiers destinés
à la décoration.
De son côté, le maître Yoshizawa Akira
invente des milliers de figures destinées à
l’origami, inspirées notamment de figures
traditionnelles, et se répand dès lors à travers
toute le Japon et même l’Occident. Les artistes et
designers japonais s’approprient cette technique
et ce matériau si accessible pour laisser libre cours
à leur imagination. Ainsi certaines recherches
contemporaines s’éloignent parfois de la forme
traditionnelle en utilisant par exemple plusieurs
feuilles, ou un rectangle au lieu d’un carré, ou en
mouillant le papier. Un papier washi a d’ailleurs
été spécialement conçu pour cet usage : il est
généralement mince, très résistant, gardant
bien le pli et présentant deux faces de couleurs
différentes. Cette technique développe le soin, la
patience, l’imagination et la représentation en
trois dimensions.
LA MATIÈRE PAPIER ET L’IMPRIMERIE
Le boom graphique japonais a débuté
à la deuxième moitié du XXème siècle. Les Jeux
Olympiques de 1964 à Tôkyô ont permis aux
Japonais de prouver au monde entier leurs
compétences en matières de technologie et de
design graphique. Cet évènement a ouvert un
nouveau chapitre dans l’histoire contemporaine
73
Projet Work-B Kaishi par Keiko
Hirohashi, 1981
SHIGERU Uchida. op. cit.
74
Projet Work-G Kaishi par Keiko
Hirohashi, 1981
SHIGERU Uchida. op. cit.
75
du pays. Les Jeux Olympiques ont en effet été
déterminants, et Yusaku Kamekura (1915-1997)4
a conquis le monde avec les affiches créées pour
cette occasion. La technologie d’impression de
haute qualité a lui aussi contribué à diffuser
le design nippon sur la scène internationale.5
Tradition et nouveauté ne sont pas en conflit, la
tradition devient en effet une source d’inspiration
inépuisable.
Keiko Hirohashi, designer d’avant garde,
travaille beaucoup sur la notion de l’emballage
imprimé, et plus particulièrement à travers
l’origami. Elle compare d’ailleurs cette technique
au morceau de tissu du kimono, qui après avoir
servi à habiller le corps, redevient un carré facile
à ranger. 6 Son projet de 1981, intitulé work-G,
issu lui même d’une série plutôt exhaustive, crée
un multi-emballage à partir d’une unique feuille
coupée de fentes. Le motif léger mais imposant
évoque la surface de la mer, grâce à deux tailles de
points qui rappellent le mouvement des vagues.
L’illusion d’optique crée par cette mise en volume
reflète bien toutes les qualités de l’origami.
4. Ancien Président de
l’association des arts
graphiques japonais (JAGDA)
5. WIEDEMANN Julius. Asian
Graphics Now 2. Taschen,
2010, 432 p.
le minéral) sont des habitacles du divin. Les
Japonais ont toujours eu l’habitude de le modeler,
plier, nouer et ficeler avec un soin et un respect
immense, en accord avec le style et les besoins
des espaces. Ses propriétés tactiles continuent
donc d’être un élément clé aujourd’hui encore.
6. AKIZUKI Shigeru. Boxes
by four. Tôkyô : édition
Rikoyu-Sha, 1982, 221p.
Le design d’objet et les expérimentations sur le
papier offre un nombre infini de possibilités, se
questionnant sur des problématiques actuelles
telles que le recyclage et la durabilité. Son
apparence fragile n’a pas entravé sa fonction
décorative. Plus récemment, les recherches et les
avancées technologiques ont fait du papier un
matériau révélant sa structure et sa polyvalence
à travers des objets fonctionnels.
76
Le washi constitue un matériau de premier
choix et a toujours été en étroite relation avec
le spirituel au Japon, où toutes les « créations »
de la nature (l’humain, l’animal, le végétal ou
77
ORIGATA
(S’)OFFRIR
OFFRIR DES CADEAUX, UN CÉRÉMONIAL
SOCIALISANT ET ENGAGEANT
« Pour offrir un cadeau, je m’aplatis, courbé
jusqu’à l’incrustation, et pour me répondre, mon
partenaire en fait autant : une même ligne basse,
celle du sol, joint l’offrant, le recevant et l’enjeu
du protocole, boîte qui peut être le contient rien
– ou si peu de chose. [...] Le salut peut être ici
soustrait à toute humiliation ou à toute vanité,
parce qu’à la lettre il ne salue personne ; il n’est
pas le signe d’une communication surveillée,
condescendante et précautionneuse.» 1
78
Offrir un cadeau (o-miyage, littéralement
« produit de la terre ») au Japon s’inscrit dans
système complexe d’échanges : recevoir conduit
à effectuer immédiatement un cadeau en retour,
ou permet de maintenir et consolider de bonnes
relations sur le long terme. Le réseau très dense
des obligations forme la trame du tissu social et
relationnel japonais. Le moindre échange créé
donc un lien indissoluble. Cet entrelacement
de liens formels est parfois si emmêlé que les
Japonais eux-mêmes en perdent le fil. Comme
Estampe Les Sept Divinités
du Bonheur sur la Nef aux
Trésors.
Katsushika Hokusai.
vers 1785-1787
Exposition Hokusai au
Grand Palais
1. Barthes Roland. op. cit.
p.89
79
l’exprime le sociologue G. Simmel, « l’équilibre
social et la cohésion ne pourraient exister sans
réciprocité de service et de contre service ». La
société nippone dite « communautaire » fournit
un terrain propice aux rituels de réciprocité.
Cette relation si particulière s’articule autour de
deux concepts, le on et le giri. 2 Le on combine
le don d’un bienfait et l’obligation qu’elle
engendre, il représente donc un crédit social
pour le bienfaiteur, et une dette sociale, perte de
liberté pour le bénéficiaire qui devra forcément
lui rendre l’appareil. Recevoir on quand on ne s’y
attend pas entraine de la part du bénéficiaire un
sentiment de gêne. Par conséquent le bienfaiteur
qui endosse la responsabilité de donner on
s’efforce de toujours minorer la valeur de son
don, quelque soit la valeur monétaire de l’objet
emballé. Un présent dont émane la prétention
fait diminuer la valeur de l’objet. L’étiquette
japonaise requiert par conséquent de ne pas
ouvrir le cadeau en présence du donateur afin
de ne mettre personne mal à l’aise. Cela explique
entre autre la modestie légendaire des Japonais.
Giri quant à lui fait référence à l’obligation dont
le bénéficiaire doit par la suite s’acquitter envers
le bienfaiteur.
LES OCCASIONS POUR OFFRIR
• LES ÉVÉNEMENTS CALENDAIRES
80
Personne n’imaginerait arriver les mains
vides, ou avec un emballage tortueux. Le cadeau
règle la vie quotidienne, et est rythmé par un
nombre infini d’échange de cadeaux. Deux
dates majeures orchestrent le calendrier : à la
fin d’année (o-seibo) et au milieu d’été, vers
le 15 juillet (o-chugen), dates féodales où il
était traditionnellement coutume de faire des
offrandes aux esprits des ancêtres. O-chugen,
période des bonus et des primes, est un moment
comparable à l’affairement de Noël en Occident.
Des étages entiers des grands magasins sont
réservées à cette lourde obligation sociale. Les
bénéficiaires sont souvent d’un statut social
supérieur (professeur, médecin…). Plus une
relation perdure , plus l’obligation qui en découle
s’accroit.
2. LAGANE Jean. Le langage
des cadeaux au Japon :
une médiation symbolique.
Communication et langages,
2005, 146p., pp.115-128
Lors des matsuri tels que la présentation
des enfants à la divinité locale à trois, cinq et sept
ans, ou encore les cérémonies de majorité à l’âge
de soixante dix sept ans, quatre-ving huit ans, les
déités reçoivent régulièrement des offrandes. Il
est aussi de tradition de recevoir des cadeaux lors
des trois principaux rites de passages (tokiuri). A
la naissance, on reçoit du riz coloré rouge, tandis
qu’au mariage et au décès on offre du riz et du
saké.
3. BERQUE Augustin. op. cit.
La Saint-Valentin, d’introduction récente,
montre bien que toutes nouvelles occasions
est sujettes à offrir et renforcer le lien social.
Importée semble-t-il par un chocolatier 3, les
femmes uniquement offrent du chocolat à leur
cher et tendre, bien emballé évidemment, qui
leur rendent l’appareil un mois après lors du
« white day » (jour du blanc). L’ingéniosité et la
polyvalence des designers japonais à produire
un nombre sans fin de variations de formes de
cœurs pour ces deux fêtes sont remarquables.
• LE VOYAGE, LA SÉPARATION
L’échange de cadeaux est aussi étroitement
lié aux voyages personnels, voire professionnels.
Le Senbutsu (présent de séparation), très souvent
matérialisé par de l’argent liquide, exprime le
81
regret occasionné par la séparation provisoire.
Cette somme sert aussi à offrir des souvenirs en
retour. Les Japonais en voyage à l’étranger ou dans
une autre préfecture nippone, ont une réputation
d’acheteurs invétérés, car il est espéré qu’ils
reviennent avec des cadeaux pour leur famille,
amis et collègues. Ce cadeau permet d’amorcer
une médiation de retour en guise de réparation
de son absence. Ils choisissent généralement des
produits fastueusement emballés et qui portent
le nom d’une marque prestigieuse. En effet cette
fascination pour le visuel est une réalité, et la
consommation donne le sentiment d’exister.
La nouvelle génération tire son identité des
vêtements qu’ils portent, des boutiques qu’ils
fréquentent. 4
4. JOLIVET Muriel. op. cit.
Afin d’anticiper toutes les éventualités,
les boutiques dans les aéroports ou autres
arrêts comme les gares et les ports proposent
des denrées locales bien emballées prévus pour
satisfaire tous les bénéficiaires potentiels. Cette
fastidieuse tradition est donc souvent facilitée par
les grandes marques. Les dépenses occasionnées
pour les cadeaux sont considérables : l’Institut
de recherches sur le tourisme et les produits
touristiques dévoile que le marché des o-miyage
représentait 2500 milliards de yens, soit 23
milliards d’euros en 2012.
LA TECHNIQUE D’EMBALLAGE
DE L’ORIGATA
82
L’origata est une technique traditionnelle
ancestrale d’emballage cadeaux, théorisée dans
un manuel de protocole par la famille Ogasawara,
sous l’époque Muromachi. Sa véritable origine
reste cependant floue, mais est associée dit-
Pages de l’ouvrage référence,
l’Hoketsuki (emballages et
nœuds) par Sadatake Ise
1764
83
on, à un rituel pratiqué au Grand Sanctuaire
d’Ise, où les prêtres offraient il y a 1300 ans des
ormeaux (coquillages) aux déités, pour signifier
leur gratitude envers les bienfaits de la nature.
« Saigu », fille de l’Empereur, emballait ces
coquillages à la façon origata, afin de les purifier
de la vie terrestre et symboliser la sincérité
de ses sentiments. Ces règles très strictes
deviennent dès la période d’Edo le privilège de la
famille du shogun, et restent secrètes jusqu’à ce
que le trente-deuxième chef du clan Ogasawara
décide de rendre public le manuel de protocole.
Keishosai Ogasawara, héritière du clan, assure
aujourd’hui la direction au sein du club privé
parisien Miwa. 5 Joan Larroumec a pris le temps de
m’expliquer sa passion pour cette technique aux
codes si particulier. L’essentiel est de valoriser
le temps passé pour l’autre, car créer un paquet
cadeau est particulièrement long et fastidieux.
« C’est dans l’enveloppe que semble s’investir le
travail de la confection (du faire) » 6.
L’emballage origata s’articule autour de
quatre éléments forts, qui apportent chacun une
information supplémentaire sur le contenu ou
la relation entre les protagonistes : le papier, le
pliage, les cordelettes et le nœud.
84
Le danshi (catégorie de papier washi issus
du nord du Japon) est un papier biologique fait
main et produit à partir de troncs d’arbres qui,
une fois torsadée, servent aussi à la fabrication
des cordelettes. Il est considéré comme le
matériau le plus approprié pour emballer et
présenter un cadeau. Miwa pousse le concept de
l’emballage japonais jusqu’au bout, et importe
son danshi directement du Japon, chez le ningen
kokuhô (trésor national vivant) actuel. Plus le
papier est épais, plus le cadeau est fragile. Le
papier plié, appelé ori, indique le contenu du
paquet. Le pliage à la façon noshi est privilégié.
Il est aussi courant de faire apparaître des grues
sur l’emballage pour les anniversaires décennaux
dès l’âge de 60 ans.
5. Miwa. Pavillon de la cérémonie du cadeau [en ligne]
Disponible sur <http://
www.miwa.net/>
6. Barthes Roland. op. cit.
7. M. Joan Larroumec op. cit.
Les cordelettes, appelée mizuhiki,
communiquent sur la magnificence du cadeau
et l’importance de l’événement, à travers leurs
couleurs et leur nombre. La combinaison par
paire des couleurs rouge et blanche, rouge et
dorée, noire et blanche, ou dorée et blanche est
synonyme d’évènements positifs, de bon augure,
tandis que l’association négative du rouge et
noir, commémore les deuils par exemple, et
peuvent être associés de motifs de fleur de lotus.
Toujours en nombre impair –cinq, sept, neuf –,
elles se nouent autour du danshi et expriment
la relation entre le donneur et le receveur. Si le
nœud s’ouvre facilement, c’est que l’on veut que
l’événement se reproduise. Un simple nœud
pour des évènements qui dans une vie ne doivent
pas se reproduire (mariage, maladie…) sera
indénouable. Le receveur est obligé de couper le
nœud grâce à une paire de ciseaux. Le nœud peut
aussi se resserrer lorsqu’on essaye de l’ouvrir,
et signifie que l’on veut approfondir les liens.
La peinture des cordelettes s’abime et s’enlève
lorsque l’on dénoue, et peut de se fait être
comparé aux sceaux occidentaux qui assurait le
secret. 7
Cet
emballage
éphémère
détruit
instantanément, transmet donc une image, une
idée. Cette association offrent une combinatoire
hautement codifiée, et instaure un dialogue
évident entre les deux protagonistes. Une
personne avertie peut deviner aisément ce que
contient l’emballage juste en regardant sa forme.
85
86
Projet Toraya Hashitsutsumi
Origata Design Institute
Projet Assortiment Origata
Origata Design Institute
Projet Assortiment Origata
Origata Design Institute
Projet Célébration
Origata Design Institute
Projet Facture enveloppée
Origata Design Insitute
Projet Célébration
Origata Design Insitute
Projet Origata Fumika
Origata Design Insitute
Projet Toraya Poti
Origata Design Insitute
87
Suite à la laïcisation croissante de la société,
l’échange de cadeaux inscrit dans un processus
de mutation sociétale face à la mondialisation
détient de moins en moins de signification
spirituelles ou magiques. La complexité de la vie
citadine moderne encourage l’individualisme.
L’Origata Design Institute 7, créé en 2002, se veut
en rupture avec cette individualité constante. Elle
est la seule agence japonaise actuelle à mettre en
avant le savoir-faire de cette technique. Elle a su
moderniser et adapter à l’agitation quotidienne
à travers l’emballage d’objets, mais aussi de
nombreuses expositions et publication de livres.
Les lignes pures du papier plié, rehaussées
subtilement par des couleurs vives subliment
les commodités journalières telles les baguettes,
lait, sucre, sel, saké, biscuits.
Chaque denrée, même prosaïque, est
dressée comme un cadeau. Même une boîte de
conserve est enroulée de papier décoratif, et
noué d’un ruban. Le sel de bain, produit souvent
offert, de Haruhara Tomoko reprend les codes
spécifiques aux cadeaux Les deux cordelettes
rouge et blanche rappellent les éléments forts
indispensables pour offrir. Cette association
de couleurs est appelée kohaku, « ko » pour le
rouge, et « haku » pour le blanc. Elles viennent
compléter astucieusement le dessin du lapin,
lui aussi synonyme de bon augure. Les Japonais,
décodant ces signes évocateurs, seront donc plus
à même d’acheter ce produit pour offrir. 8
88
Ce concept de redevabilité a servi de
ciment entre une société insulaire féodale et
sa modernisation tout en renforçant les liens
familiaux solidaires. L’influence des différents
7. Collectif, Wa l’harmonie
au quotidien. op. cit.
Projet Hare Hiro no Shio par
Nagakuraya
S.N. Sweet Package Design.
op. cit.
8. S.N. New Traditional Japanese Design. Tôkyô : BNN,
2013, 176p.
89
paramètres sociaux entre bienfaiteurs et
bénéficiaires détermine le contexte de leurs
échanges.
Les frissons et la curiosité lorsqu’on
déballe un bel emballage couche après couche
sont des moments de joie que le Japon n’a pas
oublié. Le choix du cadeau est aussi important
que son emballage, et se choisissent en fonction
de l’occasion. L’emballage doit répondre à de
nombreuses exigences, comme notamment
ne pas cacher l’objet et le laisser deviner par
transparence. Il doit respecter son contenu et
le mettre en valeur sans l’écraser. La qualité du
papier, la forme et les couleurs sont des critères
déterminants. Faire un papier cadeau ne se
limite donc pas seulement à entourer l’objet,
mais plutôt à réaliser un pliage en fonction de
la forme de l’objet et de la personne à qui il est
destiné. Il apparaît clairement que l’échange
de cadeaux fonctionne d’avantage comme une
validation sociale des relations interindividuelles
que comme un simple spéculation sur les valeurs
économiques des présents échangés.
90
91
CONCLUSION
Dans un environnement insulaire sans
contact direct avec l’étranger, la créativité nippone
attache une grande importance à ce qu’un objet soit
indispensable à la vie quotidienne.
Les japonais cherchent à intégrer l’objet dans son
milieu, ou en familiarisant l’utilisateur à son usage et
provoquer la sympathie. L’emballage facilite le transport, protège de l’environnement extérieur mais
contient un objet rempli de vie. Chaque objet ainsi
créer est travaillé dans le détail, dans le souci de la
matière, quelque soit sa durée de vie et son importance monétaire.
92
Afin de ne pas oublier cette culture si riche et d’assimiler ses codes sans erreurs, de nouvelles formes de collaboration entre designers et artisans apparaissent,
soutenues vigoureusement par le gouvernement nippon. Ils donnent un nouveau souffle et un style plus
contemporain grâce à des associations audacieuses
de couleurs et des stylisations de motifs (furoshiki),
mais trouvent aussi de nouvelles utilités liées à mode
de vie sédentaire. Les décors ne sont pas banals et
explicitent le contenu grâce à un code d’images très
parlant : les écritures permettent d’identifier la provenance et les motifs exprime le goût (saké fukinishi).
De façon plus subtile, les emballages peuvent retranscrire des univers de fêtes, des ambiances d’époque
traditionnelle qui sont des sources d’inspiration inépuisables pour les designers.
Cela se fait en respectant le matériau, et ce à chaque
étape de transformations, mettant en avant le savoir-faire local et artisanal. Certains emballages
comme les magewappa marqués par les phénomènes
naturels caractéristiques de la région sont des qualités très appréciées. L’objet manufacturé doit se suffire à lui-même, et doit manifester une certaine indépendance pour « mener une vie autonome » après
être vidé de son contenu et avoir rempli ses fonctions
informative.
L’innovation de ces vingt dernières années a
créé un lien fort entre l’artisanat et les expérimentations technologiques, comportant des avancées sur
les matériaux pour économiser les ressources naturelles et sur les méthodes de conception comme les
nouveaux procédés d’imprimerie. La réutilisation des
matières brutes n’est cependant pas lésée. L’importance accordée à redonner vie aux objets désuets est
étroitement liée au processus de l’emballage (lors de
rituels notamment), car il confie lui aussi une valeur
symbolique à l’objet en plus de sa fonction primaire.
Le gouvernement n’hésite pas à intervenir dans ce
sens, et s’inscrit dans la politique des (réduire, réutiliser, recycler).
On se rend pourtant compte que le lien entre
l’emballage et le bénéficiaire n’est pas un geste anodin, et demande à être déchiffré. Dans le cadre d’un
échange de cadeau, qui n’est pas occasionnel comme
en Occident, est une obligation mutuelle hautement
codifiée extrêmement contraignante et engageante.
A travers la globalisation, les Japonais ont su
intégrer la culture mondiale tout en gardant leurs
fondamentaux immuables et identitaire, et mettent
en avant aujourd’hui une culture hybride.
L’établissement de codes existe aussi en Occident
mais de façon beaucoup moins marqué. C’est donc
aux designers de mettre en avant ces codes implicites.
93
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ET AUTRES
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EXPOSITIONS
THE SEKAI-ICHI : Unique Inspirations
“Made in Japan”, Miraikan The National
Museum of Emerging Science and Innovation, Tokyo, Japon, 7 Décembre 2013 - 6
Mai 2014.
Design Bussan 2014, Hikarie 8, Tokyo,
Japon, 7 Août 2014 - 19 Septembre 2014.
Collection permanente, CupNoodle Museum, Yokohama, Japon.
Hokusai, Grand Palais, Paris, 1er Octobre
2014 - 18 Janvier 2015
ENTRETIENS
Entretien avec M. Toru Ito, vice président
de l’association du packaging japonais et
directeur de l’agence de design ESQUISSE,
réalisé le 22 août 2014, Tokyo, Japon.
Entretien avec M. Joan Larroumec, gérant
du club privé Miwa, pavillon de la cérémonie du cadeau,
réalisé le 24 septembre 2014, Paris, France.
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