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PAGES DIOCESAINES
Longtemps mis de côté, les célibataires sont devenus source de plus d’attention de la part de l’Église, notamment grâce au
travail de Michel Bureau*, un prêtre jésuite pionnier dans l’accompagnement des célibataires chrétiens. Aujourd’hui, des
temps forts sont consacrés aux célibataires chrétiens, de même que des week-ends organisés dans toute la France pour
permettre aux personnes vivant un célibat non choisi de se retrouver, d’échanger sur leurs expériences de vie, de prendre du
recul par rapport à leurs souffrances, de donner un sens à cet état de vie.
© PIERRE SAUSSUS / FC 38
*Michel Bureau a publié L’appel à naître (Vie chrétienne, 1976).
Quelle place pour
les célibataires
au sein de l’Église ?
Entre liberté et angoisse
I
ls sont tous là, réunis pour un dîner entre
amis : Cécile et Gilles, Agnès et Benoît,
Marlène et Francis, Estelle et... Ah,
non, bien sûr, comme toujours Estelle
est venue seule. Comme toujours, il n’a pas
été simple de lui trouver une place autour de
la table. Comme toujours, elle se sent un peu
différente, marginalisée, au milieu de tous ces
couples. Et puis, elle redoute ces regards au
mieux attristés, au pire condescendants (« Si
elle est seule, c’est qu’elle l’a cherché »),
quand ce ne sont pas des remarques désobligeantes (« Quand vas-tu te décider à te
marier ? »).
« A quoi suis-je utile ? »
Estelle, comme nombre de personnes vivant
seules sans l’avoir choisi, s’est posée bien des
questions autour de ce célibat : « Pourquoi
n’ai-je pas droit à une vie de famille ? », « A
quoi suis-je utile si je ne peux donner la vie ? »,
« Pourquoi aucune personne ne semble-t-elle
m’être assortie ? » A ces questions, s’ajoute
un sentiment de dévalorisation sociale et
familiale. « L’apparent échec affectif que
représente le célibat fait peur, au même titre
que l’apparent échec professionnel des chômeurs fait peur », résume Claire Lesegretain,
qui a consacré plusieurs études à ce sujet et
accompagne des célibataires chrétiens. Au
sein de sa famille, Estelle se sent souvent « en
trop », requérant une attention moindre de
la part de ses parents, plus soucieux des frères
et sœurs qui se sont mariés et leur ont donné
des petits-enfants. Pourtant, ces parents
vieillissants, c’est elle qui s’en occupe le plus
souvent, acceptant par là une règle tacite qui
veut que, célibataire, elle ait plus de temps
libre... Socialement, les discriminations sont
également monnaie courante : puisqu’elle vit
seule, Estelle est davantage taxée fiscalement
que ne le sont les familles. Et puis, elle n’a pas
vraiment eu le choix pour prendre ses congés :
on lui a fait comprendre qu’il valait mieux
qu’elle parte hors vacances scolaires...
Le compte à rebours
de l’horloge biologique
Avant l’âge de 30 ans, Estelle a vécu son
célibat sans trop d’angoisse, se disant qu’elle
jouissait d’une liberté qui lui permettait de
s’épanouir dans le domaine professionnel, par
exemple. Mais, le temps passant, les choses
se sont compliquées. Un sentiment de frustration, d’injustice et d’échec personnel s’est
peu à peu insinué en elle. Pour les femmes,
l’angoisse monte à mesure qu’avance l’horloge
biologique et s’éloigne la naissance possible
d’un enfant. Une impression de temps perdu,
de voir ses chances de rencontrer sa « moitié »
amoindries renforce encore ce sentiment de
malaise. Et de culpabiliser de n’avoir pas réussi
une vie épanouie sur tous les plans, comme
nous l’assène la société.
La foi peut « féconder »
le célibat
Comment, dès lors, trouver en soi les ressources pour vivre ce célibat de manière
féconde ? Pour Claire Lesegretain**, « il s’agit
de trouver en soi puis de faire jaillir de soi ce
qui est source de joie et de vie. Ce qui sera
indéniablement plus facile pour le célibataire
qui trouve en Jésus-Christ sa source de vie ».
La prière, les sacrements, sont là pour permettre à la personne de s’aimer, de s’estimer
au-delà du regard de l’autre, d’apporter plus
d’authenticité à ses échanges, de développer
une sérénité et une paix intérieures.
Élise Chardonnet
**Dans « Rester célibataire... sans l’avoir choisi »,
revue Christus n°226, mai 2010.
Un possible chemin de fécondité
Au sein du diocèse de Grenoble-Vienne, la question du sens à donner à son célibat n’a pas été
oubliée. Le centre spirituel de Saint-Hugues-de-Biviers propose notamment des sessions de
rencontres et de partage pour les célibataires chrétiens. Pour Claire Lesegretain, qui anime l’un
de ces week-ends : « Ces célibataires, qui n’ont pas choisi de l’être et qui aspirent à rencontrer
un conjoint, recherchent surtout à donner un sens à leur vie. » Au travers d’exposés ou de temps
de partage en petits groupes, l’intervenante éclaire les participants sur les raisons sociales du
célibat massif, sur les éventuelles blessures psychologiques qui peuvent expliquer le célibat,
ou sur les façons de vivre sa vie affective et sexuelle lorsqu’on est célibataire. Elle interroge
également les textes bibliques et invite à une réflexion sur les manières de faire du célibat un
chemin de fécondité.
Deux rendez-vous
« Pour vivre un célibat qui ait du sens », du 17 au 20 mai 2012
« Célibataire, je suis créé(e) pour aimer ! », du 18 au 25 août 2012
Renseignements : www.st-hugues-de-biviers.org ou 04 76 90 35 97
Septembre 2011 - page II
PAGES DIOCESAINES
© FC 38
Theotokos,
un site de rencontres chrétien
Olivier Orna
Theotokos.fr est un site de rencontres sur Internet, qui se veut un moyen de
mettre en relation des célibataires partageant les valeurs chrétiennes.
Olivier Orna, co-fondateur du site, en explique les particularités.
Comment a germé l’idée d’un
site de rencontres chrétien ?
C’est notre situation personnelle, à ma
sœur Anne-Lise et à moi-même, qui
nous a conduits à créer Theotokos.
Tous deux célibataires, il nous était difficile de conjuguer vie professionnelle
intense et désir de fonder un foyer. La
visite de sites Internet de rencontres
« classiques » ne nous satisfaisait pas :
rencontres brèves, relations superficielles... Les agences matrimoniales se
révélaient, elles, onéreuses, et proposaient rarement des profils attractifs. En
partageant nos réflexions avec d’autres
célibataires trentenaires, nous avons
pris conscience qu’existait une réelle
demande de lieu de rencontres fondé
sur les valeurs chrétiennes.
Quelles sont les valeurs
qui sous-tendent le projet
Theotokos ?
Notre idée, en créant Theotokos,
était de créer une plateforme ouverte
à tous ceux qui, quel que soit leur profil (divorcés, séparés, veufs ou homosexuels compris), souhaitent ouvrir un
champ relationnel jusque-là étriqué,
dans un esprit de respect et de don de
soi. Nous faisons en sorte d’apaiser les
souffrances du célibat, notamment la
solitude, de redonner de l’espérance, à
travers des e-mails d’accompagnement
par exemple. Il n’est pas rare que nous
orientions des personnes en questionnement vers des prêtres, des instances
juridiques (pour envisager une procédure de reconnaissance de nullité d’un
précédent mariage par exemple), ou
que nous fassions parvenir des prières.
Quel est le profil des abonnés
du site ?
La plupart de nos abonnés sont des gens
matures (30-45 ans) et diplômés. Les
femmes sont plus nombreuses à s’inscrire (57 %), la proportion de ces dernières augmentant avec l’âge. 60 % des
internautes sont catholiques, 20 % protestants. Les 20 % restant sont surtout
attirés par les valeurs de respect et d’engagement qui sont les maîtres-mots du site.
Quels sont les garde-fous nécessaires pour se prémunir
d’actes malveillants ?
Il est clair que les célibataires, notamment les femmes de 45-50 ans vivant seules,
sont des proies faciles pour un certain nombre de personnes mal intentionnées.
L’anonymat, qui est essentiel pour respecter la vie privée de nos abonnés, est un
outil à double tranchant et on ne peut être totalement à l’abri d’un abus. Nous
validons systématiquement les annonces de présentation ainsi que les photos,
et nous comptons beaucoup sur l’effet de groupe : les abonnés nous alertent
lorsqu’ils jugent une annonce contraire à l’éthique du site.
Y a-t-il des choses à savoir pour s’épargner trop de
déceptions ?
Un des pièges d’un site de rencontres comme le nôtre, c’est le côté fantasmagorique de la chose : une personne vivant seule depuis des années est soudain en
contact avec une ou plusieurs personnes. Il n’est pas rare qu’elle projette alors
sur l’autre ses rêves de fonder une famille et elle peut ressentir une profonde
blessure si la relation ne va pas plus loin. Il est nécessaire de prendre le temps et le
recul nécessaires pour ne pas « s’emballer » après cinq ou six e-mails échangés...
Propos recueillis par Élise Chardonnet
www.theotokos.fr
BIBLIOGRAPHIE
◗ Croire aujourd’hui n° 262, déc. 2009.
◗ Panorama n° 367, juin 2001 et n° 384, janv. 2003.
◗ Documents Episcopat,
« Célibats, célibataires, quelles perspectives en Église ? ».
◗ Christus n° 226, mai 2010 « Les choix de vie » et n° 193,
janv. 2002 « La promesse ».
Qui sont les célibataires ?
On définit les « vrais célibataires » comme les personnes n’étant pas mariées et ne l’ayant jamais
été, n’étant ni pacsées, ni en situation de concubinage, et n’entretenant pas une relation affective
stable. Les sociologues distinguent également célibat d’attente (avant 40 ans) et célibat définitif
(au-delà de cet âge), alors même que nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, se marient après 40
ans. Du jeune n’ayant pas encore trouvé « l’âme sœur » à la femme élevant seule ses enfants, en
passant par l’agriculteur quinquagénaire vivant avec sa mère, le célibat non choisi concerne une
multitude de personnes aux profils et aux parcours de vie variés...
En France, ils sont près de quatre millions, femmes et hommes à parts égales, et leur nombre
progresserait de 3 % par an. Mais il n’est pas simple d’établir des statistiques, car le sujet est
parfois « tabou ». Certaines personnes éprouvent des réticences à se définir comme célibataires,
tant cette situation est vécue au mieux comme une étiquette, au pire comme une disqualification.
Hommes et femmes n’ont pas toujours la même attitude face au célibat. Si les femmes sont plus
enclines à verbaliser leurs souffrances et à se remettre en question, les hommes réagissent souvent
dans le silence, se repliant sur eux-mêmes ou se perdant dans le travail.
Élise Chardonnet
Septembre 2011 - page III