Santé : Changement de logiciel
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Santé : Changement de logiciel
Santé Changement de logiciel MICHEL CHASSANG, PRÉSIDENT DE LA CSMF Le PLFSS adopté fin octobre vise à redresser les comptes de la Sécu, qui seront durablement en déficit. Au-delà, il ouvre la voie à des réformes plus profondes dans tous les champs de la santé. L es stock-options devaient – selon la Cour des Comptes – rapporter 3,5 milliards d’euros au régime général de la Sécurité sociale. Le rendement attendu de la future taxe, soutenue à la première heure par le rapporteur du Projet de loi de financement de la Sécurité (PLFSS), Yves Bur (député d’Alsace), ne sera in fine que de 400 millions d’euros. La taxe sera assise sur une contribution patronale sur l’attribution de stock-options, dont le taux atteindra 10 % de la valeur des options, équivalent à 25 % de la valeur nominale des actions. A cette contribution s’en ajoutera une autre, salariale cette fois, de 2,5 % sur les plus-values d’acquisition à l’exercice de l’option. Comme annoncé dès le lancement des débats sur le PLFSS, les distributions d’actions gratuites seront également imposées à 10 %. « Il s’agit de faire en sorte que ces rémunérations déguisées, en forte expansion, participent davantage au financement de la protection sociale », a déclaré le rapporteur, conscient que l’équité contributive devait jouer en la matière pour faire passer la mesure qui concernera tous les assurés sociaux et les malades à compter de janvier prochain. 8 PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2007 Agir sur les dérives Car les franchises sont désormais dans le « pipeline » de l’assurance-maladie. Elles s’alimenteront par une taxe de 50 centimes versée par boîte de médicament délivrée, ajoutés à 50 autres centimes sur les actes paramédicaux (infirmiers, kiné, orthophonistes, orthoptistes), le tout accompagné de deux euros pour chaque transport sanitaire. Les enfants, les femmes enceintes et les bénéficiaires de la CMU en seront exemptés. Aucun assuré ne devra s’acquitter d’un montant supérieur à 50 euros par an au titre de ces franchises dont le rendement attendu devrait s’élever à quelque 850 millions d’euros et qui devront servir, Roselyne Bachelot l’a confirmé, à financer l’Alzheimer, les soins palliatifs et le cancer. « Nous voulons donner un coup d’accélérateur » en faveur de ces maladies, a plaidé la ministre de la Santé lors des débats parlementaires, en confirmant vouloir « agir sur les dépenses les plus dérivantes de notre système de santé : la consommation de médicaments et les transports sanitaire ». Dérivantes certes, mais peut-être aussi justifiées. Dans le concert des récriminations et de la bataille d’amendements qui ont précédé le vote en faveur des franchises, ce débat là n’aura pas eu lieu. Reste que pour la seconde fois depuis la précédente réforme de la santé de 20041, le principe d’une participation directe du malade à sa propre maladie vient d’être entériné, écornant pour les opposants à cette loi – nombreux, depuis les rangs des médecins jusqu’à ceux des associations de malades, sans omettre le front uni des syndicats ouvriers – le principe même de la « solidarité » entre cotisants bien portants et assurés sociaux malades. Plus largement, la France vient en la matière de rallier la gouvernance allemande de la Sécu, nos voisins d’outreRhin ayant opté pour les franchises2, il y a bientôt trois ans, grâce auxquelles les comptes des caisses publiques de l’assurance-maladie ont pu quitter les zones rouges des décennies écoulées (voir page 20). Tourner le dos au passé Au-delà des passes d’armes qui ont agrémenté la préparation du PLFSS, le texte qui fixera la feuille de route de la Sécu pour 2008 augure un réel changement de cap et de logiciel de l’assurancemaladie, en direction de réformes plus profondes que nos ministres en charge PLFSS Politique de santé du dossier ont qualifié de « structurantes ». « Ce PLFSS est un texte de fondation », confie Yves Bur. Un texte par lequel le rapporteur de l’UMP comme les ministres concernés veulent tourner le dos aux méthodes du passé, dont celle d’engager des réformes de fond avant même d’avoir fixé le cadre budgétaire qui les rendent possibles. L’objectif premier est bien cette fois de revenir à l’équilibre financier « à l’horizon 20102012 ». Pour le présent immédiat, il faudra contenir le déficit du régime général sous la barre des neuf milliards d’euros en fin 2008 et l’exercice promet d’être douloureux pour nombre de parties prenantes et d’acteurs du système de santé français. « Notre projet de loi est la première étape d’un chantier au long cours » a fait savoir au Parlement, le mois dernier, notre ministre de la Santé. Un chantier qu’elle entend consolider sur quatre piliers principaux. En premier lieu, celui des recettes, dont on a vu qu’elles puiseront leur source dans une assiette élargie, au nom d’une nouvelle solidarité entre générations. Second pilier de la refondation, le chapitre des dépenses, pour lesquelles Roselyne Bachelot estime né- cessaire de renforcer la maîtrise médicalisée. Une maîtrise qui, cette fois, conditionnera les revalorisations à venir de la profession médicale, par ailleurs invitée à mettre de la cohérence dans le parcours de soins des malades. Ainsi, les hausses tarifaires négociées entre syndicats médicaux et caisses d’assurance maladie n’entreront en vigueur que six mois après la signature de l’accord conventionnel. Autant dire qu’il ne pourra y avoir d’augmentation des honoraires que si les objectifs sont tenus ! Pire encore, un risque sérieux de dépassement signalé par le Comité d’alerte les suspendra, voire au mieux les diffèrera. Ce mécanisme que la CSMF qualifie de « ceinture avec bretelle » a provoqué l’ire de la Confédération syndicale qui parle de « casse à tous les étages » de l’édifice conventionnel. «Le jeu de dupe continue», explique son président, Michel Chassang, le jour du vote du PLFSS en considérant que le texte adopté au Parlement «sonne le glas de la médecine libérale» et en invitant tous les médecins de France à alerter la population sur le futur «rationnement» des soins ! Mieux gérer pour mieux soigner Mais pour la ministre, le nouveau deal conventionnel restera non négociable. « La qualité de l’offre de soins est indissociable de celle de leur gestion », répète à satiété Roselyne Bachelot, pour qui « mieux gérer permettra de mieux soigner ». Troisième pilier de la refondation annoncé, la répartition de l’offre de soins pour une meilleure efficience globale du système a déjà provoqué des remous dans les rangs des jeunes générations de praticiens, qui y ont vu une atteinte à la liberté d’installation et l’ont fait savoir dans les rues de Paris, fin octobre. La méthode sera donc plus douce et le gouvernement s’attèlera à inciter plutôt qu’à contraindre. L’outil de cette meilleure répartition de l’offre sera les Agences régionales de santé (ARS), qui devraient réunir dans leurs enceintes les ARH (Agences régionale de l’hospitalisation), les DDRASS et autres URML3 pour tenter de remailler un territoire où les trous se multiplient, faute de médecins. Car la ministre, consciente du désert médical qui se prépare dans certaines régions, n’entend pas se résigner à son « inexorable avancée ». Cerise sur le gâteau, « les aspirations légitimes des médecins, en particulier des jeunes, qui espèrent une amélioration substantielle de leurs conditions de travail et de vie » seront entendues et de nouveaux modes de rémunération proposés. Au besoin par le salariat. Dernier pilier structurant la réforme à venir, la prévention retrouvera ses lettres de noblesses. Mais cette dernière revêtira de nouveaux habits, au delà des traditionnels « plans » aux objectifs aussi larges que lointains, pour rallier des approches de terrain, au plus près des malades dans « un cadre éthique rénové et solide ». Last but not least, l’hôpital est également appelé à être plus vertueux dans ses dépenses et plus efficace dans le déploiement de ses services. Au total, la refondation exigera de la pédagogie et un solide sens de la communication pour briser les conservatismes de tous bords qui ne manqueront pas de provoquer autant de levées de bouclier. Car la réforme est en France un art difficile. Parfois une mission impossible à mener à terme. Dans tous les cas, un vrai défi. n Jean-Jacques Cristofari (1) Le plafond de 50 euros des franchises s’ajoutera à celui des forfaits (un euro par acte médical, biologie incluse), également bloqués à 50 euros, en vigueur depuis 2004. (2) 10 euros pour la 1ère consultation trimestrielle auprès d’un médecin traitant et 5 euros par boîte de médicament. (3) Unions régionales des médecins libéraux, créées en 1996 et qui représentent les praticiens en région. 9 NOVEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES