LA RADIO PAS COM LES AUTR
Transcription
LA RADIO PAS COM LES AUTR
0123 | 23 0123 MARDI 8 NOVEMBRE 2016 Vive la Sociale ! L’ Histoire est bonne pour la santé. Sa piqûre de rappel soulage, revigore, retrempe, même si elle ne guérit pas toujours, ne prévient pas forcément les rechutes. Bien dosée, elle se fait recommandation et même thérapie collective. Ne serait-ce que pour se remémorer que le passé n’est jamais certain et le futur jamais sûr. Que rien n’est écrit à l’avance. Que l’espoir fait vivre, pour dire vite. Prenons ce 27 mai 1943, tout nimbé de désespoir. Le 48 rue du Four, dans le 6e arrondissement de Paris. Tandis qu’à l’extérieur des guetteurs redoutaient de voir débouler des voitures de la Gestapo ou de la Milice, les représentants des mouvements de Résistance, des syndicats et des partis politiques, gauche et droite confondues, se réunissaient. Naissait ce jour-là le Conseil national de la Résistance (CNR), sous l’autorité de Jean Moulin. Moins d’un an plus tard, le 15 mars 1944, tandis que la Libération n’était encore qu’une espérance, alors que Jean Moulin et un autre membre de cette première réunion, Roger Coquoin, étaient morts en héros, le CNR adoptait un programme de réformes pour l’après. Il était baptisé avec un bel, un naïf, un forcené optimisme : « Les Jours heureux ». Le document appelait de ses vœux « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail ». Ce qui fut fait par des ordonnances d’octobre 1945. Leur mise en œuvre s’étendit de 1946 à 1948. Un ministre communiste, Ambroise Croizat, et un haut fonctionnaire gaulliste, Pierre Laroque, en furent les grands artisans. La Sécu était née. Pourquoi se rappelait-on cela, la semaine passée ? Pourquoi cette envie de relire les magnifiques pages d’Alias Caracalla, où Daniel Cordier, le secrétaire de Jean Moulin, faisait revivre ce 27 mai, 48, rue du Four ? Tout simplement parce qu’est discuté ces jours au Parlement le PLFSS. Le PLFSS ? Oui, le PLFSS, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Ah, le PLFSS, bien sûr, que ne le disiez-vous plus clairement ! Lors de la première discussion du texte par les députés, il ne fut question que de « trou », de « charges », de « hausse des cotisations », de « gains d’efficience ». L’idée fut notamment caressée de matraquer l’économie dite « collaborative » et les combines de petits malins pour arrondir leurs fins de mois. Il fut ainsi voté une dîme sur les locations d’appartements par Airbnb, mesure qui a fait pleurer dans certaines chaumières. Mais aussi décidé de taxer le louage des voitures, des tondeuses et même des poussettes (amendement n° 591), puisque tout semble se pouvoir louer aujourd’hui, sauf le Bon Dieu. A lire le compte-rendu fatigué de ces débats, on se disait qu’il y avait loin de la rue du Four au Palais-Bourbon, beaucoup plus loin que les trois stations de métro répertoriées. Entre « Les Jours heureux » et le PLFSS s’étendait un fossé plus large et profond que le trou de l’Assurance-maladie ou des caisses de retraite. Qu’il sem- LA SÉCU ? UNE LUBIE CARICATURÉE EN VAMPIRE SAIGNANT À MORT L’ENTREPRENEUR ET L’ASSURÉ QU’IL SEMBLE FAIBLE, LE SOUFFLE ÉPIQUE DE LA LIBÉRATION, RAMENÉ À UNE RUDE COMPTABILITÉ ble faible le souffle épique de la Libération, ramené à une rude comptabilité. Même si, comme le soldat Ryan, le but est bien de sauver la Sécu. La Sécu et, derrière elle, la solidarité, ce pacte nécessaire à toute société humaine. Une belle idée d’hommes pourchassés, de rêveurs debout, devenue pour les Français à la fois aussi vitale et oubliée que la petite carte sans cesse égarée. Une lubie d’êtres en sursis, aujourd’hui caricaturée en une monstrueuse administration et un matricule impossible à retenir. Un ogre dévorant 500 milliards d’euros par an, un vampire saignant à mort l’entrepreneur et l’assuré social en prétendant le soigner. Tant il en est pour penser ainsi. On se souvient d’avoir interrogé il y a quelques années une femme qui militait pour la fin de cette avanie collectiviste. La brave dame se voyait assez bien en résistante des temps modernes, luttant contre l’oppression d’une institution totalitaire et bolchevique. Elle refusait de verser ses cotisations à l’organisme public et avait souscrit une assurance privée et individuelle en Angleterre. Chiffres à l’appui, elle détaillait les formidables économies qu’elle réalisait ainsi. Oubliant juste de préciser que ses enfants étaient, eux, inscrits à la Sécurité sociale, sous le régime de son ex-conjoint… Poujadisme, quand tu nous tiens. Bain de jouvence On se rappelle également ce cordonnier rencontré dans le Morvan. Il se lamentait avec humour d’être tondu par le RSI, le régime social des indépendants. « Moi, je leur ai dit : “Eh, faut m’en laisser un peu !” » Et, de fait, le RSI, la CSG et ces autres sigles abscons cachent des bureaux d’octroi qui n’y vont pas toujours de main morte. Et que dire de ce sentiment partagé par tant de malades de n’être réduits qu’à un lit qu’on occupe indûment, à une table d’opération qu’on usurpe, à un médicament qu’on vole, bref à un coût pour la société. La Sécurité sociale, c’est aussi ça. Il serait imbécile de le nier, tout comme il serait imbécile de nier les abus. La Sécu est malade, souffreteuse à l’orée de ses 70 ans, qui dira le contraire ? Pour se refaire une santé, rien ne vaut donc l’Histoire. Un documentaire invite à nous y replonger, comme dans un bain de jouvence. Il sort en salles, ce mercredi 9 novembre, et s’appelle La Sociale, de Gilles Perret. Son auteur avait organisé une avant-première au printemps, quand les rues de Paris résonnaient des manifestations contre la loi travail. Fait d’aller-retour entre hier et aujourd’hui, cette ode à la Sécu réincarne les grandes figures qui la fondèrent et moque à l’occasion des successeurs bien ignorants du précieux héritage qu’ils gèrent. De ce film, Jacques Mandelbaum fera dans les jours à venir une critique plus inspirée que nous ne saurions le faire. Disons juste que La Sociale est d’un militantisme totalement assumé, d’un manichéisme parfois pesant. Mais Gilles Perret a l’immense don de combattre la plus grave des maladies : l’oubli. p benoît hopquin Tirage du Monde daté dimanche 6 et lundi 7 novembre : 286 222 exemplaires VENEZUELA, DONNER SA CHANCE AU DIALOGUE T out faire pour éviter un bain de sang au Venezuela et poursuivre coûte que coûte le dialogue entre le gouvernement du président Nicolas Maduro et l’opposition. Tel est l’appel de l’archevêque italien Claudio Maria Celli, envoyé par le pape François comme médiateur au Venezuela. « S’il advient qu’une partie ou une autre veut mettre fin au dialogue, ce n’est pas le pape, mais le peuple vénézuélien qui y perdra, parce que la voie ouverte pourrait être celle du sang », a mis en garde l’émissaire de Rome dans un entretien, publié samedi 5 novembre. Le dialogue doit reprendre le 11 novembre, après l’élection américaine. Le peuple vénézuélien, on le sait, a déjà tout perdu, ou presque. Pénuries de denrées alimentaires, de produits d’hygiène et de médicaments ; hyperinflation, de 700 % par an ; dollar échangé à 2 000 bolivars sur le marché parallèle (contre 6,30 au taux officiel), dans une économie qui doit tout importer ; industrie pétrolière en ruine et endettée : le Venezuela est en faillite et menacé d’une explosion de mécontentement populaire. La misère de ce pays sud-américain richissime en pétrole est l’héritage laissé par l’ancien président Hugo Chavez (1999-2013), sous l’influence d’un mentor intéressé par l’or noir vénézuélien, Fidel Castro. La rente pétrolière a été utilisée pour stimuler la consommation par des programmes clientélistes, sans pour autant sortir durablement les Vénézuéliens de la pauvreté par la création d’emplois et l’éducation. Une large part de ces pétrodollars est allée dans les poches d’une nouvelle bourgeoisie « bolivarienne ». L’opposition, majoritaire à l’issue des élections législatives de décembre 2015, prétendait écourter le mandat du président chaviste Nicolas Maduro par un référendum révocatoire, comme l’y autorise la Constitution promulguée par Chavez. Cependant, dans un pays où le pouvoir est avant tout présidentiel, l’équipe Maduro a bloqué cette solution électorale et pacifique. Aux abois, le régime est en pleine dérive autoritaire : il criminalise la protestation et emprisonne les opposants. Faute de débouché politique, la frustration sociale pourrait prendre la forme de débordements, de saccages, de violences en tout genre. La médiation du Vatican est donc la bienvenue pour calmer le jeu et rétablir les règles élémentaires de l’Etat de droit mises à mal par le président Maduro, à commencer par l’indépendance de la justice et des autorités électorales. Le gouvernement doit accepter les prérogatives de l’Assemblée nationale et les élus doivent chercher un accord avec l’exécutif. Le dialogue lancé par le Vatican doit aboutir à des résultats concrets dans les prochains jours : la libération de la centaine de prisonniers politiques, dont le maire de Caracas, Antonio Ledezma, et le dirigeant du parti Volonté populaire, Leopoldo Lopez, serait un premier gage de bonne volonté. La négociation doit permettre de rendre la parole au peuple. Si un référendum révocatoire se révèle impossible, il conviendrait de convoquer des élections anticipées. Le mandat du président Maduro court jusqu’en janvier 2019, mais la crise est tellement aiguë que cette date semble trop lointaine si l’on veut éviter une révolution violente. Chavez citait ses nombreuses victoires électorales comme preuve de sa vocation démocratique : pour l’intérêt des Vénézuéliens, ses héritiers ne peuvent pas refuser de se soumettre au verdict des urnes. p JEAN-JACQUES BOURDIN @JJBourdin_RMC LA RADIO PAS COMME LES AUTRES BOURDIN DIRECT 6H-10H 6H - 8H30 : EN SIMULTANÉ SUR Photo © Jérôme Dominé - Abacapress par benoît hop quin DeBonneville-Orlandini L’AIR DU TEMPS | CHRONIQUE