Des recettes à retrouver ici - Histoire et Images Médiévales
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Des recettes à retrouver ici - Histoire et Images Médiévales
TEXTE PAR Liliane PLOUVIER PHOTOGRAPHIES PAR Sophie GOFFAUX À LA TABLE DE THÉODORIC, ROI D’ITALIE (VIe s.) U n petit traité intitulé Excerpta rédigé par l’Ostrogoth Vinidarius décrit les mets raffinés servis à la cour de Théodoric (v. 455-526), roi d’Italie. Ils ont été traduits en français par Jacques André et figurent à la suite de son édition du De re coquinaria (Paris, 1974). Contrairement à Anthime (voir memento), Vinidarius s’inscrit exclusivement dans la lignée du pseudo-Apicius. Ce réceptaire rarissime apporte une preuve supplémentaire du statut exceptionnel dont bénéficie l’Italie ostrogothique par rapport aux autres royaumes « barbares ». Théodoric se considère comme le représentant plénipotentiaire de l’empereur de Byzance qui l’a élevé. Le monarque veille par conséquent avec encore plus d’attention que ses homologues germaniques au maintien de la civilisation gréco-romaine dans son royaume. RASCASSES AUX RAVES « Faites cuire les rascasses dans le garum et l’huile et retirez-les à micuisson. Pressez avec les mains les raves cuites à l’eau encore humides et hachées menues pour en ôter toute l’eau, mélangez avec le poisson et faites bouillir avec beaucoup d’huile. Quand l’ensemble aura bouilli, pilez du cumin avec la moitié de baies de laurier, ajoutez du safran pour colorer et liez avec du riz pour épaissir. Versez par-dessus et servez. Ajoutez un filet de vinaigre » (Vinidarius, Excerpta , tr. Jacques André, n° 7). L’intérêt de cette recette réside dans le fait qu’elle utilise pour la première fois le safran à des fins colorantes. Dès la création du califat abbasside de Bagdad (IXe s.), les Arabes emboîteront le pas à Vinidarius : car le safran symbolise l’or, le métal fétiche des alchimistes. Par la suite, tout l’Occident les imitera, au moins jusqu’à la Renaissance. FAÇON INGRÉDIENTS 4 filets de rascasse et leurs parures huile d’olive pour la friture 2 c. à s. de garum / nuoc-nam 2 raves (ou choux-navets) 1 c. à s. de cumin 4 baies de laurier 1 c. à s. de safran 1 c. à s. de vinaigre de xérès 1 c. à s. de la semoule ou crème de riz un peu de fond de rascasse fait avec leurs parures 6 c. à s. d’huile d’olive extra-vierge, de première pression à froid Préparez un fond avec les parures des rascasses. Filtrez. Pelez les raves et pochez-les ; réduisez-les en purée ; ajoutez-y 2 c. à s. d’huile d’olive et du sel. Faites frire les filets de rascasse dans l’huile d’olive. Égouttez-les et réservez au chaud. Faites la sauce : pilez le cumin et les baies de laurier ; mouillez avec un peu de fond, de nuoc-nam et de xérès ; chauffez la sauce et liez-la avec la semoule ou crème de riz. Colorez-la au safran et montez-la très généreusement à l’huile d’olive (minimum 4 c. à s.). Nappez-en les filets de rascasse. La rascasse et les raves Friture des filets de rascasse Dressage des filets de rascasse avec la purée de raves et la sauce Éviscération de la rascasse Émulsion de la sauce à l’huile d’olive Apprêt des raves 14 RECETTES Présentation et adaptation de recettes médiévales CACCABINA FUSILE « Caccabina coulante : disposez sans ordre des mauves, des poireaux, des bettes ou des brocolis cuits à l’eau, des grives et du poulet en quenelles, des aiguillettes de porc ou de poulet et tout ce que vous pourrez avoir sous la main. Pilez du poivre et de la livèche avec deux livres (2 X 327 gr) de vin vieux, une de garum, une de miel et une bonne quantité d’huile. Après avoir goûté, puis mélangé et travaillé (temperata), versez dans la casserole et faites bouillir modérément. Pendant la cuisson, ajoutez un setier (0,5475 l) de lait et versez des œufs battus dans du lait. Servez le plat dès qu’il aura pris (constrinxerit) » (Vinidarius, Excerpta , tr. fr. Jacques André, n° 2). Les ingrédients Caccabina vient de caccabus, synonyme de patina ou patella, qui désigne à la fois le plat et la préparation culinaire qu’il contient (voir HiM n° 6 p. 8). Le plus souvent celle-ci appartient à la famille des crèmes, où les œufs jouent un rôle déterminant. La caccabina fusile met en présence deux corps liquides (vin, lait), un corps gras (huile) et des œufs qui doivent servir d’émulsifiant (ce qui résulte des verbes temperare et constringere ). Comme elle contient aussi une livre de miel, cette sauce évoque à la fois la crème anglaise (au lait) et le sabayon (au vin). Elle n’en a cependant ni la destination (elle sert à napper des viandes accompagnées de légumes), ni le goût, puisqu’elle combine des saveurs sucrées (327 gr de miel), salées (327 gr de garum) et délicatement amères (provenant du vin vieux, donc madérisé, 659 gr). Émulsion de la sauce INGRÉDIENTS 200 gr de filets de poulet « bio » 2 cailles 200 gr de filet de porc ibérique ou « bio » 10 quenelles de poulet (faites avec de la chair de poulet hachée, un œuf, de la mie de pain trempée dans de la sapa – moût de raisin réduit des 2/ 3 –, du sel et du poivre) et caramélisées dans de la sapa 1 brocoli 1 poireau 5 fleurs de mauves fraîches (ou, à défaut, séchées) 2 c. à s. de poivre moulu 50 gr de feuilles de livèche hachée (ou 100 gr de feuilles de céleri hachées) 25 cl de madère 2 c. à s. de garum / nuoc-nam 2 c. à s. d’huile d’olive 1/ 2 litre de lait 5 jaunes d’œuf une pincée de sel 2 c. à s. de miel et 2 c. à s. de sapa Dressage de la caccabina et nappage avec la sauce MEMENTO Ont été précédemment publiées des recettes extraites du : * De re coquinaria du pseudo-Apicius (Ve s.) « Entrée » d’abricots et crépinettes : HiM 1 Filets de sole « mousseline » et huîtres « mayonnaise » : HiM 2 Lasagnes en croûte et coq en pâte à la sauce verte : HiM 3 « Pizza » verte et baklava au fromage : HiM 4 Taboulé au pain et poule au blanc : HiM 5 Crème anglaise au miel et sabayon au sureau : HiM 6 * De observatione ciborum d’Anthime (VIe s.) Lièvre à la sauce douce : HiM 7 Vache braisée : HiM 8 Poisson à la neige et boules de neige : HiM 9 FAÇON Détaillez le poireau bien nettoyé en dés ; passez le brocoli à l’eau et ne gardez que les bouquets. Si les mauves sont séchées, enveloppez-les dans une étamine. Pochez le tout dans de l’eau salée. Veillez à ce que les brocolis gardent leur belle couleur émeraude. Rôtissez les cailles avec les filets de porc dans de l’huile d’olive. Composez et façonnez les quenelles en forme de boulettes ; faites les cuire dans de la sapa jusqu’à caramélisation. Réservez au chaud. Préparez la sauce. Faites suer la livèche (ou le céleri) dans le nuoc-nam et le miel (ou la sapa). Incorporez l’huile et versez le madère (qui ne peut pas bouillir). Battez les jaunes d’œuf dans une jatte ; ajoutez peu à peu le lait bouillant en fouettant sans cesse. Mettez la crème dans la casserole et faites-la prendre sur feu doux tout en continuant à la battre. Ne la faites surtout plus bouillir. Versez la sauce sur le mélange viandes-légumes. HISTOIRE ET IMAGES MÉDIÉVALES 15