La chasse-galerie ou chasse-galerite

Transcription

La chasse-galerie ou chasse-galerite
PA R L A N G E * D ’ E N T R E L O I R E E T G I R O N D E * *
La chasse-galerie
ou chasse-galerite
Quand d’étranges cavalcades
emplissent le ciel de leurs bruits
tout devient possible, même le pire…
Éric NOWAK
PHOTO MG
Le crépuscule, l’aurore ou les nuées
orageuses sont très favorables à des
visions de chasse-galerie.
A
u-delà de l’approche étymologique
que nous propose le Centre national de ressources textuelles et lexicales (ATILF/CNRS) – « Terme d’ori-
gine dialectale, attesté dans les
glossaires de l’Ouest (Maine, Vendée, Poitou,
Saintonge) et au Canada. Composé de chasse [action
de chasser] et de galerie, dérivé du mot français gaille
“cheval”. » – la chasse-galerie a occupé bien des
contes, des conversations à la veillée, des peurs
enfantines voire des délires d’adultes. Balade autour
des mots et des croyances en Poitou-Charentes…
* Parlange est utilisé ici dans le
sens neutre de langue/langage,
une terminologie attestée par
nombre d’auteurs, et ce dès le
e
XIX siècle, tant en Poitou qu’en
Saintonge. Comme par exemple
L. Favre, dans son Glossaire du
Poitou, de la Saintonge et de
l’Aunis (1867), qui écrit :
« Parlange, Parlonge (masc.) :
langage, conversation ».
Le même évoque, au singulier,
« le patois poitevin et
saintongeais » dans une
approche à la fois unitaire et
plurielle, conforme à celle qui a
présidé à l’élaboration de ces
rubriques « Parlange d’entre Loire
et Gironde ».
** Une carte permettant de se
localiser a été publiée dans notre
numéro 198, de novembredécembre 2009.
En sud Poitou et Charente poitevine
En Mellois, Civraisien, Ruffécois1 et dans la région de
Vivonne on parle de la chasse-galerie.
En Civraisien, voilà ce qu’en disait un auteur de la
première moitié du XIXe siècle : « [Les grues] voyagent
en troupes nombreuses, et plus souvent la nuit que
le jour, en poussant un cri assez fort, qui ressemble
un peu à l’aboiement d’un chien, ce qui a fait croire
aux habitants de la campagne que ce bruit, qu’ils
désignent sous le nom de chasse-galerie, est produit
par des démons ou esprits follets qui parcourent les
airs durant les ténèbres. »2
Toujours en Civraisien : « Nous même, traversant un
matin le village de La Cotterie, commune de Blanzay,
34 | Le Picton n° 200 | Mars Avril 2010 |
avons vu tous les habitants dehors, discutant avec
animation sur le pas de leurs portes (c’était en 1952,
au mois de février). M’étant arrêté pour me renseigner, j’ai eu cette réponse : “C’était effrayant, c’était
la chasse-gallery ; elle est passée cette nuit, il y avait
les cris des pauvres damnés, l’aboi des chiens du
diable, et les claquements de son fouet”. »3
Dans le sud des Deux-Sèvres : « Quand la chassegalerie passe, ne pas crier : “Une part dans la chasse !”
parce qu’il tomberait sur vous un des membres de
ceux qui composent la chasse-galerie (environs de
Niort). […] La chasse-galerie n’est entendue que par
un très petit nombre de personnes. Elle est passée,
vers le mois de janvier 1881, sur une portion de la
commune de Pamproux, vers onze heures du soir, se
dirigeant sud-est. Notre fermier, qui l’a entendue
sans en être effrayé, voulait venir m’éveiller, et il ne l’a
malheureusement pas fait. Quelques autres personnes m’ont dit l’avoir entendue aussi, il y a longtemps.
Le bruit ressemble à des aboiements. »4
Maintenant, les croyances disparaissant, le terme est
utilisé au sens figuré. « Chasse-galerie : chasse légendaire, troupe d’animaux fantastiques qui passent en
aboyant dans le ciel ; au sens figuré, grand bruit. »5
En Montmorillonnais, ses noms sont des plus divers :
outre chasse-galerie, on l’appelle chasse-galopine, chassegalerine, chasse-galérine, chasse-gayène ou chasse-cailane.