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Si l’alimentation a de tout temps occupé une place centrale dans les
préoccupations des personnes, l’augmentation des pathologies
associées à la « mal bouffe » et la multiplication des recommandations nutritionnelles de
ces dernières années ont encore renforcé et complexifié cette réalité.
La peur de manquer et l’obsession de l’approvisionnement d’après-guerre ont été remplacées par une inquiétude très contemporaine : celle des excès alimentaires. Ainsi que le souligne Claude Fischler dans son ouvrage L’omnivore, l’angoisse du mangeur moderne ne relève
plus de la pénurie mais du trop, du pléthore, de l’abondance. Une réalité qui l’amène à devoir
se situer, choisir, dans une offre de plus en plus variée et alléchante, « faire des
comparaisons, établir des priorités, combattre des pulsions, bref, déployer tous ces
efforts non pour se procurer l’indispensable mais pour rejeter le superflu avec discernement. »
Ce développement de l’offre alimentaire s’accompagne simultanément d’une multiplication
des messages et recommandations nutritionnelles provenant à la fois du secteur médical,
nutritionnel, mais aussi de l’industrie agroalimentaire dont l’efficacité des arguments publicitaires brouillent les donnes du « diététiquement recommandé ». A l’heure où de grandes
chaînes de fast-food font de l’équilibre alimentaire l’un de leur argument commercial central,
on peut en effet s’interroger sur la validité et la crédibilité de l’information nutritionnelle.
Pour tenter de remettre un peu de clarté dans cet univers de « cacophonie diététique », le
ministère de B. Kouchner a lancé en 2001 le PNNS 1 suivi en 2006 d’une seconde édition,
le PNNS 2 (2006-2008). Proposant des repères nutritionnels clairs, le PNNS a impulsé une
nouvelle dynamique dans le champ de l’éducation nutritionnelle grâce aux financements
mis à disposition des opérateurs d’une part, mais aussi à la réalisation de nombreux outils
d’information (brochures, guides, affiches, etc.). Autant d’outils qui sont venus enrichir les
moyens mis à la disposition de l’éducation nutritionnelle dans un contexte où les enjeux en
terme de santé publique sont devenus prioritaires.
Mais au-delà des outils, de nombreuses questions se posent quant aux critères « d’efficacité » des actions mises en œuvre. Les comportements alimentaires relèvent de différents
facteurs d’ordre individuels et collectifs dont les fondements s’inscrivent dans les sphères
de l’économique, du social, de l’éducation et du psychologique.
C’est donc une réflexion sur la nature de ces déterminants, sur leur interaction et leur impact
sur le comportement alimentaire que nous vous proposons dans ce document. Notre
objectif n’étant pas de décrire une démarche type d’éducation nutritionnelle mais de
proposer quelques repères de réflexion.
Emmanuelle Droniou
Chargée de projets Education Santé Isère
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Geneviève Le Bihan est nutritionniste, chargée de projets au CRES Languedoc-Roussillon et
coordinatrice de la Commission régionale nutrition santé chargée de la mise en œuvre des politiques
publiques dans le champ de la nutrition. Ses expériences de terrain au sein du Réseau et ses
activités de recherches sur le comportement alimentaire lui permettent de porter un regard éclairé
sur les spécificités de l’éducation nutritionnelle. Elle a accepté de répondre à quelques questions.
Comment pourrait-on singulariser la démarche d’éducation nutritionnelle par rapport à d’autres approches
plus « classiques » ?
Ce qui peut nous différencier d’une intervention de type prescriptive, c’est une approche responsabilisante et
participative. Il s’agit de passer d’un simple apport de connaissances, voire d’une prescription, à un accompagnement des personnes dans une prise de conscience de leurs besoins, leurs désirs mais aussi des risques
éventuels, etc. Ce n’est en effet pas très simple car nous évoluons dans un monde où les acteurs, politiques,
industriels, médicaux, sociaux, ont des intérêts très contradictoires. Cela explique notamment que la population soit souvent perdue parmi des messages parfois opposés. Toute la vertu du PNNS a été de clarifier les
discours et d’apporter des repères de consommation clairs qui constituent un socle sur lequel les éducateurs
pour la santé peuvent s’appuyer.
L’éducation ne doit pas se réduire à la transmission d’information dont les effets sont, on le sait, bien limités.
Par ailleurs, dans toute démarche d’éducation pour la santé, l’éducateur devrait travailler sur ses propres représentations, connaissances, façon de manger, de bouger, etc. Cela permet déjà de ne pas projeter ses propres
représentations du « bien manger » sur l’autre, d’être plus humble, de mieux pouvoir écouter l’autre dans ses
propres pratiques. (Parce qu’après tout, on peut imaginer que si nous sommes parfois étonnés des habitudes
alimentaires des autres, ils seraient tout aussi surpris, voire heurtés, par les nôtres.) Cette démarche de
« décentrage » de soi, de prise de recul est particulièrement importante lorsque l’on intervient avec des publics
en situation de précarité. C’est une condition pour aller à la rencontre de la population en étant en capacité d’entendre et de faire avec leurs croyances, leurs pratiques, leurs savoirs et savoir-faire.
Faire évoluer la personne dans ses comportements alimentaires, c’est faire avec ce qu’elle est et réfléchir avec
elle sur ce qui est modifiable ou pas en fonction de ses attentes. Nous savons tous que l’injonction ne fonctionne
pas, en particulier dans le domaine du comportement alimentaire. En revanche, il est aussi nécessaire d’accompagner les personnes dans l’acquisition de connaissances, de compétences qui leur permettront de faire
évoluer leurs pratiques.
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Et pourtant, si l’information est en effet nécessaire elle peut aussi parfois s’avérer inutile voire
« contre-productive ».
Elle n’est en effet jamais prioritaire. Avec les personnes démunies, il est souvent beaucoup plus pertinent d’aborder la question alimentaire sous sa dimension sociale, sur la convivialité par exemple. Avec ce public là en
particulier, comme avec les adolescents d’ailleurs, partir des recommandations du PNNS n’est pas une bonne
approche. Il faut toujours partir des préoccupations, des envies et des besoins du public et ne pas oublier le plaisir dans tout cela !
Les politiques publiques attendent de nous des modifications des comportements alimentaires, or, les
expériences montrent que ces modifications sont très difficiles à tenir dans le temps.
Je pense au contraire que si l’on veut des résultats, on a besoin de temps mais aussi de pouvoir agir sur
d’autres axes que l’éducation. En France, les interventions en matière de nutrition ont longtemps été axées sur
une approche éducative centrée sur l’individu mais les choses évoluent doucement et l’on est progressivement
en train de s’inscrire dans une démarche plus globale de promotion de la santé dans laquelle on va agir aussi sur
l’environnement des personnes, sur les politiques publiques. Actuellement, un certain nombre de mesures
politiques – le PNNS, les stratégies européennes ou mondiales de l’OMS sur l’alimentation et l’activité physique
notamment – vont en ce sens. L’action au niveau politique est un critère important de durabilité des modifications de comportements.
Si les outils et les supports réalisées dans le cadre du PNNS sont en effet intéressants pour une grande
partie de la population, on sait bien qu’ils sont peu adaptés pour les publics précaires ? Ne sont-ils pas un peu
exclus de ces politiques publiques ?
Les choses sont en train de changer là aussi. Tout d’abord, dans le cadre du PNNS, la déclinaison des outils existants pour ces publics est prévue. Par ailleurs, les organismes d’aide alimentaire sont de plus en plus soucieux
de proposer des produits recommandés, ils distribuent des colis repas plus équilibrés, ils organisent des ateliers
ou l’on travaille sur le lien social, la convivialité, les savoir-faire des personnes. Mais il est vrai qu’il faudrait sans
doute une prise de conscience plus ferme au niveau politique pour que les choses changent vraiment afin qu’entre autres, les aliments favorables à la santé soient accessibles à toute la population.
Concrètement, quelles pourraient être les mesures politiques qui seraient réellement porteuses de
changement ?
Il faudrait notamment travailler avec les distributeurs mais cela nécessiterait sans doute une législation nationale voire européenne. Nous savons que le distributeur a une influence très importante sur nos comportements
alimentaires (80 % de nos achats sont effectués au sein des grandes surfaces). Ses stratégies commerciales
sont donc tout à fait déterminantes dans le comportement alimentaire des personnes. En amont du consommateur dans les sélections de produits qui conditionnent l’offre, et en aval par les stratégies marketing visant
à stimuler les ventes.
Quelles sont les limites de l’éducation nutritionnelle ?
Tout éducateur a déjà ses propres limites et c’est important de les reconnaître. Les limites, ce sont aussi celles
qui nous sont imposées par une société qui fait que l’on aura beau faire le maximum sur le plan éducatif, on
butera toujours sur un environnement tellement défavorable que la portée de nos actions sera limitée.
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L’éducation à l’alimentation passe souvent par des explications diététiques, des recommandations
nutritionnelles telles que celles véhiculées par le PNNS « Mangez 5 légumes/fruits par jour ».
Ces considérations diététiques, scientifiquement prouvées, ne tiennent compte que du facteur
biologique or, tout mangeur est intégré à une société, à une culture particulière dont l’alimentation
en est une forme d’expression. Le comportement alimentaire est en effet déterminé par des logiques
anthropologiques auxquelles aucune culture n’échappe, par des logiques sociales propres à chaque
société et, somme toute, assez complexes.
Les facteurs anthropologiques
En premier lieu, l’Homme est un omnivore et, en cela, il se trouve face à un paradoxe. D’une part, l’innovation
est nécessaire à sa survie. Il doit diversifier son alimentation, multiplier ses sources d’apports nutritifs pour sa
survie. Mais, cette contrainte d’innovation est source d’angoisse car elle peut constituer une véritable prise de
risque, un danger.
Par ailleurs, chaque culture établit un système classificatoire permettant de distinguer le mangeable, d’une part,
de l’immangeable d’autre part. Chaque culture sélectionne, parmi l’ensemble des ressources à disposition d’un
groupe, ce qui sera aliment ou pas. Ce système classificatoire est variable d’une culture à l’autre. Certaines
cultures consomment du chien ou des insectes alors que d’autres les considèrent comme immangeables. Ce
système n’est pas toujours rationnel au sens où les cultures ne choisissent pas forcément les aliments les plus
nutritifs ou les plus faciles d’accès. Jean Malaurie, dans Ultima Thulé, évoque les Inuits d’Etah (groupe Inuit
particulier) qui n’osaient pas consommer de caribous jusqu’à ce qu’ils rencontrent un autre groupe Inuit qui leur
affirma s’en nourrir sans problème. Mais ce système classificatoire a tout de même sa propre rationalité, sa
propre logique qui s’enracinent dans les représentations, l’imaginaire de la culture concernée. Claude Fischler
souligne par exemple que les animaux trop éloignés de l’Homme sont souvent immangeables (insectes, escargots, araignées, etc...). A l’opposé les animaux trop proches de l’Homme anatomiquement comme les singes,
par exemple, ou affectivement, comme les animaux domestiques, ou familiers, sont également rarement
consommés.
A ce système classificatoire, s’ajoute une autre logique anthropologique, le principe d’incorporation. En effet,
manger, c’est incorporer des aliments, leurs qualités. C’est, dans un sens, vrai d’un point de vue nutritif. Mais
c’est également vrai d’un point de vue psychologique. Le mangeur pense s’approprier les qualités symboliques
de l’aliment selon le principe : « Je deviens ce que je mange. » Claude Lévi-Strauss donne ainsi l’exemple des
Fang du Gabon, pour qui « les femmes enceintes ne doivent pas consommer d’écureuil car cet animal se
réfugie dans les cavités des troncs d’arbre et la future mère risquerait que son fœtus imite l’animal et refuse
d’évacuer l’utérus ».
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Enfin, toute culture comporte un ordre culinaire, c’est-à-dire des règles concernant la façon de cuisiner et de
manger. Cet ordre culinaire précise comment doivent être assemblés les aliments, leur mode de préparation,
éventuellement quand les consommer (le matin, à midi, etc.). Certains aliments ne peuvent être rassemblés
dans un même plat, comme le caramel et la viande dans la cuisine française traditionnelle. Cet ordre culinaire
détermine également quand consommer tel ou tel aliment.
Le cycle de la vie
Le cycle de la vie est également à prendre en compte pour analyser le comportement alimentaire de tout individu. La transmission culturelle du goût commence dès la grossesse par le biais du liquide amniotique et se
poursuit, éventuellement, grâce à l’allaitement. Très tôt, le répertoire alimentaire de l’enfant se limite aux
aliments consommés par la famille. C’est avec la scolarisation que son répertoire culinaire commencera à s’élargir, grâce à l’école et au contact avec les pairs. Cela dit, le premier facteur de diversification du répertoire
alimentaire reste la cantine. Avec l’entrée en école primaire, l’influence des pairs va s’accentuer, notamment
avec les premières invitations à manger chez les amis. L’adolescence constitue généralement le moment fort de
l’apprentissage social de la consommation de certains « aliments » : café, alcool, fromages forts, huîtres, salade,
endives, etc., aliments souvent peu appréciés par les enfants, dont la consommation signe une certaine maturité. L’adolescence est une période de construction d’identité. Certains adolescents, dans une logique
d’affirmation, peuvent alors soit déstructurer leur alimentation pour aller à l’encontre des discours de la famille
ou de la société, soit tenter d’outrepasser l’ordre culinaire en s’essayant à de nouvelles préparations, comme, par
exemple, les pâtes au Nutella. Ces comportements concerneraient plutôt les garçons. Les filles, quant à elles,
consomment plus de fruits et de légumes que les garçons. Elles sont généralement soucieuses de leur
équilibre pour des raisons esthétiques liées au culte de la minceur.
BIBLIOGRAPHIE
CAZES-VALETTE (G.), dir.,
Faire la cuisine,
Cahiers de l’O.C.H.A. n°11, 2006.
Lors de la mise en couple, une restriction du répertoire alimentaire est également constatée. Les aliments non
appréciés par l’un ou l’autre des conjoints sont éliminés. Il peut également y avoir un élargissement éventuel
du répertoire alimentaire avec la découverte d’autres aliments introduits par l’un des conjoints. Les filles vont
souvent, par exemple, développer la consommation de fruits et de légumes de leur conjoint. Pendant la grossesse, une attention supplémentaire à l’alimentation peut éventuellement être constatée de par le sentiment de
responsabilité que la mère peut développer vis-à-vis de l’enfant à naître.
DURET (P.) et ROUSSEL (P.),
Le corps et ses sociologies, Paris,
Nathan, 2003.
Par la suite, avoir des enfants à nourrir chez soi, au sein de la cellule familiale, pousse la mère à cuisiner. Les
femmes construisent la famille, le sentiment familial en cuisinant. Lorsque les enfants ont quitté le foyer, les
repas se simplifient, le plaisir de cuisiner disparaît pour souvent réapparaître quand les enfants et les petitsenfants viennent manger, notamment le week-end.
KAUFMANN (J.-C.), Casseroles,
amour et crises, Ce que cuisiner
veut dire, Paris, Armand Colin,
2005.
D’autres facteurs plus macrosociologiques influencent également notre comportement alimentaire tels le culte
de la minceur, le niveau socio-économique, ou encore la région d’origine (il est bien connu que chaque région a
ses propres habitudes alimentaires). Particulièrement présent dans notre société, le culte de la minceur a commencé lorsque Paul Poiret, un créateur de mode réputé du début du XXe siècle, a proposé une silhouette
révolutionnaire pour l’époque : une silhouette filiforme (plus de corsets, plus de crinolines, etc.). C’est le corps
lui-même qui fait la silhouette de la femme. Pendant les années 60-70, le corps s’est dénudé et a appliqué ces
nouvelles règles. Cela a impliqué que la femme, pour être élégante, désirable, se devait d’avoir un corps à la hauteur. Le culte de la minceur s’est alors imposé d’abord aux jeunes filles puis, depuis plusieurs décennies, à
l’ensemble des femmes quel que soit leur âge : les fillettes font des régimes dès 8 ans, les femmes plus âgées
doivent correspondre à cette nouvelle norme de corps androgyne inadapté à la maturité.
Le niveau socio-économique influe également beaucoup sur la représentation du corps et de la santé. Pour les
milieux populaires, être en bonne santé c’est pouvoir oublier son corps. On soigne le corps quand il est en
difficulté. Cela va se traduire, d’un point de vue alimentaire, par un désintérêt pour les conséquences d’une
alimentation déséquilibrée. Pour les milieux plus aisés, être en bonne santé, c’est faire attention à son corps.
La prévention est valorisée. Au niveau alimentaire, cela se traduira par une attention supplémentaire accordée
à l’équilibre alimentaire. La sociabilité va également influencer le mode alimentaire. En week-end, lorsqu’ils reçoivent, les Français se mettent à cuisiner alors que toute la semaine ils ont éventuellement mangé rapidement,
des plats qui font partie du quotidien. ◗
FISCHLER (C.), L’Omnivore, Paris,
Odile Jacob, 1990.
POULAIN (J.-P.), Manger
aujourd’hui, Attitudes, normes et
pratiques, Paris, Editions Privat,
2002.
POULAIN (J.-P.), Les jeunes
seniors et leur alimentation,
Cahiers de l’O.C.H.A. n°9, 1998.
POULAIN (J.-P.), Sociologies de
l’alimentation, les mangeurs et
l’espace social alimentaire, Paris,
P.U.F., 2002.
REGNIER (F.), LHUISSIER (A.),
GOJARD (S.), Sociologie de
l’alimentation, Paris,
la Découverte, 2006.
VIGARELLO (G.), Histoire de la
beauté, Paris, Seuil, 2004.
Catherine Pinet-Fernandes
Docteur en sociologie
Chargée de cours à l’Université Lyon 1
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L’éducation pour la santé vise aussi à intervenir
sur la consommation des ménages fortement
conditionnée par des déterminants économiques.
L’évolution de nos comportements alimentaires
depuis une trentaine d’années, a été marquée
par une transformation de la demande et de l’offre
alimentaire. Gros plan sur un secteur économique
en pleine mutation.
Le « mangeur moderne »
La relation entre consommation alimentaire et revenus montre la permanence de la Loi d’Engel, c’est à dire la tendance à la baisse de la part du budget consacré à l’alimentation avec la croissance du pouvoir d’achat. De 20 %
en 1960, le budget alimentaire est passé à 14 % en 2001 (525 €/mois/ménage) et occupe la 3e place après le
logement (24 %) et les transports (15 %). Ces dernières années, le budget alimentaire a eu tendance à se
stabiliser (d'ou un accroissement de la concurrence entre les producteurs et les distributeurs) mais l'on assiste
actuellement à une nouvelle hausse du poste alimentation du fait de la croissance sensible du coût des
produits agricoles.
Par ailleurs, la consommation alimentaire a évolué en lien avec la transformation des conditions de vie.
Augmentation du taux d’activité des femmes, modification de l’organisation du travail (ex. : journée continue)
et accroissement de l’équipement des ménages (en 2003, 95 % des ménages disposaient d’un réfrigérateurs
59 % d’un congélateur et 72 % d’un four à micro ondes...) ont fortement influé sur les comportements alimentaires des personnes. Cette évolution s’est concrétisée par une réduction du temps consacré à la préparation
alimentaire, au transfert progressif du travail alimentaire ménager sur les Industries Agro Alimentaires (IAA) et
la restauration hors foyer, ainsi qu’à la substitution de produits transformés aux produits bruts. Les produits
doivent s’adapter aux conditions de vie, ils doivent devenir des « produits solutions » pour la mère de famille
en intégrant de plus en plus de praticité.
Si l’alimentation quotidienne tend parfois à se simplifier dans sa préparation, ses fonctions restent complexes
et plurielles. L’alimentation répond à une fonction physiologique mais aussi hédoniste (consommation plaisir
selon différentes valeurs, recours croissant aux saveurs d’authenticité, d’innovation...), identitaire (en évolution avec la mondialisation) et enfin à de nouvelles fonctions liées à la solidarité politique et économique
(exemple : le développement durable).
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Une nouvelle structure de la demande
La consommation à domicile est marquée par une forte substitution de produits qui présentent des avantages
en terme de praticité, de bénéfices sensoriels et médicaux (ex : alicaments). Certains produits augmentent tels
que, les boissons non alcoolisées, les plats cuisinés, les fromages, les produits laitiers ultra frais, les pains spéciaux, les biscuits, les friandises, les céréales et les édulcorants, alors que d’autres stagneraient ou
diminueraient : les fruits et légumes, les boissons alcoolisées, le pain et les produits « bruts ».
Au niveau de la restauration hors domicile, on peut distinguer deux catégories :
◗ La consommation « captive » (la restauration collective, ex : entreprises, écoles...) très soumise à une pression sur les coûts ce qui fait croître les phénomènes d’externalisation, de concessions à des sociétés qui
peuvent jouer sur des processus industrialisés et faire pression eux-mêmes sur leurs producteurs.
◗ La consommation « commerciale » (restaurants, fast-foods, etc.), très évolutive et soumise à une hyper
concurrence. Il s’agit d’un secteur qui se segmente de plus en plus en fonction de logiques multiples (sociales,
générationnelles, spatiales...).
Une offre de plus en plus industrielle
Confrontées aux limites du marché, les entreprises cherchent, par différentes stratégies, à augmenter les budgets familiaux consacrés aux dépenses alimentaires en créant et promouvant, en continue, des produits qui
anticipent sur la demande.
Le secteur de l’industrie agroalimentaire est numéro 1 en terme de chiffre d’affaire et d’export, numéro 2 en
budget publicitaire et numéro 3 en terme d’effectifs. Il s’agit d’un secteur marqué par la concentration de nombreuses PME au sein de grands groupes et par l’internationalisation des échanges.
Le secteur est dominé par de grandes marques dont le chiffre d’affaire leur permet des dépenses croissantes
de publicité, de promotion et de recherche.
Au niveau des distributeurs, l’appareil commercial est de plus en plus concentré entre les « Hyper » (avantage
concurrentiel majeur : globalisation des achats, développement du segment bas prix), les « Super » (rapidité,
praticité) et les « Hard discounters » qui présentent des avantages en terme de prix mais une offre plus étroite.
Les stratégies d’influence au niveau de l’offre reposent notamment sur les facteurs suivants :
◗ une exploitation importante de la publicité ;
◗ une utilisation des ressources du marketing alimentaire afin de défendre des parts de
marché, mais aussi de susciter une croissance des quantités achetées ;
◗ une maîtrise de l’organisation spatiale de l’offre afin d’attirer les consommateurs dans des espaces
périphériques dédiés à la consommation et de couvrir suffisamment l’offre de proximité ;
◗ une appropriation du consumérisme (il s’agit pour les producteurs et les distributeurs de se présenter
comme les meilleurs défenseurs du consommateur) ;
◗ des actions de lobbying auprès des pouvoirs publics ;
◗ une intégration des politiques publiques (au-delà du lobbying, on peut parler d’une intégration croissante
entre logiques publiques et privées, logique internationale, touchant tous les domaines, santé,
développement, recherche, etc.) Dans la charte de Bangkok, cette intégration se concrétise par la prise en
compte des demandes sociétales — santé sécurité — par les entreprises qui investissent tout l’espace de la
nutrition santé. L’investissement santé devient alors un avantage concurrentiel important, deux tiers des
nouveaux produits alimentaires affichent un argument santé.
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Quels leviers d’action en terme de promotion de la santé ?
S’appuyer sur les politiques publiques
Si le PNNS 1 a contribué à faire évoluer les représentations et les comportements, le PNNS 2 fournit de nouvelles
opportunités par ses stratégies d’intervention sur l’offre en terme de réglementation (par exemple sur la restauration collective), sur la qualité nutritionnelle des aliments, sur l’information du consommateur (étiquetage obligatoire
standardisé), sur les allégations nutritionnelles, la qualification des produits de régimes, et sur la publicité.
BIBLIOGRAPHIE
Rapports INSEE CREDOC CES
SENAT INSERM BEH AGRO
Rencontre avec S. Neyrat
enseignant chercheur
à l’ISARA lyon
Ouvrages :
L. Malassis
Economie agro alimentaire
P. Aurier L. Siriex
Marketing des produits
agroalimentaires
G. Mermet
Francoscopie
Sites IAA
CTRC dossier consommateurs
S’allier avec les associations de consommateurs
Cette alliance est cohérente avec la valorisation de la place des usagers en promotion de la santé (la société
de consommation en est une des dimensions majeures). Ces associations sont des institutions soutenues et
reconnues par les pouvoirs publics. Elles articulent plusieurs logiques : de groupes de pression, de représentation des intérêts collectifs, d’information/éducation (interventions dans un système saturé de signaux
alimentaires) et de protection juridique. Par ailleurs, elles sont de plus en plus engagées dans des approches
« qualité/certification » et soutiennent souvent de nouvelles relations économiques producteurs-consommateurs, de nouveaux systèmes de commercialisation (commerce équitable, réseaux de proximité). Enfin, elles
sont attentives aux populations en marge de la société de consommation. La collaboration entre la FRAES et le
Centre Technique Régional de la Consommation Rhône-Alpes, dans le cadre de son programme « la qualité pour
tous », est un exemple de parcours partagé possible.
Collaborer avec les structures d’aide alimentaire
Elles sont demandeuses d’un renforcement des compétences des intervenants en terme de connaissances
nutritionnelles, de compétences relationnelles/partenariales et organisationnelles. La collaboration avec ces
structures est d’autant plus pertinente qu’elles souhaitent souvent faire évoluer la prise en compte de leurs
« utilisateurs » dans un sens de déstigmatisation, d’élargissement de l’offre et l’inscription dans des projets de
vie plus globaux (modèle des épiceries sociales). Le problème de fond reste le même pour tous : comment agir
avec ces populations et non par pour elles ?
Engager de nouvelles collaborations avec les professionnels en relation avec les problématiques alimentaires
Ces professionnels sont nombreux : cuisiniers, diététiciens, conseillers en ESF, enseignants, professionnels de
santé, etc. auxquels s’ajoutent les fonctionnaires, les élus, (état, collectivités territoriales), les gestionnaires, etc.
Tous peuvent être sensibles à la problématique de l’intérêt général et de la place des citoyens (contrôle, choix,
qualité). ◗
Claude Bouchet
Directeur de la Fédération Rhônes-Alpes Education Santé (FRAES)
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Ce document a été réalisé dans le cadre d'un projet régional financé par l'INPES.