ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS FINANCIERS

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ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS FINANCIERS
ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS FINANCIERS*)
par
JEAN SOUSSELIER,
Paris
La question est controvers~e de savoir si l'on doit tenir compte du
revenu des placements -- et 6ventuellement des b6n6fices sur
r6alisations de valeurs -- pour appr~cier le r6sultat technique de la
branche Automobiles.
Rappelons qu'en France, r6glementairement, dans les 6tats B 3
qui font apparaitre le r6sultat technique de la cat6gorie, on tient
compte des frais g6n6raux, ce qui est normal, mais non des int6r~ts.
En r~alit6, il semble bien qu'il soit difficile de faire abstraction
d'un 616ment non n6gligeable de profits et pertes qui d~rive de
l'exercice m~me de l'industrie de l'Assurance, mais la question
demeure de savoir dans quelle mesure il faut en tenir compte.
Nous allons montrer que la question est intimement li~e ~ la
conception m~me que l'on se fait du m o n t a n t des r~serves techniques
inscrire au passif du bilan.
Equilibre technique d'un exercice de souscription
On ne peut avoir une idle saine t a n t des r6sultats techniques que
des revenus de placements que si la comptabilit6 est 6tablie par
exercice de souscription. C'est l'hypoth~se que nous retiendrons
dans ce qui va suivre 1).
Un tel exercice donne lieu ~ encaissement d'un certain m o n t a n t
de primes, au paiement de commissions et de frais g6n6raux et
enfin au paiement de sinistres s'~chelonnant dans le temps, au delh
de la cl6ture calendrier de l'exercice,
Pour plus de rigueur m~me -- et l'on peut se r6f6rer au mode de
raisonnement appliqu6 en Assurance sur la Vie -- il faut consid6rer
*) Pr6sent6 au Colloque de I'ASTIN 1962 ~ Juan-les-Pins.
1) Nous examinerons in fine dans quelle mesure il faut corriger cette
conception en faisant intervenir le jeu des exercices successifs.
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ASSURANCEAUTOMOBILES ET REVENUS FINANCIERS
s6par6ment les diff~rentes 6ch6ances de primes, chacune se comp o r t a n t c o m m e une sorte d'exercice isol6: ensemble des assurances
6ch6ance du I e r janvier, ensemble des assurances ~ 6ch6ance du
2 janvier, e t c . . , jusqu'~ celles k 6ch6ance du 31 d6cembre. (I1 est
indiff6rent de raisonner sur u n ensemble ou ,,en valeur p r o b a b l e "
selon le principe actuariel classique).
Consid6rons donc une 6ch6ance de primes d6termin6e. L ' A s s u r e u r
encaisse ces primes, pale les commissions et les frais g6n6raux
correspondants et dispose ainsi d ' u n e certaine masse de manoeuvre
(fonds qu'il p e u t investir).
Les sinistres s u r v i e n d r o n t en m o y e n n e six mois apr&s l'6ch6ance
et seront pay6s dans des d61ais variables selon une certaine cadence:
u n certain n o m b r e d~s la premiere ann6e h p a r t i r de la souscription,
u n a u t r e h o m b r e la seconde ann6e, u n troisi~me la troisi~me ann6e,
etc...
D6signons, si l'on veut, p a r s 1, s 2, s 3, s 4 . . . e t c . . , ces diff6rents
m o n t a n t s , la somme s 1 + s 2 + s 8 + s4 + . . . 6tant 6gale au mont a n t des sinistres S c o r r e s p o n d a n t a u x primes P. L a r6serve
c o n s t i t u e r est ainsi: s l + s , + s
3+s 4+
...
et, logiquement
p o u r y faire face, l'Assureur devrait investir la somme s 1 p e n d a n t
six mois, la somme s, p e n d a n t I an et demi, la somme s 3 p e n d a n t
2 ans et demi . . . . la somme sk p e n d a n t (2k -- I) d e m i - a n n 6 e s . . .
ou, plus e x a c t e m e n t , il doit investir les valeurs actuelles de ces
sommes soit:
s:, s°,, s:, s:, . . .
qui, capitalis6es ~ u n t a u x d'int6r~t i, r e p r o d u i r o n t le m o n t a n t
des sinistres ~ payer.
On a donc la formule g6ndrale p o u r les sinistres de k eme ann6e h
p a r t i r de l'6ch6ance
0
Sk--1
s, = s, (I + i)- (-x-)
E n faisant le m~me r a i s o n n e m e n t p o u r les diff6rentes 6ch6ances
de primes et en faisant la sommation, on obtiendrait la r6serve
totale h constituer et l'on p o u r r a i t 6valuer l ' i m p o r t a n c e de la
capitalisation financi~re r6alis6e.
P a r capitalisation financi~re il ne faut pas e n t e n d r e u n i q u e m e n t
les coupons annuels mais aussi la plus-value des titres. I1 s'agit en
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effet d'investir une certaine somme s~ qui doit produire apr~s k
ann6es la somme s v
On peut investir en obligations venant k cette 6ch6ance ou que
l'on vendra avec une certaine plus-value -- ou moins-value. -On peut investir en actions dont le dividende annuel sera faible
mais qui pr6senteront apr~s k ann6es un b6n6fice en capital important. Tout ceci ~quivaut actuariellement k une capitalisation
int6ret compos6 ~ un certain taux i r6sultant de la formule ci-dessus.
Bien que cette th~orie soit des plus ~16mentaires eUe peut sembler
n~anmoins quelque peu r6volutionnaire. C'est ce qu'il convient
d'examiner maintenant.
Rdserve de risques en cours et rdserve de sinistres
On remarquera que cette th6orie fait bon march6 de la distinction
classique entre la r~serve pour risques en cours et la r6serve pour
sinistres restant ~ payer. C'est qu'en effet, conform6ment aux
principes actuariels, on admet, par hypoth~se, que les primes
nettes de charges contrebalancent exactement le montant des
sinistres -- compte tenu de la capitalisation de l'argent -- et, dans
une telle conception, il n'y a plus que des reserves d'un caract~re
math6matique.
On peut encore dire, si l'on veut, que la r6serve pour risques en
cours n'est que la mise en reserve d'une fraction des primes nettes
de charges destin6e A faire face ~ des sinistres non encore survenus,
mais en puissance, ce qui est mathSmatiquement 6quivalent.
Trois conceptions sont en effet possibles au sujet de la rSserve
pour risques en cours:
i °) -- Formule prospective: la somme k mettre en r6serve est
ceUe qui permet de faire face (toujours compte tenu de la capitalisation) A des d6bours futurs. C'est la conception la plus saine et
classique; elle correspond ~ la notion de bilan de liquidation.
2 °) - - F o r m u l e r6trospective: on met en reserve ce qu'on a pu
6conomiser, conception qui peut paraitre absurde mais qui est
lrigoureusement 6quivalente h la premiere si le tarif est bien 6tabli
et si, par cons6quent, les sinistres correspondent aux primes nettes
de charges.
30) - - E q u i p a r t i t i o n : on met en r6serve la fraction de prime
exc6dant la date du 31 d~cembre, calcuMe prorata temporis, conx9
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ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS
FINANCIERS
ception dans laquelle on ne prend pas cr6dit au titre de l'exercice
de la fraction de prime qui n ' y est pas affdrente. Ceci suppose que
le risque se r6partit uniforln6ment dans le temps et reste de m~me
valeur pour l'exercice en cours et pour le suivant. M~thode strictement 6quivalente aux deux pr~c6dentes dans la mesure oh le
tarif est correct mais on voit imm6diatement que si le tarif est
insuffisant par exemple, cette m6thode ,,de fraction de prime non
acquise" revient A faire supporter k l'exercice suivant une partie
de la perte qui devrait ~tre assum~e par l'exercice responsable des
souscriptions.
En mati&re de r6serve de sinistres, la seule conception qu'il parait
16gitime de retenir est la conception prospective: il convient de
mettre en r6serve la valeur des sinistres qui seront ~ payer ou plus
exactement, pour tenir compte de la capitalisation de l'argent,
leur valeur actuelle.
La difficult6 est 6videmment qu'on ne connait pas le m o n t a n t
auquel seront effectivement r6gMs les sinistres. Trois facteurs interviennent en effet:
Premier Facteur
L'estimation d'un sinistre est chose malais~e. Elle ne peut d'ailleurs ~tre strictement faite au d6part si l'on ne connalt pas le
m o n t a n t de la responsabilit~, le taux de consolidation des blessures,
etc...
Nous n'insistons pas sur ce point qui est cependant capital car il
sort de l'objet de notre 6tude et nous admettrons que par une
intuition remarquable des choses ou par des m6thodes statistiques,
math6matiques ou actuarielles, les Services des sinistres ont dt6
m~me de d6terminer exactement le montant des sinistres ~ payer ou,
tout au moins, que les erreurs commises par exc~s compensent
exactement les erreurs commises par d6faut.
I1 s'agit lh, bien entendu, d'une vue id6ale mais il est tout-~-fait
n6cessaire de la retenir car sinon on introduit un facteur d'erreur
qui fausse et l'appr6ciation du r6sultat technique et l'effet des
int~r~ts. Si, en effet, on constitue des r~serves major6es, devant
d6gager un boni, il n'est pas Mgitime de calculer les int6r~ts sur la
totalit6 des sommes ainsi raises en r6serve car on capitalise de cette
fa~on des fonds qui ne d6pendent pas de la technique de la branche.
ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS FINANCIERS
275
II s'agit, en fait, de r6serves fibres appartenant en propre h la
Soci6t6. Inversement, si on constitue des r~serves insuffisantes,
non seulement on verra apparaitre des malis qui devront ~tre
pr61ev6s sur les ressources propres de la Compagnie, mais encore
on se prive d'une s6rie de revenus financiers qui auraient d r ~tre
affect6s ~ l'~quilibre de la branche.
Deuxi~rne Facteur
I1 ne suffit pas, d'ailleurs, d'avoir une correcte estimation du
m o n t a n t des r~glements, il faut, pour appr6cier le jeu des int6r~ts,
connaitre exactement la cadence de r6glements future. En effet,
la notion de valeur actuelle est 6troitement d6pendante de cette
cadence de r&glements.
Mais il y a une circonstance aggravante: le m o n t a n t auquel le
sinistre sera r~gl6 d~pend lui-m~me de l'~poque ~ laqueUe le paiement intervient. En effet, bien que l'usage n'en soit pas fr6quent,
un tribunal peut d6cider de majorer l'indemnit6 des int6r~ts courus
depuis le jour de survenance du sinistre ou encore il peut tenir
compte, dans la fixation de cette indemnit6, du m o n t a n t des int6r~ts
courus.
I1 est clair que, dans un tel cas, la capitalisation des r6serves
de sinistres ~ un taux au moins 6gal aux int6r~ts imposes par le
jugement est une n6cessit~ proprement technique.
Si, pour rendre ce sinistre comparable aux autres on exclut de
son montant la fraction repr6sentant les int6r~ts, la somme
mettre en r6serve initialement n'est plus la valeur actuelle au sens
actuariel du mot, c'est-~-dire l'escompte, mais la valeur pleine qui,
capitalis6e, reproduira le m o n t a n t effectif du r~glement.
Troisi~me Facteur
Mais le facteur le plus grave, et chacun le sait, est que la cadence
de r~glements influe directement sur le m o n t a n t des sinistres, et ceci
pour deux raisons:
a) Les sinistres qui sont r6gl~s apr~s de longs d~lais ou une laborieuse proc6dure peuvent se r6v61er beaucoup plus on~reux que
ceux r6gl6s dans un court d61ai, ~ la suite de transactions par exemple. Ceci constitue d'ailleurs un dl~ment moral pouvant inciter les
Soci6t6s k faire face rapidement ~ leurs obligations.
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ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS FINANCIERS
b) I1 y a, d'autre part, le ph6nom~ne quasi-g6n6ral du rench6rissement du cofit des sinistres au cours du temps, dfi k la d6pr6ciation
mondtaire, k l'augmentation du prix des choses et k l'appr6ciation
de plus en plus large de la r6paration des dommages de responsabilit6 (voir k ce sujet les courbes dtablies par Monsieur Pierre Frangois
au Colloque de Nice en I96O montrant la croissance du coflt moyen
des sinistres mat6riels et corporels ainsi que du point d'invalidit~.
La croissance des sinistres mat6riels suit grossi~rement les prix de
gros mais celle des sinistres corporels est plus rapide que la croissance
des salaires) 1).
Est-il alors normal de faire intervenir ce facteur de rench6rissement dans l'6valuation des r6serves de sinistres? Nous faisons
abstraction de la difficult6 de d6termination pratique de ce coflt
futur, qui exigerait une rue proph6tique de l'avenir. Supposons
qu'on puisse conjecturer l't~volution future des cofits moyens et
connaltre simultan6ment les cadences de r~glements: serait-il
normal de se baser sur ce coflt ? Nous avons tendance ~ r6pondre non
car il s'agit d'un ~l~ment ext~rieur au tarif, assimilable k d'autres
facteurs qui peuvent vicier la vie d'une entreprise, comme ]a d6pr6ciation de certains biens d'actif, la confiscation de certains avoirs,
des mesures l~gislatives impr6vues, e t c . . .
Cependant, comme il faut bien que l'Assureur puisse faire face k
ces paiements futurs major6s, il faut que soit obtenue une surcapitalisation des montants mis en r6serve initialement. On peut 6tablir
une sorte de th6or~me:
Si s, est le montant du sinistre dans la k~me annie correctement
estim6 selon les normes de l'ann6e initiale, so, sa valeur actuelle
calcul6e ci-dessus (s~ capitalis6 au taux i donnant s,), pour obtenir
s~, m o n t a n t du sinistre s, compte tenu du rench6rissement du cofit
des sinistres, il faut capitaliser au taux i' au lieu de i tel que:
,
La surcapitalisation i' - i doit donc ~tre au moins 6gale au coeffi1) N o u s n~gligeons la vieille querelle faite a u x M a g i s t r a t s de r e t e n i r la d a t e
de r ~ g l e m e n t e t n o n la d a t e d e s u r v e n a n c e des sinistres p o u r la f i x a t i o n des
i n d e m n i t ~ s , p a r c e que le r e p r o c h e est p a r t i e l l e m e n t f a u x - - le calcul des
r e n t e s est bas6 n o r m a l e m e n t sur le salaire des v i c t i m e s au j o u r de l ' a c c i d e n t ,
e t n e t t e m e n t i n j u s t e - - le v e r s e m e n t fair a u x tiers 16s6s d o i t s ' i n s p i r e r
de la v a l e u r de la m o n n a i e au j o u r off il est effectu6.
ASSURANCE AUTOMOBILES E T R E V E N U S F I N A N C I E R S
277
cient de rench6rissement. Par exemple, si le coefficient d'accroissemerit annuel du coflt des sinistres est de 5 %, cela exige de capitaliser
5 % de plus que le taux i. Si le taux effectif de placement ne
d6passe pas 5 ~o, ceci signifie donc que tout l'int6r~t financier sert
faire face k l'accroissement futur des cofits. En rigueur, il faudrait
avoir recours k des placements index6s 6voluant selon l'exacte
revalorisation des sinistres. De toute fa~on, rAssureur ne dispose
plus d'aucun revenu financier pour l'6quilibre technique de son
tarif.
Limite de 65 ~o
On ne peut 6videmment parler de revenus financiers que dans
la mesure oh on est capable de repr6senter par des 616merits d'actif,
productifs de revenus financiers, les r6serves de sinistres. En d'autres
termes, on ne peut prendre en consid6ration que les int6r~ts qui
d6rivent des fonds rendus disponibles par le jeu de l'assurance,
c'est-k-dire les primes nettes des charges. Disons sch6matiquement:
Primes IOO, charges 35; cette limite est donc de 65 %.
Si donc, au d6part, les sinistres exc~dent la limite de 65 %, la
repr6sentation des r6serves ne peut intervenir qu'en faisant appel k
d'autres ressources de la Compagnie et r o n ne peut prendre en
consid6ration les revenus qui en d6rivent.
Par contre, si les r6serves n'atteignent pas cette limite de 65 ~o,
la Compagnie est ~ marne de capitaliser des fonds pour un montant
sup6rieur ~ celui des r6serves techniques strictement n6cessaire et
en retirer des revenus financiers suppl6mentaires.
Mais il ne parait pas rlormal non plus de tenir compte de ce
suppl6ment puisqu'aussi bien la Compagnie aurait pu distribuer
ce montant ou raffecter k d'autres usages.
On aboutit donc au sch6ma suivant:
I °) -- So < 65 ~o, c'est-~-dire les sinistres en valeur actuelle
sont inf6rieurs k la limite de 65 %. Dans ce cas, il suffit de capitaliser
le montant S o qui produira le montant effectif des sinistres S~ et
pour obtenir le montant r6el S~ compte tenu du rench6rissement,
il faudra ou obtenir un surint6r~t ou capitaliser une somme sup6rieure k So: appelons-la S~.
2 °) - - S o >~ 65 ~o, c'est-~-dire les sinistres en valeur actuelle
d6passent la limite de 65 %. I1 n'est possible de capitaliser que la
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ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS
FINANCIERS
somme de 65 qui ne parviendra h constituer qu'une fraction des
sinistres Si et, afortiori, une fraction des sinistres S~ compte tenu
du rench6rissement.
On peut dire qu'on est h la fois en perte technique et en perte
financi~re.
Exemple schdmatique
Donnons un exemple sch6matique chiffr6. Supposons un m o n t a n t
de sinistres de 62, chiffre initial, devant se r~gler finalement ~ 68,
chifffre final, sans, dans cette majoration, faire la distinction entre
ce qui provient du jeu des int6r~ts ou du jeu des autres facteurs
de rench6rissement; on a l e s deux pr6sentations possibles:
z~re prdsentation
Compte technique 62 + 35
B~n6fice technique 3
Revenu sur 62 et 3 ~ 9
(en a d m e t t a n t qu'on capitalise aussi le b6n6fice de 3, ce qui
n'est pas normal comme il a 6t6 dit)
Cette somme d'int6r~ts de 9 servira, ~ concurrence de 6, ~ compenser l'insuffisance future des r6serves. I1 restera un b6n6fice
propre d'int6r~t de 3.
Le b6n6fice total est ainsi de 6 dont:
B6n6fice technique 3
B6n6fice financier 3
2~me prdsentation
On inscrit les r6serves pour leur valeur finale 68. On a donc:
Compte technique 68 + 35
Perte technique 3
Revenu financier sur 65 = 9
Le b~n6fice total est 6 comme ci-dessus, mais se d~composant cette fois en
Perte technique 3
B6n~fice financier 9
Deux remarques
I -- Rdassurance
On ne peut d6gager les v~ritables r~sultats techniques si l'on
ASSURANCE AUTOMOBILES E T R E V E N U S F I N A N C I E R S
279
n'61infine pas l'incidence de gros sinistres 6ventuels, c'est-h-dire
si l'on ne tient pas compte d'une r6assurance en exc6dent de sinistres.
Dans cette conception -- qui suppose d'aiUeurs que le r6assureur
fait son affMre de la constitution des r6serves de sinistres k sa
charge -- l'assureur direct ne d6compte les sinistres que pour la
portion n'exc6dant pas la hmite de l'exc~s.
La prime vers6e au r6assureur constitue une charge de l'exercice
qui doit ~tre assimiMe k un sinistre: on substitue en effet k des paiements al6atoires variables une contribution constante.
II-
Jeu des exercices successifs
M~me en 61iminant l'dl6ment perturbateur des sinistres importants, les r6sultats seront n6cessairement fluctuants d'un exercice
l'autre. I1 n'est donc pas normal de traiter chaque exercice comme
une entit6 s6par~e. Une certaine compensation doit intervenir.
De la m~me mani&re une perfection dans l'estimation des r6serves
~tant impossible, il est normal que des bonis d6gag6s sur les r6serves
de certains exercices compensent les insuffisances de rdserves se
r6v61ant d'autre part.
La th6orie unitaire d6velopp6e pr6c6demment doit donc ~tre
corrig6e d'un mani~re ad6quate. Cependant, on ne peut faire jouer
la compensation entre exercices que pour 6quilibrer des fluctuations
d'ordre accidentel et non pour corriger une tendance nettement
d6favorable. Ce serait masquer une perte technique r6elle, c'est-kdire une insuffisance de tarification, par le j eu fictif de bonis de liquidation ant6rieurs ou de b6n6fices de rdalisations de valeurs.
Cependant, dans la r6alit6, un Assureur ne peut faire la scission
effective de ses investissements en la multiplicit6 des exercices et des
ann6es de r~glements. I1 est exclu, comme le voudrait la thdorie, que
l'Assureur r6alise une pattie de son actif pour faire face ~t des paiements actuels de sinistres et investisse dans le m~me temps des
fonds pour faire face aux sinistres ~ payer dans l'avenir.
Conclusion
On peut s'6tonner qu'~ la question simple pos6e de savoir si et
dans queue mesure on devrait tenir compte des bEnEfices financiers,
nous opposions une r6ponse complexe.
On peut 6galement nous reprocher de proc6der k des d6veloppe-
280
ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS FINANCIERS
ments purement th~oriques et de faire bon march6 des contingences
comptables, fiscales et r6glementaires.
Nous sommes conscients de ces d6fauts. Mais nous estimons pourtant qu'une id& claire de la relation qui existe entre le r6sultat
technique et le revenu des placements ne peut d6river que de la
notion classique de valeur actuelle, ce qui signifie qu'on applique
k l'estimation des sinistres un escompte financier. Le revenu des
valeurs devient ainsi partie int~grante des composants techniques,
comme cela a lieu dans l'Assurance sur la Vie. Ce n'est que si les
int6r~ts exc~dent l'int6r~t du tarif qu'on peut parler de b6n6fice
financier.
Cependant, pour sacrifier aux usages et pour garder une marge de
s&urit~ fiscalement d6ductible, on peut admettre d'inscrire les
sinistres pour leur valeur vraie de liquidation pr6visible. On introduit ainsi une charge occulte dans le compte technique; en contrepartie, le revenu financier peut ~tre pris enti~rement en b6n6fice.
Mais il est tout-k-fait abusif de majorer les r~serves au point
d'afficher une perte technique en se vantant par ailleurs d'un important ,,b6n6fice" financier.
Dans le cas, enfin, oh l'~16vation future du cofit du r~glement des
sinistres devrait absorber tous revenus et plus-values des placements, on ne saurait retenir aucun profit financier pour l'6quilibre
technique de l'op6ration d'assurance.
Avril I962
A n n exe
C A D E N C E DE REGLEMENTS DES SINISTRES AUTOMOBILES
ET INTERETS FINANCIERS
En se pla~ant ~ la date de souscription d'un contrat, l'Assureur
direct per~oit la prime nette de charge (P - c) et d~bourse la valeur
actuelle des sinistres y aff6rents, pay6s ~ raison de s 1 la i~re a n n 6 e . . .
sk la k~me annie.
L'~quilibre du tarif exige que -- capitalisation suppos6e au taux i
et sinistres supposds en milieu d'ann6e -1
(I) (P--c) = s 1(I + i ) - i + s , ( i + i ) - i + s
17;--1
+...+sk(I+i)-
" +...
S
3(I+i)-i
6
+
ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS
I~re
ann~e
I
t
P-c
2~
I
3~
I
S1
82
4~
I
33
5~
I
S4
6~
I
85
281
FINANCIERS
I
86
E n posant (2) S O = s,° + s,° + . . . + s °t . . . la valeur actuelle des
sinistres, le m o n t a n t rfel des sinistres pay6s est la capitalisation de
cette valeur actuelle au t a u x i:
1
(3) sl+s~+...+st..=s~(I+i);+s:(I+i);+
I
...
tilL-- 1
+s~(z+0
,
+...
L a diffdrence Z s~ - - Z sl r e p r d s e n t e le t o t a l des i n t 6 r g t s recueillis.
E n n6gligeant les termes de puissance 2 ou supdrieurs dans les
d6veloppements, ce qui revient h capitaliser h int6rets simples
seulement, on a:
(4) total des int~r~ts = i
+2k--I
--y--
o
s, + . . . .
sl + ~ sl + . . . . . .
)
Comme, d ' a u t r e part, dans Fhypoth~se du tarif dquilibr6:
(2his) P -- c = s,0 + s,0 + . . . + s,O + . . . . on arrive ~ la conclusion
suivante: si la cadence de r~glement est invariable, c'est-h-dire si
chaque terme s~ est proportionnel k P - c - ou encore si, en
posant P = IOO, c -~ constant = 35 par exemple, l e s s 't sont des
nombres fixes -- le m o n t a n t des intdrgts est lui-mgme invariable
et ddpend de la seule cadence de r~glement: plus cette cadence est
lente plus les intdr~ts sont dlfvds puisque les derniers termes subissent un tacteur de multiplication plus ~levd.
I1 convient m a i n t e n a n t de faire la s o m m a t i o n pour les diffdrentes
6ch6ances de primes.
Une s i m p l i f i c a t i o n , , p p , o x i , , , Ier ex. 2& ex. 3~ ex. 4 ~ ex.
tire consiste ~ supposer les
I
I
I
I
I
sl
ss I ss I
primes ~ ~ch~ance en nfilieu
P--c
d'ann~e.
Le m o n t a n t total d'int~r~ts a la m~me expression mais il f a u t
bien comprendre que les int~rats sont encaiss~s au cours d'exercices
successi/s d ' u n e mani~re ddgressive.
282
ASSURANCE
AUTOMOBILES
ET
REVENUS
FINANCIERS
Essayons de raisonner en fonction des r6serves de sinistres en
suspens (en s'en tenant aux int6r~ts simples)
Ces r&erves sont les suivantes en admettant une rdpartition rdguli&e dans l'annde du paiement des sinistres:
fin Ier exerciceS-!+ s ~ + s 3 + s 4 +
C5)
...
2
2~ exercice
s~ + s3 + s4 + . . .
2
3~ exercice
s-! + s4 + . . .
2
° °°°
.......
dont le cumul est:
(6)
sl + 3 s~ + 5
?
qui, multipli~ par i, donne le total des int~r&s per~us. Cette formule
serait identique ~ la formule (4) si on substituait less] aux si. En
effet, en basant les reserves sur les montants de sinistres bruts, on
capitalise des sommes trop ~lev&s: il faut mettre en reserve les
valeurs actueUes.
Cadences comptables
Les si repr6sentent les cadences rdelles de r~glement des sinistres.
Ce ne sont pas les cadences comptables c'est-~t-dire le pourcentage
de sinistres effectivement pay6s pendant le Ier exercice, le 2~me
exercice, le 3~me exercice, etc. Seules ces cadences comptables sont
directement observables. D6signons-les par ti.
On a:
Sl
t1
-2
t2
--- $1 q -
(7)
52
2
ti
_ s~_~ + si
2
sn
~S+ l - -
2
283
ASSURANCE AUTOMOBILES E T R E V E N U S F I N A N C I E R S
Connaissant les cadences comptables ti, on obtient les cadences
r6elles s~ par les formules:
$1 :
sz :
2 ~I
2 t2
-
-
s1
~8)
Exemples thdoriques :
On suppose la cadence (r6elle) de r~glement suivante:
I~re ann6e: 5 0 %
2~me ann6e: 25 %
3~me ann6e: 15 %
4~me ann6e: 5 % ,
5~me ann6e: 5 %
!
25
Total :IOO %
50
u
n
37
75
25
,
I
20
38
15
,
I
IO
18
5
~
8
I
5
5
u
I ,
3
3
La cadence , c o m p t a b l e , est ainsi:
Ier
2~
3~
4&
5~
6~
exercice"
exercice"
exercice"
exercice"
exercice"
exercice"
25
37
20
IO
5
3
Total: IOO
Les r6serves pour sinistres k payer successives sont:
75--38--
18--8--3
Soit un total de 142 % ou (sur la base m axi m um de 65 % des
primes) 92, 30 % des primes.
En ajo u tan t ~ ce m o n t a n t la r6serve de risques en cours 36 % on a
un total de 1 2 8 % ce qui, ~ 5 %, repr6sente un revenu d'int~r~t
de 6,40 %.
Si l'on suppose l'~chelonnement tr~s lent:
30
--
30
--
15
--
IO -- 5 -- 5 -- 5
on obtient la cadence comptable, sur 8 exercices:
15--3o--22--13--7--5--5--3
284
ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS FINANCIERS
ce qui conduit k u n c u m u l de suspens de 217 ~o ou 141 ~o des primes,
soit a v e c les r r s e r v e s de risques en cours 36 ~o, 177 ~o de r r s e r v e s
techniques, soit, ~ 5 ~o, un i n t r r ~ t t o t a l de 8.8 °/o.
Cadences comptables observdes
Les cadences observ~es sont en rralit6 tr~s v a r i a b l e s selon les
C o m p a g n i e s et selon les annres.
Voici quelques e x e m p l e s :
I-
E n s e m b l e de C o m p a g n i e s Fran~aises 1953
- - 23 - - 25 - - 18 - - 12 - - 8 - - 14 (pour 6~ exercice et suivants)
I I - i C o m p a g n i e Fran~aise 1953
12 - - 30 - - 34 - - 12 - - 4 - - 8 (6~ exercice et suivants)
IIIi C o m p a g n i e Fran~aise 1954
15 - - 21 - - 22 - - 20 - - 9 - - 13 (6~ exercice et suivants)
I V - I C o m p a g n i e Italienne, m o y e n n e 1956-196o
54--29--9--4--3--I
Si, h p a r t i r de ces t a u x , on cherche h r e m o n t e r a u x cadences
rreUes selon la formuie (8), on arrive ~ des a n o m a l i e s :
P a r e x e m p l e p o u r (I):
t :23
s:46
25
4
18
32
12
-8
8
14
14
12
a v e c u n t a u x n r g a t i f en 4~me a n n r e !
De m ~ m e p o u r (IV), la cadence de I~re a n n r e serait 54 × 2 =
io8 %1
I1 f a u t sans d o u t e en conclure que l'hypoth&se de p a i e m e n t
r r g u l i ~ r e m e n t ~chelonn6 des sinistres en cours d ' a n n r e n ' e s t p a s
v r r i f r e d a n s la pratique.
Rdgime des inldr~ts rdels
Les formules p r ~ c r d e n t e s p e r m e t t a i e n t d ' o b t e n i r le t o t a l des
i n t r r ~ t s k recevoir au titre d ' u n exercice de souscription m a i s ne
d o n n a i e n t p a s la r~partition effective de la p e r c e p t i o n de ces i n t r r~ts. P o u r cela il f a u t c o n s i d r r e r le c u m u l des exercices successifs.
On a le s c h r m a suivant, en d~signant p a r tij le m o n t a n t des
ASSURANCE
AUTOMOBILES
ET REVENUS
FINANCIERS
285
sinistres de l'exercice de souscription i pay~s dans la j~me annie,
c'est-h-dire dans l'exercice comptable (i + j -- I):
exercices:
I
2
tll
I
3
I
4
5
6
tz6
t12
tz3
tz4
tz5
t~z
t~
taz
t~
ta2
tiz
t~4
ta3
t,,
I
7
I
8
t~5
t26
~34
tan
tu
t~
t~
t~
ts,
t6~
tel
te~
t63
t71
/72
I
ts1
Si l'on suppose que les tij sont ind6pendants de i
tq ---- tj
ce qui implique non seulement la permanence des cadences de r~glement pour tousles exercices mais aussi l'6galit6 des encaissements
-- plus rigoureusement du montant des sinistres -- on voit qu'en
r6gime plein, on obtient un montant constant de sinistres pay6s
~gal ~ la somme:
tl + t~ + t3 + t, + ts + t6
Pour faire face k ce montant constant de sinistres, l'Assureur dispose de la prime nette de charges (P -. c) qui lui est pr~cis6ment
6gale puisque dans les hypotheses retenues.
Ig s~ = Z ti.
Quant ~Lla r6serve pour sinistres ~Lpayer, elle est 6gale h -- par
sommation du tableau encadr6 sur la figure:
(9)
5 t, + 4ts + 3 t4 + . . . . .
+ t,
ce qui, d'apr~s la formule (7), conduit h:
(9 bis)
OU :
ss
s5 + s4 + 3 s¢
_ _ z-I-_ _ _s 3 + . . . +
5 -~- + 4 ~
2
-s- z + 3
2
S2
Y
+5
S3
--
2
+
. ....
+9
S5
-2-
Sz -,J- s 1
2
286
ASSURANCE AUTOMOBILES ET REVENUS FINANCIERS
On r e t r o u v e la formule (6).
P a r cons6quent, les int6r~ts per~us au cours d ' u n exercice colnptable sont ~gaux au total des int~r~ts ~t percevoir au titre d ' u n
exercice de souscription.
Mais on voit quelles h y p o t h e s e s restrictives il y a lieu de faire
p o u r qu'il en soit ainsi.
Si on ajoute que dans notre th6orie, il ne faut pas faire i n t e r v e n i r
les seuls int~r~ts annuels (coupons ou dividendes) mais aussi les
profits sur r e m b o u r s e m e n t s ou ventes, on voit q u ' o n ne saurait
parler des revenus financiers p a r la seule consid6ration des recettes
enregistr6es au cours d ' u n exercice c o m p t a b l e mais q u ' o n doit
suivre le d 6 v e l o p p e m e n t des investissements aff6rents ~t u n exercice
de souscription.
Ceci s ' a p p a r e n t e au j u g e m e n t des t a u x de sinistres sous forme de
t a u x d6velopp6s p a r exercice et non du seul t a u x de l'ann6e.