DE l`INDIVIDU À LA COHÉSION D`ÉQUIPE

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DE l`INDIVIDU À LA COHÉSION D`ÉQUIPE
INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE SANTÉ
CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL UNIVERSITAIRE
BESANÇON
FORMATION CADRE DE SANTE
DE l'INDIVIDU À LA COHÉSION D’ÉQUIPE
Mémoire présenté en vue de l'obtention du Diplôme de Cadre de Santé
Option infirmière
Isabelle GROSZ
Promotion 2012-2013
Sous la direction de
Patricia PINAULT HENRY
Psychologue en radiothérapie au CHRU de Besançon
INSTITUT DE FORMATION DE PROFESSIONS DE SANTÉ
CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL UNIVERSITAIRE
BESANÇON
FORMATION CADRE DE SANTE
DE l'INDIVIDU À LA COHÉSION D’ÉQUIPE
Mémoire présenté en vue de l'obtention du Diplôme de Cadre de Santé
Option infirmière
Isabelle GROSZ
Promotion 2012-2013
Sous la direction de
Patricia PINAULT HENRY
Psychologue en radiothérapie au CHRU de Besançon
Remerciements
En premier lieu, je tiens à remercier Mme Patricia PINAULT HENRY pour la
qualité de son accompagnement, ses précieux conseils et sa disponibilité.
Ensuite je remercie chaleureusement Hakim, mon mari, pour avoir cru en moi
dès le début de cette aventure et pour m'avoir encouragée, rassurée et
soutenue à tous les instants.
Je remercie Simon et Lisa, mes enfants, pour leur soutien lors des dimanches
studieux de notre année diplômante commune, passés côte à côte derrière nos
écrans d'ordinateur.
Je tiens à souligner l'aide précieuse pour la relecture de Christiane, Myriam et
Hakim … Très sincèrement, MERCI !
SOMMAIRE
SOMMAIRE
1. Introduction....................................................................................................8
2. Cadre contextuel..........................................................................................10
2.1. L'émergence d'un questionnement........................................................10
2.2. De la problématique à l'hypothèse.........................................................13
3. Cadre conceptuel.........................................................................................15
3.1. Cadre de santé.......................................................................................15
3.1.1. La fonction cadre au travers de l'histoire........................................15
3.1.2. Les missions du cadre de santé à l'hôpital.....................................19
3.2. L'individualité..........................................................................................22
3.2.1. L'identité..........................................................................................22
3.2.2. L'identité professionnelle.................................................................25
3.2.3. La reconnaissance .........................................................................30
3.3. L'équipe..................................................................................................30
3.3.1. Définitions........................................................................................30
3.3.2. Le sentiment d'appartenance et le sens du travail.........................32
3.3.3. La motivation ..................................................................................33
3.3.4. La cohésion d'équipe .....................................................................35
4. Démarche méthodologique de l'enquête..................................................38
4.1. Le choix de l'outil....................................................................................38
4.2. Le choix de la population et de l'établissement .....................................38
4.3. Le déroulement des entretiens...............................................................39
4.4. Les limites de la méthode.......................................................................40
5. Analyse des entretiens................................................................................42
5.1. Profil des personnes interrogées ...........................................................42
5.2. Analyse des déterminants sociaux ........................................................42
5.3. L'analyse des discours...........................................................................43
5.3.1. La place des soignants...................................................................43
5.3.2. La place du cadre............................................................................48
5.3.2.1 L'écoute à l'échelle de l'individu ...............................................50
5.3.2.2 L'écoute à l'échelle de l'équipe.................................................52
5.3.3. La reconnaissance .........................................................................53
5.3.4. Le pouvoir........................................................................................56
5.3.5. Les valeurs et le sens du travail .....................................................58
6. Réflexion.......................................................................................................61
6.1. Le contexte de travail ............................................................................61
6.2. Les règles de fonctionnement ...............................................................64
6.3. L'amitié ...................................................................................................64
6.4. Le positionnement du cadre...................................................................65
6.5. La reconnaissance ................................................................................68
6.5.1. Légitimer la fonction de chacun......................................................68
6.5.2. Écoute individuelle et équité...........................................................70
6.5.3. Écoute individuelle et abus de pouvoir ..........................................72
6.6. Les valeurs.............................................................................................73
7. Conclusion...................................................................................................76
8. Bibliographie................................................................................................79
9. Annexe 1 : canevas d'entretien .................................................................83
Liste des abréviations
AS : Aide-Soignante
ASH : Agent des Services Hospitaliers
ASH ffAS : Agent des services Hospitaliers faisant fonction d' Aide-soignante
IDE : Infirmier Diplômé d’État
IFPS : Institut de Formation de Professions de Santé
IFSI : Institut de Formation en Soins Infirmier
MSP : Mise en Situation Professionnelle.
INTRODUCTION
1. Introduction
Infirmière depuis 1988, j'ai intégré l'Institut de Formation de Professions de
Santé (IFPS) en 2012. Au cours de cette formation, les étudiants doivent
s'investir dans la réalisation d'une démarche de recherche. Le sujet abordé
résulte d'un questionnement issu de sa pratique professionnelle. Je suis arrivée
en formation avec en tête une idée du thème que je souhaitais traiter : la
cohésion d'équipe. La raison en est la suivante : de nos jours, l'évolution de
notre société occidentale exacerbe l'individualisme et la défense des intérêts
particuliers. Ceci pousse les individus à mettre en avant leur bien-être dans leur
vie. Par transposition au monde du travail, les aspirations exprimées ont trait à
l'amélioration des conditions de travail. Or, à mes yeux, la cohésion d'équipe
est l'une des exigences essentielles pour se sentir bien au travail. Comme le
travail en équipe est le quotidien de tous les agents de l'hôpital, traiter de la
cohésion me semblait être une évidence. D'autant plus que mon expérience de
24 années d'infirmière m'a fait comprendre que le fait de se sentir à l'aise au
travail était essentiel pour devenir un professionnel réellement soignant pouvant
prendre en charge le patient dans sa globalité.
En évoluant vers la fonction de cadre de santé, je me questionnais sur la place
du cadre de santé dans la cohésion d'une équipe. Quel rôle a-t-il à jouer ?
Comment peut-il faire pour l'instaurer, l'améliorer, la pérenniser ? Autant de
questions auxquelles ce travail d'initiation à la recherche devrait me permettre
de répondre et m'aider pour une mise en application dès ma future prise de
fonction en juillet 2013.
Pour y parvenir, je vais dans un premier temps exposer mon constat de départ
et l'émergence de mon questionnement pour aboutir à la problématique puis à
l'hypothèse. Dans un deuxième temps, je développerai le cadre conceptuel
nécessaire à la compréhension du thème par des apports théoriques. La
troisième partie sera consacrée à l'explication de la démarche méthodique. En
quatrième partie, je présenterai l'analyse des entretiens effectués et enfin en
cinquième partie j'exposerai les pistes de réflexion et les enseignements que
j'aurai pu tirer de ce travail de recherche.
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CADRE
CONTEXTUEL
2. Cadre contextuel
2.1. L'émergence d'un questionnement
Lorsque j'ai débuté ma carrière professionnelle, j'ai exercé dans un centre
hospitalier universitaire en unité de néphrologie (greffes rénales et dialyses), un
secteur d'activité en plein essor. Les infirmières (IDE) de l'équipe, alors en sous
effectif (l'effectif a doublé en 2 ans), devaient se limiter aux tâches très
spécifiques et techniques de cette spécialité. Les aides-soignantes (AS) étaient
cantonnées entre elles à leurs tâches de nursing, et les agents de services
hospitaliers (ASH) à leurs tâches de bionettoyage. Ce système de
fonctionnement ne m'avait, à l'époque, pas interpellée : je pensais que ce
cloisonnement des fonctions était lié à la spécificité et à la technicité de l'unité.
Ensuite j'ai travaillé dans un service de médecine et chirurgie dans un centre
hospitalier de proximité où le fonctionnement des agents était identique : tâches
bien définies par catégories professionnelles et scindées. Pas de collaboration
réelle entre les différentes catégories professionnelles, elles allaient même
jusqu'à prendre leur pause de façon décalée selon la charge de travail des
unes ou des autres.
Les soins prodigués étaient de qualité en termes d'efficacité, de technicité et
d'hygiène. Toutefois, le patient et sa famille avaient le ressenti de bénéficier
d'une prise en charge fractionnée. L'information n'arrivait pas forcément très
rapidement à la personne concernée ; le patient pouvait se heurter à des
difficultés pour avoir une réponse à ses besoins s'il ne s'adressait pas d'emblée
à la bonne personne (pour un problème d'hôtellerie, l'IDE lui disait de s'adresser
à l'ASH ; pour un problème de nursing, l'ASH lui disait de s'adresser à l'AS ;
l'IDE pouvait venir 30 minutes après l'AS pour lui poser une question identique),
ce qui donnait au patient le sentiment d'une mauvaise coordination au sein de
l'équipe.
10
Puis j'ai été mutée dans un service de jour et de semaine où j'ai découvert ce
qui allait être pour moi une révélation professionnelle, je découvrais ce qu'était
à mes yeux une "vraie équipe" : des agents soudés entre eux, solidaires,
attentifs aux tâches spécifiques de chaque catégorie professionnelle, se prêtant
main forte dès que possible. J'ai découvert une ambiance de travail sereine,
avec une forte solidarité entre les agents. Je découvrais ce qu'était à mes
yeux :
LA COHÉSION D'UNE ÉQUIPE.
Le patient était pris en charge dans sa globalité et bénéficiait d'un discours
commun grâce à une information qui circulait aisément entre les différentes
catégories professionnelles de l'équipe. Dès que possible, le travail était fait en
binôme IDE/AS.
Après cette expérience, j'ai eu l'opportunité de prendre des fonctions de cadre
de santé dans un service de médecine à orientation gériatrique du même centre
hospitalier. Cette unité de 25 lits pouvait accueillir des patients nécessitant des
soins de court séjour, de la surveillance rapprochée, des soins de suite et de
rééducation ou des soins palliatifs. L'activité soutenue et lourde nécessitait non
seulement des compétences en soins techniques pour traiter des patients en
phase aiguë, parfois critique, mais aussi de fortes compétences relationnelles
pour des patients hospitalisés sur des périodes plus longues en secteur de
rééducation ou en soins palliatifs. L'équipe paramédicale constituée de 38
agents était stable, autonome, en place depuis longtemps, avec une ancienneté
moyenne dans l'unité supérieure à 10 ans. Un fort sentiment d'appartenance se
faisait ressentir avec une culture de service, notamment pour la prise en charge
des patients en soins palliatifs et en soins de suite. Des soins de confort leur
étaient proposés régulièrement (bains, shampooings, pose de bigoudis, etc.).
En revanche, j'observais des tempéraments forts chez certains agents qui
prenaient le dessus par rapport aux autres en termes de décision et
d'organisation. Je remarquais également une collaboration aléatoire entre les
différentes catégories professionnelles selon les jours et les membres de
11
l'équipe présents. Pour pallier cet état de fait, j'ai souhaité instaurer un travail en
sectorisation en binôme IDE/AS, mais je me suis heurtée à une forte opposition
de l'équipe. Les infirmières ne voulaient pas perdre leur vision sur la totalité des
patients du service. Les aides-soignantes préféraient travailler entre pairs pour
ne pas dépendre de la disponibilité de l'IDE de secteur lors des soins de
nursing nécessitant la présence de deux agents.
Il est vrai que les conditions de travail des deux dernières équipes dans
lesquelles j'ai exercé ne sont pas identiques et peuvent expliquer les
différences ressenties au niveau de la cohésion. Le service de jour et de
semaine était constitué d'une petite équipe de 16 paramédicaux. Comme son
nom l'indique, le service ne fonctionnait pas les samedis et dimanches, donc
aucun conflit ne pouvait apparaître entre les agents concernant le travail des
week-ends. De plus, l'unité fermait durant plusieurs semaines en période
estivale, laissant la possibilité à tous de prendre leurs vacances à leur guise et
en même temps. Tous les agents étaient logés à la même enseigne : en congé,
ensemble, les vendredis soirs, de retour, ensemble, les lundis matins ; en
grandes vacances d'été, ensemble, de retour fin août, ensemble. De quoi
apaiser bien des tensions quotidiennes et renforcer par là-même la cohésion
d'équipe.
Le service de médecine était, quant à lui, constitué d'une grosse équipe de 38
paramédicaux. Ouvert toute l'année, les agents devaient prendre leurs congés
de façon étalée, suscitant chaque année des négociations et des concessions.
De même, le travail des samedis et dimanches se faisait selon un roulement ;
un changement était possible mais il devait faire l'objet d'une négociation entre
les agents. Ce fonctionnement est celui de la majorité des services des centres
hospitaliers puisqu'ils permettent d'accueillir des patients à tout moment de la
journée ou de l'année et d'assurer ainsi la continuité des soins.
C'est donc probablement dans un service de ce type que je ferai mon entrée
dans ma nouvelle fonction en juillet prochain. Lors de mon expérience en
service de semaine, j'avais eu tant de plaisir à travailler dans une équipe unie,
12
que je souhaiterais, dans mes fonctions de cadre de santé, arriver à reproduire
ce type d'ambiance dans les équipes dont j'aurai la responsabilité.
C'est pourquoi j'en arrive à me demander comment s'instaure une cohésion
d'équipe. Quels sont les facteurs qui entrent en jeu pour avoir une cohésion
d'équipe ? Est ce que la cohésion d'équipe contribue au bien-être au travail de
l'agent ? La cohésion est-elle liée à la motivation ou inversement ? La cohésion
est-elle liée à la personnalité des agents ?
Pour préciser ma réflexion je mène des entretiens exploratoires. Ceux-ci vont
me permettre de faire émerger la problématique suivante :
Le cadre de santé, par sa position centrale au sein d’une équipe, peut-il
avoir de l’influence sur la cohésion ?
2.2. De la problématique à l'hypothèse
Suite à mes différentes expériences professionnelles, mon constat de départ et
mes explorations, l'axe de ma recherche se précise. Je peux ainsi émettre
l'hypothèse suivante :
Si le cadre de santé prend en compte les individualités de chacun de ses
agents, il renforce la cohésion d'équipe.
.
13
CADRE
CONCEPTUEL
3. Cadre conceptuel
3.1. Cadre de santé
Étymologiquement, « Le mot "cadre" est issu du terme latin quadrus, signifiant
"carré" . Le carré est une figure parfaite évoquant la solidité, la stabilité » [1, p.
202].
Il me semble intéressant, dans un premier temps, d'étudier l'histoire de la
profession pour comprendre si son origine pouvait expliquer certains
comportements du manager en secteur de soins, partagé entre l'héritage du
passé et les nouveaux impératifs du monde actuel.
3.1.1. La fonction cadre au travers de l'histoire
L'évolution de la fonction de cadre de santé est intimement liée à l'évolution de
la fonction soignante au cours des siècles.
Jusqu'au Moyen Âge, la médecine était exercée par des femmes de façon
empirique et était basée sur la connaissance des plantes. Avec l'arrivée du
christianisme, ces pratiques sont diabolisées et ces guérisseuses périssent sur
les bûchers.
L' Église va alors « […] contrôler les soins corporels grâce au modèle de la
femme consacrée en les incitant à se destiner au service des malades et des
déshérités » [2].
L'ancêtre de l'infirmière est la sœur garde-malade qui fait partie d'une
congrégation religieuse ; elle est dévouée, obéissante et silencieuse. Elle vit
« [...] selon des règles strictes et une hiérarchie fortement structurée et c’est
justement la hiérarchie ecclésiastique qui joue le rôle d’encadrement » [2].
L'encadrement était alors assuré par la sœur cheftaine, l'ancêtre de la
surveillante, terme encore bien ancré de nos jours, dans les représentations
populaires concernant l'organisation d'un service de soins. Nous sommes à
cette époque encore très loin d'évoquer la notion de cadre de santé.
15
Au XIX
ème
siècle, la sœur cheftaine s'occupait de la surveillance des sœurs
gardes-malades et de toute l'intendance de l'hôpital (cuisines, celliers,
buanderie, lingerie). La majorité des hôpitaux avait sa sœur supérieure qui était
sous l'autorité de la Supérieure Générale et du Supérieur des Pères Lazaristes
à Paris.
Les hôpitaux de Lyon laissaient une place à la laïcité :
« Il existait un trait d’union entre personnels hospitaliers religieux et
professionnels […] Dans chaque hôpital, un Administrateur-directeur
désignait des mères des novices choisies avec soin pour diriger les
salles de malades. Le recrutement se basait sur la capacité de la
postulante à être absolument dévouée à l’organisation afin que l’esprit
congrégationniste n’envahisse pas le personnel. Cette cheftaine des
novices avait le rôle de surveiller, diriger et étudier les nouvelles venues
et de tenir l’administration au courant de leur capacité à devenir de
bonnes hospitalières » [2].
A la fin du XIX
ème
siècle, on voit apparaître trois pouvoirs à l'hôpital : les
pouvoirs religieux, laïque et médical.
C'est à cette époque et avec la révolution pasteurienne, que les médecins se
trouvent dans la nécessité de commencer à déléguer certains soins à du
personnel subalterne, des auxiliaires médicaux. Les premières écoles
d'infirmières sont créées.
« Historiquement, la fonction cadre est apparue dans la fonction hospitalière en
1922. On le nomme alors "surveillant" » [3, p.17]. Il s'agit le plus souvent d'une
surveillante. Ses fonctions étaient celle d'une infirmière chef qui avait gravi les
échelons suite à son ancienneté, à ses ambitions, à son expertise dans le
domaine du soin, à ses compétences ou à sa personnalité. Son rôle était
d'assurer à la fois des missions d'intendance et de soins. Elle était nommée
parce que considérée parmi les meilleures infirmières en place : « [...] Être
reconnue comme l'infirmière la plus experte est un atout important pour être
nommée surveillante » [1, p. 155].
Elle était le bras droit du médecin, son "œil de Moscou" présente durant son
absence et lui rendant des comptes dès son retour. « La surveillante,
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soucieuse du bon fonctionnement du service, voit son rôle se résumer à la
bonne application des tâches et au maintien de la règle » [2].
A partir de 1958, une formation de huit mois est proposée aux surveillantes. Le
décret du 14 novembre 1958 crée deux certificats selon que l'agent se destine
à des fonctions en école d'infirmière ou en service de soins. Il s'agit du CAFIM
(Certificat d'Aptitude aux Fonctions d'Infirmier Moniteur) ou du CAFIS (Certificat
d'Aptitude aux Fonctions d'Infirmier Surveillant). En parallèle, des surveillantes
continuent à être nommées sur leur poste à l'ancienneté, sans formation
particulière.
C'est à partir de 1975 que la terminologie « cadre infirmier » apparaît. A cette
époque, les cadres sont encore essentiellement des surveillantes et dans la
majorité des cas, d'anciennes infirmières. Comme l'explique Françoise
GONNET, elles ont souvent une « [...] personnalité forte qui assure une place
de leader charismatique » [4, p.234].
Respectées et parfois craintes par les agents, elles assurent un duo avec le
médecin chef de service. Lui tel le "père" de famille qui règne avec la "mère" , la
surveillante, sur les "enfants" , les soignants.
Les mêmes valeurs sont partagées par tous.
« Viennent au premier rang le dévouement, l'altruisme, et tout ce qui a
trait aux valeurs héritées d'un passé religieux, on trouve ensuite tout ce
qui concerne la personnalité, les traits de caractère comme le
dynamisme, l'énergie, etc. Un troisième groupe de valeurs tourne autour
de l'ancienneté, mais surtout autour de l'expérience et du savoir faire »
[4, p.234].
Avec l'arrivée du premier choc pétrolier en 1973 et de la crise qui en a découlé
ainsi qu'avec l'apparition de nouvelles technologies et des spécialisations,
l'hôpital a évolué et la fonction du cadre de santé a évolué avec lui.
Alors que le système était jusque là fondé sur la vocation, le dévouement et
l'expérience, des nouvelles références émergent. Elles sont liées à la
compétence, au diplôme et à la formation.
17
L'hôpital s'ouvre, amorce sa comparaison avec des systèmes extra-hospitaliers
et industriels, on commence à parler de performances, de coûts et par
conséquent à réfléchir au management qui doit en résulter. Le système
hospitalier s’interroge sur son efficacité et souhaite introduire dans son
fonctionnement des méthodes de management issues du système de
l'industrie. « L'encadrement infirmier tourne progressivement son regard vers la
sociologie des organisations et s'intéresse aux sciences de la gestion » [3, p.
17].
C'est à ce moment qu'apparaît le terme de "cadre infirmier" dans les structures
hospitalières dont il faut avant tout réglementer et valoriser la fonction.
« A partir des années 1990, le raisonnement gestionnaire devient de
plus en plus prégnant à l'hôpital. Les cadres de santé sont amenés à
développer des compétences managériales et gestionnaires à la place
des compétences techniques » [1, p.156].
Le diplôme de cadre de santé est créé en 1995 par le décret n° 95-926 du 18
août 1995 [5]. L'arrêté du 18 aout 1995 relatif au diplôme de cadre de santé [6]
situe bien l'importance de son activité au sein des établissements de santé :
« Le bon fonctionnement de nos structures de santé, qu'elles soient
hospitalières ou de formation, dépend largement de la place des cadres
de santé et de leur compétence, qui est déterminante pour la qualité
des prestations offertes tant aux patients qu'aux étudiants » [6].
L'arrêté évoque également la nécessité de fournir une formation adéquate à la
fonction :
« C'est pourquoi la formation des cadres de santé est une priorité
essentielle pour garantir la qualité de l'encadrement. Elle contribue en
effet à assurer l'efficacité et la pertinence du rôle d'encadrement dans
l'exercice de ses responsabilités en matière de formation des
personnels et de gestion des équipes et des activités » [6].
Ce qui mène le cadre de santé actuel bien loin de l'infirmière chef, technicienne
hors pair qu'elle devait être au temps où elle s'appelait surveillante, et je vais à
présent en développer les missions.
18
3.1.2. Les missions du cadre de santé à l'hôpital
En se référant au répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière, les
missions du cadre de santé sont définies ainsi :
« [...] Organiser l'activité paramédicale, animer l'équipe et coordonner
les moyens d'un service de soins, médico-technique ou de rééducation,
en veillant à l'efficacité et la qualité des prestations » [7].
Ces notions relèvent du management d'équipe qui est commun à toute
organisation de travail quel que soit le secteur d'activité (commercial, industriel,
etc.).
Pourtant, en milieu hospitalier, d'autres paramètres sont à prendre en
considération. Tout d'abord il ne faut pas négliger que le patient n'est pas un
client tout à fait comme les autres et toute l'organisation du travail doit être
centrée sur lui.
« L'hôpital et tous les établissements de santé accueillant des patients,
sont les seules entreprises du monde qui gèrent des êtres humains
avec pour client et raison d'être : l’Être Humain. De l'humain au service
de l'humain » [8,p. 83].
Ensuite, il faut préciser que
« Le cadre de santé est un professionnel de santé qui a changé de
métier. En devenant cadre, ce n'est plus à lui d'assurer les prestations
de soins directs, mais il lui revient de créer des conditions pour
permettre à d'autres de dispenser des soins » [1, p.158].
Il n'est plus dans l'action, "le faire", et s'éloigne des soins techniques, mais il se
place à côté des soignants pour les accompagner.
Pourtant, comme l'explique Dominique BOURGEON, aux yeux d'un bon
nombre de médecins le cadre de santé doit d'être un infirmier expert qui
maîtrise les actes techniques car il est le garant de la qualité des soins
dispensés par son équipe et du respect des procédures et protocoles [1, p.207].
Cette divergence de considération ne facilite pas le positionnement du cadre.
Comme les actes techniques sont délégués par le pouvoir médical, sur
19
prescription, cela peut entraîner des difficultés au cadre pour poser sa
légitimité au sein de l'équipe. Le cadre se trouve écartelé entre une expertise
légitime et une nécessité managériale de plus en plus importante.
La solution sera pour lui d'aborder l'expertise dans un paradigme nouveau du
« prendre soin » pour asseoir sa légitimité en évitant que celle-ci repose
essentiellement sur les actes techniques. Or, la conjoncture actuelle du
système médico économique ne lui rend pas la tâche facile avec la baisse de la
durée
moyenne
de
séjour,
l'augmentation
des
actes
techniques,
la
rationalisation du personnel, etc.
En revanche, le statut du cadre de santé au sein de l'établissement joue en sa
faveur par sa position stratégique : il travaille au milieu des soignants et en
collaboration étroite avec les médecins et la direction.
Comme l’évoque Jean-Michel MOTTA :
« […] Étant issu du monde des soignants, ce qui lui confère une
certaine légitimité auprès des acteurs de soins, il est en position dite de
"marginal sécant". C'est-à-dire, à la fois dans chacune des trois
logiques (soignante, médicale et administrative), mais à la frontière de
celles-ci. Cette position est à la fois un avantage et une position
délicate » [9].
Il a une mission centrale de relais d'informations et de communication entre ces
trois logiques, il est partie prenante dans ces trois systèmes d'action en relation
les uns avec les autres. La difficulté est pour lui de trouver un équilibre pour ne
pas se laisser envahir par l'une des trois au détriment des deux autres.
Le manager doit également tenir compte du passé, de la formation et des
valeurs forgeant l'identité professionnelle de ses agents. La plupart d'entre eux
ont commencé leur carrière sans avoir à tenir compte des limites budgétaires
que connaît le système hospitalier actuel. Car « l'hôpital, en effet, resté
longtemps à l'abri des contraintes économiques, a évolué très différemment de
l'entreprise privée. Il a d'abord fonctionné sur le mode affectif en privilégiant les
relations humaines à l'intérieur de petites unités [...] » [4, p.23].
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Les agents ont le sentiment d'avoir pour mission de soigner sans avoir à se
préoccuper des coûts que cela peut engendrer puisque le cœur du métier d'un
soignant est de prendre soin.
Une des missions du cadre de santé est d'amener son équipe à préserver cette
notion primordiale pour le bien-être du patient, tout en incluant les obligations
budgétaires actuelles qui s'illustrent souvent par une baisse de moyens
humains ou matériels. Comme le relate Jean-Marie REVILLOT, le cadre de
santé doit « […] se préoccuper de promouvoir et de développer une posture
clinique dans une dimension du "prendre soin", cœur de métier, qu'il incarne
mais qui l'oblige aussi à intégrer les contextes socio-économique et politique »
[3, p. XXI].
Le cadre de santé doit avoir la capacité de traduire un langage soignant en
langage gestionnaire. Selon Jean-Michel MOTTA, « [...] il doit alors chercher
son chemin entre la recherche d’une efficience nécessaire pour répondre à
l’économie de la santé et la recherche d’un sens à l’action de soin » [10].
Son rôle sera d'accompagner son équipe à cheminer vers la recherche de sens
tout en l'aidant à accepter les contraintes. Il devra mener les agents à réfléchir
sur l'organisation quotidienne à mettre en place pour qu'elle corresponde au
mieux à leurs valeurs soignantes.
Le but étant qu'à la fin de son poste chaque agent tende vers la satisfaction
concernant la qualité de la prise en charge des patients dont il avait la
responsabilité.
C'est dans cette mission que selon Walter HESBEEN, le cadre de santé exerce
une fonction de soignant : il doit prendre soin de son équipe pour qu'ensuite
celle ci soit le mieux disposée pour, à son tour, prendre soin des patients.
Pour y parvenir, il doit
« […] porter de l'intérêt aux professionnels du service dont il a la
responsabilité en vue de faciliter l'exercice de leur métier. Il s'agit par là
d'être aidant, pour que les soignants puissent à leur tour apporter leur
21
aide aux personnes dont ils prennent soin et, dès lors, mieux leur offrir
leurs talents » [11, p. 87].
En portant de l’intérêt aux agents de son équipe, le cadre de santé pourra
parvenir à gérer la posture paradoxale dans laquelle il se trouve en combinant
le management incluant les réalités socio-politico-économiques et l'exercice
soignant.
Porter de l’intérêt aux agents, c'est tenir compte de leur individualité, c'est
pourquoi je vais à présent développer ce concept.
3.2. L'individualité
Dans un premier temps, il me semble important de m'attarder sur quelques
définitions.
D'après le dictionnaire Larousse, l'individualité est la « caractéristique d'un être
(personne ou chose) tel qu'il ne puisse pas être confondu avec un autre être.
Ce qui fait l'originalité, la particularité d'un individu et l'oppose aux autres » [12].
Cette définition renvoie au concept de l'identité. Et effectivement, on retrouve la
notion d'individualité dans la définition que le dictionnaire Larousse propose
pour le terme d'identité : « [...] Ensemble des données de fait et de droit qui
permettent d'individualiser quelqu'un […] caractère permanent et fondamental
de quelqu'un, d'un groupe, qui fait son individualité, sa singularité » [12], de ce
fait j'aborde ce nouveau concept.
3.2.1. L'identité
Toute personne a un nom et un prénom qu'elle décline quand on lui demande
son identité. Mais au delà de ces considérations liées à l'état civil, le concept
d'identité s'étend sur des réflexions bien plus profondes qui comprennent deux
niveaux et deux dimensions.
22
Pour Michèle WENNER citant Erwing GOFFMAN, le premier niveau de l'identité
est celui qui considère le sujet en tant que personne : c'est un concept
psychologique qui correspond à l'image que l'on a de soi. C'est un « niveau
personnel que tout le monde possède » [13, p 42].
Selon
Pierre
TAP,
l'identité
personnelle
est
« […]
l'ensemble
des
représentations et des sentiments qu'une personne développe à propos d'ellemême [...] » [14], mais il précise que si elle permet de se réaliser en devenant
et en restant soi-même, elle permet également au sujet de se différencier de
l'autre.
Pour Jacques LECOMTE, l'identité est la « […] représentation plus ou moins
stable, que j'ai de moi-même et que les autres ont de moi » [14].
L'identité personnelle présente donc deux dimensions :
•
le fait d'être identique, semblable à l'autre
•
le fait d'être unique, distinct de l'autre.
L'individu, pour exister, doit trouver son point d'équilibre entre ces deux
dimensions, il a pour cela besoin du regard et de la relation avec les autres.
L'identité propre à chacun est dépendante des autres et est évolutive. La
construction identitaire est un cheminement complexe qui commence avant
même la naissance par l'imaginaire que les parents projettent sur leur futur
enfant, par le vécu de la grossesse et le relationnel qui s'établit ou non entre le
fœtus et les parents. La famille est le premier lieu d'apprentissage de l'identité.
L'enfant y apprend à se différencier de l'autre, de ses père, mère, frères et
sœurs dans un premier temps. « Dès le moment où l'enfant entre en contact
avec l'environnement d'autrui, il prend conscience de lui même » [13, p. 41].
Ensuite, tout au long de son évolution, il apprend à découvrir ses identités
multiples et successives : celle de l'écolier, de l'adolescent, du lycéen, du jeune
adulte, de l'amoureux, du jeune actif, etc. L'identité « [...] se construit et se
modifie au cours des différentes étapes de la vie » [13, p. 41].
23
D'après Pierre TAP, six éléments sont nécessaires pour construire l'identité :
•
la continuité : le sentiment de rester le même, rester identique à soimême,
•
la représentation plus ou moins structurée de soi-même,
•
l'unicité : le sentiment d'être unique, original,
•
la diversité : plusieurs personnages en la même personne,
•
la réalisation par l'action : nous sommes ce que nous faisons,
•
estime de soi : vision positive de soi-même.
Ces six éléments aident à la construction de la personnalité mais se mettent
parfois en conflit entre eux : « […] L'identité constitue un effort constant pour
gérer la continuité dans le changement » [14].
Micheline WENNER qualifie l'identité d'interactionniste puisqu'elle dépend de
l'environnement et du contact avec autrui : « Dans les interactions, la
conscience de soi se développe. Le sujet perçoit ses capacités et les rôles qu'il
joue, à partir du regard que l'autre, les autres, portent sur lui » [13, p.42].
C'est alors que l'on peut observer un processus d'identification : « [...] Le sujet
entrant en interaction avec un autre sujet qu'il prend pour modèle afin de
s'identifier à lui, de lui ressembler. […] Le sujet se met à la place d'un autre et
reproduit son comportement » [13, p.43]. On retrouve ici un élément
fondamental de l'identité sociale : l'assimilation.
Ainsi l'individu, en s'identifiant à l'autre, peut s’intégrer à un groupe social ou
professionnel. La construction de l'identité permet de tenir un rôle social.
« Avec l'identité, le sujet existe en tant que personne, personnage social qui
assume des rôles, des fonctions, des relations, des statuts. Il est désigné dans
le champ social, d'où la notion d'identité sociale» [13, p 41].
Il s'agit là, selon Erwing GOFFMAN, du deuxième niveau de l'identité : le niveau
social. Pour lui, la société établit des normes auxquelles le sujet doit s'identifier
pour s'y sentir intégré, d'autant plus que « […] c'est à partir de l'identité sociale
que le sujet organise sa vie et développe des comportements spécifiques et
attendus par la société » [13, p. 42].
24
L'identité sociale, tout comme l'identité personnelle, est évolutive : « Elle se
construit, se réactualise tout au long de la vie, de manière cyclique, à partir d'un
questionnement existentiel. Qui suis-je aujourd'hui ? Suis-je reconnu par l'Autre
dans mon droit d'exister et dans mon devenir ?... » [13, p.46].
Elle dépend notamment de son parcours et de ses rencontres professionnelles.
Nous venons de voir que l'identité d'un individu se construit d'après des
identités successives, les premières sont l'identité personnelle et l'identité
sociale. Lorsque le sujet appréhende le monde du travail, une nouvelle identité
s'ajoute aux deux précédentes : il s'agit de l'identité professionnelle que je vais
aborder au chapitre suivant.
3.2.2. L'identité professionnelle
Quand on demande à une personne de se présenter, la plupart du temps, après
avoir donné son nom et son prénom, elle évoque sa profession.
« Le métier d'un homme est l'une des composantes les plus importantes
de son identité sociale, de son moi, et même de son destin dans son
unique existence […] Le choix d'un métier est presque aussi irrévocable
que le choix d'un conjoint » [15, p. 76].
Ces citations de Everett HUGHES illustrent bien l'importance que prend
l'identité professionnelle dans la vie de l'individu. On voit souvent des vies se
briser lors de la perte d'un emploi, lors d'une période de chômage où la
personne n'a plus l'impression d'avoir sa place dans la société. Elle n'a plus
d'identité professionnelle et du coup, elle perd son estime de soi, ce qui
entraîne une perte de son identité sociale et même personnelle.
L'identité professionnelle se construit sur trois niveaux.
Le premier est relié à la définition du métier et aux pratiques reconnues et
légitimées par la communauté professionnelle.
25
Le futur professionnel se pose la question suivante : « Quel soignant, infirmier,
aide-soignant, je voudrais être ? ».
La formation suivie est alors une réponse essentielle à ce questionnement.
L'identité professionnelle commence à se construire en formation. Durant son
enseignement, l'étudiant se fabrique la pratique professionnelle qui lui sera
propre et qui lui permettra de s'identifier aux autres soignants et aux patients :
« [...] C'est la rencontre de la formation, des expériences de stage, puis des
professionnels plus tard qui vont contribuer à faire évoluer le positionnement et
l'identité professionnelle » [16].
L'étudiant, lors de sa formation en terrain clinique, ou le professionnel face à
ses collègues, rencontrent des pairs, des modèles ou des contre modèles. « Le
champ professionnel est un facteur incontournable de la construction de
l'identité professionnelle, mais pas l'ingestion d'un modèle » [16].
C'est en se comparant à ses pairs que son identité professionnelle s'affine.
Il ne s'agit pas pour autant de reproduire, d'imiter le modèle, tel que M. EID
l'évoque dans son développement concernant le « Pygmalion pédagogue » [17]
où le maître façonne l'élève à son image. Au contraire, il s'agit de se forger son
identité professionnelle en puisant chez l'autre ce qui correspond à ses valeurs,
ses représentations du soin tout en sachant laisser ce qui ne s'y apparente pas.
Le cadre de santé, nous l'avons vu précédemment, reste le garant de l'efficacité
et de la qualité des prestations de son équipe et de ce fait doit veiller au respect
des procédures et protocoles. Pour autant, si la façon d'exercer de l'agent
(étudiant ou professionnel) est respectueuse des recommandations, le cadre ne
doit pas imposer son modèle de soin. Pour Stéphane BOUREL, son rôle sera
de
« […]
savoir
aider
les
professionnels
à
construire
leur
identité
professionnelle, sans incarner un modèle d'excellence » [18].
26
Il est en effet important que l'agent trouve du sens à ce qu'il fait car sinon il lui
sera très difficile de continuer à exercer dans le cadre particulier du secteur
hospitalier, qui sans cesse le renvoie aux étapes de sa vie personnelle comme
la naissance, la maladie, la souffrance, la vieillesse, la mort.
On touche là le deuxième niveau de l'identité professionnelle qui représente la
part individuelle.
Chaque individu a son histoire personnelle qui, nous l'avons vu, a construit (et
construit encore) son identité individuelle.
Même si il est coutumier d'entendre qu'il faut laisser ses problèmes personnels
au vestiaire, chaque agent prend son service avec son vécu et ses émotions du
jour. Tout en restant professionnel, il vient travailler avec ce qu'il est en son for
intérieur, avec ses aspirations personnelles et avec ce que lui apporte sa vie
privée.
Selon son vécu, ses valeurs, et ses habitudes personnelles, chaque
professionnel sera attentif à des détails qui lui sont propres : cette culture du
détail forge son identité professionnelle. Le patient et son entourage ainsi que
les collègues et le cadre de santé les détectent. Par exemple, ils savent que si
tel soignant est là, le fauteuil et la tablette de la chambre seront placés de telle
façon, si tel autre soignant est là, le linge de toilette sera plié de cette façon.
Cela crée la différence entre les uns et les autres et aide à construire son
identité professionnelle, à se démarquer des autres. Cela montre au soignant
qu'il est reconnu pour ce qu'il est et souligne la personnalisation et la
responsabilité de ses actes : « [...] Au chevet d'un patient, le soignant […] est
responsable de ses actes et choix, en son for intérieur » [19].
La reconnaissance répond à l'un des besoins fondamentaux de l'individu. Pour
Marie-France MINNAERT et Jean-Louis MULLER, elle est également « [...] le
fondement de notre identité et un facteur clé de la motivation » [20, p. 129].
27
De surcroît, selon Bernard VUILLEMENOT, « […] la construction des identités
socio-professionnelles découle de la satisfaction de plusieurs types de besoins,
à commencer par les besoins d'individualisation » [21], tels que :
•
« Besoin d'autonomie : "être indépendamment des autres". Besoin
symétrique de l'appartenance. Pouvoir se dégager de l'emprise
collective pour être Soi. Besoin de prendre des initiatives, de se sentir
responsable.
•
Besoin de différence : "être incomparable". Sentiment d'être original,
d'être unique. Être distingué des autres ; affirmer sa personnalité
propre ; pouvoir être soi-même et accepté comme tel.
•
Besoin de valeur, de valorisation : "être aux yeux des autres". Se faire
valoir aux yeux de ceux dont les jugements ont de la valeur pour soi.
Vision positive de soi.
•
Besoin d'existence : "être en faisant". Devenir soi-même à travers des
réalisations » [21].
La satisfaction de ces besoins est nécessaire à la construction de l'identité
professionnelle.
Pour finir, le troisième niveau de l'identité professionnelle touche au contexte du
travail.
La majorité des soignants travaillent en équipe pluriprofessionnelle, ils sont
dans l'obligation de collaborer avec tous les acteurs qui interviennent auprès du
patient pour lui assurer une prise en charge globale de qualité.
Or, souvent se joue là une lutte des pouvoirs entre les différentes catégories
professionnelles, liée à la divergence des enjeux professionnels des missions
respectives et des identités professionnelles plus ou moins bien définies :
« […] Par exemple, la fonction financière tente à tout prix de limiter le
gaspillage et contrôle les dépenses alors que la fonction médicale
estime manquer de moyens. La fonction médicale se heurte à la
fonction soins en lui demandant d'être la plus souple et la plus adaptée
possible pour répondre aux besoins diversifiés des malades. La fonction
ressources humaines tente d'améliorer les conditions de travail pour
maintenir un bon climat social au risque de se heurter aux financiers qui
eux doivent maîtriser les coûts » [20, p. 6].
28
Dans tout cela, il est important que chacun trouve sa place selon ses
aspirations et son identité pour que « […] chacun des acteurs de santé puisse
se positionner et permettre ainsi d’œuvrer vers un soin de qualité avec le
patient, usager, citoyen au cœur du système sanitaire » [18].
Par ailleurs, Françoise GONNET évoque l'antériorité de certaines professions
par rapport d'autres, plus récentes :
« […] Certains d'entre eux exercent en effet des métiers anciens et
bénéficient d'une identité claire et d'une reconnaissance sociale
(médecins), et d'autres, des métiers nouveaux, peu connus et parfois
n'ayant aucune reconnaissance en dehors de l'hôpital (aidessoignantes, surveillantes, etc.) » [4, p. 229].
On aborde ici la notion développée par Marc CATANAS [22], des « professions
prestigieuses » opposées au « sale boulot » délégué aux professions jugées
moins admirables et dont l'identité professionnelle est moins clairement établie.
Pourtant, une identité professionnelle claire permet de délimiter le territoire
d'exercice de chaque catégorie professionnelle et donc de limiter les luttes de
pouvoir. Et « […] il semble que la constitution d'identités professionnelles
solides permette aux acteurs, à la fois de se situer les uns par rapport aux
autres et de se faire reconnaître dans leur rôle global et dans leur spécificité
propre » [4, p. 42].
Ces recherches m'ont permis de comprendre qu'une identité professionnelle
solide et claire pour chacune des catégories de l'équipe pluridisciplinaire est
primordiale au travail en collaboration au sein d'une équipe. Mais avoir une
identité professionnelle claire et solide ne suffit pas : celle-ci doit encore être
reconnue. Arrivée à ce stade de mon cheminement, il me semble intéressant de
développer le concept de la reconnaissance.
29
3.2.3. La reconnaissance
L'homme a besoin des autres pour exister : « […] C'est par la reconnaissance
de l'autre que le sujet prend conscience de son existence » [1, p.149].
La reconnaissance fait partie du processus élémentaire de la construction des
individus qui ont besoin d'être reconnus tant sur le plan individuel que
professionnel : « […] Être reconnu c'est être présent à l'esprit de l'autre ; c'est
exister pour l'autre ; c'est devenir pour lui un objet d'intérêt, un objet d'attention
qu'il ne peut ignorer. Le sujet est perçu en fonction de ce que l'on sait sur lui ».
[13, p. 59].
On distingue deux formes de reconnaissance [1, p. 150] :
•
la reconnaissance de conformité : être perçu comme semblable aux
autres lorsqu'on a besoin de se sentir appartenir à un groupe,
•
la reconnaissance de distinction : être perçu comme différent des autres
lorsqu'on a besoin de faire valoir sa différence.
Dans une équipe de soins, l'agent doit non seulement se sentir reconnu par ses
pairs et par l'ensemble des membres de l'équipe pluridisciplinaire, mais aussi
par sa hiérarchie, le cadre du service et l'équipe médicale. Pour comprendre
comment cette reconnaissance se met en place et comprendre les relations qui
se jouent et s'instaurent au sein d'un groupe, je vais à présent m'intéresser au
concept de l'équipe.
3.3. L'équipe
3.3.1. Définitions
Jean Michel MOTTA évoque l'étrange étymologie de ce mot :
« […] Équipe viendrait du vieux français "esquif", qui désignait à l'origine
une suite de chalands attachés les uns aux autres et tirés par des
hommes, est-ce l'image des bateliers tirant sur la même corde ou celle
de bateaux attachés ensemble...Toujours est-il qu'on a parlé un jour
30
d'équipe de travailleurs pour réaliser une œuvre commune, puis ensuite
d'équipe de sportifs pour gagner un match. Il y a donc dans ce mot un
lien, un but commun, une organisation, un double dynamisme venant
aussi bien de la tête que de l'ensemble, une victoire à gagner
ensemble » [23].
Pour le dictionnaire Petit Robert, l'équipe est un « [...] groupe de personnes
unies à une tâche commune. Esprit d'équipe animant une équipe dont les
membres collaborent en parfait accord. [...] » [24, p. 680].
De la plus modeste équipe sportive du dimanche à la plus prestigieuse équipe
de chercheurs, toutes les sortes d'équipes aspirent donc à réaliser un objectif
ensemble. Les exemples d'équipes sont multiples dans notre quotidien. Je vais
plus particulièrement m'intéresser à l'équipe de travail et notamment à l'équipe
soignante.
Au même titre qu'une personne, une équipe a une identité propre, une image
qu'elle véhicule au sein d'une organisation, d'un hôpital. Cela vient du fait
qu'elle est constituée d'êtres humains qui ont tous des valeurs, des
personnalités, des identités différentes. Ces valeurs sont plus ou moins
partagées en son sein et selon l'adhésion de ses membres. L'image véhiculée
d'une équipe par rapport à une autre varie. L'identité d'une équipe fait sa
réputation au sein de l'hôpital. Par exemple tel service de médecine est connu
pour sa qualité de l'accueil et de l'accompagnement des familles, tel service de
chirurgie pour la précision des conseils et l'organisation de la sortie des
patients, tel service des urgences pour la qualité de ses soins techniques en
dépit des difficultés de communication de certains des membres qui la
composent, etc.
Pour être une équipe, un groupe doit, selon Roger MUCCHIELLI, présenter les
7 caractéristiques suivantes [25, p.12] :
•
un petit nombre : pour plus d'efficacité,
•
du lien interpersonnel : il joue un rôle essentiel et instaure une forme de
culture commune, un sentiment d'appartenance,
31
•
de l'engagement personnel : chaque membre d'une équipe apporte de la
complémentarité à l'ensemble,
•
une unité,
•
une intentionnalité commune vers un but collectif accepté et voulu :
chacun de ses membres concourt tantôt individuellement, tantôt avec ou
par les autres à des actions qui sont la raison d'être de l'équipe, ils sont
collectivement responsables d'une réalisation,
•
des contraintes : se conduire en équipier et ne pas faire "cavalier seul",
ce qui implique un certain manque de liberté individuelle,
•
une organisation : les rôles au sein de l'équipe doivent être distribués.
Du reste, il faut garder à l'esprit qu'une équipe de travail est constituée de
personnes qui ont des fonctions différentes et qui sont amenées à travailler
ensemble sans l'avoir forcément choisi. En effet, selon le dictionnaire
encyclopédique des soins infirmiers, une équipe soignante est un
« […] groupe composé des personnels soignants : infirmiers en soins
généraux ou spécialisés, aides-soignants ou autre personnel auxiliaires
de soins, étudiants infirmiers et élèves aide-soignants, sous la
responsabilité du cadre infirmier de service de soins. Ces
professionnels œuvrent ensemble auprès d'un même groupe de
patients et assurent ainsi la continuité des soins » [26, p.121].
Cette pluridisciplinarité fait la richesse de l'équipe soignante ; le fait qu'il ne soit
pas possible de choisir ses collègues pose des difficultés de fonctionnement car
tous les membres doivent collaborer, travailler ensemble. Pour parvenir à ce
but, nous allons voir que le sentiment d'appartenance est un atout et je vais à
présent développer ce concept.
3.3.2. Le sentiment d'appartenance et le sens du travail
Le besoin d'appartenance est un des besoins fondamentaux de l'homme. Le
sentiment d'appartenance est assouvi lorsque l'individu fait partie d'un groupe
ou d'une équipe dans lesquels il s'identifie par des valeurs communes, des
normes de conduite, un discours et un langage communs.
« L'identification au groupe c'est d'abord s'identifier soi-même par
l'appartenance, se désigner socialement aux étrangers par son
32
appartenance...C'est aussi sentir le groupe comme "sien", les
réalisations du groupe comme "siennes", ses succès et ses échecs
comme "siens" [25, p.53].
Sonia BAL explique que « […] ce sentiment d'appartenance se traduit par
l'identification de valeurs personnelles aux valeurs collectives » [27]. Par le fait
de pouvoir partager ses valeurs personnelles au sein de son équipe, l'individu
peut non seulement satisfaire son besoin d'appartenance, mais également son
besoin de relation avec autrui. S'il travaille en accord avec ses valeurs
personnelles qu'il peut en plus partager avec les autres, il donne du sens à sa
tâche et du coup, il prend du plaisir à travailler.
Il est donc important que les membres de l'équipe puissent définir ensemble
des valeurs communes auxquelles chacun adhère, comme les valeurs
humanistes permettant à l'individu de développer le sentiment d'être utile pour
autrui.
Elles donnent du sens commun à l'action et sont essentielles pour parvenir
efficacement à prendre soin de l'autre, en équipe. Jean François POPIELSKI
explique que « […] chacun se donnera plus volontiers à un travail qui lui rendra
le sentiment de son utilité, qu'à une activité besogneuse qui ne servirait qu'à
l'ennui qu'elle procure » [28]. Par ce biais, le travail prend du sens, de l’intérêt,
l'individu en tirera un certain plaisir, une satisfaction qui du coup influera sur sa
motivation : « […] Être motivé ou éprouver de la motivation pour son travail,
c'est ressentir un intérêt à un ensemble de tâches fixées par une
organisation... » [28]. Ce cheminement m'amène à aborder une nouvelle notion
liée au plaisir et à la satisfaction : la motivation.
3.3.3. La motivation
La motivation n'est pas un trait de caractère : on n'est pas motivé en soi, mais
on est motivé pour quelque chose.
Pour Bernard VUILLEMENOT, « […] la motivation survient quand la satisfaction
du besoin est rendue possible » [29].
33
Chaque personne a ses attentes propres qui répondent à ses besoins
hiérarchisés selon ses priorités, ce qui rend la motivation très individuelle. « A
l'intérieur d'un même service et d'une même équipe, les intérêts des personnes
sont divergents. Ne serait-ce que par leurs motivations propres » [20, p. 7] et
chacun doit composer avec les priorités, que l'autre met en avant et qui ne sont
pas forcément les siennes :
« Anne recherche les contacts humains et aime travailler en
équipe, Sophie aime le prestige et se met en avant pour que les autres
parlent d'elle. Simone est sensible à la sécurité, son mari est malade et
elle élève deux enfants. Georges occupe ce poste à des fins
alimentaires, en attendant un emploi plus intéressant ». [20, p. 7].
Depuis les années 1970, la société a évolué vers de plus en plus
d'individualisme. On parle d'égotisme quand l'individu fait passer le "moi" avant
le " nous " . Le rapport au travail a changé : la solidarité avec le groupe devient
conditionnelle. L'individu cherche en priorité son bien-être, son plaisir
personnel. Pour être heureux dans son travail, il faut pouvoir y trouver sa propre
satisfaction. Pour illustration, je reprends les propos de Stéphane BOUREL :
« Aujourd'hui le personnel de santé a des exigences exprimées, des
attentes en regard du travail qu'il effectue. Il souhaite exercer son métier
de manière efficiente, en accord avec les valeurs individuelles et
communes, mais aussi en regard de son épanouissement personnel »
[18].
Bernard VUILLEMENOT affirme qu' « [...] aujourd'hui la motivation dépend
beaucoup de la satisfaction du besoin d'individualisation. » [29].
En outre, la motivation est fluctuante dans le temps et dans l'intensité selon le
contexte et la situation personnelle des soignants. Elle se fabrique, se construit
et évolue chaque jour.
Chantal RIVALEAU apporte l'idée que la motivation est renforcée lorsqu'une
équipe est soudée : il se créerait alors une sorte d'émulation, un agent motivant
l'autre. « Au sein d'une équipe soudée, la motivation individuelle va être
soutenue et amplifiée par un esprit commun qui vise un but attractif » [30].
34
Arrivée à ce stade de ma réflexion, il me semble alors intéressant de
développer le concept de la cohésion d'équipe.
3.3.4. La cohésion d'équipe
Le dictionnaire général des sciences humaines, donne la définition suivante de
la cohésion : « En psychologie sociale, comportement solidaire des membres
d'un groupe résultant de la communauté de buts, de normes et de méthodes
d'action, ainsi que de l'attraction réciproque des individus du groupe » [31].
Pour Sonia BAL, elle relève d' un « […] sentiment entier de valeurs communes
partagées par l'ensemble des membres, où chacun trouverait un intérêt en
adoptant une façon collective de travailler » [27]. Pour obtenir la cohésion
d'équipe, elle évoque les critères suivants :
•
le lien d'appartenance,
•
l'interconnaissance et les liens personnels se prolongeant en dehors du
travail,
•
la confiance dans les autres membres,
•
le moral, avoir foi dans l'avenir,
•
l'histoire de l'équipe,
•
la satisfaction de l’intérêt personnel au service du collectif,
•
les temps de pauses et de convivialité,
•
les temps de réunion, de transmissions qui participent à donner du sens
au projet,
•
l'investissement autour d'un projet.
La cohésion est renforcée lorsque les individus partagent les mêmes valeurs,
les mêmes idées ; lorsque chacun de ses membres valide ces idées et y
adhère. Pour Jean-Michel MOTTA, « la cohésion d'équipe est à la fois liée à
l'homogénéité dans les aspirations communes, les valeurs partagées et à
l'hétérogénéité, source de créativité et de "vie" dans l'équipe » [9].
35
Selon Pierre CAUVIN [32, p. 13], la cohésion apporte les atouts suivants à une
équipe :
•
la circulation de l'information est facilitée,
•
les conflits internes sont diminués,
•
les compétences de chacun sont mieux utilisées,
•
l'orientation vers un but commun est assurée,
•
un climat propice à la motivation est développé.
La cohésion offre la possibilité aux membres d'une équipe de travailler dans un
climat favorable. C'est confortable pour les agents, mais surtout, c'est le patient
en final qui en sera le grand bénéficiaire. Sa prise en charge est facilitée
lorsque le soignant se trouve lui-même dans une ambiance sereine : il sera plus
disponible et par conséquent, plus enclin à se centrer sur le soin.
Après cette première partie de recherche conceptuelle, nécessaire à la
compréhension des faits que j'ai pu vivre jusqu'alors dans mon exercice
professionnel, il devient intéressant de confronter la théorie de la littérature à
l'avis des professionnels dans l'exercice de leur fonction.
36
MÉTHODOLOGIE
4. Démarche méthodologique de l'enquête
L'objectif de ce mémoire est de mieux cerner une problématique à laquelle je
serai confrontée dans mon quotidien professionnel de cadre de santé. Le but de
ma recherche est de comprendre comment s'instaure et se pérennise la
cohésion d'une équipe. Il convient de confronter la théorie des concepts à la
réalité du terrain en allant interroger des professionnels en exercice.
4.1. Le choix de l'outil
J'ai retenu comme outil d'enquête l'entretien semi-directif pour une analyse
qualitative des propos. Ce qui signifie que cette recherche ne peut pas être
représentative de la population en général.
Les entretiens semi-directifs permettent à l'interviewé de s'exprimer librement à
partir d'une question ouverte. Les questions de relance servent à recentrer les
propos autour des thèmes de recherche du mémoire.
Les questions ouvertes et les questions de relance constituent le canevas
d'entretien [cf. annexe 1, p. 83]. Il a été élaboré en fonction des variables de
l'hypothèse que sont :
•
l'individualité,
•
la cohésion d'équipe,
•
la position du cadre de santé.
4.2. Le choix de la population et de l'établissement
Le choix de l'établissement s'est porté sur un centre hospitalier de 147 lits
répartis en 6 unités d'hospitalisation, qui correspond en termes de taille et
d'activité à celui dont je suis issue. En regard du temps imparti à ma recherche
et du nombre d'entretiens à mener, il m'a semblé plus intéressant d'interroger
des personnes au sein de la même structure. Ceci afin de pouvoir élaborer plus
facilement des parallèles et de faciliter la transférabilité des résultats de mon
étude dans l'établissement où je retournerai exercer en juillet prochain.
38
J'ai choisi de mener mes entretiens auprès de personnels soignants pour être
au plus près du vécu sur le terrain. Il me semblait intéressant d'entendre à
chaque fois une IDE et une AS du même service pour avoir deux avis différents
sur une même équipe. J'ai donc réalisé 6 entretiens avec 3 IDE et 3 AS en
utilisant
une
trame
d'entretien
identique
pour
les
deux
catégories
professionnelles.
Pour respecter la confidentialité et faciliter la rédaction, j'ai choisi de les
identifier par les abréviations suivantes :
•
pour les aides-soignantes : AS1, AS2, AS3
•
pour les infirmières : IDE1, IDE2, IDE3.
La numérotation correspond à la chronologie des entretiens menés dans les
services 1, 2 et 3. IDE1 et AS1 travaillent dans le même service, de même que
IDE2 et AS2 , IDE3 et AS3.
Lors des entretiens, suite à mes questionnements concernant les déterminants
sociaux, j'ai découvert que AS1 et AS2 étaient des ASH faisant fonction d'AS
(ASH ffAS). Dans le centre hospitalier concerné, les ASH faisant fonction d'AS
effectuent exactement le même travail que les AS diplômées et font partie du
même roulement dans les plannings. Les tâches de bionettoyage des locaux,
incombant habituellement aux ASH sont réalisés ici par du personnel extérieur
à l'équipe. Comme aucune différence n'est faite par les cadres des services
entre les AS diplômées et les ASH faisant fonction d'AS, il m'a semblé possible
de les inclure dans ma recherche en tant qu'aides-soignantes.
4.3. Le déroulement des entretiens
Après avoir obtenu l'autorisation de la Direction pour mener l’enquête, le choix
des personnes interrogées s'est fait par le biais des cadres de santé de trois
unités différentes. Ma demande a été respectée à savoir : une IDE et une AS
dans chaque unité.
Les entretiens se sont déroulés entre le 4 et le 15 février 2013.
J'ai enregistré les propos de chaque soignant en leur assurant l'anonymat et la
confidentialité.
39
Le temps estimé pour un entretien était de 45 minutes. Le plus court a duré 33
minutes et le plus long 51 minutes.
Tous les entretiens ont eu lieu dans une salle destinée aux familles et se sont
déroulés dans le calme. Chaque soignant, désigné par son cadre de santé, a
eu l'autorisation de se détacher des soins durant l'entretien.
Une seule personne, l'AS3, avait eu la trame des questions en amont du
rendez-vous. Elle s'était préparée à l'entretien. En effet, ses propos étaient plus
fluides et réfléchis que ceux des autres autres personnes rencontrées.
La troisième IDE s'est trouvée en difficulté pour relater une situation. Elle a
demandé quelques minutes de réflexion avec l'interruption de l'enregistrement
pour lui laisser le temps de trouver une idée.
Les quatre autres personnes semblaient intéressées et à l'aise avec les thèmes
abordés, sans avoir préparé le sujet.
4.4. Les limites de la méthode
Le risque avec ce type d'entretien débutant sur une question ouverte est de
s'éloigner du sujet. Les questions de relance servent à recentrer les propos, la
difficulté est de savoir les poser à temps, sans couper la personne dans son
développement. De plus, il s'agit d'éviter d'orienter les réponses en donnant son
opinion dans les reformulations.
Lors de la réécoute et de la retranscription des entretiens, j'ai observé des
limites personnelles liées à mon inexpérience. En effet, certaines de mes
questions de relance ou de mes reformulations sont parfois venues couper la
parole à l'interviewé, alors qu'à d'autres moments, un questionnement
supplémentaire aurait permis de recueillir une réflexion plus profonde.
40
ANALYSE
5. Analyse des entretiens
5.1. Profil des personnes interrogées
Le tableau ci dessous résume les déterminants sociaux recueillis.
AS 1
Unité de
soins
IDE 1
SSR polyvalent
28 lits
AS 2
IDE 2
SSR gériatrique et soins
palliatifs de 30 lits
AS 3
IDE 3
SSR gérontologique
de 30 lits
Âge
46 ans
40 ans
47 ans
36 ans
46 ans
36 ans
Situation
familiale
divorcée
2 enfants
célibataire
mariée
2 enfants
mariée
2 enfants
mariée
3 enfants
mariée
3 enfants
Ancienneté
dans la
fonction
18 ans
ASH ffAS
2 ans
3 ans
12 ans
15 ans
5 ans
ASH ffAS
en cours de
VAE
ASH
ASH en SSR
hôpital de
jour,
2 services de
SSR
Cursus
arrêt maladie
professionnel
SSR
employée de
trésorerie en
entreprise
jusqu'en 2007
IFSI
employée
2 services de
en
SSR
recouvrement
créance
SSR
chômage
chômage
école AS
carrière
carrière
complète
complète
dans le
dans le
même centre même centre
hospitalier
hospitalier
Ancienneté
dans le
service
Ancienneté
du cadre du
service
5 ans
5 ans
10 ans
carrière
complète
dans le
même centre
hospitalier
SSR
5 ans
2 ans
2 ans
SSR
carrière
complète
dans le
même centre
hospitalier
3 ans
7 ans
20 ans
5.2. Analyse des déterminants sociaux
Toutes les personnes interrogées sont des femmes qui se situent dans la
tranche d'âge de 36 à 47 ans. L'âge moyen des aides-soignantes est de 46
ans, l'âge moyen des infirmières est de 37 ans.
Quatre d'entre elles (AS1, IDE1, IDE2, IDE3) ont fait toute leur carrière au sein
du même centre hospitalier. IDE2 a évolué de catégorie professionnelle au sein
42
de la structure : elle y est entrée sur des fonctions d'ASH et a pu ensuite
intégrer un Institut de Formation en Soins infirmiers (IFSI) avant de poursuivre
sa carrière en tant qu'IDE.
AS2 et AS3 sont issues d'un milieu professionnel totalement différent du
secteur de soin et ont intégré le centre hospitalier suite à un reclassement
professionnel après une période de chômage. Elles ont toutes les deux un
projet professionnel d'évolution de carrière : AS2 est ASH faisant fonction d'AS
et a débuté une démarche de validation des acquis de l'expérience, AS3
souhaite se préparer au concours pour entrer en IFSI.
L'ancienneté des agents dans leur service actuel est de 2 à 7 ans.
Les cadres des services 1 et 3 sont en place depuis longtemps :
respectivement 10 et 20 ans. La cadre du service 2 est nouvellement diplômée,
elle occupe son poste depuis 2 ans.
Par cette première analyse, j'observe une stabilité des agents interrogés dans
leurs équipes respectives. Au sens plus large, une notion de fidélisation à
l'institution émerge pour les quatre agents ayant fait toute leur carrière au sein
du même établissement.
L'analyse des déterminants sociaux permet de dégager une première piste de
réflexion : il semble que la taille humaine de l'établissement (147 lits et 6
unités) impacte sur l'attachement des soignants à la structure.
Dans cet établissement nous allons voir à présent quelle est la place des
soignants.
5.3. L'analyse des discours
5.3.1. La place des soignants
•
Entre soignants et soignés
Dans un premier temps, le soignant doit trouver sa place face au patient et à sa
famille. IDE1 évoque une situation où la femme d'un patient a pris position dans
les soins : « […] C'est l'épouse qui dirigeait l'équipe vis à vis des soins pour son
43
mari […] elle dirigeait complètement ». La difficulté ici pour l'agent est d'exercer
son activité de soignant face à une famille devenue trop intrusive. On l'observe
parfois lors d'hospitalisations prolongées ou lorsqu'un manque de confiance
s'est instauré entre le patient et l'équipe soignante.
De plus, il arrive que la vie privée du soignant soit relatée au patient, lors d'un
soin où, par exemple, deux soignantes discutent entre elles de leur vie à
l'extérieur. AS1 évoque ce phénomène : « […] Cela parle beaucoup devant les
patients de leur vie privée, de ceci, de cela ; elles ne sont pas au travail ». Non
seulement en agissant ainsi elles peuvent faire preuve d'un manque de
concentration sur leurs tâches professionnelles, mais surtout, le risque est
d'exclure le patient de leurs propos, ce dernier assistant malgré lui à une
conversation qui ne le concerne pas.
•
Entre soignants
Dans un deuxième temps, le soignant doit trouver sa place au sein de ses
collègues : oser dire les choses, s'autoriser à agir ou s'effacer et jusqu'à quel
point ?
L'arrivée d'un nouvel agent dans une équipe en place est un moment délicat
pour se positionner. IDE1 l'évoque : « […] Moi quand je suis arrivée, les choses
étaient déjà établies en fait. Donc j'ai pris cela en cours de route. C'est vrai que
je n'ai pas osé mettre mon grain de sel […] je ne me suis pas permis de le
faire ». AS1 confirme ces propos en parlant d'une idée de nouvelle
d'organisation en salle de pause : « […] Je n'ose pas la mettre en place parce
que je suis arrivée dans l'équipe après ».
AS3 mentionne son arrivée dans une équipe ancienne. L'histoire et le vécu de
l'équipe peut laisser le nouvel agent à la marge : « […] C'est une équipe
ancienne. Elles ont vécu plein de choses ensemble ». AS3 a connu un
problème d'intégration suite à un conflit avec une collègue concernant la prise
en charge d'un patient, elle explique qu'elle a eu des difficultés pour se faire
entendre car « […] comme cette personne était là avant moi, forcément
l'équipe s'est ressoudée autour d'elle ».
44
De plus, la nouvelle arrivée doit se contenter des places laissées libres dans
l'équipe puisque leur distribution a été faite avant sa venue. Je reprends les
propos de IDE1 : « […] En gros, les places étaient prises, alors je m'effaçais et
je laissais faire ». AS1 évoque son rôle de référente : « […] C'est vrai que dans
un autre service j'avais la responsabilité des commandes. En arrivant ici, des
personnes étaient déjà en place, alors je laisse ma place à mes collègues ». La
novice se voit désigner des fonctions laissées vacantes ou dont personne ne
voulait, c'est arrivé avec AS2 : « […] Oui, je suis référente, mais la référence
que j'ai...où elle m'a mise déjà ?...Ah oui, j'ai la salle de bains en référence...il
ne restait que ça...alors elle me l'a donnée ! ».
En revanche, l'agent nouvellement arrivé se laisse mener par les collègues en
place jusqu'à une certaine limite. Cette limite dépend d'une part de son
caractère et du caractère des membres de l'équipe qu'il a en face de lui. AS3
l'évoque en ces termes : « […] Toutes les nouvelles ont eu du mal à faire leur
place […] certaines sont discrètes et ne disent pas trop ce qu'elles pensent.
Alors que moi je ne me suis pas laissée faire. » AS1 confirme : « […] Depuis
que je travaille ici j'ai analysé un peu mes collègues, je connais leur caractère
comme j'ai mon caractère aussi. Je veux dire par là que je m'adapte pour être
bien dans l'équipe, mais j'impose certaines choses aussi ».
D'autre part, les limites dépendent également des valeurs propres à chacun et
de son seuil de tolérance face à des attitudes, un jugement ou des actes. IDE1
l'évoque lorsqu'elle s'est sentie mise en défaut par ses collègues quand elle
s'occupait d'un patient présent depuis longtemps : ses collègues plus anciennes
estimaient que leur prise en charge était de meilleure qualité que la sienne. Elle
le vivait comme une injustice car les soins qu'elle prodiguait étaient tout à fait
conformes aux règles des bonnes pratiques : « […] Ça quand même, je le
disais ».
Par ailleurs, IDE2 évoque l'effet bénéfique que peut avoir l'arrivée de nouveaux
agents sein d'une équipe. En poste depuis deux ans dans l'unité, elle explique
qu'une nouvelle IDE était arrivée 6 mois avant elle et que deux autres les ont
rejointes l'année suivante. Donc l'équipe des IDE a été quasiment renouvelée
45
en l'espace de deux ans. Il ne reste à ce jour qu'une infirmière présente avant la
venue des nouvelles, dont l'ancienneté monte à 7 ans. IDE2 dit :
« C'est pas plus mal parce que cela a permis de mettre les choses un
peu à plat sur l'organisation et de travailler plus en collaboration […] de
ne pas rester fixé sur les connaissances d'une personne qui est là
depuis longtemps et qui n'aime pas changer sa façon de travailler parce
que cela fait longtemps qu'elle fait comme ça ».
AS1 partage cette opinion :
« C'est bien qu'il y ait des changements dans l'équipe. Je pense que
les piliers au bout d'un moment ont leurs petites habitudes […] J'ai 46
ans et encore plein de choses à apprendre des petites jeunes ».
D'après l'analyse de ces éléments, il semble que la période suivant
l'arrivée d'un nouvel agent dans une équipe peut remettre en cause
l'identité individuelle de l'agent, mais aussi l'équilibre entre les identités
respectives des membres de l'équipe déjà en place.
AS2 évoque également la difficulté pour trouver sa place au sein de l'équipe
pluriprofessionnelle. Elle fait une différence entre les IDE et les AS. Elle pense
que le grade d'infirmier est facilitateur pour affirmer son opinion. Comme si la
parole d'une infirmière, du fait de sa position hiérarchique au sein de l'équipe,
avait plus de poids que celle d'une aide-soignante : « […] Mais bon, elle est
IDE, donc cela passe mieux...même si je pense que toutes ici peuvent apporter
plein de choses à tout le monde ».
AS1 complète en expliquant que des différences peuvent être ressenties entre
les ASH faisant fonction d'AS et les AS. Même si pour la hiérarchie, elles sont
considérées de façon équitable en termes de prise en charge soignante et de
roulement sur le planning, dans la réalité du terrain, elles n'ont pas le même
salaire et il leur arrive d'en jouer. AS1 le relate en parlant d'un échange qu'elle a
eu avec une collègue ASH ffAS : « […] Un jour elle me dit quoi qu'il en soit je
ne veux pas faire ces toilettes, je n'ai pas la paye. Je me suis permis de lui
répondre que pour nous tu es comptée dans l'effectif, tu dois travailler, nous on
n'a pas à en pâtir ». Il semble que dans certains cas les faisant fonction
46
s'appuient sur leur statut bancal d'aides-soignantes "au rabais" pour se
soustraire à certaines tâches qu'elles rechignent à faire.
Il apparaît que légitimer l'identité et la fonction de chaque agent dans une
équipe pluriprofessionnelle est essentiel pour que tous ses membres y
trouvent leur place.
Pour finir, la relation entre les agents est tributaire des affinités, de l'amitié ou
des relations privilégiées qui se mettent forcément en place entre les membres
d'une équipe. Cela est inévitable lorsqu'on passe 7 heures par jour avec les
collègues dans une unité de soins où s'opère un travail effectué par des êtres
humains au service de l'humain et qui est basé sur le relationnel et les
échanges. Pour IDE3 « [...] On ne peut pas toutes s'entendre, on a plus
d'affinités avec certaines qu'avec d'autres ». IDE1 confirme : « […] Il y a des
groupes, des amies. Dans l'équipe il y a des personnes qui sont amies à
l'extérieur ».
Pour AS2 et IDE2 ces amitiés sont très importantes car elles débouchent sur
des moments de convivialité, en sortie de service, partagés au sein de l'équipe
pluriprofessionnelle :
« […] De temps en temps on fait des repas de service, toute l'équipe
ensemble, le médecin vient aussi, la cadre aussi et même des membres
parmi les kinésithérapeutes et les ergothérapeutes, il y a très peu de
personnes qui ne viennent pas ».
AS3 renchérit en disant que l'amitié au sein d'une équipe sert à se soutenir
mutuellement et est source de cohésion.
IDE3 et AS3 trouvent que ces amitiés n'ont pas d'incidence sur le travail parce
que « […] quand je suis là pour travailler, je travaille, il n'y a pas de relations
plus privilégiées avec les unes ou les autres ». Elles ne font pas de différences
entre les collègues amies et les autres : « […] On fait comme si de rien n'était,
cela ne rentre pas en ligne de compte dans le travail ».
Une distinction est faite entre l'amitié entre les membres de l'équipe et
l'esprit d'équipe .
47
Par contre, IDE1 rajoute que dans certaines situations il pourrait être délicat de
prendre position « […] quand l'amitié se mêle au professionnalisme ». AS1
partage ce point de vue en disant « je ne fréquente pas mes collègues de
travail à l'extérieur. […] Ma vie privée, c'est ma vie privée. […] Ce sont mes
collègues, pas mes copines, pour moi c'est très bien ». Elle déplore pourtant le
fait de se sentir parfois exclue des groupes d'amies et rajoute que l'organisation
du travail s'en ressent : « [...] Je sens bien qu'on me laisse faire tel travail parce
qu'elles veulent travailler ensemble ». IDE2 confirme que l'organisation mise en
place est primordiale puisque dans son unité « […] les amitiés dans l'équipe ne
posent pas de problème parce que les sectorisations sont imposées par la
cadre. Ce n'est pas la personne qui peut choisir de travailler avec sa copine
dans un secteur, cela simplifie les choses ».
Au regard de ces éléments d'analyse, il semble que les amitiés sont
inévitables dans une équipe de soignants. Elles peuvent être source de
cohésion, en créant un sentiment appartenance. Néanmoins, elles
peuvent susciter un ressenti d'exclusion chez certains des agents.
5.3.2. La place du cadre
En reprenant les derniers propos cités de IDE2, nous venons de voir que le
positionnement du cadre est important pour fixer les règles d'organisation au
sein de l'unité. AS3 le confirme : « […] Le cadre, c'est le cadre, pour poser les
limites ». AS2 rajoute : « […] Il faut une structure, poser des jalons, se montrer,
être là. Il faut qu'on ait des limites, c'est important parce qu'on ne peut pas tout
laisser à vau-l'eau ».
Dans un premier temps, le cadre prend sa place au sein de l'équipe en se
montrant présent. Pour IDE3 il vient au contact des agents pour leur demander
comment se passe leur journée et il rend visite aux patients dans les chambres,
il vient prendre sa pause avec le reste de l'équipe. Ainsi « [...] il fait partie
intégrante de l'équipe en se montrant, en étant disponible. Il ne doit pas être
48
continuellement dans son bureau, mais au contraire être au contact avec les
gens ».
Dans la situation évoquée par IDE1 où l'épouse d'un patient avait fait une totale
intrusion dans les soins, elle relate le manque de positionnement de sa cadre :
« Elle ne jouait pas de rôle, elle était complètement absente. Elle avait
rompu la communication avec la dame, ou plutôt c'était la dame qui
avait rompu la communication […] Elle laissait les infirmières gérer la
situation au coup par coup […] J'avais l'impression que ce monsieur
était devenu LE patient de certains soignants ».
La place laissée libre par la cadre a été investie par certains soignants qui ont
pris du pouvoir sur les autres et cela a crée un déséquilibre au sein de l' équipe.
Il s'avère que le cadre doit être le garant du respect des règles. C'est ce
qui permet d'éviter des conflits liés à la prise de pouvoir d'un agent au
détriment d'un autre.
Dans un second temps, le cadre doit prendre sa place entre les médecins et
l'équipe paramédicale. IDE3 décrit une situation où l'équipe paramédicale et
l'équipe médicale étaient divisées concernant un traitement antalgique et
anxiolytique à instaurer chez un patient en fin de vie, elle évoquait la place du
cadre en ces termes : « […] La cadre est un petit peu entre deux. Entre le
médecin et puis nous ». Dans une situation similaire AS2 a le sentiment « […]
d'être écoutée, aussi bien par la cadre, par les collègues et par le
médecin...après je ne sais pas si je suis entendue ». AS3 parle d'un cadre
« […] proche, à l'écoute de son équipe et qui la défend ».
Par la place qu'il occupe, le cadre aide à la prise de décision : étant
détaché des soins, il peut non seulement faciliter la prise de recul des
soignants, mais aussi être leur porte-parole vis à vis du médecin.
Dans le discours des six agents interrogés, la posture d'écoute du cadre est
primordiale. L'écoute s'opère à deux niveaux.
49
5.3.2.1 L'écoute à l'échelle de l'individu
Le premier niveau d'écoute du cadre porte sur l'écoute individuelle. Il permet de
prendre en compte des besoins personnels comme, par exemple, l'adaptation
d'un planning pour un impératif familial, ou lors d'une demande de formation
liée à un projet professionnel personnel.
IDE1 pense « [...] qu'un cadre qui écoute son personnel sera beaucoup plus
respecté que quelqu'un qui ne va pas du tout dans le sens de ce que veulent
les agents ».
Écouter oui, mais jusqu'à quelles limites ?
Pour AS3, sa cadre « […] est tellement gentille, elle ne veut faire de mal à
personne. Je dirais qu'elle a le défaut de ses qualités. Elle veut vraiment faire
plaisir à tout le monde, alors quelquefois elle en est même injuste ». Elle
explique qu'il arrive à sa cadre de déroger à la règle, qu'il lui arrive de la
modifier pour satisfaire tout le monde, du coup les agents ont le ressenti qu'elle
se laisse influencer : « […] Elle se range du côté des "grandes bouches". C'est
un peu son défaut. Moi ou d'autres qui sont comme moi ne vont rien dire, on va
être un peu défavorisées ». Elle explique que face à des agents à forte
personnalité « […] la cadre va faire en sorte que les choses s'aplanissent »
quitte à faire une entorse à l'organisation établie. Pourtant cette attitude fait
naître un sentiment d'injustice chez les agents moins revendicatifs. AS3
exprime très clairement qu'elle « […] ne trouve pas ça très juste ».
Ce qui signifie qu'un cadre ne peut pas répondre à toutes les demandes, il doit
établir des règles de fonctionnement qu'il applique à tous de façon équitable. Si
ces règles sont clairement définies, il peut s'en servir comme argumentaire afin
d'expliquer ses décisions aux agents. C'est par un argumentaire équitable que
la solution pourra être acceptée par tous. Toute la difficulté est de tenir compte
de l'individualité de l'agent, de son cas particulier et singulier qu'il va être
susceptible d'exposer ou de négocier. La décision que prendra le cadre aura
des répercussions sur l'équipe. Qu'il donne une suite favorable à l'agent
50
demandeur ou non, l'argumentation doit être claire et sincère, basée sur des
règles de fonctionnement internes au service ou institutionnelles afin que les
explications puissent être entendues et acceptées La décision ne doit pas être
ressentie comme arbitraire, ou liée à la volonté subjective du cadre.
Il est évident que chaque cas doit être pris en compte individuellement. Il y a
dans la vie des soignants des impératifs qui parfois imposent de déroger à la
règle. AS3 donne un exemple :
« Ma cadre est très humaine lorsqu'on a des problèmes familiaux. Je
viens de perdre mon frère et je devais travailler durant la semaine. Je
l'ai appelée et on s'est arrangé sur le planning. Des collègues ont dit " je
pends sa place là " ; "moi je prends sa place là" . Cela s'est très bien
passé et elle m'a mis des jours de repos que je rattraperais autrement
[…] elle est à l'écoute, elle essaye d'arranger pour qu'on puisse gérer
notre vie personnelle ».
La place du cadre aura été de se mettre dans une posture d'écoute vis à vis de
AS3 et de communication envers l'équipe. Dans le cas précis de la perte d'un
proche, la solidarité de l'équipe a facilité le remplacement. AS3 précise que la
condition du remplacement ultérieur était tout de même posée, c'est la règle du
donnant donnant qui mène finalement à ce que tous les acteurs se sentent
gagnants : l'agent car il a eu une écoute et une suite favorable à sa requête, le
cadre qui sait qu'il pourra solliciter AS3 en retour lors d'un futur remplacement,
les collègues qui en proposant un remplacement renforcent la solidarité du
groupe.
Ces éléments d'analyse me poussent à penser que le cadre de santé peut
se montrer attentif aux individualités de ses agents par une écoute
personnalisée, mais ensuite il doit en faire une interprétation, prendre la
mesure
entre
ce
que
les
agents
veulent
et
les
impératifs
de
fonctionnement de l'institution. Il semble que cette posture lui permettra
de tendre vers l'équité.
51
5.3.2.2 L'écoute à l'échelle de l'équipe
Le deuxième niveau d'écoute du cadre est lié à l'ensemble de l'équipe et
s'exerce lors des réunions ou lors des moments de transmissions. Pour IDE3 :
« C'est bien de faire une réunion quand un patient pose souci. On est
toutes autour d'une table, infirmières, aide-soignantes, cadre, médecin,
toute l'équipe pluridisciplinaire et on discute de ce patient. Ça permet de
soulever les problèmes qu'il y a au sein du service. Je pense que cela
joue en faveur de la cohésion » .
Si l'équipe se sent écoutée lors d'une réunion, sa cohésion est renforcée.
Il ressort des entretiens que non seulement la voix des infirmières est entendue
mais aussi celle des aides-soignantes. Ces dernières ont le sentiment d'avoir
leur place au sein de l'équipe et d'être écoutées durant les réunions
pluridisciplinaires. AS3 témoigne en ce sens :
« On a des réunions éthiques et là on prend l'avis de chacun. Ici c'est
un des rares établissements où les aides-soignantes sont beaucoup
écoutées […] où on n'est pas réduites aux changes et aux soins de
nursing ».
AS2 rajoute : « […] On sent qu'au dessus on est épaulé, qu'on est entendu ».
AS1 nuance les propos en précisant qu'elle ressent qu'une différence est faite
par sa cadre au sein de son unité concernant une infirmière en particulier :
« J'ai l'impression qu'elle écoute toujours une infirmière, je me rends
compte qu'elle n'a pas toujours raison, mais pourtant j'ai l'impression
que la cadre a tendance à toujours valider ce que dit cette personne ».
IDE1 et AS1 rajoutent :
« J'ai déjà eu un cadre qui avait ses préférences dans l'équipe, moi
personnellement je ne le vivais pas bien. Cela m'a amenée à changer
de service parce que le cadre faisait des différences entre les agents
[…] Le copinage d'une cadre, avoir trop d'affinité avec le personnel, cela
ne va pas ».
Il apparaît que si le cadre, comme tout être humain, a des affinités pour
certains des membres de son équipe, il doit veiller à ne pas le faire
percevoir pour maintenir le sentiment d'équité dans l'équipe. Pour y
52
parvenir, il peut s'appuyer sur la reconnaissance des individus à travers
leurs différences.
5.3.3. La reconnaissance
La notion de reconnaissance est un élément qui ressort unanimement dans le
discours des soignantes interrogées. Elles aspirent à ce que leurs personnalités
et leurs particularités soient reconnues non seulement par leur hiérarchie, mais
aussi par leurs pairs et leurs collègues. Pour IDE1, la cadre « […] a bien
détecté les personnalités de chacune, on s'en rend compte aux entretiens de
fin d'année ». IDE1 rajoute qu'elle reconnaît ses collègues à travers leurs
différences :
« Il y a la technicienne, celle qui aime bien les soins techniques, et puis
celle qui est un peu moins habile, mais qui est plus dans l'écoute, qui
est plus dans le relationnel avec le patient. Et on le sait qu'on est
comme ça et qu'on est différentes. On le sait entre nous et la cadre le
sait aussi ».
En parlant du choix pour les responsabilités spécifiques des agents au sein de
l'unité, IDE3 se sent reconnue car ses souhaits sont respectés :
« Ce n'est pas la cadre qui nous a désignées, non. Elle respecte le
souhait de chacune et ensuite elle essaye de nous inscrire en formation
par rapport aux spécialités de chacune et je trouve cela bien ».
Il semble qu'en tenant compte des souhaits individuels des agents en
termes de responsabilités spécifiques, le cadre répond au besoin de
reconnaissance de distinction : l'agent est reconnu comme différent des
autres.
IDE1 estime « […] qu'on est bien respecté vis à vis de nos capacités, de nos
compétences et de nos personnalités, et la différence ? Il n'y a pas de
différence en fait ». Elle évoque ici le sentiment d'équité. En effet, une fois les
différences spécifiques des agents reconnues, il est important de veiller à ne
pas s'en servir pour élaborer une sorte de classement entre eux : « […] Que
chacun soit perçu aussi bien que son collègue...même si on est différent, je
pense qu'on se complète dans mon équipe ».
53
Les personnalités et les capacités différentes des agents servent à se
compléter, elles cimentent une équipe et créent de la cohésion.
Le cadre s’appuie sur la connaissance de ses agents pour organiser le
fonctionnement des équipes. Il se sert de cette connaissance pour proposer les
rôles de référents au sein de l'unité. IDE1 l'évoque ainsi :
« J'ai une collègue qui est référente de la pharmacie. De nous toutes,
c'est elle qui est le plus cadrée, elle aime que tout soit bien rangé, bien
étiqueté. Je pense que la cadre l'a choisie en fonction de cette qualité
pour la nommer ».
IDE3 rajoute :
« J'aime beaucoup encadrer les étudiants, c'est quelque chose qui
m'intéresse […] J'ai fait la demande pour être tutrice lors de la mise en
place du nouveau référentiel. Je suis allée à plusieurs réunions à l'IFSI
et ensuite, quand il y a eu une formation, j'étais prioritaire ».
Respecter
les
souhaits
des
agents
renforce
le
sentiment
de
reconnaissance et augmente la motivation et le plaisir au travail.
En outre, AS3 pense qu'il est important de se connaître et de se reconnaître
entre collègues. Elle évoque le travail en binôme. Le roulement du planning est
fait de telle façon qu'elle travaille essentiellement avec les mêmes personnes
en semaine et un week-end sur deux : « […] On sait comment l'autre va
fonctionner, on sait comment il va gérer, c'est quand même important de bien
se connaître quand on travaille ». Le fait de bien connaître ses collègues peut
instaurer une stabilité dans l'équipe, un confort rassurant pour l'agent. Les
équipes sont satisfaites de cette organisation car elle leur permet une régularité
dans leur travail avec une très bonne connaissance du fonctionnement de leur
binôme. Néanmoins, cela crée au sein de l'équipe une scission entre les deux
roulements de binômes : c'est comme si au sein de la même unité deux
équipes d'aides-soignantes cohabitent. AS3 l'explique clairement : « […] On est
deux équipes en fait ». IDE 3 rajoute : « […] Il y a toujours une équipe qui se
plaint plus. Qui a beaucoup de travail et une autre qui se plaint moins […] Les
tensions sont entre les deux équipes […] On voit qu'il y a deux groupes ».
54
L'organisation des roulements de travail permet aux agents de bien se
connaître mais paradoxalement peut aussi diviser une équipe.
Reconnaître l'agent passe également par la reconnaissance de son travail réel.
IDE2 explique que sa cadre de santé va sur le terrain observer les infirmières
dispenser leurs soins : « […] C'est quelqu'un qui observe beaucoup. Elle nous
suit régulièrement sur des soins précis pour évaluer les pratiques, pour
harmoniser nos pratiques. Elle sait ainsi comment chacun travaille et les
habitudes que l'on a ». Ce fonctionnement semble bien perçu par l'équipe car la
cadre a bien su amener les choses. Elle leur a précisé que sa démarche est
liée à la qualité de l'encadrement des étudiants accueillis dans l'unité. IDE2
adhère à cette idée en précisant que « […] plus on aura des pratiques
harmonisées, mieux ce sera pour eux ». Elle rajoute qu'après l'observation
pratiquée chez toutes les infirmières à tour de rôle, la cadre
« […] peut nous faire un retour individuellement et après elle fait un
retour général mais sans jamais dire telle personne a fait ci, a fait ça par
rapport aux autres personnes. Puis elle va se pencher sur ce qu'il faut
améliorer en prenant ce que chacun a fait, pour harmoniser les choses
de façon consciencieuse ».
La relation de confiance établie entre la cadre et son équipe est très importante
pour que l'observation des pratiques de chacune ne soit pas perçue comme
une évaluation personnelle de l'agent, mais comme un moyen pour
l'amélioration de la qualité des soins, profitable non seulement pour les
étudiants, mais aussi et surtout pour les patients.
IDE2 relate également que sa cadre n'hésite pas à prendre part aux soins
ponctuellement en cas de surcharge de travail :
« Le midi elle vient souvent donner un petit coup de main pour donner à
manger aux malades en salle à manger […] Des fois aussi elle vient
nous aider à ranger le stock de matériel, ce sont des petites choses,
mais cela a son importance ».
AS2 complète en disant :
« Des fois elle se propose. Je l'ai déjà vu aller repiquer quelqu'un ou
faire des gaz du sang, quand les infirmières manquent de temps [...]
55
Elle m' a aidée aussi une fois sur une désinfection de chambre, […] sur
une toilette mortuaire […] Si elle me propose, moi je suis contente ».
Il apparaît qu'une présence observatrice et participative sur le terrain est
un facteur facilitateur pour reconnaître le travail effectif des membres
d'une équipe.
Cette attitude permet d'évaluer la différence entre le travail prescrit et le travail
réel. Bien amenée, elle est perçue comme valorisante pour les agents qui se
sentent reconnus dans leurs difficultés.
Elle apporte de l'harmonisation dans les pratiques et de la cohérence dans le
travail de l'équipe et permet au cadre de répondre au besoin de reconnaissance
de conformité : l'agent est reconnu comme semblable aux autres.
Nous venons de voir que répondre au besoin de reconnaissance des agents est
essentiel. Je vais poursuivre l'analyse en étudiant les répercussions de la
reconnaissance sur le pouvoir.
5.3.4. Le pouvoir
AS1 évoque l'exemple d'une infirmière reconnue dans son équipe pour des
tâches spécifiques : avec l'accord de la cadre, c'est elle qui élabore le planning
des IDE. AS1 pense que « […] dans l'équipe personne n'ose la contrarier […]
Elle a pris une place en dehors des autres ». L'attitude de la cadre semble
valider cet état de fait parce que AS1 témoigne qu'au moment de la relève :
« La cadre ne regarde que cette personne là, elle s'adresse toujours à
cette personne, donc vis à vis des autres infirmières c'est un peu
gênant...Tout de même, dans une équipe de travail, je pense que la
cadre doit être neutre et équitable et ne pas toujours s'adresser aux
mêmes personnes ».
La reconnaissance que donne le cadre à un agent peut lui donner trop de
pouvoir et entraîner un déséquilibre dans l'équipe.
56
Le tempérament, le caractère des agents peut influencer cette prise de pouvoir.
IDE2 relate qu'au sein de l'équipe, elle sait très bien, en fonction de la personne
avec qui elle travaille, quelle attitude adopter : « […] Il faut faire en fonction. On
le sait, quand elle est là, elle va faire plus attention à ça, peut-être moins à ça,
on le sait ». Parfois cela peut devenir très difficile à vivre. AS1 relate une
expérience d'un abus de pouvoir vécue au cours de son parcours professionnel
qui a abouti pour elle à une dépression :
« J'ai vécu des moments difficiles dans ce service avec une collègue qui
était exécrable avec moi […] Je n'étais pas écoutée face à cette femme
de caractère. Et notre cadre qui était très gentille, trop gentille, avait des
points faibles face à ces "fortes têtes". »
Le cadre de santé doit tenir compte des individualités avec mesure face
aux agents à forte personnalité pour éviter qu'ils ne prennent un pouvoir
démesuré au sein de l'équipe.
Les équipes sont également confrontées aux pouvoirs qui s'exercent entre les
différentes catégories professionnelles. C'est notamment le cas entre les
infirmières et les aides-soignantes. Les unes et les autres doivent travailler en
collaboration car la chronologie de leur tâches est interdépendante. Par
exemple, chez un patient diabétique, les AS ne pourront pas servir les repas
avant que les IDE n'aient effectué les tests glycémiques et les insulines. IDE2
donne l'exemple des pansements qui ne peuvent être effectués qu'après la
toilette du patient. Or, selon la charge de travail, elle précise que les IDE n'ont
pas toujours la possibilité d'effectuer les soins de nursing d'un patient avant ses
soins techniques. Elles sont donc tributaires du travail aide soignant pour
réaliser les pansements : « […] Avec certaines collègues cela va bien rouler,
elles vont tenir compte de nos impératifs […] mais avec d'autres cela se passe
moins bien car elles ne vont pas trop se préoccuper de nous, du travail qu'on a
à faire ». C'est souvent du donnant donnant : si une des catégories
professionnelles se sent lésée par l'autre (par manque d'entraide par exemple),
elle va jouer de son pouvoir. Dans ce cas, les AS freinent l'avancée du travail
IDE en leur rappelant que les soins de nursing sont aussi de leur rôle propre.
57
D'autre part, il existe une confrontation entre le pouvoir médical et le pouvoir
soignant. IDE1 et IDE2 le relatent en parlant de la prise en charge de patients
en fin de vie où les soignants et les médecins sont en « décalage » :
« Il y a notre ressenti à nous au lit du patient et le ressenti du médecin
qui ne voit le patient que ponctuellement […] On a l'impression que
nous, on perçoit déjà qu'il y a de l'angoisse présente, qu'il y a un malêtre du patient que le médecin ne perçoit pas de suite [...] Il faut parfois
plusieurs jours où plusieurs soignants exposent le même ressenti pour
que le cheminement médical se fasse et qu'il y ait une prescription ».
Reconnaître le travail de chacune des catégories professionnelles limite
l'abus de pouvoir d'une catégorie sur l'autre.
Cette reconnaissance dépend des valeurs et des représentations propres à
chaque catégorie professionnelle et du sens que chaque agent met dans son
travail. C'est sur ce point que je poursuis l'analyse.
5.3.5. Les valeurs et le sens du travail
Les valeurs et le sens du travail ne sont pas forcément les mêmes pour tous.
D'une part, les entretiens montrent que les soignants entre eux ne partagent
pas les mêmes valeurs concernant le travail. IDE3 observe que ses collègues
aides-soignantes « […] fonctionnent différemment, elles prennent en charge les
patients différemment, certaines tolèrent moins de choses et sont moins
patientes. Je pense que c'est compliqué à vivre pour elles ». AS1 évoque
également cette différence dans la prise en charge des patients : « Je trouve
que certaines dans l'équipe ne sont pas gentilles avec les patients, moi je viens
faire mon boulot, j'ai ma conscience professionnelle ». AS3 va dans le même
sens : « Il y en a qui vont se dépêcher de faire les soins pour avoir plus de
temps de pause et aller fumer ».
Il ressort de ces propos une perception différente, selon les agents, de la
qualité de leur prise en charge. Les uns jugent les autres selon leurs valeurs
personnelles, leur conscience professionnelle propre, et cela crée une
dissension au sein de l'équipe.
58
Si les soignants ne partagent pas les mêmes valeurs, la cohésion de
l'équipe est fragilisée.
D'autre part, une divergence des valeurs est ressentie entre les soignants et les
médecins. IDE1 l'évoque concernant la prise en charge d'un patient en fin de
vie, elle dit :
« On a eu l'impression qu'au point de vue médical, les choses se sont
mises en place tardivement […] d'un point de vue moral et éthique, à ce
moment-là, personne n'était bien dans l'équipe […] C'était ce sentiment
d'impuissance que nous avions toutes de voir une personne se
dégrader ».
AS2 rajoute : « […] Des fois je trouve que le médecin prend du temps pour
mettre les choses en place ne serait-ce que pour limiter l'angoisse ». AS2
relate également le cas d'une patiente qu'elle avait prise en charge et qui,
transférée dans un autre centre hospitalier pour y subir des examens, y est
décédée : « […] Si on m'avait demandé mon avis, je n'aurais pas transféré
cette patiente pour ces examens. […] J'étais en colère : transférée et décédée
le jour même, elle qui souhaitait vraiment mourir ici ».
Il apparaît que des décisions thérapeutiques qui ne correspondent pas
aux valeurs du soignant provoquent de l'émotion. Le sentiment
d'impuissance face à la souffrance d'un patient remet en cause le sens du
travail des soignants.
Par rapport à mon questionnement de départ, il convient à présent de voir dans
quelle mesure l'analyse réalisée va me permettre de tirer des enseignements
pour progresser et élargir ma réflexion.
59
RÉFLEXION
6. Réflexion
L'analyse des données a permis de faire émerger plusieurs hypothèses qui
concernant la prise en compte de l'individu et la cohésion d'équipe, je les ai
classées en six thématiques pour pouvoir mener leur analyse réflexive :
•
le contexte du travail,
•
les règles de fonctionnement,
•
l'amitié dans les équipes,
•
le positionnement du cadre,
•
la reconnaissance,
•
les valeurs.
6.1. Le contexte de travail
L'analyse des déterminants sociaux a mis en évidence que la taille humaine de
l'établissement a un impact sur la fidélisation des agents en créant des
conditions de travail favorables. En effet, dans un établissement de petite taille,
le personnel se rencontre dans les couloirs, se connaît et se reconnait et une
ambiance familiale s'instaure. L'agent se sent considéré comme un individu car
il n'est pas noyé dans un effectif global important. Il se sent plus impliqué dans
la démarche qualité assurant la renommée de son petit établissement qui doit
se défendre face à une grande structure moins vulnérable. Il peut ainsi assouvir
son besoin d'appartenance.
Dans ces conditions, le cadre de santé peut mettre en avant la solidarité entre
les unités pour servir l’intérêt de l'établissement. Il est souvent alors plus facile
de trouver du personnel de remplacement dans l'unité voisine car les
personnes se connaissent. L'entraide entre services est plus naturelle dans les
petites structures. Dans les centres hospitaliers plus grands, les unités sont
plus cloisonnées. Françoise GONNET l'évoque ainsi : « [...] On pourrait
presque dire que ce qui unifie à l'intérieur isole et divise vis-à-vis de l'extérieur »
[4, p 228].
Un sentiment d'appartenance est retrouvé également dans les grands centres,
mais il s'étend rarement au delà du pôle, voire de l'unité
61
Le planning de travail joue un rôle primordial dans la vie des soignants et par
conséquent dans les conditions de travail. Les agents le consultent chaque jour,
c'est lui qui rythme leur vie, c'est de lui que dépendent toutes leurs activités
personnelles.
La réalisation du planning fait partie du cœur de métier du cadre de santé et il
en est le responsable. Dans la majorité des cas c'est lui qui l'établit et c'est
souvent sur cette action que le cadre est prioritairement jugé par son équipe car
elle permet d'évaluer si le cadre est équitable et si il sait prendre en
considération les désidérata des soignants. C'est à travers le respect de ses
souhaits pour le planning que l'agent se sent reconnu dans son individualité.
Il n'est malheureusement pas toujours possible de donner une suite favorable à
toutes les demandes. Le cadre devra alors expliquer les raisons du refus en
mettant en avant les impératifs liés à l'organisation du travail dont il est
responsable et la sécurité et la qualité des soins. Pour cela, il devra se baser
sur des règles équitables et appliquées à tous.
L'organisation des plannings suivant une trame fixe et commune aux agents
d'une même catégorie professionnelle peut faciliter le travail du cadre de santé
car elle instaure une forme d'équité : chaque agent travaille selon le même
roulement, de façon décalée.
Pourtant, les entretiens ont montré que l'organisation du travail par des
roulements peut aussi créer une scission au sein d'une équipe si les agents
travaillent quotidiennement avec les mêmes personnes. Le cadre de santé
devra en tenir compte lors de l'élaboration des trames pour permettre la mixité
au sein de l'équipe : pour que les agents puissent travailler tous les uns avec
les autres.
En outre, au sein d'un même établissement, toutes les unités ne bénéficient pas
des mêmes conditions de travail. La gestion d'une équipe est différente selon
qu'il s'agit de travailler dans une unité conventionnelle ou dans une unité de jour
ou de semaine. Comme les tensions entre les agents surviennent souvent au
sujet du travail des dimanches ou des nuits, une bonne partie des tensions est
levée lorsque ces derniers ne sont pas à assurer, et l'équipe est plus unie.
62
L'arrivée d'un nouvel agent peut remettre en cause l'équilibre d'une équipe.
C'est un moment où le cadre de santé doit être particulièrement vigilant et
présent dans l'équipe. Non seulement pour le novice en assurant son accueil,
sa présentation aux membres de l'équipe et son encadrement (en organisant
un tutorat et en lui signifiant sa disponibilité en cas de besoin). Mais aussi pour
l'équipe en place par un accompagnement durant la période d'encadrement.
D'autant plus que les impératifs financiers des établissements limitent les
périodes de doublage : le chevauchement entre l'agent qui s'en va et celui qui
arrive est souvent très court, voire inexistant.
Pour profiter du regard extérieur du novice sur le fonctionnement de l'unité, le
cadre peut l'inviter à rédiger un rapport d’étonnement. Le nouvel agent
indiquera par écrit ce qui le surprend, l'interroge et le questionne sur le
fonctionnement de l'unité ou plus largement, sur l'organisation générale de
l’établissement. Ainsi, en prenant en considération les éléments du rapport
d'étonnement, le cadre pourra mener en équipe une analyse des pratiques et
les faire progresser.
Le cadre peut également mettre en place des outils d'aide à l'intégration,
comme les fiches de poste et le livret d'accueil du nouvel agent précisant les
spécificités de l'unité, tout en faisant le lien avec le fonctionnement de
l'ensemble de l'établissement.
C'est par un accueil personnalisé, par un accompagnement de l'équipe durant
l'encadrement et par une analyse des pratiques que le cadre de santé prend en
considération les individualités des agents et qu'il construit une cohésion
d'équipe.
Pourtant des conditions de travail favorables ne suffisent pas à elles seules à
établir une cohésion d'équipe ou à garantir la qualité de la prise en charge, car
des facteurs liés aux personnes entrent en jeu. Comme le constate Pascal
PRAYEZ : « [...] Toutes les difficultés ne viennent pas que des conditions de
travail, et il ne suffit pas d'avoir du temps pour assumer l'implication
relationnelle du soin... A ce niveau, c'est le travail sur soi qui compte. » [33, p.
63
169]. La motivation et l'implication des agents jouent un rôle, ainsi que d'autres
facteurs, tels que les règles de fonctionnement.
6.2. Les règles de fonctionnement
« L'organisation a besoin de se structurer et de se donner un minimum de
cohérence pour vivre et se développer » [20, p. 11]. Le cadre de santé est le
garant du respect des règles de fonctionnement tant institutionnelles que
spécifiques à l'unité. IDE2 et AS2 l'illustrent par leurs propos : « […] Il faut une
structure, poser des jalons […]. Il faut qu'on ait des limites […]. Le cadre, c'est
le cadre pour poser les limites ».
Le positionnement du cadre dans ce cas est essentiel : non seulement il est là
pour faire un rappel aux règles, veiller à ce quelles soient connues par tous et
veiller à ce qu'elles soient appliquées par tous. C'est ce qui permet d'éviter les
conflits, de maintenir une équité au sein de l'équipe et de pérenniser la
cohésion de l'ensemble.
6.3. L'amitié
Les amitiés entre collègues sont fréquentes et inévitables. Le cadre de santé
doit composer avec. D'une part, elles renforcent la cohésion de l'équipe en
instaurant un climat de travail amical. Mais d'autre part, elles peuvent créer une
scission au sein de l'équipe : des clans peuvent apparaître entre ceux qui sont
amis et ceux qui le sont moins. Des échanges sur le planning entre les agents
peuvent avoir lieu pour que les amis travaillent ensemble. Au fil des jours, cela
peut devenir pesant pour les agents qui se sentent exclus. En effet, l'amitié
n'est pas forcément synonyme d'esprit d'équipe, du moins pas pour l'équipe
dans sa globalité. De plus, la qualité du travail peut en pâtir par un manque de
sérieux lorsque les agents travaillent selon les affinités et qu'un amalgame est
fait entre exercice professionnel et loisirs.
Dans ce cas, le rôle du cadre est d'expliquer et de faire respecter la règle de la
mixité du planning : il autorisera les échanges pour des raisons justifiées
64
(familiales ou personnelles), mais pas pour l'envie être en poste avec "sa
copine" car ce phénomène risque de nuire à la cohésion de l'équipe.
De plus, comme tout être humain, le cadre de santé peut avoir lui aussi des
d'affinités avec l'un ou l'autre des agents. Comme les membres d'une équipe à
l'hôpital ne se choisissent pas, il peut arriver que le cadre connaisse
personnellement un membre de l'équipe. Il est primordial de ne pas laisser ses
affinités influer sur la considération de l'agent, au risque de compromettre la
cohésion de l'équipe. Cet agent doit être considéré au travail de façon similaire
aux autres, ni plus, ni moins. Car paradoxalement, de peur de faire percevoir
une différence en sa faveur, le cadre peut se montrer plus exigeant ou plus
sévère avec une personne qu'il connaît dans sa sphère privée.
6.4. Le positionnement du cadre
Occuper une place de cadre de proximité, donc proche de l'équipe, permet de
connaître les besoins des agents, leurs attentes pour y répondre et créer des
conditions de travail favorables. Il est alors possible pour le cadre de leur fixer
des objectifs personnels qu'ils pourront atteindre et alimenter ainsi leur source
de motivation individuelle. Le rôle du cadre sera de leur donner un travail leur
permettant de se réaliser, et « […] d'accompagner chacun afin qu'il rende les
meilleurs services possibles » [20, p.28]. D'autant plus que si chaque individu
est motivé, l'équipe toute entière est plus performante par l'émulation du groupe
et la cohésion de l'ensemble se crée.
Par son rôle de manager de proximité qui le place dans une position plus
globale d'organisation, de contrôle et d'évaluation, le cadre se place en dehors
des soins mais il reste à côté des soignants. Par ce biais, il est aidant dans la
prise de recul par rapport à des situations de soins difficiles. En effet, les
soignants sont dans l'action et parfois empreints d'émotion suite à des prises en
charge longues et difficiles de patients chroniques ou en soins palliatifs. Dans
ce cas, le cadre prend le rôle de « marginal sécant » évoqué par Michel
MOTTA [9], à la croisée des chemins entre les soignants et les médecins.
D'une part, il exerce un rôle de soutien des équipes, il aide à la prise de
65
distance et d'autre part, il est le porte-parole des soignants et facilite la prise de
décisions lors des réunions pluridisciplinaires. Car son domaine d'expertise
infirmier, lui permet une connaissance des situations de travail vécues par
l'équipe et facilite la mise en place d'un accompagnement aidant. De cette
façon, non seulement les soignants se sentent entendus et écoutés et leur
parole est considérée, mais aussi, le cadre peut revenir à son ancien rôle de
soignant en prenant soin de son équipe.
En effet, dans la majorité des cas, le cadre de santé est issu de la filière
infirmière. Sa profession initiale est de prendre soin des patients. Dans mon
premier métier, cette mission était valorisante à mes yeux et source de
motivation car l'agent qui prend soin d'une personne reçoit quotidiennement un
retour positif de ses actions ; il a l'impression d'être utile. Même si dans le
quotidien d'une unité, je rencontrais des patients difficiles à satisfaire, je
recevais aussi quotidiennement des retours positifs suite à mes actions par le
biais, des remerciements des patients et des familles ou d'un sourire en signe
de reconnaissance de mon travail. Je trouvais là une source de motivation
quotidienne, tel que l'explique Walter HESBEEN :
« Le désir de prendre soin de l'autre avec pour visée le bien de l'autre
constitue, d'une part la source même de la motivation qui animera le
professionnel et, d'autre part, ce qui lui permettra de s'impliquer pour
donner vie et consistance à une préoccupation permanente d'éthique et
du quotidien des soins » [34, p. 134].
Mon nouveau statut de cadre de santé m'éloigne de cette tâche de soignante.
En revanche, la notion du "prendre soin" peut perdurer dans la fonction de
management dans le sens où mon nouveau rôle sera à présent de prendre soin
de l'équipe dont j'aurai la responsabilité. Walter HESBEEN développe cette
notion : « […] La mission première du cadre est de porter attention au
personnel de son service afin de lui offrir les meilleures conditions possibles
pour que celui-ci puisse exercer son métier, le développer et s'y épanouir » [11,
p.87]. A l'époque où l'efficience et la rationalisation ont pris une place
importante à l'hôpital, je trouve intéressant et motivant d'aborder mon
66
management futur sous cet angle du "prendre soin" car il est conforme à mes
valeurs soignantes et servira à asseoir mon positionnement au sein de l'équipe.
De plus, en étant à proximité des équipes, le cadre se met en position
d'observateur pour reconnaître le travail effectif et réel des soignants. Par son
observation, il peut réaliser comment l'agent adapte son travail en fonction des
difficultés qu'il rencontre dans son action sur le terrain. Le rôle du cadre est de
tenir compte de l'individu en reconnaissant le travail invisible qu'il fournit. La
difficulté est de savoir se positionner en observateur sans prendre la posture
d'évaluateur, pour que l'agent accepte l'observation de sa hiérarchie sans pour
autant se sentir dans l'obligation de théâtraliser son acte dans le souci de faire
mieux qu'habituellement. C'est un peu ce que l'on pouvait constater jusqu'en
2009, avant le nouveau référentiel des IFSI, où les étudiants étaient évalués sur
le terrain clinique lors de Mises en Situation Professionnelles (MSP). L'examen
mettait alors l'étudiant dans un rôle d'acteur : il théâtralisait l'acte de soins
évalué par une mise en scène arrangée plus ou moins éloignée des réalités
quotidiennes (avec plus de matériel, plus de temps, un patient complice, un
soin choisi à l'avance, etc .). Le but était de travailler dans les règles de l'art
enseignées à l'institut de formation. L'objectif du cadre de proximité n'est pas de
voir une mise en scène inaccoutumée, mais bien de découvrir comme l'agent
travaille réellement et comment il adapte ses actes selon les difficultés
rencontrées. Il s'agit de considérer sa créativité.
IDE 2 explique que le cadre vient les observer sur le terrain dans le but
d'harmoniser les pratiques au sein de l'équipe. C'est une façon d'appréhender
le travail invisible des agents. Dans ce cas, le cadre a mis en avant le bien-être
des étudiants qui seront mieux encadrés si toutes les IDE travaillent de façon
identique. Cette approche semble bien comprise et l'observation est acceptée
par les infirmières qui ne se sentent pas évaluées personnellement. L'objectif
de l'observation est défini clairement et le retour fait par le cadre en équipe ne
met jamais en défaut un agent par rapport à l'autre. Le cas échéant, IDE 2
explique que le cadre fait un retour individuel à l'agent, mais sans porter
d'évaluation négative sur sa façon de réaliser les soins, le but visé reste
uniquement l'amélioration des pratiques de l'équipe.
67
6.5. La reconnaissance
6.5.1. Légitimer la fonction de chacun
La première forme de reconnaissance est de légitimer la fonction de chacun
dans l'équipe pour que tous les membres y trouvent leur place (ASH, AS et
IDE). En effet, les prestations individuelles constituent une valeur ajoutée à
l'ensemble sous réserve que chacun puisse exprimer sa singularité. Roger
MUCCHIELLI corrobore ces propos : « […] Chaque membre de l'équipe y
participe à part entière ce qui implique qu'aucun membre de l'équipe ne doit
être considéré comme de seconde zone » [25, p. 13]. D'autant plus que les
personnalités et les capacités différentes des agents servent à se compléter,
elles cimentent une équipe et créent de la cohésion.
Dans un premier temps, le cadre de santé doit donc s'engager à bien définir le
rôle de chaque catégorie professionnelle au sein de l'équipe, il s'agit de la
reconnaissance de conformité. Pour cela, l'objectif du service doit être
clairement défini dans le projet de service. Il en résulte ensuite la précision des
fonctions et tâches que chacune des catégories professionnelles doit effectuer
(dans les fiches de poste et les fiches de tâches) ainsi que la définition de
l'organisation et des règles du service (dans le projet de service et les
protocoles). L'élaboration de ces documents se fait en collaboration avec le
cadre, les membres de l'équipe et les médecins lors de groupes de travail.
Ainsi, les besoins et les contraintes de chaque métier sont clairement identifiés,
ce qui permet à chaque membre de l'équipe de connaître et reconnaître les
fonctions de chacun. L'esprit d'équipe peut se développer vers le but commun.
Comme le relate Sonia BAL : « La cohésion participe donc au comportement
coopératif entre soignants pour poursuivre le projet commun qu'est la prise en
soin des patients » [27].
Après avoir reconnu et défini chaque catégorie professionnelle, le cadre doit
s'atteler à reconnaître chaque agent dans son individualité : la reconnaissance
de distinction. En effet, l'évolution de notre société actuelle donne une place
importante à l'individu. Chaque individu est unique et sa manière d'être
68
reconnu, remercié, sollicité par le cadre doit être unique et personnalisée. Le
reconnaître comme individu lui permet d'occuper sa position au sein de
l'équipe.
Connaître ses agents, passe par « […] faire l'effort de comprendre comment
l'autre "fonctionne", quelle est sa motivation [...] Cette reconnaissance se
manifeste par l'écoute, le respect, l'encouragement » [20, p. 130]. Il s'agit donc
de repérer les centres d’intérêt propres à chacun.
« Le responsable d'encadrement ne peut modestement que repérer ces
intérêts en restant à l'écoute de chacun de ses collaborateurs et leur
offrir des occasions de valoriser ces intérêts dans le cadre des
contraintes inhérentes à l'organisation » [20, p.23]
Lors des entretiens menés, IDE1 ET IDE3 relatent que respecter les souhaits
des agents renforce le sentiment de reconnaissance, augmente la motivation et
le plaisir au travail (par exemple, lorsque le cadre de santé donne des
responsabilités de référent dans un domaine souhaité par l'agent). La notion de
plaisir est très importante dans notre société actuelle où la recherche du bienêtre est un leitmotiv : « […] Alors que la durée du temps de travail n'a cessé de
diminuer et que les loisirs occupent une place de plus en plus importante,
pourquoi ne pas imaginer trouver du plaisir dans sa vie professionnelle ? » [28].
Ainsi, permettre la satisfaction de chacun induit le plaisir au travail qui lui même
exerce une influence positive sur la qualité de vie et sur la construction du
collectif.
Le Manuel de certification a intégré la notion de qualité de vie au travail dans
son critère 3d car « […] cette démarche renforce l'attractivité, le sentiment
d'appartenance et la motivation » [35]. De plus, je considère que du bien-être
des équipes dépend le bien-être du patient. En effet, le soignant ne pourra être
totalement bien-traitant envers les patients que si lui-même est bien traité par le
cadre dont il dépend. S'il éprouve du plaisir à venir travailler, il sera d'autant
plus efficace et disponible dans sa prise en charge des patients. Le cadre doit
créer des conditions de travail favorables et cela passe par l'écoute de ses
agents et par sa présence effective sur le terrain.
69
6.5.2. Écoute individuelle et équité
La difficulté qui se pose pour le cadre de santé est de savoir mettre des limites
à son écoute. En effet, certains agents se plaignent, parlent beaucoup, se
sentent débordés, alors qu'ils brassent de l'air, qu'ils s'éparpillent, qu'ils
papillonnent dans leur travail. D'autres ne disent jamais rien et abattent une
somme de travail en toute discrétion. Dans ce cas, le cadre construit ses
arguments sur des faits concrets. Il se base sur les observations réelles qui lui
permettent
d'argumenter
ses
propos
et
de
mettre
en
lumière
les
dysfonctionnements. Le but est d'aider l'agent à améliorer son organisation du
travail. Pour être factuel, le cadre de santé doit nécessairement s’octroyer un
temps de présence réel sur le terrain, afin d'observer et d'analyser les pratiques
des soignants. Dans la conjoncture actuelle des hôpitaux, cette présence est
parfois difficile à mettre en œuvre, notamment lorsque le cadre de proximité est
responsable de plusieurs équipes, de surcroît dans les lieux distants.
Pour fixer une limite à la satisfaction des demandes exprimées par les agents,
le cadre doit prendre en compte différents facteurs. Le premier considère la part
personnelle de la vie privée de l'agent. Comme l'illustre Paule BOURRET :
« Les cadres doivent tenir compte de situations diverses, souvent
complexes, avec du personnel qui peut lui-même se trouver aux prises
avec des difficultés sociales ou matérielles. C'est au prix de l'attention
portée à chaque membre de l'équipe qu'ils préviennent l'absentéisme
d'ensemble » [36, p.175].
En effet, il est impératif de tenir compte des situations personnelles de ses
collaborateurs qui se trouvent parfois dans des situations familiales délicates
(deuil, maladie d'un proche, divorce, difficultés financières, etc.). L'agent dévoile
les informations qu'il souhaite concernant sa vie privée, plus ou moins selon les
cas. Ensuite, le cadre en tiendra compte en prenant la mesure de l'impact de sa
décision sur le reste de l'équipe. Il s'agira selon le cas, par exemple, de libérer
du temps à l'agent pour être auprès de son enfant malade, de lui permettre de
partir plus tôt pour assister à une audience avec le juge des affaires familiales,
70
ou de lui proposer de travailler un dimanche de plus afin d'augmenter son
salaire.
Si le traitement de ces cas particuliers permet au cadre de considérer l'agent
dans son individualité, il le pousse à déroger aux règles d'équité établies au
sein de l'équipe (concernant le roulement des dimanches par exemple). Il
s'agira alors de définir avec l'agent les nouvelles règles de fonctionnement (par
exemple un aménagement de planning pour une durée déterminée). Puis, il
faudra expliquer les décisions prises aux autres membres de l'équipe en
clarifiant les dispositions (raisons, délais, conditions, etc). En cas de coup dur
dans la vie d'un agent, la solidarité des collègues entre aisément en jeu et les
nouvelles règles particulières appliquées à la personne en difficulté sont
facilement acceptées par tous, du moment qu'elles sont limitées dans la durée.
En appliquant la règle du donnant donnant, le cadre peut satisfaire certains
souhaits ponctuels d'un agent (comme l'adaptation du planning pour assister à
une formation ou un jour de congé accordé pour raison personnelle). Il sait
qu'ensuite il pourra compter sur lui pour mener des actions transversales au
sein de l'équipe (comme la mise en œuvre d'actions pour l'amélioration de la
qualité des soins) ou remplacer un collègue absent. Ainsi le cadre de santé,
l'agent et l'équipe tirent profit de la situation qui contentait une demande
individuelle au départ.
Par contre, il n'est pas question de créer un précédant en autorisant pour un
agent un aménagement de planning systématique pour des convenances
personnelles (pour, par exemple s'adapter aux d'horaires d'ouverture de la
crèche ou aux horaires des transports en commun) au risque de voir toute
l'organisation du service s'effondrer. Dans ce cas, l'équité de traitement face
aux règles établies prime sur la considération individuelle.
Le deuxième facteur limitant la satisfaction des demandes est donc le respect
des règles non seulement internes à l'unité mais aussi institutionnelles et
législatives. Le cadre de santé est responsable de l'application de la
réglementation pour garantir la sécurité et la qualité du travail. Il peut s'en
71
référer pour argumenter certains refus lors de demandes particulières en
mettant en exergue les impératifs liés à la réglementation qu'il n'est pas
possible de détourner et à l'activité du service qui doit être assurée.
6.5.3. Écoute individuelle et abus de pouvoir
L'entretien avec AS1 (où elle évoquait une IDE de l'équipe chargée de faire les
plannings) a montré que la reconnaissance donnée par le cadre à un agent
peut lui donner trop de pouvoir et entraîner un déséquilibre au sein de l'équipe.
J'ai pu en faire l'expérience au cours de mes deux années d'activité de faisant
fonction de cadre où j'ai voulu donner de la reconnaissance aux ASH car je
trouvais qu'elles sous-estimaient la valeur de leur travail au sein de
l'organisation hospitalière. Pourtant elles sont à la base de toute l'hygiène : leur
travail est le socle sur lequel l'ensemble des soins repose. Suite à mes
remarques, elles ont pris conscience de leur importance au sein de l'équipe,
mais pour certaines d'entre elles, de façon démesurée. Deux ASH de l'équipe
se sont mises à se comporter de façon tyrannique face aux autres catégories
professionnelles : elles ont pris un pouvoir informel en imposant leur rythme de
travail au reste de l'équipe, en bloquant par exemple le travail des IDE en
retardant le bionettoyage des chambres.
L'enseignement que j'en tire est que le cadre de santé doit certes tenir compte
de l'individualité, mais avec mesure pour éviter qu'un agent prenne trop de
pouvoir. « Il devra concilier habilement ce qui tient de l'individualité et ce qui se
rapporte à l'équipe » [23]. Il doit sentir ce qui intéresse les agents et les
impliquer dans ce qui les motive (en leur donnant des fonctions spécifiques de
référent par exemple), mais en fixant des règles et en veillant à leur application,
afin d'éviter les abus de pouvoir. Il doit veiller à partager les responsabilités
spécifiques au sein de l'ensemble des membres de l'équipe. Cet abus est
dépendant des personnalités : certains soignants à fort caractère seront plus
enclins à prendre le dessus sur les autres. AS1 évoque des moments difficiles
vécus au travail face à une collègue à forte personnalité. Le cadre de santé doit
veiller à maintenir l'équilibre en reconnaissant chacune des individualités, mais
72
en les replaçant également les unes par rapport aux autres et en étant
modérateur des forts caractères .
En outre, les entretiens avec IDE1 et IDE2 montrent que certaines catégories
professionnelles peuvent prendre le pouvoir sur d'autres au sein de l'équipe.
Cela dépend de la place qui leur est donnée. Nous avons vu que le rôle du
cadre de santé est de définir et de déterminer clairement les fonctions de
chacune des catégories professionnelles qui gravitent autour du patient, de les
légitimer. En effet, elles ont toutes une importance dans l'organisation, même si
historiquement, comme l'évoque Marc CATANAS [22], certaines professions
sont plus prestigieuses que d'autres. Lors des réunions pluriprofessionnelles,
mon rôle sera de veiller à ce que chacun des agents, quelque soit son statut,
puisse s'exprimer et être entendu : ainsi, la reconnaissance du travail de
chacune des catégories professionnelles limite l'abus de pouvoir d'une
catégorie sur l'autre. De plus, l'expression collégiale permet de rappeler le but
commun de l'ensemble qui est la prise en soins optimale du patient, cela fédère
l'équipe vers un objectif commun et renforce par ce biais sa cohésion.
Tout ceci m'amène à comprendre que le cadre doit savoir déceler les forces et
les faiblesses de ses agents pour permettre l’adaptabilité de son management.
Ceci revient à dire qu'il doit adapter son management en tenant compte des
individualités des agents en étant tantôt directif, tantôt participatif, tantôt
persuasif, ou délégatif, exercer un management situationnel afin d'utiliser les
différences pour enrichir le collectif.
6.6. Les valeurs
Les soignants n'ont pas tous les mêmes valeurs personnelles concernant leur
travail. Je les apparente à la conscience professionnelle différente selon les
individus. Certains ont des exigences supérieures aux autres et cela peut créer
des tensions au sein d'une équipe car « [...] les valeurs donnent du sens au
comportement des individus » [13, p.166].
Ces valeurs différentes peuvent être un frein à la cohésion de l'équipe, mais
simultanément, une richesse si le cadre s’appuie sur elles pour initier un
73
partage d'opinions. Le management mené doit valoriser les différences de
chacun pour les recentrer autour d'un tronc commun. Ainsi, après avoir recueilli
l'avis de tous, un compromis d'équipe devra être consenti pour identifier les
valeurs partagées et pour que les agents s'y retrouvent. Ensuite, elles peuvent
être intégrées dans le projet de service.
Pour Michel MOTTA « [...] l'équipe a ses valeurs, ses codes moraux auxquels
tous les soignants croient, adhèrent, ce qui fédère et crée le véritable esprit
d'équipe » [23]. Il faut donc que les valeurs soient clairement définies, rédigées
et connues de tous. L'élaboration d'une charte du soignant du service, affichée
en salle des soins, peut être un résumé des valeurs partagées au sein de
l'unité. Non seulement, cette charte permet au cadre de santé de se baser sur
un écrit pour effectuer, le cas échéant, un rappel aux règles, mais aussi elle
permet d'informer le nouvel arrivé sur les valeurs de l'équipe et de faciliter son
intégration. Car le partage des valeurs renforce la cohésion d'une équipe.
Les valeurs des soignants donnent un sens à leur travail. Lorsqu'elles sont
bafouées (comme nous l'expliquent IDE1 et AS2, lorsqu'une décision
thérapeutique divise les soignants et les médecins par exemple) les soignants
ont un sentiment d'impuissance et de travail bâclé. Le cadre aura alors la
mission d'accompagner les agents dans ces situations difficiles, en les aidant à
prendre de la hauteur face à l'action, en organisant des réunions
pluridisciplinaires et en étant leur porte-parole face à l'équipe médicale.
Les valeurs personnelles du cadre de santé influencent forcément le sens qu'il
donne à son management et l'ambiance qu'il instaure dans l'équipe. Un cadre
qui sait rester humble, qui ose dire qu'il est humain, qui reconnaît ses erreurs et
qui s'autorise à ne pas être pas parfait, autorise par son attitude l'agent à
s'exprimer. L'important est de pouvoir se sentir en confiance, respecté pour ce
que l'on est, et pouvoir l'exprimer. C'est ainsi que l'agent aura l'impression
d'exister en tant que tel et qu'il sera un maillon dans la construction de la
cohésion de l'équipe.
74
CONCLUSION
7. Conclusion
Ce travail de recherche est l'aboutissement d'un long cheminement qui a
commencé avant l'entrée à l'IFPS et qui s'est poursuivi tout au long de l'année
de formation. J'ai cherché à savoir comment le cadre de santé peut instaurer et
pérenniser la cohésion d'une équipe. Mon hypothèse de départ, basée sur mon
expérience antérieure, était que :
Si le cadre de santé prend en compte les individualités de chacun de ses
agents, il renforce la cohésion d'équipe.
Les concepts étudiés à l'IFPS ainsi que les ouvrages lus tout au long de l'année
me permettent de confirmer en partie cette hypothèse. En effet, la prise en
compte de l'individu facilite son positionnement dans l'équipe et renforce ainsi la
cohésion de l'ensemble.
Mais d'autres éléments sont à prendre en considération, tels que le contexte de
l'unité, les règles de fonctionnement, l'équité, le sens donné au travail, la
reconnaissance, les valeurs partagées, le but commun.
Au delà de la validation de l'hypothèse, ce travail de recherche m'a fait
découvrir que j'avais un idéal d'équipe. Une équipe où tout le monde s'entend
bien en permanence n'existe pas : « […] Un bon système n'est pas un système
qui ne pose pas de problèmes, comme le raisonnement habituel le laisse
entendre, mais un système qui permet de gérer les problèmes des acteurs
impliqués
et
de
leurs
rationalités
propres
dans
un
équilibre
contribution/rétribution acceptables par tous (rétribution en termes d'intérêt au
travail, de reconnaissance).» [4, p. 229]. Une équipe, pour durer, connaît des
conflits, c'est à ce prix que toutes les personnalités de l'équipe peuvent
s'exprimer, exister en tant que telles. Si en façade, les agents donnent
l'impression d'une forte entente, c'est que forcément certains s'effacent face à
d'autres et qu'un jour ou l'autre, un conflit peut remettre en jeu l'entente idéale.
Une équipe unie est une équipe qui va savoir gérer les tensions générées par
les différences entre les agents.
76
Le cadre doit tenir là un rôle central, celui de :
•
gérer les différences en utilisant les ressources de toutes les
personnalités de son équipe afin que chacun trouve sa place quelle que
soit sa catégorie socio-professionnelle (ASH, AS, IDE),
•
détecter les potentialités pour répondre aux attentes et donner aux
membres de l'équipe un travail leur permettant de se réaliser en veillant
à l'équité pour éviter le déséquilibre et l'abus de pouvoir,
•
donner du sens au travail en respectant les valeurs de l'équipe,
•
fixer un objectif commun et fédérateur,
•
fixer les règles de fonctionnement et les faire appliquer équitablement.
En outre, mes recherches sur l'individu m'ont fait découvrir la notion du travail
invisible. Par sa mise en évidence, ne serait-ce pas là le meilleur moyen de
prendre en considération chaque individu dans son quotidien au travail, et de
mettre en exergue sa créativité ? Car c'est de cette manière que les individus
se sentent considérés, reconnus et que peut se créer la cohésion d'équipe
autour de la prise en soin du patient.
Comment reconnaître le travail réel des agents et rendre perceptible aux yeux
de la hiérarchie leur travail invisible ? Pour y parvenir, un des impératifs est que
le cadre soit à la proximité des équipes, en présence quotidienne pour les
accompagner sur le terrain clinique. Mais à l'heure où efficience rime avec
gestion de plusieurs unités aura-t-il suffisamment de temps pour être réellement
présent ?
Cette problématique mériterait d'être réfléchie dans un autre travail de
recherche.
77
BIBLIOGRAPHIE
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36. BOURRET Paule. Les cadres de santé à l'hôpital, un travail de lien
invisible. Paris : Seli Arsan, 2006, 288 p.
81
ANNEXE
9. Annexe 1 : canevas d'entretien
Déterminants sociaux :
F/H :
fonction :
cursus professionnel :
ancienneté dans la fonction :
ancienneté dans le service :
ancienneté du cadre de santé dans votre service :
âge :
situation familiale :
Expression d'une situation vécue :
1. Racontez-moi une situation professionnelle qui vous a posé problème
dans l'équipe ou qui vous a mené à réfléchir.
Par rapport à l'individualité :
2. Au moment de cette situation, quelle était votre place dans l'équipe ?
•
Comment avez-vous réagi ?
•
Aviez-vous l'impression d'être écouté par vos collègues ?
•
Aviez-vous des responsabilités spécifiques? (référent), choisies ? Imposées ?
Par rapport à la cohésion d'équipe :
3. Au moment de cette situation, comment pourriez vous définir
l'ambiance de travail ?
•
Aviez-vous le sentiment que vos collègues vous connaissaient ?
•
Aviez-vous le sentiment de connaître vos collègues ?
•
Existait-il des relations privilégiées dans l'équipe ?
•
Aviez vous l'impression d'être dans équipe unie ?
Par rapport à la position du cadre de santé :
4. Au moment de cette situation, comment voyiez-vous le rôle du
cadre de santé ?
•
D'après vous quelle place prenait-il dans l'équipe ?
•
Quel était son contact avec vous ?
•
Aviez-vous l'impression qu'il vous connaissait ?
83
RÉSUME :
La société actuelle exacerbe l'individualisme, la défense des intérêts particuliers
et la recherche du bien-être non seulement dans sa vie privée mais aussi dans
sa vie professionnelle.
Dans le domaine de la santé, le travail se fait essentiellement en équipe, or la
cohésion d'équipe est une exigence essentielle pour se sentir bien au travail.
Dès lors, comment s'instaure t-elle ? Comment se pérennise t-elle ?
Ce travail de recherche propose d'étudier comment le cadre de santé peut tenir
compte de l'individualité des soignants d'une équipe pour servir le collectif et
créer de la cohésion. Dans tous les cas il devra prendre en considération
l'identité de chacun et la reconnaître afin que tous les agents trouvent leur place
au sein de l'équipe. Cela impose sa présence effective sur le terrain clinique.
Elle est nécessaire, d'une part pour pouvoir détecter les attentes des soignants
et d'autre part, pour donner un but commun à l'ensemble de l'équipe, ainsi que
du sens au travail, à travers des valeurs partagées.
MOTS CLÉS
Cadre de santé - Cohésion - Équipe - Équité - Identité - Individu Reconnaissance - Valeurs.