Projet - Combats pour les droits de l`homme

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Projet - Combats pour les droits de l`homme
Projet Université Paris Lumières
Les Camps et le Droit
dirigé par Laurence DUBIN, Anne-Laure CHAUMETTE, Marina EUDES et Marjorie BEULAY
I. Le réseau de recherche
Partenariats « institutionnels » :
- Migreurop, Claire RODIER
- GISTI
- Close the camps (Olivier CLOCHARD, laboratoire Migrinter )
- ASF
Partenariats en discussion avec :
- Réseau Global Detention Project
- MSF
- MDM
Réalisations concrètes du projet
- Création d’un réseau d’experts juristes (académiques et « de terrain ») sur les camps
afin d’améliorer la connaissance sur leur existence, leur gestion et les atteintes aux
droits des encampés.
- Organisation d’une série de séminaires de recherche (voir plus loin programme),
quelques enquêtes de terrain (y compris par des doctorants) pour réaliser, au final, une
publication (avec photos) chez Flammarion destinée à restituer la recherche.
- Un site avec une cartographie juridique des camps (et alimentée par le réseau) qui
pourrait permettre de coordonner la réalisation de recours et de missions cliniques
d’assistance juridique aux encampés par des étudiants de M2 formés à l’asile et/ou des
doctorants et des bénévoles.
Responsables par pays ou région
Les responsables par région sont chargés de centraliser l’information sur les camps qui
existent dans leur région et de trouver des contacts locaux qui participent à la gestion des
camps pour réaliser la cartographie interactive des camps.
- Jelena APARAC (doctorante à Paris Ouest et consultante en droit international humanitaire) :
Afrique
- Julien THERON (chercheur et juge à la CNDA): Moyen-Orient
- Edith VANSPRANGHE (doctorante à Paris VIII) : Haïti
- Laurence DUBIN (Professeure à Paris VIII) : France
- Eve SHASHAHANI (Avocate et membre du GISTI) : Grèce, Italie
- Mouloud BOUMGHAR (Professeur) : Turquie (à confirmer)
- Yara BURKA : Sud Soudan, Mauritanie (à confirmer)
1
Il reste encore à déterminer des responsables pour la région Amérique du Sud, Asie,
Australie.
Auditeurs libres associés au projet
Elia ALEXIOU, Jelena APARAC, Marc BERNARDOT, Clémentine BORIES-FONTANA GIUSTI,
Rony BRAUMAN, Christel COURNIL, Sylvie DUMANOIR, Eléonore GABRIEL, Maria GKEGKA,
Evelyne LAGRANGE, Pierre-François LAVAL, Gilles LHULLIER, Rachel LUCAS, Alexis MARIE,
Elsa MARIE, Jean MATRINGE, Stéphanie MILLAN, Frédéric OBERSON Marianna PASCHOU,
Catherine PUIGELIER, Stéphanie RAPIN, Serge SLAMA, Florence TOIX, … (liste non
exhaustive).
II. Présentation générale du projet
Selon les travaux menés par Michel AGIER, les camps concerneraient aujourd’hui près de
vingt millions de personnes ayant fui les conflits, la misère ou les catastrophes écologiques.
Sans doute, ce chiffre est-il loin de la réalité puisqu’on dénombre, selon les statistiques du
HCR de 2015, 65,3 millions de déracinés dans le monde dont 21,3 millions sont des réfugiés
ayant quitté leur pays et 40,8 millions des « déplacés internes » qui ont quitté leur foyer sans
quitter le pays (les 3,2 millions restant sont des demandeurs d’asile dans les pays
industrialisés). L’impossibilité même de chiffrer le nombre d’encampés est sans doute
révélatrice de l’invisibilité du phénomène d’encampement.
Même si elle est de plus en plus analysée par les sciences sociales, la notion de camp reste
encore peu appréhendée comme un phénomène juridique, c’est à dire comme un
phénomène organisé par des normes et des institutions. Le présent projet se propose donc
de clarifier le concept juridique de camp, d’analyser la gouvernance des camps qui peut-être
formellement organisée par des institutions publiques (les organisations internationales
comme le Haut Commissariat des Réfugiés, les instances onusiennes dans le cadre
d’opérations de maintien de la paix …) ou privées (organisations non gouvernementales à
vocation humanitaire, entreprises privées de sécurité…) et les atteintes au droit que celle-ci
dissimule.
Ainsi, sur la base des travaux d’ores et déjà réalisés par des géographes, des sociologues, des
historiens et des anthropologues, le projet se propose d’identifier les formes contemporaines
des camps afin d’en donner une définition juridique (i). Après avoir mené cet exercice
préalable d’identification juridique, le présent projet identifiera les principaux acteurs
participant à la gouvernance des camps (ii) pour, enfin, s’intéresser aux normes
juridiques applicables aux camps et aux régimes de responsabilité, i.e. aux conséquences
juridiques résultant de la violation de ces normes applicables, et plus généralement des droits
fondamentaux des personnes « encampées » (iii).
(i). Identification juridique des camps ou du phénomène « d’encampement »
Si l’on assiste à une banalisation dans l’utilisation du terme même de « camps » qui en soi est
significative de la massification des procédés d’enfermement, la notion même de camp
nécessite d’être mieux cernée et articulée avec d’autres termes voisins. Campements illicites,
bidonvilles, ghettos, centres de détention ou de rétention, zones d’attente, hot spots, les
vocables se multiplient pour désigner, et parfois justifier, les procédés organisés ou spontanés
d’encampement.
2
Certaines figures contemporaines des camps sont connues et identifiables ; il en va ainsi des
camps de réfugiés situés au Moyen-Orient, en Afrique de l’Est (Soudan, Kenya avec le
fameux camp de Dadaad qui regroupe à lui seul 450000 personnes, Éthiopie, RDC…) ou
encore au Pakistan, qui abriteraient entre 5 et 7 millions de personnes poussées par la guerre
hors de leur pays. A actualiser
Apparaissent ensuite les camps de déplacés internes, qu’on peut évaluer à 1 500 faute de
données officielles, et qui comptent au moins 6 millions de personnes. Cette figure du déplacé
interne, apparue dans les années 1990, est sans doute la plus opaque bien qu’elle conditionne
de plus en plus l’octroi du statut de réfugié. Depuis l’apparition de la notion d’asile interne
(ou d’asile sur place), les pouvoirs publics réservent, en effet, l’octroi du statut de réfugié à
l’absence d’asile interne (c’est à dire à l’existence d’une zone « sûre » dans le pays de
nationalité ou de résidence habituelle du demandeur d’asile)1. Les camps de déplacés internes
sont essentiellement gérés par des organisations non gouvernementales et permettent de
mettre « doublement à l’écart les indésirables2 », d’une part, en camp ; d’autre part, loin des
frontières européennes. Le procédé de l’asile interne se voit, par ailleurs, répliqué et amplifié
par les dispositifs mis en place par les Etats européens et l’Union européenne pour
externaliser le traitement de la demande d’asile dans des pays tiers. L’accord entre l’Union
européenne et la Turquie se situe ainsi précisément dans cette optique, les Etats européens
souhaitant « déléguer » à la Turquie, considérée comme pays « sûr », le traitement des
demandes d’asile des migrants souhaitant accéder au territoire européen, ce qui ne manquera
pas de donner lieu à la création d’un nouveau camp en Turquie dont le financement sera, en
partie, européen.
A la différence des camps de réfugiés et de déplacés internes, censés assurer la protection des
personnes, existent d’autres camps qui, pour leur part, sont destinés à permettre leur
répression. Rentre bien sûr dans cette figure, celle du camp de Guantanamo qui fera l’objet
d’un traitement spécifique.
A côté de ces camps, existent par ailleurs des figures plus clandestines de camps peuplés de
migrants auto-installés dont une bonne part se situe en Europe. Ces regroupements de petite
taille, qu’on appelle aussi « ghettos » ou « jungles », sont installés le long des frontières ou
dans les interstices urbains – dans des friches, sous des ponts… –, à l’instar des campements
de migrants afghans de Calais et de Dunkerque ou des campements Roms de la région
parisienne.
Le trait commun de ces camps est de regrouper des indésirables, que ce soit des présumés
terroristes, des « migrants »… autant de vocables commodes qui permettent de masquer le fait
qu’ils peuvent appartenir à des catégories juridiques dotées d’un patrimoine de droits. Ainsi,
derrière les « migrants » encampés existent des demandeurs d’asile qui, au titre de la
Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés (article 33), bénéficient du droit de ne pas être
renvoyé dans leur pays d’origine ou de résidence habituelle. De même, derrière les
campements de « Roms », existent des citoyens européens ayant droit, en tant que tels, à une
liberté de circulation de moins de trois mois et à un traitement non discriminatoire dans
l’accès aux droits économiques et sociaux… Enfin, de manière paroxystique, les camps de
1
Sur ce point, une veille de la jurisprudence de la Cour Nationale du Droit d’Asile sur la notion et l’application
de l’asile interne pourrait être mise en place.
2
Michel AGIER, Gérer les indésirables, des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, Paris,
Flammarion, bibliothèque des savoirs, 2008.
3
détention des présumés terroristes, comme le camp de Guantanamo ou les camps secrets de la
CIA ont été institués pour juger des « unlawful » combattants, catégorie juridique créée ab
initio par l’administration américaine pour dénier aux personnes détenues la qualité de
prisonniers de guerre au titre de la IIIème Convention de Genève. Le camp peut alors
apparaître comme un procédé juridique permettant de « désujetiser », i.e. soustraire les
personnes qu’il regroupe de leur qualité de sujets de droit.
(ii). La gouvernance des camps
S’il existe une grande diversité des formes d’encampement, toutes ont pour trait commun
l’opacité de leur gouvernance.
Les camps de réfugiés, pris en charge par le Haut Commissariat aux Réfugiés, bien qu’ils
soient légalement institués, posent ainsi des questions juridiques quant aux standards régissant
la bonne administration de ces camps et la responsabilité juridique du HCR. A cet égard, le
présent projet associera des responsables du HCR pour déterminer la façon dont l’institution
envisage sa responsabilité dans l’administration des camps. La gestion de certains camps de
réfugiés par le HCR a pu entrainer de véritables dommages dans le chef de migrants, comme
les massacres (en décembre 2005) de dizaines de Soudanais par la police égyptienne qui, au
côté des migrants qui avaient réussi à obtenir du HCR la fameuse carte jaune (protection
temporaire) ou la carte bleue (qualité de réfugié) réclamaient le bénéfice d’une réinstallation
dans un pays tiers et s’opposaient à leur rapatriement au Soudan. De même, la question de la
« sous-traitance » par le HCR auprès de multiples ONG pour intervenir auprès des réfugiés ou
des déplacés internes mérite attention, le HCR apparaissant aujourd’hui comme la plus grande
agence onusienne ordonnatrice de « gouvernements humanitaires »3 spécifiques à chaque
camp.
Les récents hot spots mis en place par l’Union européenne en Grèce pour procéder au « tri »
des migrants afin de déterminer les demandeurs d’asile appellent, pour leur part, une analyse
particulière. Destinés à procéder à l’enregistrement des demandeurs d’asile, l’accès aux hot
spots permet, comme un fait-condition, de déclencher l’obtention du statut de demandeur
d’asile (et aucunement de réfugié) et la jouissance du principe de non-refoulement. A ce titre,
les administrateurs des hot spots sont investis d’un véritable pouvoir de décision qui
conditionne le statut juridique des personnes enfermées. Pour autant, la question de savoir qui
exerce ce pouvoir de décision reste entière. S’agit-il d’une décision imputable à l’Union
européenne ou à l’Etat d’accueil des hot spots ?
Les campements mis en place de manière spontanée par certaines populations vulnérables
(comme les Roms) font, pour leur place, l’objet d’une gouvernance qui reste principalement
marquée par l’exercice par l’Etat d’accueil d’un pouvoir de police administrative. Envisagés
comme étant contraires à l’ordre public (pour des questions de salubrité publique, de santé
publique), les camps sont ainsi appréhendés par l’Etat d’accueil lorsqu’il s’agit de les
démanteler, quitte à ruiner les efforts par ailleurs réalisés par les organisations non
gouvernementales pour permettre aux personnes « encampées » d’accéder à certains droits4
(droits à l’aide médicale d’Etat, scolarisation des enfants).
3
L’expression de gouvernement humanitaire est ici empruntée à Michel Agier et méritera d’être cernée sur le
plan juridique.
4
A ce titre, la gouvernance des campements de Roms fait songer à la distinction opérée par Pierre Bourdieu entre
la « main gauche de l’Etat » formée par les travailleurs sociaux dont la tâche consiste à réparer les dégâts sociaux
4
(iii). Droit applicable et responsabilité dans l’administration des camps
La question du droit applicable aux camps (droit humanitaire en cas de conflit armé, droit
international des réfugiés, droits fondamentaux) est bien sûr déterminante pour appréhender
les régimes de responsabilité, i.e. les conséquences juridiques des violations des normes
applicables à la gestion des camps. Il reste que le droit international (dans ses diverses
branches) ne permet sans doute pas de couvrir toutes les figures précédemment identifiées des
camps. Il en va ainsi des camps de déplacés internes qui furent administrés par une instance
onusienne spécifique, le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires
Humanitaires, et qui sont dorénavant administrés par le HCR ou par des ONG. Les camps
offrent alors à voir des modes spontanés d’organisation, avec la tenue de véritables élections
de représentants des populations « encampées », une distribution des diverses fonctions (accès
aux services essentiels d’eau, d’électricité, à l’éducation, à la santé…) à divers acteurs privés
(ONG et entreprises privées) sans intervention de puissance publique. A ce dernier égard, les
camps, en tant qu’objet juridique, apparaissent comme un laboratoire d’analyse du
phénomène du pluralisme juridique, c’est à dire de création de normes et d’institutions
organisant des « structures du vivre ensemble non étatiques ».
III. Programme des séminaires
Tous les séminaires mettront en lien deux ou trois experts du thème. Chacun d’entre eux
présentera un thème en particulier et une discussion aura lieu entre tous les participants du
réseau (responsables régionaux, auditeurs libres…).
ANNEE 1 – 2016-2017 – LE CAMP EN DROIT
Réunion préparatoire, 13 septembre, 14h à Paris 8
Voir Compte rendu dans le document annexe
Séminaire 1. Identification du concept – Approche historique (18 octobre) – Paris VIII,
15h30-18h30
Identifier les camps dans leurs manifestations contemporaines nécessite dans un premier
temps de les analyser selon une approche socio-historique. Sous l’apparence d’une
physionomie moderne, les camps de réfugiés ou les camps de déplacés internes ne renvoientils pas à un phénomène concentrationnaire par lequel l’Etat maintient des personnes
étrangères en quête de protection ou d’une vie meilleure dans des lieux de non droit ou
d’infra-droit ? Afin de mieux éclairer les contours contemporains des camps, il convient sans
doute d’en restituer les contours historiques.
Olivier CLOCHARD pourra ainsi présenter ses travaux sur le phénomène historique des camps.
Comme il l’a très bien analysé, la séquence historique de la Seconde Guerre mondiale
présente un intérêt majeur pour définir les camps mais ces derniers se révèlent en réalité
contemporains de la mise en place d’une politique migratoire restrictive. Ainsi, l’origine
d’une « main droite de l’Etat » formée de gestionnaires appliquant à la gestion publique des principes de
rentabilité économique, P. Bourdieu, « La démission de l’Etat », La misère du monde, Paris, Seuil, 1993.
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officielle des camps date du mois de novembre 1938 lorsqu’une loi sur les « étrangers
indésirables » fut adoptée. A l’époque, les camps étaient présentés comme des procédés non
pas racistes mais, au contraire, nécessaires d’un point de vue « humanitaire » puisqu’ils
permettaient de satisfaire les besoins de logement et de nourriture des étrangers indésirables…
Pierre-Olivier CHAUMET, historien du droit, pourra revenir, selon une approche plus
microhistorique, sur le phénomène des camps destinés aux réfugiés espagnols.
Philippe RYGIEL, historien, discutera de manière plus générale les présentations des deux
intervenants et animera la discussion avec les membres du réseau.
Séminaire 2. Identification du concept – Approche anthropologique et philosophique (9
décembre) 14h- 17h
Michel AGIER, Etienne TASSIN, Aurore MREJEN.
Pour comprendre les camps dans leurs manifestations contemporaines et les définir, les écrits
d’Hannah ARENDT sur le système concentrationnaire s’avèrent d’une grande utilité. C’est
pour cette raison que le séminaire débutera avec une approche philosophique, à l’aune des
écrits d’Arendt, du phénomène concentrationnaire avec Aude MREJEN.
Très souvent, par ailleurs, les camps sont associés au public des indésirables. Qu’est-ce qu’un
indésirable aujourd’hui ? Etienne TASSIN, philosophe et Michel AGIER, anthropologue,
présenteront leur analyse sur ce point
Séminaire 3. Identification du concept – Approche juridique du point de vue du droit
interne (Février 2017)
Danièle LOCHAK (à confirmer), Marie-Laure BASILIEN GAINCHE (approche droit comparé
France, Italie, Grèce, Hongrie), Karine PARROT, Claire RODIER
Séminaire 4. Ientification du concept – Approche juridique du point de vue du droit
international (Mai 2017)
Il serait intéressant ici de faire une analyse du guide des bonnes pratiques d’administration
des camps adopté par le HCR.
Vincent CHETAIL, Jean MATRINGE (à confirmer), François CREPEAU (à confirmer)
Fin 2017 : programme des enquêtes de terrain et détermination des camps où la
recherche/action pourra être entreprise
ANNEE2 – 2017/2018 – LE DROIT DANS LE CAMP
Séminaire 1. L’organisation juridique interne par les « encampés » – Aspects de
gouvernance privée (aspects politiques et économiques)
Intervenants prévus : Marie-Laure NIBOYET, Rony BRAUMAN, Yara BURKA
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Séminaire 2. L’organisation juridique externe, aspects de gouvernance publique
Intervenants prévus : Marie-Clotilde RUNAVOT, un représentant du HCR, un représentant de
l’OCHA, un responsable de l’UE
Séminaire 3. Les atteintes aux droits des encampés
Intervenants prévus : Bérangère TAXIL
Séminaire 4. Restitution des enquêtes de terrain
Séminaire 5. Régime(s) de responsabilité
Intervenants prévus : Pierre BODEAU-LIVINEC
Séminaire 6. Synthèse / restitution du projet
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