Auschwitz, Buchenwald, Dachau... Et le monde

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Auschwitz, Buchenwald, Dachau... Et le monde
Auschwitz,
Buchenwald,
Dachau... Et le monde découvrit
l'enfer.
PUBLIÉ LE 28/01/2015
En 1945, la libération des camps par l'Armée rouge provoqua une onde de choc.
L'historienne Annette Wieviorka la fait revivre à travers le périple du reporter américain
Meyer Levin, premier à prendre la mesure de l'univers concentrationnaire. À la mémoire
des survivants succèdera, des années après, une mémoire de la Shoah.
De la destruction des Juifs d'Europe, de la "Solution finale", de ce que le langage commun
nomme aujourd'hui Shoah, il n'est pas question dans l'immédiat après-guerre. Pas plus que
d'Auschwitz. Ne serait-ce que parce que la majorité des témoignages viennent des camps de
l'Ouest, alors que l'extermination a eu lieu dans l'Est, dans les camps polonais. La mémoire du
génocide est confinée aux survivants.
"Les rescapés sont certes accueillis, mais leurs récits sont inaudibles, remarque l'historienne. Et,
aux Etats-Unis, en France, comme en Israël, on leur suggère de se taire. C'est le temps des
combattants, des héros, et celui de la suspicion sur les victimes." L'image dominante est celle du
déporté résistant héroïque, interné à Buchenwald, celle de Nuit et brouillard (1955), d'Alain
Resnais, le film le plus projeté dans les écoles de la République. Même constat dans la littérature,
où l'idée qui prévaut est que seuls les survivants peuvent témoigner. "Les hommes normaux,
écrit David Rousset, ne savent pas que tout est possible. Même si les témoignages forcent leur
intelligence à admettre, leurs muscles ne croient pas. Les concentrationnaires savent."
L'interrogation morale domine -comment peut-on en arriver là, que signifie une telle déchéance
sur la nature de l'homme? -chez Robert Antelme (L'Espèce humaine, 1947), mari de Marguerite
Duras, et Louis Martin-Chauffier (L'Homme et la bête, 1947). Le journaliste Meyer Levin n'est pas
en reste : "Les hommes avaient en eux ce qui leur a permis de faire cela et nous étions de la
même espèce", écrit-il dans In Search (1951), récit de sa découverte des camps, doublé d'une
réflexion sur l'identité juive, bien avant les écrivains de l'"école de New York", Malamud, Bellow,
Roth (Philip). L'une des rares tentatives d'appréhender le système est celle d'Eugen Kogon,
catholique autrichien déporté de 1939 à 1945, auteur de L'Etat SS, mi-témoignage, mi-enquête.
Le changement d'angle s'opère en 1961, avec l'ouverture du procès d'Adolf Eichmann,
ordonnateur de la "Solution finale", responsable du rassemblement puis du transport des Juifs
vers les camps de la mort. Ce procès fait appel aux témoins, "seul moyen, de faire toucher du
doigt la vérité", selon le procureur général, l'Israélien Gideon Hausner. Pour la première fois, le
sort spécifique des Juifs et la distinction entre camps de concentration et camps d'extermination
sont appréhendés. En 1973, les organisations juives américaines se fixent l'objectif de conserver
la mémoire de l'"Holocauste" (étymologiquement, "sacrifice par le feu"), avec une majuscule. Les
cours sur le sujet se multiplient dans les universités américaines. Quatre ans plus tard, le
feuilleton hollywoodien du même nom, croisant le destin de deux familles allemandes, l'une juive,
l'autre nazie, est vu par plus de 120 millions de téléspectateurs, ancrant un peu plus le terme
dans le monde anglo-saxon.

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