Télécharger l`avis - Commission de la sécurité des

Transcription

Télécharger l`avis - Commission de la sécurité des
REPUBLIQUE FRANCAISE
----
COMMISSION DE LA SECURITE DES CONSOMMATEURS
3, rue Blanche
75009 PARIS
Tél : (1) 48 74 01 06
Paris, le 2 juillet 1986
AVIS
RELATIF AUX SUBSTITUTS DE L’EAU DE JAVEL
LA COMMISSION DE LA SECURITE DES CONSOMMATEURS,
Vu la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983, relative à la sécurité des consommateurs et modifiant
diverses dispositions de la loi du 1er août 1905, notamment ses articles 2, 3, 5, 7, 8, 14, 15
et 16 ;
Vu le décret n° 84-270 du 11 avril 1984, relatif à la commission de la sécurité des
consommateurs et notamment ses articles 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 ;
Vu le décret du 7 juin 1984 ;
Vu l’arrêté du 19 octobre 1984 ;
Vu la requête du centre régional de la consommation du Nord-Pas-de-Calais adressée à la
commission de la sécurité des consommateurs et enregistrée sous le numéro 85-156 ;
Considérant que la saisine du centre régional de la consommation du Nord - Pas-deCalais portait sur des pastilles de produit désinfectant, ci-après dénommées substituts de
l’eau de Javel, commercialisées sous la marque Kloros, et qui, selon le centre régional,
prêtaient à confusion avec des friandises tant par leur forme que par leur emballage et
présentaient donc des risques sérieux pour la sécurité et la santé des enfants ;
Considérant que, au cours de l’instruction, la société Kloros-France qui importe ces
pastilles de Belgique et les commercialise en France, a attiré l’attention de la commission de
la sécurité des consommateurs sur la présence en France d’autres pastilles de substituts de
l’eau de Javel vendues au grand public (sous la marque La Croix, par la société LesieurCotelle dans quatre « marchés-tests » à Albi, Mazamet, Pontarlier et Fécamp) ou à des
collectivités (hôpitaux, piscines...) par diverses entreprises, et notamment par les sociétés
Bayrol, Mercier, Chiminter (sous la marque Sanexal) et Hydrocure ;
Considérant que l’eau de Javel et ses substituts sont, en tant que puissants
bactéricides, des produits de désinfection et d’hygiène particulièrement utiles pour les
consommateurs, les collectivités et les hôpitaux ;
Considérant cependant qu’il importe de vérifier si ces produits présentent la sécurité à
laquelle on peut légitimement s’attendre, conformément à l’article 1er de la loi du 21 juillet
1983, dans des conditions normales d’utilisation
ou dans d’autres conditions
raisonnablement prévisibles, notamment de la part de jeunes enfants ;
Considérant que, à cet effet, il convient de distinguer les caractéristiques
toxicologiques du produit, les données épidémiologiques le concernant ainsi que les
conditions d’emballage et d’étiquetage.
Considérant que les pastilles substituts d’eau de Javel, de marque Kloros et La Croix,
contiennent un corps chimique actif spécifique, le sel de sodium de l’acide
dichloroisocyanurique, qui, une fois dissous dans l’eau, se transforme en hypochlorites
alcalins (eau de Javel) ;
Considérant que, outre le dichloroisocyanurate de sodium, le produit Kloros est
composé de carbonate de sodium, de colorant azurant et d’acide organique et qu’une
pastille dissoute dans l’eau donne un degré chlorométrique de 0,5 avec un pH de 7 ;
Considérant que le produit de marque La Croix est également un sel de sodium de
l’acide dichloroisocyanurique à 30 ou 50 p. 100 additionné d’agents effervescents et qu’une
pastille dissoute dans un litre d’eau donne une solution de 0,3 degré chlorométrique avec un
pH de 4,75 ;
Considérant qu’il existe des produits analogues à base d’acide dichloroisocyanurique
ainsi que de ses sels de sodium ou de potassium ou d’acide trichloroisocyanurique
autrement dit trichloro S triazine-2-4-6 trione qui sont mis sur le marché notamment à l’usage
des collectivités, par les sociétés Bayrol, Mercier, Chiminter et Hydrocure ;
Considérant que le produit utilisé en interaction avec l’acide chlorhydrique provoque
une libération de chlore qui est de 230 cm3 pour une pastille La Croix et de 501 cm3 pour une
pastille Kloros, selon les indications fournies par le laboratoire interrégional de la
D.G.C.C.R.F. de Marseille ;
Considérant que le produit utilisé dans des conditions normales par un adulte ne
présente aucun risque particulier à conditions qu’il ne soit pas associé à un produit acide,
comme c’est parfois le cas avec les détartrants qui sont versés dans les cuvettes de W.-C. ;
Considérant en revanche, que, dans le cas où il serait ingéré par un enfant, le produit
pourrait présenter, selon le centre antipoison de Lille, un risque de lésion des muqueuses
par transformation en hypochlorite de sodium au contact de l’eau et un risque de lésion
bronchique par libération de vapeurs de chlore ;
Considérant que l’existence théorique de ce risque ne peut être à ce jour précisée par
les données épidémiologiques multiples en provenance des centres antipoison interrogés
par la commission de la sécurité des consommateurs et par le ministère de la santé dans la
mesure où les produits Kloros et La Croix n’ont fait qu’une apparition récente et
géographiquement limitée sur le marché français, où ces centres n’intègrent les produits
nouveaux dans leur système informatique qu’un an ou plus après leur mise sur le marché et
où les intoxications par pastilles ne sont pas toujours distinguées, dans les statistiques, des
intoxications provoquées par de l’eau de Javel (hypochlorites alcalins) ;
Considérant cependant que les dossiers transmis à la commission de la sécurité des
consommateurs font état de deux intoxications dues à des produits analogues survenues
l’une à Bruxelles et l’autre à Lyon ainsi que de neuf cas d’intoxications - dont les
circonstances, à terme, n’ont pas pu être précisées - dus à l’ingestion de pastilles pour la
stérilisation des biberons et ce malgré la sensation désagréable provoquée par le produit au
niveau de la muqueuse buccale qui est soulignée par les importateurs et les fabricants et
notamment par la société Lesieur-Cotelle ;
Considérant que, le risque d’ingestion par des enfants est sensiblement accru par la
nature et la fragilité des emballages dans lesquels sont présentées les pastilles de substituts
de l’eau de Javel ;
Considérant en effet que, au terme des expertises confiées au Laboratoire national
d’essais, il apparaît que les pastilles de marque Kloros qui sont présentées sous blister
transparent, en petit pot opaque de 52 pastilles et en blister métallisé, sous étui cartonné, et
les pastilles de marque La Croix qui sont commercialisées sous blister transparent avec
verso métallisé sont accessibles à des enfants dont l’âge est compris entre trois ans et
quatre ans ;
Considérant que le code des pratiques loyales et des usages des fabricants de
produits d’entretien prévoit notamment que :
« Les fabricants ne doivent pas donner à leurs produits certaines formes physiques ou
présentations de nature à créer, pour les utilisateurs ou leurs proches, une confusion avec
des produits de nature différente, notamment alimentaires, pharmaceutiques ou
cosmétiques.
« Chaque fois que la nature d’un produit ou ses conditions d’utilisation l’exigeront, les
fabricants rechercheront les moyens de pallier ces dangers. Par exemple : fermetures de
sécurité pour enfants ou indications tactiles de danger pour aveugles (lorsque des solutions
techniques seront disponibles) » ;
Considérant que, au demeurant, les fabricants Kloros et Lesieur-Cotelle ont fait état
dans les observations qu’ils ont transmises à la commission de la sécurité des
consommateurs, de leur souci d’améliorer à l’avenir la présentation et l’emballage de leurs
produits pour éviter toute confusion avec des confiseries, et un accès direct à toutes les
doses présentées dans le même emballage.
Considérant que, en l’état actuel des textes français et communautaires, une
préparation désinfectante à base de sel de sodium de l’acide dichloroisocyanurique peut être
mise en vente sans étiquetage de danger particulier ;
Considérant toutefois que, conformément à l’article 1er de la loi du 21 juillet 1983, il est
de la responsabilité des professionnels mettant une telle préparation sur le marché d’avertir
le consommateur des risques liés au produit dans des conditions d’utilisation normales et
raisonnablement prévisibles et d’indiquer les précautions à prendre ;
Considérant que la société Lesieur-Cotelle a déjà adopté un étiquetage mettant en
garde les utilisateurs et que, par lettre du 30 juin 1986, la société Kloros-France s’est
engagée dans le même sens.
EMET L’AVIS SUIVANT :
1. Sans remise en cause de l’intérêt qu’elle présente pour la collectivité, à des fins de
désinfection et d’hygiène, l’utilisation des produits javellisants concentrés ou solides,
notamment des pastilles de substituts de l’eau de Javel, présente des risques pour la
sécurité des manipulateurs et, en particulier, des enfants.
2. La connaissance de ces risques devrait être régulièrement complétée :
- par des études de toxicité aiguë sur chaque produit nouveau et sur les
traitements proposés par les centres antipoison ;
- par les rapports que devraient établir régulièrement les centres antipoison et
la commission de toxicovigilance sur les accidents observés avec des produits
javellisants.
3. Les substituts de l’eau de Javel ne devraient être mis ou maintenus sur le marché que s’ils
satisfont aux quatre objectifs de sécurité suivants :
a) Emballage protecteur résistant à un risque d’ouverture, de rupture ou de
dégradation de la part des enfants ;
b) Etiquetage portant l’indication claire des symboles de danger, des conseils de
prudence tels « conserver hors de portée des enfants », des mesures devant être prises en
cas d’accident et des phrases de risques, conformément au guide de classification et
d’étiquetage des substances et préparations dangereuses (directive de la commission du 29
juillet 1983 n° 83-467 C.E.E., portant cinquième adaptation au progrès technique de la
directive 67.548 C.E.E. du conseil) ;
c) Elimination de tout risque de confusion avec des produits alimentaires et, en
particulier, avec des confiseries ;
d) Etude de la présentation du conditionnement global préalable à toute diffusion
du produit sur le marché.
4. En l’état du dossier, le point 3 du présent avis s’applique aux substituts de l’eau de Javel
mis, ou susceptibles d’être mis, sur le marché par les sociétés Kloros-France, LesieurCotelle, Chiminter, Bayrol, Mercier et Hydrocure.
5. Le ministre chargé de la consommation et les ministres intéressés devraient veiller au
respect des objectifs de sécurité énumérés au point 3 du présent avis, en faisant application,
en tant que de besoins, des articles 5, 7, 3 et 2 de la loi du 21 juillet 1983.
AVIS ADOPTE AU COURS DE LA SEANCE DU 2 JUILLET 1986
SUR LE RAPPORT DE M. LE PROFESSEUR FOURNIER