OTC en vente libre : Quels risques pour quels

Politique de santé International
OTC en vente libre
Quels risques pour
quels bénéfices ?
DR
Au moment où Roselyne Bachelot se déclare favorable aux
OTC en accès libre dans les officines, nos voisins anglais
mettent en garde leurs concitoyens sur l’abus d’OTC.
L
e British Medical Journal vient
de mettre en garde les médecins
après plusieurs décès liés à l’abus
de médicaments OTC contenant une association antalgique et
dérivé morphinique faible, chez nos
voisins britanniques. Dans la foulée,
une mission parlementaire a été chargée d’évaluer la possibilité d’interdire
la vente libre de ces médicaments. Les
auteurs du BMJ rappellent notamment qu’il est nécessaire d’évaluer le
rapport bénéfice/risque d’un médicament avant de le laisser en libre accès
à la portée du consommateur. Cette
évaluation doit tenir compte du risque, notamment de mésusage. Les
avantages liés à l’utilisation de produits OTC sont connus. Les patients
ne sont pas obligés de consulter leur
généraliste avant de s’auto prescrire le
médicament en cas de rhume des foins
ou de mal de gorge. La contraception
d’urgence en libre accès est par ailleurs
à mettre sur le compte des avantages
de l’OTC. Pour la Sécurité sociale, le
bénéfice est tout aussi évident, puisque ces médicaments ne sont pas
remboursés et ne font pas suite à une
consultation. Mais cette économie
serait en réalité minime – estimée à
moins de 1,5 million d’euros entre
2008 et 2010, selon une récente analyse de Smart Pharma Consulting –,
si on la compare au déficit de l’assurance-maladie (9,5 milliards d’euros).
Pour les pharmaciens, la même étude
prévoit une augmentation du chiffre
d’affaires annuelle également faible,
de 1 200 euros soit une marge brute
de 465 euros.
Les risques de l’OTC
L’accès libre des médicaments soulève
des questions de sécurité d’emploi. Le
risque de retard au diagnostic peut
sembler être problématique. Mais ce
souci correspond-il à la réalité clinique ? Probablement pas. Car les malades sentent généralement bien quand il
Rhume : les médicaments OTC sont-ils efficaces ?
En 2002, une étude publiée dans le très sérieux BMJ a analysé l’efficacité des
médicaments OTC utilisés pour traiter le rhume à travers la littérature médicale des études réalisées en double aveugle. La conclusion de cette étude est la
suivante : « Les médicaments OTC destinés à traiter le rhume ne peuvent pas
être recommandés, en raison du manque de preuve de leur efficacité. » On
pouvait s’attendre à un tel résultat en raison de l’efficacité purement symptomatique de ces traitements. Mais, si l’on s’en tient à cette étude, comment
concevoir le rôle de conseil du pharmacien pour les produits OTC dans le
rhume. Il est difficilement envisageable que le pharmacien dise aux enrhumés
que ces médicaments peuvent représenter une dépense inutile. Ce que cette
étude suggère en toutes lettres !
leur est
nécessaire
de consulter et
quand ils peuvent commencer à se
soigner eux-mêmes. La question des
abus médicamenteux par mésusage
des antalgiques associés à un opioïde
faible est beaucoup plus réelle, à tel
point que les associations contenant
du dextropropoxyphène ne sont plus
en vente en Angleterre, au Danemark,
en Suède, en Suisse… Cependant, ces
antalgiques ne devraient théoriquement pas être en vente libre en France.
Les risques liés à la vente sur Internet
sont beaucoup plus préoccupants que
ceux liés à l’accès libre en pharmacie. En Grande Bretagne, plusieurs
millions de personnes achètent leurs
médicaments sur le net, sans aucune
garantie de qualité et de sécurité (faux
médicaments, surdosage, substances
illicites…). Les NHS comme les laboratoires ont souvent mis l’opinion
publique en garde à ce sujet. Du côté
des effets indésirables, une initiative
anglaise semble pertinente : le système
de la Yellow Card institué par l’équivalent anglais de l’AFSSAPS. Tout
consommateur de médicaments ou de
plantes médicinales ou tout personnel
de santé peut signaler un possible effet secondaire via ce système, effet qui
est ensuite analysé. Un système qui est
de nature à sécuriser la diffusion des
OTC. n
Emmanuel Cuzin
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PHARMACEUTIQUES - MAI 2008