NOTIONS DE DENSITE POUR LA MESURE DE LEBESGUE

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NOTIONS DE DENSITE POUR LA MESURE DE LEBESGUE
NOTIONS DE DENSITE
POUR LA MESURE DE LEBESGUE
LANDURE Ludovic
MUNIER Julien
sous la direction de DEPAUW Nicolas
Le 27 avril 1999
1
TABLE DES MATIÈRES
Table des matières
1 Introduction à la notion de densité
1.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Des exemples de calcul de densité. .
1.2.1 DE (0) 6= DE (0) . . . . . . .
1.2.2 DE (0) = 0 et DE (0) = 1 . .
2 Le théorème de la densité
2.1 Enoncé . . . . . . . . . . . .
2.2 Une approche par une tribu
2.2.1 Est-ce une tribu? . .
2.2.2 Les ouverts . . . . .
2.3 Un lemme de recouvrement
2.4 Une approche ensembliste .
2.5 Une approche fonctionnelle .
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2
2
2
3
4
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5
5
5
5
8
9
11
13
3 Une application du théorème de la densité
20
4 Conclusion
22
5 Annexe
23
1 INTRODUCTION À LA NOTION DE DENSITÉ
1
1.1
2
Introduction à la notion de densité
Définitions
Le sujet de notre séminaire est l’étude de la densité d’un ensemble E en
un point x de Rn . Pour cela nous devons d’abord définir une densité partielle :
Définition 1 :
Soit E un ensemble mesurable et δ > 0.
On définit alors :
DE,δ (x) =
m(E ∩ B(x,δ))
m(B(x,δ))
De cette définition, nous étudions la limite de cette quantité lorsque δ tend
vers 0 que l’on notera DE (x). Cette limite peut ne pas exister. Nous allons
donc définir deux notions supplémentaires, une densité supérieure, D E (x) et
une densité inférieure, D E (x). On a donc les définitions suivantes :
Définition 2 :
Soit E un ensemble mesurable et δ > 0.
On définit alors :
D E (x) = lim sup DE,δ (x)
δ→0
D E (x) = lim inf DE,δ (x)
δ→0
DE (x) = lim DE,δ (x)
δ→0
1.2
Des exemples de calcul de densité.
Tout d’abord, nous allons prouver que les deux notions de densité supérieure
et inférieure sont justifiées. Pour cela, nous considérons des ensembles du
type :
∞
[
E =
] − x2n , − x2n+1 [∪]x2n+1 ,x2n [,où (xn )n∈N est une suite décroissante
n=0
positive tendant vers 0. Et on va étudier la densité de E en 0.
1 INTRODUCTION À LA NOTION DE DENSITÉ
1.2.1
3
D E (0) 6= D E (0)
Nous allons étudier le cas où la suite vaut (2−n )n∈N et la limite de DE,δ (0)
lorsque δ parcours la suite (x2k ) et la suite (x2k+1 ).
Voyons d’abord le cas où δ parcours (x2k ). On remarque que, par la
décroissance de xn , on a l’égalité suivante :
E ∩ B(0,x2k ) =
∞
[
] − x2n , − x2n+1 [∪]x2n+1 ,x2n [
n=k
On en déduit que :
DE,x2k (0) =
=
∞
X
2(x2n − x2n+1 )
n=k
∞
X
n=k
2x2k
2−2n − 2−(2n+1)
2−2k
∞
1 X −2n
2
= 2 (1 − )
2
2k
n=k
1
1
×
=
2 1 − 2−2
1 4
×
=
2 3
2
=
3
Puis, le cas où δ parcours (x2k+1 ). On remarque que, par la décroissance
de xn , on a l’égalité suivante :
E ∩ B(0,x2k+1 ) =
∞
[
] − x2n , − x2n+1 [∪]x2n+1 ,x2n [
n=k+1
D’où :
DE,x2k+1 (0) =
=
∞
X
2(x2n − x2n+1 )
2x2k+1
n=k+1
1
3
1 INTRODUCTION À LA NOTION DE DENSITÉ
4
On en déduit que :
– DE (0) ≤ 1/3
– DE (0) ≥ 2/3
Et donc : D E (0) 6= D E (0)
1.2.2
D E (0) = 0 et DE (0) = 1
Pour trouver un tel cas, le principe est simple. En effet, il suffit de prendre
xn+1
une suite (xn )n∈N telle que : xn xn+1 (c’est-à-dire: lim
= 0). Par
n→+∞ xn
exemple, xn = n−n vérifie cette hypothèse.
Etudions d’abord le cas où δ parcours (x2k ). On remarque que, par la
décroissance de xn , on a l’égalité suivante :
E ∩ B(0,x2k ) =
∞
[
] − x2n , − x2n+1 [∪]x2n+1 ,x2n [
n=k
On en déduit que :
(2k)−2k − (2k + 1)−(2k+1)
DE,x2k (0) ≥
(2k)−2k
1
≥ 1−
2k + 1
De même, on montre que :
E ∩ B(0,x2k+1 ) =
∞
[
] − x2n , − x2n+1 [∪]x2n+1 ,x2n [
n=k+1
donc :
(2k + 2)−(2k+2)
(2k + 1)−(2k+1)
1
≤
2k + 2
DE,x2k+1 (0) ≤
En faisant tendre k vers +∞, on obtient :
– D E (0) = 1
– D E (0) = 0
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
2
5
Le théorème de la densité
Une fois ces définitions posées, notre étude consiste à prouver le théorème
suivant :
2.1
Enoncé
Théorème 1 (Théorème de la densité) :
∀E ∈ L(Rn ), où L(Rn ) désigne la tribu de Lebesgue,
– DE (x) = 1 pour presque tout x ∈ E,
– DE (x) = 0 pour presque tout x ∈
/ E.
ou, ce qui revient exactement au même :
DE (x) = 1E (x) pour presque tout x ∈ Rn .
Ce théorème étant local, nous pouvons restreindre l’étude aux ensembles
E de mesure finie. En effet, dans le cas d’un ensemble E de mesure infinie,
on vérifie le théorème pour E ∩ B(x,n), pour n ∈ N, sachant que les densités
en x de E et de E ∩ B(x,n) sont égales. Une fois que c’est vrai pour tout
n dans
[N, on a alors que c’est vrai aussi pour E tout entier en considérant
E=
(E ∩ B(x,n)) et en passant à la limite dans les deux membres lorsque
n∈N
n → +∞.
2.2
Une approche par une tribu
Face à ce problème, notre idée a été d’essayer de montrer que T , l’ensemble des ensembles E qui vérifient le théorème de la densité est une tribu,
puis voir que cette tribu contient la tribu de Lebesgue
2.2.1
Est-ce une tribu ?
Pour montrer que c’est une tribu, il faut vérifier deux choses :
– que T est stable par passage au complémentaire
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
6
– qu’une union dénombrable d’éléments de T appartient encore à T .
Passage au complémentaire :
Supposons que E vérifie le théorème de la densité. Qu’en est-il alors de
E ?
on a :
B(x,δ) = (E ∩ B(x,δ)) ∪ (E c ∩ B(x,δ))
c
Cette union est disjointe, donc :
m(B(x,δ)) = m(E ∩ B(x,δ)) + m(E c ∩ B(x,δ))
ie :
∀x ∈ Rn DE,δ (x) + DE c ,δ (x) = 1
On en déduit :
DE c (x) = 1 − DE (x) ∀x tel que DE (x) existe
= 1 − 1E (x)
= 1E c (x)
et donc, presque partout : DE c = 1E c
Remarque : on voit qu’en fait il suffirait alors de montrer que le théorème
est vrai à l’extérieur de E, car alors on a qu’il est vrai également à l’intérieur
en passant au complémentaire. Dans la suite de ce séminaire, nous proposerons une démonstration pour les points extérieurs, ce qui sera donc suffisant.
7
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
Union dénombrable :
Considérons (En )n∈N une suite d’ensembles vérifiant
le théorème de la
[
densité. Nous allons essayer de voir qu’alors E =
En le vérifie aussi :
n∈N
– si x ∈ E, alors définissons Mn = {x ∈ En /DEn (x) 6= 1}.
(DEn (x) 6= 1 contient aussi le cas où la densité n’existe pas)
Alors :
[
E = {x/∃n x ∈ En et DEn (x) = 1} ∪ ( Mn )
n
si x ∈ {x/∃n x ∈ En et DEn (x) = 1}, alors DEn (x) ≤ DE (x) ≤ 1
implique D[
E (x) = 1.
[
sinon x ∈ ( Mn ) et on a m( Mn ) = 0.
n
n
– si x ∈
/E
Malheureusement, l’exemple suivant nous montre qu’il est difficile de
conclure en ce qui concerne E, mais il ne constitue pas un contreexemple car {0} est de mesure nulle.
On prend pour n ∈ N, le borélien ainsi défini :
En = [−
1
1
1
1
, − (n+1) [∪] (n+1) , n ]
n
2
2
2
2
Alors :
∀n ∈ N,DEn (0) = 0
mais :
DE (0) = 1
car alors : E = [−1,0[∪]0,1]
Regardons ensuite si les ouverts, qui engendrent la tribu de Borel, sont
dans T :
8
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
2.2.2
Les ouverts
Soit U un ouvert quelconque de Rn .
– Si x ∈ U
∃r > 0, tel que B(x,r) ⊂ U
Alors :
∀δ < r,DU,δ (x) = 1
D’où aussi :
DU (x) = 1
– Si x ∈
/ U , alors deux cas se présentent :
– soit x ∈ U c \∂U , et le même raisonnement nous donne DU (x) = 0
– soit x ∈ ∂U , mais la mesure du bord de U n’est pas forcément
nulle. En effet, on peut trouver un contre-exemple où cette mesure est strictement positive :
Dans [0,1], on considère une suite (xn )n∈N dense, et ε > 0.
On forme alors U comme suit :
U=
[
]xn −
n∈N
1
1
,xn + n [
n
ε
ε
alors : m(∂U ) = m(U ) − m(U ◦ )
on a ici :
m(U ) = 1
et :
m(U ◦ ) ≤
X
m(]xn −
n∈N
≤
X
1
1
,x
+
[)
n
εn
εn
2.ε−n
n∈N
≤ 2.ε
Donc :
m(∂U )
=
=
>
m(U ) − m(U ◦ )
1 − 2.ε
0
9
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
dès que : ε <
1
2
Enfin, la tribu de Lebesgue contient, outre les boréliens, des ensembles
dits négligeables, car ils sont contenus dans des boréliens de mesure nulle. Ces
ensembles, qui apparaissent dès lors que l’on veut que la mesure de Lebesgue
soit complète, sont alors eux-mêmes de mesure nulle.
Donc le théorème de la densité est facile a vérifier :
Pour un tel ensemble négligeable noté N
∀x ∈ Rn ,DN (x) = 0
D’où :
DN (x) = 1N (x)
sauf si x ∈ N , qui est bien de mesure nulle.
Finalement, notre approche ne nous permet pas d’obtenir une preuve
valable du théorème. Ce problème n’est donc a priori pas trivial, ce qu’on
va voir dans les preuves qui suivront.
2.3
Un lemme de recouvrement
Il s’avère que notre approche est inefficace. Pour y remédier, nous avons
consulté diverses références dont le point commun est l’utilisation du lemme
suivant :
Lemme 1 :
Soit E un ensemble mesurable de Rn qui est recouvert par une famille de
boule,(Bλ )λ∈Λ , où Λ est un ensemble quelconque, et telle que les diamètres
des boules forment un ensemble borné. On a alors :
X
m(Bλk ) ≥ Cm(E)
∃K ⊂ N, ∃(λk )k∈K ∈ ΛK
k∈K
et ∀(k,j) ∈ K
2
Bλk ∩ Bλj 6= ∅ ⇐⇒ k = j
où C est une constante ne dépendant que de la dimension, n. Par exemple,C
égale à 5−n marchera.
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
10
Preuve :
Montrons que C = 5−n convient.
Choisissons notre première boule telle que :
rayon(Bλ1 ) ≥
1
sup(rayon(Bλ ))
2 λ∈Λ
Puis, par récurrence, choisissons Bλk+1 disjointe des Bλi ,i < k + 1 telle que
son rayon soit supérieur à la moitié de la borne supérieure des rayons des
boules disjointes aux boules déjà choisies. C’est à dire que l’on ait :
k
[
1
rayon(Bλk+1 ) ≥ sup{rayon(Bλ )/λ ∈ Λ et Bλ ∩
Bλn = ∅}
2
n=1
Maintenant, deux cas se présentent :
P
– 1) k∈K m(Bλk ) = +∞
P
– 2) k∈K m(Bλk ) < +∞
Le premier cas est trivial car l’infini est toujours supérieur ou égal à C.m(E).
Supposons donc que l’union de ces boules est de mesure finie :
Soit Bµ , µ ∈ Λ.
On veut montrer que Bµ n’est pas disjointe aux boules choisies.
On a à nouveau deux cas :
– 1) K est fini
– 2) K est infini
Dans le premier cas, on remarque immédiatement qu’il existe une boule
Bλk qui n’est pas disjointe avec Bµ .
Vérifions que l’on a le même résultat dans le deuxième cas.
Comme l’union des Bλk est de mesure finie et puisque les boules sont disjointes, on en déduit que le rayon des Bλk tend vers 0 lorsque tend vers ∞.
On a donc : ∃k ∈ K rayon(Bλk+1 ) < 12 rayon(Bj ).
Par la définition des Bλk , on en déduit que : ∃l ∈ {1,..,k} Bλl ∩ Bµ 6= ∅.
Conclusion : ∀µ ∈ Λ ∃l ∈ K Bµ ∩ Bλl 6= ∅
– Soit un tel l.
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
11
– Soit x ∈ Bµ ∩ Bλl .
– Soit y ∈ Bµ et c, le centre de Bλl .
N
Notons Bλk , la boule de même centre que Bλk et de rayon 5 fois plus grand.
On a les inégalités suivantes :
kx − yk ≤ 4rayon(Bλl )
kc − xk ≤ rayon(Bλl )
D’où : kc − yk ≤ N
5rayon(Bλl ).
S
Et : E ⊂ k∈K Bλk .
N
Or: m(Bλk ) = 5n m(Bλk
On en déduit que :
X
m(Bk ) ≥ 5−n m(E)
k∈K
2.4
Une approche ensembliste
Les restrictions faites en 2.1 et 2.2 nous permettent de nous limiter à
l‘étude du théorème suivant.
Théorème 2 :
Soit E un ensemble mesurable de mesure finie.
On a alors :
DE (x) = 0, pour presque tout x ∈
/E
preuve :
Soit At = {x ∈ Rn \E/ lim sup DE,r (x) > t}
| r→0 {z
}
D E (x)
et ε > 0.
Une propriété fondamentale de la mesure de Lebesgue nous donne l’assertion suivante :
Il existe un compact K ⊂ E tel quem(E\K) ≤ ε
12
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
On considère U = Rn \K, qui est un ouvert et qui va donc contenir des boules
centrées en chaque point.
On remarque immédiatement que : At ⊂ Rn \E ⊂ U .
On obtient alors, par la définition de At :
∀x ∈ At , ∃rx ∈]0,1[, B(x,rx ) ⊂ U
et :
DE,rx (x) =
m(B(x,rx ) ∩ E)
>t
m(B(x,rx ))
On pose alors : Λ = {B(x,rx )}, Λ est une famille de boules qui recouvrent At
et dont l’ensemble des rayons est borné.
Par le lemme de recouvrement, il existe une famille dénombrable de boules
disjointes {B(xi ,rxi )}i∈K⊂N , que l’on notera Bi , telle que :
X
m(At ) ≤ C
m(Bi )
i∈K
La définition des rx nous donne alors :
m(At ) ≤ C
X m(Bi ∩ E)
i∈K
t
Or, Bi ⊂ U et les Bi sont disjointes.
Donc :
C
C
m(At ) ≤ m(U ∩ E) = m(E\K)
t
t
D’où :
C
m(At ) ≤ ε
t
Cette inégalité est vraie pour tout ε.
Donc m(At ) = 0.
De même, ce résultat est vrai pour tout t.
[
La définition des At (on remarque que {x/D E (x) 6= 0} =
A 1 ) nous donne
n
n∈N
que la densité supérieure est nulle presque partout à l’extérieur de E.
On en déduit le théorème.
13
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
Comme nous l’avons déjà vu, ce théorème suffit pour démontrer le théorème
de la densité.
2.5
Une approche fonctionnelle
Une deuxième démonstration, dont le point de vue est en fait plus fonctionnel, s’appuie sur le théorème suivant :
Théorème 3 :
Pour f ∈ L1 (Rn ), on montre que :
Z
1
lim
f (y)dy = f (x) presque partout.
r→0 m(B(x,r)) B(x,r)
La démonstration de ce théorème nécessite d’introduire un lemme :
Lemme 2 :
Pour f ∈ L1 (Rn ), on note Mf la fonction maximale ainsi définie :
Z
1
M f (x) = sup
|f (y)|dy
0<r<1 m(B(x,r)) B(x,r)
Alors, on a :
A
∀α > 0,m({x,M f (x) > α}) ≤
α
Z
|f (x)|dx
Rn
avec A une constante qui ne dépend que de la dimension n.
Preuve du lemme :
14
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
On appelle Eα = {x,M f (x) > α}
Alors, par définition même de Eα
Z
∀x ∈ Eα ,∃r(x) ∈]0,1[,
|f (y)|dy > α.m B(x,r(x))
B(x,r(x))
On note Bx = B(x,r(x)), et on a alors que la famille {Bx }x∈Eα est bornée et
recouvre Eα .
On peut alors appliquer le lemme de recouvrement à cette famille, ce qui
nous donne :
∃(xk )k∈N , telle que :
– (Bxk )k∈N soit une suite de boules disjointes deux à deux
X
–
m(Bxk ) ≥ C.m(Eα )
k∈N
Alors :
Z
|f (y)|dy ≥
Rn
≥
Z
|f (y)|dy
∪k∈N Bxk
XZ
k∈N
≥ α.
|f (y)|dy
B xk
X
m(Bxk )
k∈N
≥ α.C.m(Eα )
D’où le résultat avec A=1/C :
m(Eα ) ≤
A
kf k1
α
Preuve du théorème :
Notons
1
fr (x) =
m(B(x,r))
Z
f (y)dy
B(x,r)
On veut montrer que lim fr (x) = f (x), pour presque tout x ∈ Rn .
r→0
Pour cela, on va procéder en deux étapes, la première consistant à montrer
qu’il existe une suite de réels rk tendant vers zéro, telle que les fonctions frk
15
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
tendent ponctuellement vers f, pour presque tout x. Puis, dans la seconde
étape, on verra que la famille des fonctions fr admet bien une limite ponctuelle presque partout, lorsque r tend vers zéro.
1. Première étape :
On remarque qu’en fait on peut voir fr comme la convolée de f avec la
fonction ir , définie comme suit :
ir (x) =
1
.1B(0,r) (x)
m(B(0,r))
En effet :
Z
f (y).ir (x − y)dy
Z
1
f (y).1B(0,r) (x − y)dy
=
m(B(0,r)) Rn
(f ∗ ir )(x) =
Rn
or m(B(0,r)) = m(B(x,r))
et 1B(0,r) (x − y) = 1B(x,r) (y)
d’où :
Z
1
f (y).1B(x,r) (y)dy
(f ∗ ir )(x) =
m(B(x,r)) Rn
Z
1
=
f (y)dy
m(B(x,r)) B(x,r)
= fr (x) , par définition de fr .
Remarque : La première égalité est formelle, car l’intégrale ci-dessus
pourrait diverger. Cependant ici :
Z
Rn
Z
1
f
(y).1
(x
−
y)dy
B(0,r)
m(B(0,r)) Rn
Z
1
≤
|f (y)|.1dy
m(B(0,r)) Rn
{z
}
| {z } |
f (y).ir (x − y)dy ≤
<∞
=kf k1 <∞
16
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
Montrons alors que la famille {ir }r>0 est une approximation de l’identité sur Rn :
– Ces fonctions sont positives :
∀x ∈ Rn ,ir (x) ≥ 0
– Elles sont bien d’intégrale égale à 1 :
Z
Z
1
ir (x)dx =
1B(0,r) (x)dx
m(B(0,r)) Rn
Rn
1
=
.m(B(0,r))
m(B(0,r))
= 1
– Enfin, on vérifie :
∀ε > 0, lim
r→0
Z
ir (x)dx = 0
kxk≥ε
En effet, dès que r < ε, on a ir (x) = 0 pour tout kxk ≥ ε car
x∈
/ B(0,r).
Alors, par théorème, on sait que lim fr = f dans L1 (Rn ), donc aussi
r→0
qu’alors ∃(rk )k∈N , lim rk = 0, telle que lim fr (x) = f (x) presque park→∞
k→∞
tout.
2. Deuxième étape :
Par densité des fonctions continues à support compact de Rn dans
L1 (Rn ), on décompose f = g + h, avec h ∈ Cc (Rn ) et g ∈ L1 (Rn ),kgk1
étant aussi petite que l’on veut.
On introduit ensuite une fonction d’oscillation Ω, qui à f ∈ L1 (Rn )
associe l’application :
Ωf (x) = lim sup fr (x) − lim inf fr (x)
r→0
r→0
17
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
Cette fonction montre l’écart entre la plus grande valeur d’adhérence de
{fr (x)}r>0 , pour x fixé et la plus petite valeur d’adhérence de ce même
ensemble. En particulier, si fr (x) admet une limite lorsque r tend vers
zéro, alors on aura Ωf (x) = 0.
Quelques remarques à propos de cette fonction d’oscillation :
– Si l’on a décomposé f = g + h, alors on a aussi :
Ωf ≤ Ωg + Ωh
En effet :
∀x ∈ Rn ,fr (x) = gr (x) + hr (x)
Donc :
lim sup fr (x) ≤ lim sup gr (x) + lim sup hr (x)
r→0
r→0
r→0
Et :
lim inf fr (x) ≥ lim inf gr (x) + lim inf hr (x)
r→0
r→0
r→0
D’où l’on a bien :
∀x ∈ Rn ,Ωf (x) ≤ Ωg(x) + Ωh(x)
– Si h ∈ Cc (Rn ), alors on a :
Ωh ≡ 0
Ceci vient du théorème des identités approchées :
si h est continue à support compact, alors h ∗ ir converge uniformément sur Rn vers h quand r tend vers zéro, et donc lim sup hr (x)
r→0
et lim inf hr (x) sont égales partout.
r→0
– Pour g ∈ L1 (Rn ), on a :
∀x ∈ Rn ,Ωg(x) ≤ 2.Mg (x)
18
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
où Mg (x) est la fonction maximale définie dans le lemme.
En effet :
Ωg(x) = lim sup gr (x) − lim inf gr (x)
r→0
r→0
≤ lim sup gr (x) + lim inf gr (x)
r→0
r→0
≤ lim sup |gr (x)| + lim sup |gr (x)|
r→0
r→0
Z
1
≤ 2. lim sup
g(y)dy
m(B(x,r)) B(x,r)
r→0
Z
1
≤ 2. lim sup
|g(y)|dy
m(B(x,r)) B(x,r)
r→0
Z
1
|g(y)|dy
≤ 2. sup
r>0 m(B(x,r)) B(x,r)
= 2.Mg (x)
Désormais, on va montrer que pour f ∈ L1 (Rn ), on a Ωf (x) = 0, pour
presque tout x.
Pour cela, on fixe ε > 0, et on regarde la mesure de {x,Ωf (x) > ε} :
Comme Ωf ≤ Ωg + Ωh, et Ωh ≡ 0, on a :
{x,Ωf (x) > ε} ⊂ {x,Ωg(x) > ε}
d’où :
m({x,Ωf (x) > ε}) ≤ m({x,Ωg(x) > ε})
Comme ∀x ∈ Rn ,Ωg(x) ≤ 2.Mg (x), on a de plus :
ε
{x,Ωg(x) > ε} ⊂ {x,Mg (x) > }
2
d’où :
ε
m({x,Ωg(x) > ε}) ≤ m({x,Mg (x) > })
2
A cet endroit, on utilise alors le résultat donné par le lemme avec ici
α = 2ε , à savoir :
ε
2.A
m({x,Mg (x) > }) ≤
.kgk1
2
ε
2 LE THÉORÈME DE LA DENSITÉ
19
Finalement :
2.A
.kgk1
ε
Comme on peut choisir g arbitrairement petit en norme, on a, en passant à la limite, que :
m({x,Ωf (x) > ε}) ≤
m({x,Ωf (x) > ε}) = 0
Ceci étant alors vrai pour tout ε > 0, on en déduit que Ωf = 0, sauf
sur un ensemble de mesure nulle.
La démonstration est alors finie, car on a que fr (x) admet une limite
presque partout, et qu’il existe une suite telle que cette limite soit f (x),
presque partout aussi.
On va maintenant appliquer ce théorème à la fonction caractéristique de
E ⊂ Rn . Pour E mesurable et de mesure finie, on a bien que 1E (x) ∈ L1 (Rn ),
d’où :
Z
1
lim
1E (y)dy = 1E (x) presque partout.
r→0 m(B(x,r)) B(x,r)
|
{z
}
=
m(E∩B(x,r))
m(B(x,r))
ie :
DE (x) = 1E (x) presque partout.
3 UNE APPLICATION DU THÉORÈME DE LA DENSITÉ
3
20
Une application du théorème de la densité
Nous allons nous intéresser à une application du théorème de la densité
qui va en utiliser qu’une faible partie. En effet, on verra que l’on a besoin
uniquement du fait que, dans un ensemble de mesure non nulle, il y a un
point de densité 1.
Propriété 1 :
– Soit A ⊂ R et m(A) > 0,
– soit B ⊂ R et m(B) > 0
– soit C = A + B = {a + b / a ∈ A et b ∈ B}
alors C contient un intervalle.
Preuve :
Dans une première étape, nous allons considérer que A et B ont une densité égale à 1 en 0.
Par l’absurde, considérons qu’il n’existe pas d’intervalle inclus dans A + B.
On a donc : ∀ε > 0 ] − ε; ε[ 6⊂ A + B.
donc :
∃(xn )n∈N
et :
lim xn = 0
n→+∞
∀n ∈ N xn ∈
/ A+B
Notons : ∀E ⊂ R ∀δ > 0 Eδ = E∩] − δ; δ[
On a : DA (0) = DB (0) = 1
δ)
Donc : ∀ε > 0 ∃γ ∈ R+∗ ∀δ < γ 1 − m(A
≤ ε et 1 −
2δ
– Soit ε > 0 et de tels γ et δ.
– Et n tel que |xn | < 4δ
Par définition des xn , on a : ∀a ∈ A, (xn − a) ∈
/ B.
On a donc : (xn − A) ∩ B = ∅
D’où : (xn − A)c ⊃ B
Et : (xn − Aδ )c ⊃ B.
On en déduit que : ((xn − Aδ )c )δ ⊃ Bδ
m(Bδ )
2δ
≤ε
3 UNE APPLICATION DU THÉORÈME DE LA DENSITÉ
21
On a :
(xn − Aδ )\] − δ; δ[⊂ (] − δ; δ[+xn )\] − δ; δ[
Or :
m((] − δ; δ[+xn \] − δ; δ[) = |xn | ≤
δ
4
Et :
(xn − Aδ ) = ((xn − Aδ )\] − δ; δ[) ∪ ((xn − Aδ )δ )
On a donc :
m((xn − Aδ )δ ) ≥ m(Aδ ) −
δ
4
Or :(xn − Aδ )δ ⊂ (B c )δ
D’où :
δ
m((B c )δ ) = 2δ − m(Bδ ) ≥ m(Aδ ) −
4
On en déduit :
m(Aδ ) + m(Bδ )
9
≤
2δ
8
Or, par hypothèse :
2−
m(Aδ ) + m(Bδ )
≤ 2.ε
2δ
En prenant, par exemple : ε = 41 , on obtient une contradiction.
On en déduit que : A + B contient un intervalle.
Prenons maintenant A et B quelconques. D’après le théorème de la densité: ∃(a,b) ∈ A × B DA (a) = 1 et DB (b) = 1.
Posons A0 = A − a,B 0 = B − b et C 0 = A0 + B 0 = A + B − (a + b). A0 et
B 0 vérifient les hypothèses précédentes. Donc C 0 contient un ouvert. Comme
la translation de vecteur a+b est un homéomorphisme, on en déduit que C
contient un ouvert.
On peut remarquer plus précisément que la démonstration montre en fait
que, pour deux points a de A et b de B de densité 1, A + B est un voisinage
de a + b.
4 CONCLUSION
4
22
Conclusion
Notre séminaire présente donc un théorème de la densité et deux démonstrations
différentes, qui s’appuyent toutes deux sur un lemme de recouvrement. Dans
un premier temps, nous avons cherché une preuve par l’intermédiaire d’une
tribu qui contiendrait la tribu de Lebesgue, mais cette démonstration n’a
pas abouti. Nous nous sommes alors portés sur les deux démonstrations
présentées. La première, d’un point de vue fonctionnel, montre en fait un
résultat plus général, avec comme corollaire le théorème. Quant à la seconde
preuve, ensembliste celle-là, elle est un cas particulier d’un théorème concernant la mesure de Hausdorff (Cf Annexe) de dimension quelconque. En effet,
la mesure de Hausdorff de dimension n concide avec la mesure de Lebesgue.
Et donc le résultat, qui est vrai pour la mesure de Hausdorff, l’est aussi
pour celle de Lebesgue. Enfin, la dernière partie de cet exposé montre une
application de ce théorème de la densité.
23
5 ANNEXE
5
Annexe
Définition 3 La mesure de Hausdorff :
On se place dans Rn , où l’on considère un ensemble A ⊂ Rn .
Alors, pour 0 ≤ s < +∞ et 0 < δ ≤ +∞, on définit :
( +∞
)
+∞
diam C s
X
[
j
Hδs (A) = inf
α(s)
Cj ,diam Cj ≤ δ
,A⊂
2
j=1
j=1
où :
α(s) =
π s/2
Γ( 2s + 1)
R +∞
ici, Γ(s) = 0 e−x xs−1 dx, 0 < s < +∞, est la fonction gamma habituelle.
On définit alors :
Hs (A) = lim Hδs (A) = sup Hδs (A)
δ→0
δ>0
qui est appelée la mesure de Hausdorff de dimension s sur R n .
Remarque : Ces mesures (0 ≤ s < +∞) permettent de mesurer des ensembles dont la mesure de Lebesgue est nulle. Ainsi, par exemple, on peut
mesurer une surface dans R3 avec la mesure de Hausdorff de dimension 2.
RÉFÉRENCES
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Références
[1] E.M. STEIN, Singular Integrals and Differentiability Properties of Functions.
[2] W. RUDIN, Analyse Réelle et Complexe.
[3] L.C. EVANS, R.F. GARIEPY Measure Theory and Fine Properties of
Functions.