Vision des jeunes de la coopération internationale - Oxfam

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Vision des jeunes de la coopération internationale - Oxfam
Photo : Jianca Lazarus/Oxfam-Québec
Photo
La vision des jeunes
de la coopération internationale
Rapport de la consultation jeunesse menée par
l’Observatoire jeunesse Oxfam-Québec (OJOQ)
REPENSONS LA COOPÉRATION INTERNATIONALE!
Octobre 2014
La vision des jeunes de la coopération internationale
Sommaire
Résumé ........................................................................................................................... 3
Contexte général du projet .............................................................................................. 4
Objectif général du projet................................................................................................. 4
Déroulement des consultations ....................................................................................... 4
Analyse des résultats ...................................................................................................... 6
Limites de la recherche.................................................................................................... 6
RESUME DES PROPOS DES JEUNES SONDES POUR LES 6 QUESTIONS CONSTITUANT LA
CONSULTATION .................................................................................................................. 7
Question 1 – Vous sentez-vous interpellés par la coopération internationale ? Si oui,
pourquoi ? Si non, pourquoi ? ...................................................................................... 7
Question 2 - Selon vous, quels sont les fondements ou les principes d’une «bonne»
coopération internationale? .......................................................................................... 8
Question 3 – Que pensez-vous de la coopération internationale actuelle?........Erreur !
Signet non défini.10
Question 4 – Quelle est la place des jeunes dans le monde de la coopération
internationale? ........................................................................................................... 14
Question 5 - Quelles sont les initiatives de coopération internationale que vous
connaissez et que vous trouvez particulièrement pertinentes? .................................. 14
Question 6 – Comment imaginez-vous la coopération internationale idéale dans vos
rêves les plus fous? ................................................................................................... 17
OJOQ 2014
[email protected]
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La vision des jeunes de la coopération internationale
L’Observatoire jeunesse Oxfam-Québec (OJOQ) est un comité consultatif permanent du
conseil d’administration d’Oxfam-Québec qui a pour mandat général de contribuer
stratégiquement aux orientations, à la réflexion ainsi qu’aux interventions de
l’organisation en matière jeunesse. L’OJOQ assure une veille quant aux questions
relatives à la jeunesse et à la coopération internationale. À ce chapitre, l’Observatoire
propose de faire entendre la voix des jeunes. Afin de développer des pratiques ancrées
dans la réalité contemporaine, les acteurs de la coopération internationale ont avantage
à savoir ce que pense et espère la jeunesse.
Résumé
16 consultations jeunesse, qui se sont tenues à travers le Québec de janvier 2012 à mai
2013, auront permis aux membres de l’OJOQ d’ouvrir le dialogue avec 250 jeunes
préoccupés par les enjeux entourant la coopération internationale. Ces rencontres
confirment que ces jeunes se sentent interpellés par la coopération internationale, que
ce soit parce que plusieurs programmes de formation les y ont formés, parce qu’ils
veulent s’y faire une place, en être la relève ou simplement parce que leurs réalités
dépassent les frontières. Les jeunes ont toutefois l’impression que la coopération
internationale est méconnue par le public.
Les participants à la consultation posent un regard critique sur la coopération
internationale telle qu’elle est envisagée actuellement par les gouvernements en place.
Ils regrettent le manque de vision à long terme ainsi que le manque de transparence du
gouvernement canadien sur le plan des décisions et des priorités établies en matière de
développement.
Malgré ces critiques, les jeunes demeurent convaincus que la coopération internationale
représente un espace d’action privilégié permettant de se responsabiliser collectivement
face aux enjeux mondiaux actuels. Les jeunes croient fermement que la coopération
internationale doit reposer sur des échanges réciproques, égalitaires et solidaires. Ces
derniers aspirent à y jouer un plus grand rôle en investissant notamment les lieux
décisionnels d’organisations de coopération, en exerçant un leadership au plan de la
création d’espaces décentralisés de réflexion ainsi qu’en contribuant à transformer le
visage de la coopération internationale.
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La vision des jeunes de la coopération internationale
Contexte général du projet
Il est important de resituer le contexte politique dans lequel la consultation jeunesse
« La vision des jeunes de la coopération internationale » a eu lieu. En effet, la
conjoncture de cette époque aura certainement influencé le discours des jeunes
répondants quant à leur vision de la coopération internationale. Rappelons qu’au
moment où la consultation a lieu (en 2012-2013), de nombreuses transformations dans
le domaine de la coopération internationale s’opèrent. Les décisions prises par le
gouvernement canadien en matière de coopération internationale témoignent, à cette
époque, d’une réorientation importante de l’aide publique au développement; pensons
notamment à la fusion de l’Agence canadienne de développement international (ACDI)
au Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada (MAECI).
Cette restructuration s’accompagne d’une application plus accrue de la gestion axée sur
les résultats, une centralisation du pouvoir au plan des décisions au ministère, une
lourdeur administrative ainsi qu’un flou entourant le renouvellement du financement de
certains secteurs tels l’engagement du public. Il s’agit également d’une période de
grande incertitude financière où le gouvernement fédéral annonce une réduction de 319
millions de dollars du budget de l’ACDI sur trois ans dans le cadre de son budget de
2012, sans compter les 290 millions non dépensés en 2012 et 20131.
Objectif général du projet
L’objectif général du projet de consultation visait à : dégager de nouvelles perspectives
en matière de coopération internationale à partir de la vision des jeunes. L’OJOQ a ciblé
les jeunes Québécoises et Québécois de 16 à 35 ans se sentant interpellés par la
coopération internationale, tant positivement que négativement. Les questions ont été
formulées de manière à identifier les éléments qui caractérisent la vision qu’ont les
jeunes de la coopération internationale, ainsi que d’identifier des perspectives pour
l’avenir dans ce domaine.
Déroulement des consultations
Pour réaliser les consultations auprès de différents groupes de jeunes, l’OJOQ a
procédé à l’animation de groupes de discussion et de world cafés2. Pour la tenue de ces
consultations, l’Observatoire s’est inscrit à la programmation de divers événements tels
que l’Assemblée générale de CIVICUS, l’École d’été de l’Institut du Nouveau Monde
(INM), les Journées québécoises de la solidarité internationale et le Sommet
Générations d’Idées, ou encore a directement approché des groupes existants, tels que
les groupes de stagiaires du programme Québec sans frontières (QSF) de différentes
1
Reilly-King, Fraser. “Unprotected – How Canadian aid got dropped despite Budget 2014” , 18 février 2014,
http://www.ccic.ca/blog/unprotected-how-canadian-aid-got-dropped-despite-budget-2014/
2
Technique de cueillette de données permettant de sonder un grand nombre de personnes sur plusieurs questions à
la fois. On attribue une table pour chacune des questions de la consultation. Chaque table compte une personne à
l’animation et au secrétariat. Au cours de l’activité, les participants sont invités à changer de table afin de répondre à
l’ensemble des questions.
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La vision des jeunes de la coopération internationale
organisations, les groupes de jeunes des clubs Oxfam-Québec sur les campus, etc. Les
consultations consistaient à questionner les participants à l’aide de 6 questions :
1. Vous sentez-vous interpellés par la coopération internationale? Si oui, pourquoi?
Si non, pourquoi?
2. Selon vous, quels sont les fondements ou les principes d’une «bonne»
coopération internationale?
3. Que pensez-vous de la coopération internationale actuelle?
4. Quelle est la place des jeunes dans le monde de la coopération internationale?
5. Quelles sont les initiatives de coopération internationale que vous connaissez et
que vous trouvez particulièrement pertinentes?
6. Comment imaginez-vous la coopération internationale idéale dans vos rêves les
plus fous?
Les entretiens se sont faits selon un modèle bien établi et documenté auquel était initié
préalablement chacun des animateurs, notamment grâce à un guide d’animation conçu
par l’Observatoire3. Suite à la formation d’une brigade de bénévoles, formés par les
membres de l’Observatoire, l’OJOQ a su compter sur l’apport précieux de jeunes
animateurs et secrétaires bénévoles pour mener ce vaste chantier. L’ensemble des
secrétaires ayant participé au projet (membres de l’Observatoire comme membres de la
brigade) ont été invités à transmettre leurs données via un système informatique de
compilation.
3
Disponible sur la page Internet de l’OJOQ : http://oxfam.qc.ca/files/ojoq/guide-animation-2012-04-05.pdf
5
La vision des jeunes de la coopération internationale
Analyse des résultats
Au départ, les rapports des secrétaires devaient être compilés et analysés par une
équipe d’étudiants aux cycles supérieurs rémunérés et sous la supervision d’un
directeur de recherche. Différentes approches ont été réalisées par l’OJOQ avec le
milieu universitaire. Faute de ressources financières, l’Observatoire a dû renoncer à
cette idée et mobiliser ses ressources à l’interne pour réaliser lui-même l’analyse des
résultats. Les membres de l’OJOQ, souvent eux-mêmes étudiants ou diplômés
universitaires aux cycles supérieurs, se sont réunis en sous-groupes de trois personnes
pour lire et résumer les propos des jeunes consultés pour chacune des questions4. Un
comité scientifique a été formé à l’interne afin de s’assurer que la méthodologie soit
réfléchie et bien exécutée. Ce comité fut dirigé par Yasmine Charara, présidente
sortante de l’Observatoire ainsi que chargée de cours à l’Université de Montréal en
méthodologie qualitative, au troisième cycle.
Limites de la recherche
L’Observatoire aurait bien aimé élargir les horizons de la consultation en sondant des
jeunes via les bureaux d’Oxfam dans le monde afin d’obtenir un portrait comparatif.
Cette démarche demeure une avenue possible pour une phase ultérieure du projet.
Aussi, il aurait été souhaité de rejoindre davantage de jeunes en provenance de milieux
diversifiés comme le milieu des affaires. Cependant, après plusieurs tentatives et
sollicitations auprès d’instances jeunesses du milieu des finances, par exemple, l’OJOQ
a dû renoncer à rejoindre ce profil de jeunes. Le groupe a alors pris la décision de se
recentrer sur les critères préalablement définis pour les sujets de cette recherche, soit
les jeunes de 16 à 35 ans interpellés par la coopération internationale. Par contre,
l’exercice fut fort mobilisant pour l’ensemble de l’équipe de l’OJOQ. Ce projet de longue
haleine s’est terminé par la compilation et l’analyse des données lors d’un lac-à-l’épaule
pendant lequel les membres de l’OJOQ ont pu faire le point sur l’expérience vécue.
4
Cette forme d’analyse se rapproche de ce que Paillé et Mucchielli (2003) nomment l’analyse en mode d’écriture.
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La vision des jeunes de la coopération internationale
Résumé des propos des jeunes sondés pour les six
questions constituant la consultation
QUESTION 1
Vous sentez-vous interpellés par la coopération internationale ? Si oui,
pourquoi ? Si non, pourquoi ?
Question de relance :
Selon vous, qu’est-ce qui peut encourager les jeunes à s’impliquer en coopération
internationale ou les en dissuader?
Résumé :
De façon univoque, les jeunes sondés se sentent interpellés par la coopération
internationale. La coopération internationale est perçue, par les participants, comme un
espace d’action qui permet d’harmoniser leurs visions face aux enjeux mondiaux
auxquels le monde actuel fait face. La coopération internationale favoriserait également
les échanges et la recherche de solutions communes, dans une perspective
d’amélioration des conditions de vie humaine. L’analyse des discours démontre que les
jeunes sondés accordent une importance particulière aux notions d’échange, de
partage, d’entraide et de réciprocité. Ils sont également conscients que les programmes
de coopération internationale leur apportent une expérience personnelle unique leur
permettant de mettre en avant les valeurs auxquelles ils adhèrent (engagement,
solidarité, équité, etc.).
Toutefois, ils dénoncent une certaine idée du développement qui impose la vision du
Nord et qui s’éloigne des principes idéalistes véhiculés. Cet écart entre la théorie et la
pratique, ainsi que les discours simplifiés ou empruntés au marketing souvent utilisés
par certaines organisations non gouvernementales (ONG), sont sources de désillusion.
Les jeunes sondés dénoncent également le fait que la coopération internationale soit
faiblement valorisée de nos jours et qu’elle soit méconnue du grand public. Selon
certains, l’accès à l’information quant à ce qui se passe dans le monde n’est pas
suffisante. Les médias de masse ne permettraient pas de refléter l’interdépendance qui
nous unit avec d’autres régions du monde.
Indignés par les inégalités mondiales et l’injustice, plusieurs ont mentionné être animés
par un sentiment de solidarité et un désir de contribuer à changer l’état des choses. Les
participants déplorent également le manque de débouchés professionnels et le clivage
générationnel qui les empêchent de faire passer leur implication à un niveau supérieur
au sein des organisations.
***
7
La vision des jeunes de la coopération internationale
QUESTION 2
Selon vous, quels sont les fondements ou les principes d’une «bonne»
coopération internationale?
Question de relance :
Quelles sont les valeurs, les principes ou les critères qui devraient guider la coopération
internationale?
Résumé :
Ouverture, approches basées sur les besoins locaux, la réciprocité et l’égalité entre les
parties, la solidarité, la flexibilité, une formation de qualité et la bonne gouvernance
semblent être au cœur de ce que les participants qualifient de « bonne » coopération
internationale. En effet, les participants, en répondant à cette question, ont exprimé
dans leurs mots les principes d’une bonne coopération. Pour résumer leurs propos,
nous avons comparé les extraits transcrits par les secrétaires dans les rapports qui nous
ont été remis. Nous avons pu ainsi regrouper ces extraits en 6 grandes catégories de
principes. Quelques extraits se sont toutefois trouvés orphelins, sans catégorie claire à
laquelle les associer.
Ouverture et approches basées sur les besoins locaux
Les participants à la consultation croient qu’une « bonne » coopération internationale
nécessite que les coopérants « du Nord » basent leur approche sur les besoins du
milieu et adoptent une approche à partir de la base (bottom-up). La coopération devrait
avoir comme but l'autonomisation et le soutien aux initiatives locales. Il s'agit d'intégrer
et de solliciter les acteurs locaux, de se placer en situation d'apprentissage mutuel et de
soutenir la « reprise de pouvoir » à partir de la base. D'autres participants ont mentionné
l’importance de l’identification de solutions internes ainsi que la nécessité de travailler
avec le système de valeurs et de compétences en place.
Réciprocité et égalité entre les parties
Pour les participants, la coopération internationale doit éviter de tomber dans l’ingérence
ou l’imposition de solutions extérieures. L’importance de privilégier l'horizontalité des
rapports, le travail sur une base commune volontaire et égalitaire est soulignée. Ils
croient que la coopération doit passer par la réciprocité5, le partenariat, le partage de
compétences et de connaissances et l'horizontalité des échanges. La gestion de projets
de développement doit être démocratique, collective et doit permettre l'établissement de
relations de confiance. Bref, il faut éviter d'imposer un modèle de développement unique
et laisser place à l'apprentissage mutuel. Les participants visent une coopération qui soit
bilatérale, avec des solutions d’ailleurs aussi applicables au Québec, où tous sont
gagnants.
5
La fréquence d’apparition de ce mot est plus grande que celle des autres extraits témoins.
8
La vision des jeunes de la coopération internationale
Solidarité
Selon plusieurs répondants, la coopération internationale doit d’abord viser la justice
sociale et la solidarité plutôt que la charité. L’inclusion, la fraternité, travailler sur les
enjeux qui nous touchent tous, un projet commun, l’échange plutôt que l’aide unilatérale,
sont des termes utilisés à maintes reprises lors de la consultation pour décrire un
modèle de coopération idéal. Une coopération solidaire impliquerait l’établissement de
partenariats à long terme. Il serait essentiel de travailler sur les problèmes de fond,
plutôt que sur les conséquences qui en découlent. De plus, les participants croient qu’il
faut éviter la duplication des actions et tenter une meilleure concertation entre les
acteurs impliqués dans la coopération internationale. Enfin, dans l’idée d’aborder les
enjeux comme des défis communs et globalisés, certains jeunes ont mentionné qu’il
serait important que les organisations québécoises s’attardent aux situations de
pauvreté, d’inégalité et d’oppression (par exemple, le sort des Première nations au
Canada) se vivant ici avant d’intervenir ailleurs.
Flexibilité
Comme en témoignent les résultats de la consultation, les jeunes prônent une approche
flexible et ouverte à la critique en coopération internationale6. Les objectifs qu’un projet
tente d’atteindre doivent être flexibles, clairs, précis, et assez larges pour permettre
l’évolution et/ou l’élargissement du projet. Les visées devraient être adaptées au
contexte et à la culture locale. Afin d’identifier les apprentissages réalisés et de
considérer ceux-ci dans la gestion des projets, il serait important de mener une
évaluation au courant du projet ainsi qu’après sa clôture. Bref, il s’agirait de gérer les
projets de manière à la fois flexible et informée, tout en se dotant d’outils pour identifier
les apprentissages réalisés.
Formation de qualité
Selon les participants à la consultation, les coopérants devraient avoir des
connaissances adéquates sur la culture et l’histoire du pays où ils se dirigent, avant la
réalisation du mandat. Les OCI devraient ainsi s’assurer d’offrir une bonne formation
pré-départ aux coopérants, et de choisir des candidats qui sont outillés pour bien
comprendre l’autre. Ceux-ci devraient avoir conscience de leur propre biais culturel, et
connaître les coutumes et la langue du pays de destination.
Bonne gouvernance
Les participants à la consultation se soucient de la bonne gouvernance au sein de la
coopération internationale. Les discussions à ce sujet révèlent que les jeunes
Québécoises et Québécois attachent de l'importance à la saine gestion financière et à la
transparence. Ils souhaitent dépolitiser les pratiques des donateurs et des parties
6
On mentionne que les organisations passeraient plus de temps à démontrer les résultats positifs de leurs actions,
pour répondre aux exigences des bailleurs de fonds (reddition de comptes), que de temps à faire une évaluation juste
et constructive de leurs projets. Un exemple d’organisation qui a été félicitée pour sa capacité à apprendre de ses
erreurs fut Ingénieurs sans frontières avec son Failure Report.
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La vision des jeunes de la coopération internationale
prenantes de la coopération internationale. De plus, une bonne gouvernance implique
de diversifier les façons d'interpeller la population et de la motiver à s'engager au de-là
de la contribution financière.
***
QUESTION 3
Que pensez-vous de la coopération internationale actuelle?
Questions de relance :
● Reconnaissez-vous les fondements ou principes nommés dans la question 2 dans
les pratiques actuelles de coopération internationale ?
● Que pensez-vous de l’implication des différents acteurs? (Canada, pays du Sud,
populations rejointes, société civile et ONG, secteur privé, etc.)
● Que pensez-vous des impacts des diverses formes de coopération internationale
(retombées tant locales qu’internationales) ?
● Que pensez-vous des orientations et priorités actuelles de nos gouvernements
(provincial comme fédéral)?
Résumé :
Il s’agit ici d’une question qui a suscité un grand intérêt chez nos participants. En effet,
ces derniers étaient animés par un désir de partager leur critique à l’endroit de la
coopération internationale dans ses formes actuelles. L’ensemble des éléments
apportés par les participants a été classé dans 13 grandes catégories d’idées.
Modèle de financement actuel du gouvernement fédéral et dérives
Pour les participants, les organisations non gouvernementales auraient une
dépendance trop forte à l’endroit des politiques canadiennes. Le modèle de financement
actuel placerait les organisations de coopération internationale en compétition les unes
contre les autres, ce qui aurait pour effet de les isoler et de réduire leur impact collectif.
Certains ont l’impression que la coopération d’aujourd’hui est de plus en plus dictée
«d’en haut» (par les bailleurs de fonds). De plus, le fait de placer des ONG en
compétition avec des entreprises du secteur privé, via le système d’appel d’offre actuel,
questionne certains participants. On se demande «quelle est la finalité pour la
coopération internationale». Les coupures de financement de certains organismes
seraient sélectives et en apparence idéologiques. Cela bâillonnerait certaines
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La vision des jeunes de la coopération internationale
organisations dans leurs actions de plaidoyer. Certains jeunes mentionnent que l’aide
publique au développement est guidée par des intérêts, tandis que d’autres se
questionnent à savoir s’il y a un programme caché (économique, idéologique ou
diplomatique). Le choix de thèmes, de pays et de secteurs d’intervention de la part de
notre gouvernement serait de bons exemples démontrant l’influence de leurs intérêts sur
la définition de leur orientation.
Selon les jeunes consultés, les intentions des ONG sont bonnes, mais elles seraient
prises dans des rouages qui affectent leurs pratiques (devant répondre aux priorités
gouvernementales aux dépens de leurs propres orientations et approches et celles de
leurs partenariats). En conséquence, on mentionne que le travail de certaines
organisations deviendrait superficiel et négligerait du coup de s’attarder aux réelles
causes structurelles de la pauvreté et des injustices. Cela entraînerait une perte
d’expertise et une coupure importante dans le lien de confiance entre les organisations
et leurs partenaires.
Méconnaissance de la population en général
Selon certains participants, les médias ont tendance à vouloir dépeindre les ratés des
organisations de coopération internationale (ex : efficacité de l’aide des ONG lors du
séisme en Haïti). Les expériences positives ne seraient pas assez médiatisées, ce qui
ne permettrait pas à la population de se faire une idée juste du travail qui est fait à
l’international par les organisations. Cela aurait un impact quant à l’image que l’opinion
publique se fait de la coopération internationale. Il y aurait beaucoup de désinformation,
ce qui démobiliserait la population en général à s’y intéresser.
Manque de transparence
Les programmes d’aide ne sont pas assez transparents face aux contribuables. Le
gouvernement ne fait pas non plus preuve de transparence sur le plan des décisions et
des priorités établies en matière de développement.
Marchandisation de la pauvreté
Certains parlent d’un risque d’instrumentalisation de la pauvreté par les gouvernements
et les entreprises. À cet égard, certains dénoncent la privatisation de l’aide publique au
développement en permettant aux entreprises privées de compétitionner avec les
organisations à but non lucratif. Cette situation donnerait lieu à de nombreux conflits
d’intérêts (par exemple : les compagnies minières se font subventionner pour pallier les
impacts négatifs qu’elles auraient elles-mêmes créés.)
Place des jeunes
La place des jeunes dans le milieu de la coopération est principalement réservée aux
stages bénévoles. Les jeunes auraient beaucoup à offrir et sont sous-utilisés dans le
milieu. On mentionne que la coopération intergénérationnelle au sein des organisations
est insuffisante. Un participant affirme qu’il serait bien de favoriser des jumelages et du
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La vision des jeunes de la coopération internationale
mentorat au sein des organismes de coopération internationale (OCI). Les conditions
de travail seraient aussi de moins en moins intéressantes, ce qui démobiliserait les
jeunes à s’y investir.
Coopération réactive
Selon plusieurs répondants, on serait trop dans l’humanitaire et pas assez dans le
développement; «la coopération est trop souvent réactive». Cet état de fait ne nous
permettrait pas de sortir de la logique «d’assistance». Ce qui attire l’attention de la
population québécoise sont souvent les moments de crise qui demandent une
intervention immédiate. Le soutien de la population devrait également être sollicité
quand il est question d’agir sur les causes de la pauvreté et non pas seulement en cas
d’urgence.
Vision à court terme
Les participants ont souvent fait mention que la vision à court terme de nos élus ainsi
que le manque de constance dans le financement de certains projets menaçaient
clairement l’impact des efforts déployés. Aussi, on parle de problèmes dans l’analyse et
le suivi de certains projets (par exemple: des équipements fournis et non entretenus par
la suite). Un participant affirme également que l’on est souvent peu conscient des
impacts de nos interventions sur la communauté à plus long terme.
Sortir de l’assistance
Plusieurs soulignent que les pratiques actuelles en matière de coopération
internationale ne visent pas suffisamment l’autonomisation des communautés rejointes.
Pour rompre avec le rapport de dépendance des populations locales à l’égard de l’aide
internationale, il faudrait miser davantage sur des stratégies qui permettent de sortir de
l’assistance (par exemple : favoriser le développement économique par des pratiques
d’économie sociale et de microcrédit).
Réseautage et solidarité entre OCI
Bien que les participants parlent d’un esprit de compétition, qui caractériserait les
rapports entre les OCI du Québec, on suggère l’importance de créer un contexte
favorisant l’amélioration des liens entre les organisations. On mentionne qu’il existe un
manque sur le plan des échanges de bonnes pratiques. Quelques jeunes soulignent
toute fois l’importance du rôle que joue l’AQOCI en termes de mobilisation, de
valorisation et de soutien de ses membres. On mentionne que la mise sur pied d’une
Agence québécoise de solidarité internationale (AQSI) serait une belle occasion de
travailler à la reconnaissance des particularités québécoises en matière de solidarité
internationale et permettrait de développer une logique de financement qui reconnaisse
pleinement l’expertise de nos organisations.
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La vision des jeunes de la coopération internationale
Évaluation et reddition de comptes
Les modèles d’évaluation en place ne sont pas adaptés aux réalités des communautés
qui bénéficient des projets. On mentionne que les résultats recherchés par les redditions
de comptes exigées ne suivent pas l’évolution des besoins sur place. Certains parlent
d’un délai entre la définition des projets, la recherche de soutien financier et la mise en
œuvre de ceux-ci, ce qui cause un problème d’ajustement aux réalités du milieu. Enfin,
répondre aux exigences de redditions de comptes exigées par les bailleurs prendrait de
plus en plus de place
Dichotomie Nord/Sud
Les participants parlent beaucoup de la nécessité de la réciprocité dans les projets, de
permettre à des gens du Sud de venir faire des projets au Nord et donc de sortir de la
logique Nord/Sud. Le partage de connaissances et d’expertise devrait se faire dans
toutes les directions : Nord/Sud, Sud/Nord, Sud/Sud et Nord/Nord. Les enjeux doivent
être traités de façon globale puisque nous devons faire face aux défis communs ou
interdépendants.
Travailler à partir des communautés concernées
La critique qui revient le plus souvent concerne le fait que les partenaires du Sud ne
sont pas assez impliqués dans la définition des priorités et des projets qui les
concernent. Il faut que le travail d’élaboration et de réflexion se fasse au cœur des
communautés pour bien répondre aux besoins de développement. Plusieurs participants
ont mentionné que l’argent serait parfois mieux investi s’il était donné directement à des
coopérants du Sud pour travailler sur leurs propres réalités, plutôt que de financer des
travailleurs provenant des pays qui portent assistance. On mentionne également que la
coopération technique repose sur des individus plutôt que des collectivités.
Respect des engagements de l’aide publique au développement
Un manque de volonté et d’engagement des pays occidentaux à l’égard des pays
émergents est souligné. On mentionne qu’il y a un problème de gouvernance mondiale
face aux engagements pris par les pays membres des Nations Unies au niveau de l’aide
publique au développement. Cette dernière instance dispose de moyens contraignants
insuffisants pour faire respecter les engagements des pays membres.
***
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La vision des jeunes de la coopération internationale
QUESTION 4
Quelle est la place des jeunes dans le monde de la coopération
internationale?
Résumé :
De façon unanime, les jeunes croient que la place qui leur est réservée dans le domaine
de la coopération internationale est inadéquate par rapport à ce qu’ils pourraient
apporter au milieu. Ils souhaitent investir les lieux décisionnels, par exemple des postes
d’influence au sein des organisations ou des conseils d’administration, afin d’apporter à
ces instances un souffle nouveau par leurs idées novatrices et leur dynamisme. Les
jeunes d’aujourd’hui ont grandi dans un contexte de mondialisation et maîtrisent les
nouvelles technologies. Il leur est plus facile de rejoindre les jeunes dans les pays du
Sud et peuvent même faire profiter leurs collègues plus expérimentés de leurs
connaissances nouvellement acquises dans le cadre de leur formation. On mentionne
que les jeunes ont une grande capacité d’adaptation, sont curieux, sont créatifs, sont
faciles à mobiliser (ils ont moins de contraintes familiales et professionnelles) et n’ont
pas peur du changement – qualités importantes pour faire évoluer les organisations.
Enfin, en tant que représentants de la relève, on mentionne que la jeunesse représente
un moteur de changement important.
Comme il a été mentionné à la question 1, plusieurs dénoncent le fait que malgré la
richesse des compétences des jeunes professionnels, la place qui leur est réservée en
est une principalement sur une base bénévole (stages). Les critères de sélection pour
obtenir des contrats professionnels sont trop élevés pour inclure les jeunes recrues
(exigences académiques et années d’expérience professionnelle demandées).
***
QUESTION 5
Quelles sont les initiatives de coopération internationale que vous connaissez et
que vous trouvez particulièrement pertinentes?
Questions de relance :
● Qui sont les acteurs? (organisations intergouvernementales, internationales, non
gouvernementales, centres de recherche, société civile, etc.)
● Comment agissent-ils? (de quelles façons ces initiatives sont-elles mises de
l’avant, soutenues par la communauté et les partenaires, etc.)
● Selon vous, pourquoi ces initiatives sont-elles « bonnes » ? (Ce qui les distingue et
les rend positives, etc.)
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La vision des jeunes de la coopération internationale
Résumé :
Puisqu’il s’agit majoritairement d’une liste d’initiatives particulières, les données de la
question 5 sont difficiles à résumer. Toutefois, nous avons réussi à identifier 5 différents
types de projets. Ces initiatives sont ici présentées et ordonnées en fonction de leur
occurrence. Elles sont accompagnées de quelques exemples concrets de projets
évoqués par les participants. Finalement, quelques thématiques et orientations, qui
semblent prioritaires pour les sujets sondés, sont énumérées à la fin de la présente
section.
Les stages professionnels à l’étranger
Lorsqu’on demande aux jeunes de fournir des exemples de projets pertinents, ils font
principalement référence aux stages professionnels à l’étranger. Selon les dires des
participants, ces stages sont formateurs tant au niveau professionnel que personnel.
Dans le cadre de ces stages, il est, pour les jeunes interrogés, important de se placer en
position d’apprentissage et de réciprocité et non de supériorité. Ils se
disent « conscients » que ces stages leur apportent « plus à eux qu’aux partenaires ».
Plusieurs mentionnent que ces stages ont agi comme élément déclencheur, les jeunes
étant beaucoup plus impliqués dans leur communauté depuis. Pour ces jeunes, les
expériences de stage sont extrêmement précieuses, car elles permettent de
comprendre les effets de la mondialisation et d’ « humaniser » l’autre, trop souvent
réduit à une statistique.
Exemples de projets mentionnés : Programme Québec sans frontières (QSF),
Programme de stages internationaux pour les jeunes (PSIJ), Jeunesse Canada Monde,
Humanisme sans frontières (programme d’échanges étudiants avec un volet
réciprocité).
Éducation à la solidarité et à la citoyenneté
Plusieurs mentionnent que les activités d’éducation dans un contexte parascolaire
auront été déterminantes dans leur parcours d’engagement. Il s’agit pour certains d’un
élément déclencheur important dans le développement de leur citoyenneté ainsi que de
leur engagement social. À maintes reprises, on mentionne que l’éducation à la solidarité
est nécessaire afin de contribuer à la création d’agents multiplicateurs.
Exemples de projets : Ateliers du Club 2/3 dans les écoles, financement de projets de
coopération internationale, Marche 2/3, Amnistie internationale, participation à un comité
de solidarité
Réseaux d’échanges au sujet d’enjeux mondiaux
La création de réseaux d’échanges et la tenue d’événements rassembleurs, qui traitent
d’enjeux mondiaux, ont également été mentionnées fréquemment comme des
« initiatives décentralisées » à mettre de l’avant. Ces espaces permettraient d’en
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La vision des jeunes de la coopération internationale
apprendre davantage sur les différents enjeux de la coopération internationale, de faire
évoluer les idées et d’impliquer le grand public sur ces questions.
Exemples de projets : Forums sociaux, Assemblée CIVICUS, l’International student
movement, Simulation des Nations unies, École d’été de l’INM
Les bourses d’études
Les diverses initiatives de bourses d’études à l’international sont également présentées
par les jeunes comme des initiatives pertinentes.
Exemples de projets : L’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) offre des
bourses d’études universitaires pour les étudiants des pays francophones en voie de
développement afin qu’ils puissent étudier en Europe et au Canada. Les participants
soulignent les mécanismes encourageant le parrainage d’étudiants avec d’anciens
participants. Ils en parlent comme d’un aspect positif et engageant. LOJIQ - Les Offices
jeunesse internationaux du Québec - sont également mentionnés à maintes reprises
comme étant des mécanismes favorisant la mobilité des jeunes désirant s’investir dans
des expériences internationales.
Entrepreneuriat social et microcrédit
Les jeunes semblent sensibles à la création de richesse et à la force de changement
que représentent potentiellement les entreprises. Ils soulignent que du financement
devrait être rendu disponible pour aider les jeunes entrepreneurs sociaux.
Exemples de projets : plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) au
Guatemala utilisent les profits générés par les auberges de jeunesse et par le tourisme
équitable pour financer des projets de développement ; l’ONG Ingénieurs sans frontières
Canada a changé sa structure de projets à l’étranger pour devenir « un incubateur de
projets », projets qui sont souvent sous la forme d’entreprises sociales ; la Conférence
des ministres de la jeunesse et des sports de la Francophonie offre des subventions à
des jeunes entrepreneurs dans les pays du Sud ; le Programme de stages pour le
développement international Desjardins (DID) ; la Grameen Bank.
Thématiques et orientations prioritaires :
Certaines thématiques sont ressorties en particulier comme étant des champs d’action
prioritaires. En voici quelques-uns : la lutte pour la protection et l’avancement des droits
humains, la souveraineté alimentaire, les nouvelles possibilités d’engagement et de
participation citoyenne qu’offrent les technologies de l’information et de la
communication
***
16
La vision des jeunes de la coopération internationale
QUESTION 6
Comment imaginez-vous la coopération internationale idéale dans vos
rêves les plus fous?
Résumé :
Dans un monde idéal, les participantes et participants de la consultation souhaitent que
la définition des besoins, l’élaboration et le suivi des projets s’effectuent avec la
participation des communautés locales concernées. De cette façon, ces communautés
seraient en mesure de trouver des solutions aux problématiques auxquelles elles font
face.
Cette approche locale serait garante de résultats à plus long terme.
Les partenaires des projets devraient avoir plus d’autonomie, en ce qui a trait à la prise
de décisions, et ils devraient pouvoir partager leurs expériences avec d’autres
communautés du Sud (rapport Sud-Sud). Ils ne devraient pas se faire imposer une
vision, mais plutôt être appuyés dans leur démarche afin d’exercer un contrôle quant à
leur propre développement. Cet accompagnement devrait se faire à plus long terme afin
d’avoir un impact plus significatif (vision durable des rapports de solidarité et des
projets).
Les intérêts des États ou des entreprises ne devraient pas avoir une si grande influence
sur les pratiques des OCI. À ce titre, les organisations de la société civile devraient
gagner une plus grande autonomie afin de ne pas se faire organiser par les politiques
gouvernementales.
Toute démarche de coopération devrait se faire dans la plus grande transparence, tant
auprès des populations visées que des contribuables. L’expression « aide » ne serait
plus utilisée et l’on parlerait plutôt de solidarité. Les jeunes pourraient prendre toute la
place qui leur revient dans ces processus de développement durable. Une plus grande
place serait accordée à l’éducation à la solidarité. De nouvelles relations/de nouveaux
échanges entre citoyens de différents pays pourraient être créés grâce à l’utilisation des
nouvelles technologies de la communication.
Cette vision rejoint les constats et perceptions identifiés par les jeunes relatifs à la
situation actuelle de la coopération internationale au Canada et ailleurs.
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La vision des jeunes de la coopération internationale
Mandat de l'Observatoire jeunesse Oxfam-Québec
L'OJOQ est un comité consultatif permanent du conseil d’administration d’Oxfam-Québec qui a pour mandat général de
contribuer stratégiquement aux orientations, à la réflexion et aux interventions d’Oxfam-Québec en matière jeunesse et
d’en assurer le rayonnement sur la scène nationale et internationale. Il sensibilise également le conseil d’administration
aux enjeux émergents du développement.
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Contact :
[email protected]