Vins à Vienne : des Romains aux musiciens

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Vins à Vienne : des Romains aux musiciens
Frédérique Hermine, 15 juillet 2016
http://www.terredevins.com/actualites/vins-a-vienne-romains-aux-musiciens/
Vienne est une ville de vins entre vignes et vestiges. Sur les coteaux à terrasses, de l’autre côté du Rhône,
les prestigieux vignobles de Côte Rôtie et Condrieu ; sous le château, le vignoble de Seyssuel est en pleine
renaissance depuis une dizaine d’années.
La présence de la vigne ne date pas d’hier. Les Romains la cultivaient déjà 125 ans avant notre ère, sur ces
pentes escarpées à plus de 60% d’inclinaison. On en retrouve la trace dans les fresques magnifiquement
conservées du musée gallo-romain surplombant le fleuve. En témoignent, sur les mosaïques, amphores,
rafraîchissoirs, feuilles de vignes, cruches à vin et bacchante en colère. On a retrouvé partout dans les environs
des morceaux de ces amphores qui nous venaient de l’autre côté de Méditerranée. Car les amphores n’étaient
pas consignées. Quand elles partaient d’ici avec du vin rhodanien, elles ne revenaient pas. On peut aussi lever
les yeux sur un mur d’amphores dans l’église Saint-Pierre devenu un véritable cabinet de curiosités où les
vestiges gallo-romains sont entassés entre les colonnes et les statuaires de diverses époques.
Allobrogique en dolias
Dans le jardin du musée de Saint-Romain-en-Gal, un conservatoire d’une vingtaine de cépages raconte la
vigne dans la vallée du Rhône. Des fouilles archéologiques ont mis à jour des fosses latérales qui servaient au
provignage, un système de marcottage du pied originel souvent utilisé avant le phylloxera. Les vignes
poussaient sur des échalas et des perches horizontales en bois ou en jonc. Les vins de la région de Vienne,
issus d’un cépage local, l’allobrogique qui serait une espèce de mondeuse, étaient déjà réputés du temps des
Romains. Chaque année, fin septembre, lors des Vinalias, les vendanges sont organisées sous la houlette de
Pierre Gaillard selon les pratiques de l’époque. « Les raisins sont juste foulés, écrasés dans un vieux pressoir
comme celui retrouvé à Pompéï mais il n’y a pas de cuvaison, d’où des vins peu colorés ; ils sont ensuite mis
directement dans les dolias, des jarres en argile enterrées. Mais comme les jarres sont poreuses, il fallait les
étanchéifier ». Dans les écrits de Pline l’Ancien, on parle beaucoup de la poix mais les récipients pouvaient
également être enduits de cire d’abeille (les fûts n’apparaissent que plus tard avec les Gaulois). « Le problème
de la poix, c’est qu’elle donne des vins…poissés, qui sentent un peu le goudron » reconnaît Pierre Gaillard.
Herbe à chameau, fenugrec et eau de mer
Le vigneron a également diversifié les recettes dont la liste des ingrédients a également été retrouvée dans les
écrits de Pline l’Ancien ou Columelle. La cuvée 2015 en amphore à base de thym, romarin, laurier, grenade,
écorces d’agrumes donne un vin épicé sur des arômes d’orange et le citron ; l’essai 2014, fermenté et élevés
8 mois en tonneaux de 100 litres, à base de racines d’iris, de fenugrec et d’herbe à chameau offre un nez
délicat, légèrement fumé sur des arômes de roses anciennes et de pot pourri ; la cuvée de 2005, élaboré avec
du fenugrec et de l’eau de mer, ne ressemble à rien de connu, un genre de saumure légère sur une pointe
fumée… « A l’époque, il n’y avait pas de soufre, précise le vigneron rhodanien. Des plantes comme le
fenugrec et les racines d’iris faisaient office de conservateur car les Romains en enterrant leurs amphores
aimaient les vins vieillis ».
La renaissance des vins de Seyssuel
L’association Vitis Vienna qui compte désormais une quinzaine de vignerons derrière les trois pionniers des
vins de Vienne (Pierre Gaillard, Yves Cuilleron et François Villard) travaille à recréer le vignoble de Seyssuel
et de Vienne en attendant le passage en AOC Côtes-du-Rhone (aujourd’hui en IGP Collines Rhodaniennes).
La plupart des producteurs ont choisi pour leur cuvée des noms gallo-romains (Asiaticus, Sixtus, Saxeolum,
Taburnum, Sotanum, Héluicum, Lucidus…), faisant référence au passé glorieux de ce vignoble qui avait failli
disparaître au XXe siècle face à la trop forte concurrence industrielle. Des vins majoritairement en rouge
(syrah) mais également quelques ha en blanc (viognier) à l’instar de leur renommés voisins de Côte Rôtie et
Condrieu.
Autour du vin
L’été, la ville de Vienne met en place un petit train touristique qui sillonne pendant 3 h le vignoble de Côte
Rotie les lundis et vendredis après-midi (6€), le vignoble de Seyssuel les samedis (25€) avec dégustation en
fin de parcours. Pour le festival de jazz, la première quinzaine de juillet, cinq vignerons élaborent une cuvée
Jazz à Vienne en Côte Rôtie et Condrieu, éditées chacune à quelques centaines de bouteilles (35€).
Début novembre, Vitis Vienna organise depuis trois ans, les Pressailles pour faire découvrir leur vignoble
avec visites guidées, dégustation des vins le soir autour d’un buffet en compagnie des vignerons (5€).
Une fois par mois, un viticulteur présente ses vins avec une sélection de produits locaux et les vend à prix
caveau au bar à vins la BarCarOlle, au centre de Vienne. Au tout nouveau pavillon du tourisme du pays
viennois, un mur œnothèque évoque les vins de la région avec représentation du vignoble en 3D prévue en
2017. Des ateliers dégustations sont proposés régulièrement dans la magnifique salle de dégustation à l’étage
avec vue sur Rhône et vignes.