Ces minorités visibles invisibles
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Ces minorités visibles invisibles
27 OCT/03 NOV 11 Hebdomadaire Paris Surface approx. (cm²) : 457 2 IMPASSE DELAUNAY 75011 PARIS - 01 55 25 86 86 Page 1/1 Ces minorités visibles invisibles Une manifestation contre les «crimes coloniaux du passe» le 8 mai 2006 LABAN MATTEAFP A ujourd'hui, en France, « les minorités, visibles lorsqu'elles dérangent, deviennent invisibles quand il s'agit de représentation politique ou d ascension sociale », écrit d'emblée l'historienne Esther Benbassa en introduction au volume Minorités visibles en politique Rassemblant les actes d'un colloque en décembre 2009 a l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm a Pans, a l'initiative de l'association du Pan(s) du vivre ensemble, avec le concours du Centre Alberto-Benvemste, référence désormais incontournable de l'étude de l'histoire et de la sociologie des minorités (dirige par Esther Benbassa), (.et ouvrage délibérément comparatiste (I) fait le point sur cette question du « fait minoritaire > qui embarrasse tant les cadres institutionnel et de pensée républicains français Esther Benbassa ne craint pas d'en pointer les limites, hypocrisies et contradictions « En devenant français, écrit-elle, il faudrait oublier d'où l'on vient, ses langues d'origine, ses coutumes, la culture de ses pères Comme le requiert la paranoïa nationaliste, c'est vierge qu on entre en fran cite. » Cette exigence chargée d'une vraie violence pour les individus censés s'intégrer ou plutôt, dans ce cas, s'assimiler dans la société française, est au mieux ignorée par les < Français de souche », voire revendiquée au nom des va'eurs-de la République, CNRS 6788499200524/XSB/ALA/2 Un ouvrage fait le point sur les violences, politiques, symboliques, faites aux populations minoritaires en France. qui, entendues en ce sens, semblent sousentendre d'adhérer au vieux slogan d'ex trême droite repris par Nicolas Sarkozy et l'UMP lors de la campagne de 2007 « La France, on l'aime ou on la quitte » Ce refus de reconnaître et d'accepter l'existence de minorités dans la République a souvent pour corollaire leur mise < en accusation » par le terme supposé infamant de < communautés », bientôt a leur tour taxées de « communautarisme », terme encore plus infamant dans l'esprit des défenseurs du modèle umversaliste dominant, qui, au final, signifie en fait règne du plus fort La encore, Esther Benbassa met les points sur les i « Qui dit communauté, dit lien, dit solidarite Or c'est cela qui fait peur, comme si cette proximité pouvait mettre en danger la nation française, alors qu'elle est en fait au contraire un vecteur d'intégration, puisqu'elle bâtit des ponts entre la minorité et la nation. » Loin de mer les dangers Minorités visibles on politique Esther Benbassa (sous la du i CNRS Éditions 364 p 24 euros (I) Le Centre Alberto Benveniste publie I ouvrage L histoire des minorités est elle une histoire marginale ' Benbassa (Presses de l'université Pans-Sorbonne 2008) Cf notre article mPoMisn°993 du 13 mars 2008 du communautarisme, l'historienne décrypte les mécanismes qui le produisent « On se veut 'entre soi" et "contre eux", ce qui pro voque un mouvement en retour parfaitement symétrique, puisque "eux" se méfient de ce "nous " hostile, le communautarisme dont on se plaît a évoquer les ravages se nourrit de part et d autre de cette hostilité » À l'instar des travaux reunis dans ce volume, le < fait minoritaire » ne saurait se limiter aux seuls groupes, « numériquement faibles, que leur religion, leur origine ethnique et/ ou la couleur de leur peau distinguent de la population dite majoritaire » Des groupes comme Act Up-Pans ou la revue Vacarme travaillent depuis longtemps sur cette ques tion, et ont contribue a documenter combien, par exemple, comme l'écrit Esther Benbassa, « les femmes, moitié de I humanité, considérées longtemps comme des mineures, sont elles aussi encore souvent perçues comme des "minoritaires" », comme ceux que l'on a coutume d'appeler désormais les LGBT (pour lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) - auxquels certains ajoutent maintenant un I pour « Intersexes » . À partir d'exemple* étrangers, en Europe ou outre-Atlantique, d'études historiques, ou de possibles mesures « capables d'influer positivement sur l'avenir » des différentes minorités en France - comme la mise en place de statistiques ad hoc pour mesurer les discriminations ou l'octroi (enfin) du droit de vote (au moins) aux élections municipales —, le travail collecte des auteurs du volume vient surtout appeler la gauche a s'emparer de ces sujets Celle-ci aurait « tout intérêt, ne serait-ce que pour de basses raisons de clientélisme électoral, a placer sur ses listes, en position ehgible, des candidats capables de mobiliser les voix des groupes minoritaires dits "visibles" » Or, elle continue encore de craindre « de déplaire a son électoral en mettant sur les listes des '(m)vistbles" politiques » Le chemin sera long. Mais en ces temps de campagne électorale, il est temps que la gauche, ou du moins la gauche de (la) gauche, affronte rationnellement ces questions, vitales pour faire ce « pan du vivreensemble », comme le rappelle le titre de l'association fondée par Jean-Christophe Attias et Esther Benbassa Sinon, il est a craindre qu' « au lieu de négocier avec ses minorités, la République, abstraite, [continuera a] se cnspe[i] sur I application de normes figées qui ne font qu'entretenir les crises récurrentes dans les centres urbains, et jouent l'épreuve de force la ou des aménagements seraient possibles pour vivre autrement et mieux » > Olivier Doubre Eléments de recherche : CNRS EDITIONS ou EDITIONS DU CNRS ou PRESSE DU CNRS : toutes citations