Iphigénie - biblio

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Iphigénie - biblio
Iphigénie
Jean Racine
Livret pédagogique
correspondant au livre élève n° 86
établi par Anne-Laure Chat,
certifiée de Lettres modernes,
professeur en collège
Sommaire – 2
SOMMAIRE
R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S ................................................................................. 3 Acte I, scène 1 (pp. 21 à 28)................................................................................................................................................................... 3 Acte II, scène 2 (pp. 43 à 48).................................................................................................................................................................. 4 Acte III, scène 5 (pp. 71 à 74)................................................................................................................................................................. 5 Acte IV, scène 4 (pp. 89 à 94) ................................................................................................................................................................ 6 Acte V, scène 6 (pp. 119 à 121) ............................................................................................................................................................. 9 Retour sur l’œuvre (pp. 125 à 128) ...................................................................................................................................................... 11 Réponses aux questions du groupement de textes (pp. 146 à 155) ..................................................................................................... 12 T A B L E A U D E S C O N T E N U S .................................................................................. 14 P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N T A I R E S ................................................................. 15 B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E ....................................................................... 16 Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays.
© Hachette Livre, 2014.
43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15.
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Iphigénie – 3
RÉPONSES AUX QUESTIONS
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à
2 8 )
◆ Avez-vous bien lu ?
Il y a trois mois, Agamemnon a accepté, malgré lui, que sa fille soit sacrifiée : selon un oracle
communiqué par Calchas, c’est la condition pour que les dieux permettent à l’armée grecque de partir
à l’assaut de Troie. Il lui a alors demandé de le rejoindre sous un faux prétexte : Achille aurait été
pressé de l’épouser avant de partir à la guerre. Mais, ce matin, il a changé d’avis et charge Arcas
d’apporter une lettre à Clytemnestre afin de la décourager de venir en avançant un nouveau
mensonge : Achille voudrait désormais repousser ce mariage car il serait tombé amoureux d’Ériphile.
u
◆ Étudier le genre théâtral
Arcas est désigné comme un domestique dans la liste des personnages. Il fait partie des proches
d’Agamemnon ; c’est une personne de confiance (cf. v. 125 à 128).
w Agamemnon livre toutes ces informations à Arcas car il va lui confier une mission d’importance :
sauver la vie d’Iphigénie en la dissuadant de rejoindre son père. Pour cela, Arcas doit remettre à
Clytemnestre la lettre qu’Agamemnon vient d’écrire.
x La sacrifiée est désignée par son lien de parenté avec Hélène. Comme la fille d’Agamemnon est la
nièce d’Hélène, elles sont donc du même sang, d’où la méprise à propos de l’oracle.
y Les personnages sont dans une situation d’urgence : il faut empêcher l’arrivée imminente de
Clytemnestre et de sa fille, c’est-à-dire la mort de celle-ci. Cette urgence est apparente dans les
expressions « cours », « sans t’arrêter », « dès que », et le danger dans la phrase « Si ma fille une fois met le
pied dans l’Aulide, / Elle est morte ».
v
◆ Étudier les thèmes du mensonge et du secret
Le champ lexical du mensonge est composé du mot « abusée » (v. 145), et celui du secret des
termes « secret » (v. 144 et 154), « ignore » (v. 146) et « taire » (v. 157).
V Deux secrets sont évoqués dans cette scène : celui de l’oracle, que seuls quelques chefs grecs
connaissent (v. 53), et celui de la lettre qu’Agamemnon envoie en cachette à sa femme grâce à Arcas.
Agamemnon révèle aussi qu’il a menti deux fois : en demandant à sa fille de le rejoindre sous un faux
prétexte (et au nom d’Achille), puis en inventant une histoire (la froideur d’Achille) pour qu’elle ne le
rejoigne pas.
W Cette accumulation de mensonges et de secrets rend la situation explosive : comment réagiront les
personnages quand ils apprendront ces manœuvres douteuses, notamment Clytemnestre et Achille,
mais aussi le peuple ? Le roi encourt leur colère.
U
◆ Étudier les personnages
Ulysse mérite bien que son nom soit associé à la ruse : il n’attaque pas de front Agamemnon mais,
dans un premier temps, semble, au contraire, être de son avis (v. 71 : « Ulysse en apparence approuvant
mes discours »). Puis, une fois l’émotion la plus vive passée, il flatte l’orgueil d’Agamemnon en
évoquant son statut de chef des chefs (v. 75 : « Tout ce peuple, ces rois à mes ordres soumis ») et en
opposant une obscure retraite en famille à la gloire d’un roi conquérant (v. 78 : « Roi sans gloire, j’irais
vieillir dans ma famille ! »).
at Un portrait peu flatteur d’Agamemnon se dessine à travers ses paroles et ses actes. Il apparaît
vaniteux (v. 80 à 82 : l’idée de sa gloire l’amène à accepter la mort de sa fille), faible (v. 89-90 : il
change plusieurs fois d’avis) et lâche (pour éviter la colère de Clytemnestre, il lui ment à deux
reprises : v. 92 et v. 93). Toutefois, sa tendresse paternelle vient contrebalancer ses nombreux défauts
(v. 117-118 : « Je plains mille vertus, une amour mutuelle, / Sa piété pour moi, ma tendresse pour elle »). Il
correspond donc bien à l’idéal du héros aristotélicien et racinien (première préface d’Andromaque :
« Et Aristote, bien éloigné de nous demander des héros parfaits, veut au contraire que les personnages tragiques,
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Réponses aux questions – 4
c’est-à-dire ceux dont le malheur fait la catastrophe de la tragédie, ne soient ni tout à fait bons, ni tout à fait
méchants »).
◆ Étudier la mise en scène
Dans cette scène, le metteur en scène doit prévoir une lettre.
Aux vers 1-2, les paroles d’Agamemnon font comprendre qu’Arcas est en train de dormir. Aux
vers 35 à 39, les paroles d’Arcas révèlent qu’Agamemnon est en train de pleurer, une lettre à la main.
ak
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4 8 )
◆ Que s’est-il passé entre-temps ?
u
a) Faux. b) Vrai. c) Faux. d) Faux. e) Vrai.
◆ Avez-vous bien lu ?
Ériphile est la fille cachée qu’Hélène a eue avec Thésée avant d’épouser Ménélas. Ériphile n’a
jamais connu ses parents et ne sait même pas qui ils sont.
w L’oracle consulté par Ériphile lui a annoncé que la découverte de son identité provoquerait sa mort
(v. 429 à 431).
x Le prénom d’Ériphile n’est pas celui qu’elle a reçu à sa naissance : il a été changé (v. 437).
y Ériphile confie à Doris qu’elle est tombée amoureuse d’Achille le jour même où il l’a enlevée.
U Ériphile est jalouse d’Iphigénie et ne peut supporter son bonheur (v. 508).
V Ériphile a suivi Iphigénie en Aulide, non pas tant pour consulter Calchas sur ses origines comme
elle l’a prétendu que dans l’espoir d’empêcher le mariage d’Iphigénie et d’Achille (v. 517 à 522).
v
◆ Étudier le thème du coup de foudre
Le coup de foudre n’est pas vécu sur scène, mais il apparaît dans le récit d’un souvenir. On peut
s’aider du repérage du passé simple pour le délimiter. Ce temps est employé de façon systématique
depuis le vers 488, qui fournit une indication de temps ancrant le récit dans le passé (« Du jour qui dans
les fers nous jeta toutes deux ? »), jusqu’au vers 501.
X Le sens de la vue est inséparable de la naissance de cet amour, de ce love at first sight. Le champ
lexical de la vue est d’ailleurs développé : « yeux » (v. 491), « voyant » (v. 492), « vue » (v. 496), « vis »
(v. 497). La scène est racontée du point de vue d’Ériphile.
at La scène est racontée à travers le regard d’Ériphile qui monte lentement. Après un moment
d’évanouissement, elle ouvre les yeux (v. 490-491) et découvre progressivement « un bras ensanglanté »
(v. 492), détourne son regard (v. 496) et découvre enfin son « aspect » (v. 497). Cette répugnance à
regarder Achille est due à un mélange de peur (v. 493 : « je frémissais » ; v. 494 : « craignais »), de haine
(v. 495 : « détestant ») et de « colère » (v. 500).
ak Cet amour naît dans des conditions peu romantiques puisqu’il s’agit d’une situation de grande
violence et de terreur. En effet, ce coup de foudre a lieu pendant un rapt : Ériphile tombe amoureuse
de son ravisseur, dont elle a peur et qu’elle hait. De plus, à ce moment-là, Achille, « vainqueur
sauvage » (v. 493) qui vient de décimer les Lesbiens, en a encore le « bras ensanglanté » (v. 492).
al Le vers 499 nous montre qu’Ériphile est déchirée par la contradiction entre ce que veut ou pense
son « moi » et ce qu’elle ressent. Sa raison, sa dignité et son amour-propre lui interdisent d’aimer
l’homme qui a détruit son peuple et l’a réduite à l’état de prisonnière. Et pourtant son « cœur » est
irrésistiblement ému par Achille.
am Ériphile est captive au sens propre, car prisonnière d’Achille, mais aussi au sens figuré, car elle n’est
pas libre de ses sentiments.
W
Iphigénie – 5
◆ Étudier les temps
Le verbe « pourrais » (v. 518) est au conditionnel présent, de même que « se répandrait » (v. 520). La
répétition de l’adverbe « peut-être » permet d’analyser la valeur de ce mode ici : il exprime le potentiel.
ao Le verbe « servira » (v. 523) est à l’indicatif futur, tout comme « périrai » (v. 525) et « enfermerai »
(v. 526). Ce temps exprime l’avenir vu du présent.
ap Ces modes verbaux annoncent la suite de la pièce. En effet, on trouve évoqué au conditionnel ce
qu’Ériphile tentera en vain de faire et qui se retournera contre elle : elle va dénoncer la tentative
d’évasion d’Iphigénie à Calchas et à toute l’armée pour perdre sa rivale, mais cela précipite sa propre
mort. Au futur est exprimé ce qui va réellement avoir lieu, c’est-à-dire son suicide.
an
◆ Étudier un personnage racinien
Cette héroïne n’est pas maîtresse de son destin, puisqu’il est fixé par un oracle, ni d’elle-même,
puisque, sous l’effet de la fureur, c’est-à-dire de la folie, elle ne peut plus se contrôler.
ar L’alternative qu’elle envisage pour son avenir montre que les effets de la passion sont destructeurs
chez Racine : ou elle parviendra à porter malheur à Iphigénie et Achille et à briser leur mariage ou
elle se suicidera.
as Le héros racinien condamne la passion qui le détruit, même s’il ne peut y résister. Cela s’exprime
ici à travers l’adjectif « folle » (v. 528) dont elle qualifie son amour, qu’elle juge donc déraisonnable, et
par le sentiment que cet amour fait naître : la « honte » (v. 526).
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à
7 4 )
◆ Que s’est-il passé entre-temps ?
a) La scène se termine par un quiproquo tragique sur le mot « autel ».
b) Le mensonge d’Agamemnon dans sa lettre (que sa femme vient enfin de recevoir) a pour résultat
qu’Iphigénie découvre la vérité sur les sentiments d’Ériphile.
c) Iphigénie est glaciale quand elle revoit Achille. Celui-ci exprime, de son côté, ses soupçons à
Ériphile.
d) Pendant l’entracte, Achille a parlé à la reine et l’a convaincue de son amour pour sa fille.
e) À la scène 1 de l’acte III, Agamemnon ordonne à sa femme de renoncer à assister au mariage.
f) Achille et Clytemnestre se réjouissent que le mariage ait lieu.
g) À la scène 4 de l’acte III, Iphigénie obtient qu’Ériphile soit libérée.
u
◆ Avez-vous bien lu ?
Arcas vient révéler que c’est la mort qui attend Iphigénie à l’autel et non le mariage. Il souhaite
qu’Achille empêche cette mort.
v
◆ Étudier le registre pathétique
L’apostrophe la plus fréquente s’adresse aux dieux : « Ô ciel ! » (v. 913), « Ciel ! » (v. 922)
s’exclament respectivement Ériphile et Iphigénie, tandis que Clytemnestre avait déjà invoqué les
dieux (v. 901 : « Dieux ! »). Les personnages interpellent les dieux dans un moment où ils se sentent
dépassés par les événements, où ils sentent que les dieux sont les seuls maîtres de leur destin. Ils
expriment ainsi, au plus haut degré, l’intensité de leurs émotions : leur désarroi, leur stupéfaction ou
leur désespoir.
x Dans
ces vers, les dieux apparaissent aussi cruels qu’injustes, aussi monstrueux
qu’incompréhensibles : « un meurtre abominable » rime avec « de quoi suis-je coupable ? ».
y Dans sa tirade, Clytemnestre cherche à obtenir d’Achille qu’il protège Iphigénie comme s’il était
déjà son époux.
w
Réponses aux questions – 6
Pour persuader Achille d’agir ainsi, Clytemnestre essaie de susciter en lui différentes émotions :
l’indignation d’abord (par la forme emphatique qui met en relief l’hyperbole « votre épouse » et la
répétition du pronom « vous », aussi concerné par la forme emphatique au vers 935 et qui implique
fortement Achille en le prenant à partie), la culpabilité ensuite (l’hyperbole « l’a conduite à la mort » au
vers 936), et enfin la pitié (par une question rhétorique [v. 937-938], une pause forte à l’hémistiche
qui souligne « vous seul » [v. 939] et une énumération qui condense en sa personne son seul recours
[v. 940]).
U
◆ Étudier les types et les formes de phrases
Les personnages expriment leurs émotions à travers des types de phrases expressifs : les phrases
exclamatives, interrogatives et emphatiques sont très représentées dans cette scène.
W Les questions de cette scène expriment différentes attitudes : certaines peuvent être comprises
comme traduisant l’incrédulité ou l’indignation (v. 921 : « Les dieux ordonneraient un meurtre
abominable ? »), l’incompréhension (v. 914 : « Quelle aveugle fureur pourrait l’armer contre elle ? » ;
v. 922 : « pour tant de rigueur, de quoi suis-je coupable ? ») ou la stupéfaction (v. 901 : « que vient-il
m’apprendre ? »).
V
◆ Étudier les vers
Le vers 907 contient trois pauses importantes signalées par un signe de ponctuation souvent fort.
L’une de ces pauses est d’autant plus importante qu’elle correspond à un changement d’interlocuteur.
Cela crée un rythme saccadé, haché.
at Le vers 913 est réparti sur quatre répliques très courtes qui rendent compte des réactions très vives
des personnages à la révélation d’Arcas. Elles s’enchaînent donc sur un rythme soutenu. Cela
correspond au moment le plus tendu de la scène : la révélation d’Arcas fait l’effet d’un coup de
tonnerre à chacun des personnages.
ak La fragmentation des vers reflète le grand désarroi des personnages. Leur bouleversement est tel
qu’ils ne peuvent plus s’exprimer que par monosyllabes et à la forme exclamative.
X
◆ Étudier le vocabulaire
Le verbe implorer est composé du préfixe im-, du radical -plor- et du suffixe verbal -er. Un de ses
synonymes est supplier.
am Un nom de la même famille apparaissant dans les premiers vers de cette tirade est « pleur » (v. 931).
Cela confirme le registre pathétique de cette scène. Iphigénie est d’ailleurs une pièce qui a beaucoup
e
fait pleurer le public du XVII siècle.
al
◆ Lire l’image
Sur cette photographie, Iphigénie paraît très fragile et éperdue. Vraisemblablement à genoux,
blottie dans les bras de sa mère, les yeux clos et la bouche ouverte, elle est l’image de la détresse et de
l’effroi. Le fait que l’actrice soit très jeune accentue le pathétique de cette scène. L’Iphigénie de
Racine semble plus retenue dans l’expression de son désarroi. Elle le dit elle-même à Achille : « Vous
voyez de quel œil et comme indifférente / J’ai reçu de ma mort la nouvelle sanglante » (III, 6). Par ailleurs, elle
affronte avec une telle fermeté son destin que cela la fait paraître assez forte. Quel que soit son
interlocuteur, elle ne semble jamais une enfant démunie : elle sait s’opposer à chacun d’eux.
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9 4 )
◆ Que s’est-il passé entre-temps ?
a) III, 6 : « Il faut de ce péril, de cette trahison, / Aux yeux de tous les Grecs lui demander raison » (v. 987988) ou « Il faut que le cruel qui m’a pu mépriser /Apprenne de quel nom il osait abuser » (v. 991-992).
b) III, 7 : « Et que ne pourra point m’inspirer la pensée / De prévenir les pleurs que vous verseriez tous »
(v. 1070-1071).
u
Iphigénie – 7
c) IV, 1 : « Tu verras que les dieux n’ont dicté cet oracle / Que pour croître à la fois sa gloire et mon tourment »
(v. 1110-1111) ou « Non, te dis-je, les dieux l’ont en vain condamnée : / Je suis et je serai la seule
infortunée » (v. 1125-1126).
d) IV, 1 : « Et publier partout les complots criminels / Qu’on fait ici contre eux et contre leurs autels » (v. 11311132).
e) IV, 3 : « Que faites-vous, madame ? et d’où vient que ces lieux / N’offrent point avec vous votre fille à mes
yeux ? » (v. 1155-1156) ou « Qu’attend-elle ? Est-ce vous qui l’avez retardée ? / À mes justes désirs ne vous
rendez-vous pas ? » (v. 1158-1159).
◆ Avez-vous bien lu ?
Dans cette scène, le but d’Iphigénie est de sauver sa vie en attendrissant son père sur son sort.
Elle ne réussit pas à le convaincre de renoncer au sacrifice, comme le montre le vers 1241 : « Ma
fille, il faut céder. Votre heure est arrivée. »
x Clytemnestre est sous l’emprise de la colère quand elle prend la parole dans cette longue tirade.
y À la fin de la scène, la situation a peu évolué : Clytemnestre est bien décidée à protéger sa fille
autant qu’elle le pourra. Le roi voit sa tâche devenir de plus en plus difficile : il a désormais, face à lui,
des personnes qui s’opposent fermement à ce sacrifice.
v
w
◆ Étudier le discours : des stratégies d’argumentation opposées
L’introduction (ou exorde) s’étend du vers 1174 au vers 1192, la narration du vers 1193 au
vers 1204 et la confirmation du vers 1205 au vers 1218 ; la conclusion (ou péroraison) est très courte.
V Iphigénie insiste sur son obéissance et sa soumission complète à l’autorité paternelle : « vous serez
obéi » (v. 1176), « Ma vie est votre bien » (v. 1177), « un cœur aussi soumis » (v. 1179), « victime
obéissante » (v. 1181), « respectant » (v. 1183), « ce respect » (v. 1185), « cette obéissance » (v. 1185). Elle
rassure ainsi son père sur ses intentions et, selon le principe de la captatio benevolentiae, le met dans de
bonnes dispositions à son égard.
W La deuxième partie est un retour dans le passé, signalé par l’apparition du passé simple, pour
évoquer les souvenirs d’une enfance heureuse lors de laquelle la joie (v. 1195 : « plaisir de vos yeux » ;
v. 1999 : « avec plaisir » ; v. 1202 : « je préparais la fête ») et l’affection (v. 1194 : « doux nom de père » ;
v. 1197 : « vos caresses ») ont dominé. En rappelant de tels souvenirs à son père, elle vise à l’attendrir.
X Dans la troisième partie, Iphigénie cesse de plaider pour son propre compte : elle s’efface devant les
intérêts et les sentiments de sa mère et de son fiancé. Elle évoque l’inquiétude d’Achille (v. 1217 :
« jugez de ses alarmes ») et le désespoir de sa mère (v. 1218 : « vous voyez ses larmes ») dans le but de
« prévenir les pleurs [qu’elle] leur [va] coûter » (v. 1220).
at Le but de toute cette tirade est d’apitoyer et d’émouvoir Agamemnon par une humble prière.
Iphigénie connaît bien son père ; elle sait qu’il ne faut pas attaquer de front ce roi susceptible
(v. 1064 : « Et mon père est jaloux de son autorité »). Lui-même reconnaîtra que c’est cette attitude qui a
le plus d’effet sur lui, dans le monologue de la scène 7 : « Ma fille toute seule était plus redoutable »
(v. 1426).
ak Les vers 1259 à 1264 répondent au vers 1227 (« Je ne vous dirai point combien j’ai résisté ») pour nier
l’affirmation d’Agamemnon. Pour cela, Clytemnestre emploie le champ lexical du combat sur un
mode très violent : « combat », « flots de sang », « débris », « champ couvert de morts ». Seul un tel carnage
saurait la convaincre qu’il a véritablement résisté.
al Clytemnestre brise le portrait du père se sacrifiant aux intérêts de sa fille en le montrant, au
contraire, très égoïste et orgueilleux, ne se souciant que de sa gloire (v. 1289 : « Cette soif de régner, que
rien ne peut éteindre »). Elle va même jusqu’à l’accuser de tirer parti de la mort de sa fille pour asseoir
encore davantage son autorité : « Et loin de repousser le coup qu’on vous prépare, / Vous voulez vous en faire
un mérite barbare » (v. 1293-1294).
am Outrée, Clytemnestre commence sa tirade en brossant de son mari un portrait particulièrement
sombre. D’abord, elle rappelle de quelle famille maudite il est issu pour montrer qu’il est sur le point
d’égaler la monstruosité de son ancêtre Atrée (qui a fait manger à son frère ses propres enfants). Les
termes péjoratifs utilisés (« funeste », « bourreau de votre fille », « horrible », « barbare », « l’horreur »,
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Réponses aux questions – 8
« inhumain ») soulignent la cruauté de ce père indigne. Elle l’accuse aussi de sournoiserie (il a fait
preuve d’« artifice ») et d’hypocrisie (« fausse tristesse »). Clytemnestre veut ainsi le rendre honteux.
an Clytemnestre propose une fille de sa sœur Hélène à la place d’Iphigénie : Hermione, la fille de
Ménélas, ou une autre fille cachée qu’elle aurait eue avec Thésée. Cela se justifie par le fait que le
sacrifice demandé par les dieux serait une punition du « crime d’Hélène » (v. 1269). Ce rappel du passé
d’Hélène est placé très opportunément pour préparer le coup de théâtre du dénouement : l’existence
d’une autre Iphigénie de sa famille.
ao Aux vers 1301 à 1308, Clytemnestre emploie le futur pour faire le tableau anticipé du sacrifice de
sa fille. Le pathétique est créé par l’opposition entre la violence du sacrifice (« cruelle », « criminelle »,
« déchirera son sein », l’image du cœur arraché et disséqué) et la poésie des préparatifs du mariage (« les
chemins encore tout parfumés », « des fleurs dont sous ses pas on les avait semés ! »). Par ce récit,
Clytemnestre veut impressionner Agamemnon, marquer son imagination et lui faire percevoir toute
l’atrocité de ce qui va se produire afin que son cœur se soulève et qu’il renonce à son dessein.
◆ Étudier l’écriture
Transformation des questions rhétoriques en phrases déclaratives négatives : « Vous n’avez pas
rendu de combat. Vous n’avez pas répandu des flots de sang pour elle. Aucun débris ne parle ici de
votre résistance. Aucun champ couvert de morts ne me condamne au silence. »
Les questions rhétoriques ont plus de force dans l’argumentation car elles prennent à partie
Agamemnon qui ne peut répondre. Elles le mettent donc en échec.
aq Dans toute cette tirade, Clytemnestre attaque sans répit son mari en utilisant différents procédés
oratoires : l’anaphore (v. 1260 à 1263, 1265-1266 ou 1274-1275), des verbes conjugués à l’impératif
(v. 1270-1271 : « faites », « laissez ») et des apostrophes (v. 1253 : « barbare » ; v. 1264 et 1292 :
« cruel »).
ap
◆ Lire l’image
L’attitude de Clytemnestre – dont la fureur éclate dans une robe rouge et une longue chevelure
rousse – à genoux mais les poings serrés exprime à la fois son désespoir et sa rage combative, en
accord avec ses propos.
Quant à la sévérité implacable d’Agamemnon dans cette scène, elle est rendue aussi bien par la
noirceur de ses cheveux, de sa barbe et de son vêtement austère que par son attitude raide et son
regard fixé devant lui : il ne semble pas voir, donc pas écouter Clytemnestre. (Dans cette mise en
scène, les comédiens avaient pour consigne de ne plus bouger lorsqu’ils avaient fini leur réplique,
composant ainsi des tableaux.) Cependant, le groupe qu’il forme avec sa fille – et qui évoque la Pietà
de Michel-Ange, donc l’infinie douleur parentale – ainsi que la crispation passionnée de ses mains sur
le corps d’Iphigénie contrastent avec ce qui se dégage de ses paroles et révèlent la complexité de ce
personnage déchiré entre son devoir royal et son amour paternel.
Enfin, Iphigénie, dont l’innocence et la douceur sont soulignées par la blancheur de la robe et la
blondeur des cheveux, est complètement abandonnée dans les bras de son père : sa gorge est offerte ;
elle semble avoir remis sa vie entre ses mains et accepté sa mort. Celle-ci est évoquée par les
similitudes de sa pose avec celle du Christ mort étendu sur les genoux de sa mère dans la Pietà. Le
renoncement suggéré par cette pose est plus nuancé dans ses propos : si elle insiste sur sa soumission et
son obéissance à son père, elle emploie différents moyens pour le toucher et ébranler sa décision.
Charles Péguy décelait même, dans le plaidoyer d’Iphigénie, une « cruauté filiale de jeune Atride » : « il
n’y a pas un mot qui ne porte pour mettre l’adversaire (le père) dans son tort » (« Solvuntur objecta », paru en
1910 sous le titre Victor-Marie Comte Hugo, Gallimard, Paris, 1934).
bm Le rocher situé au milieu de la scène fait référence à l’autel sur lequel doit être sacrifiée Iphigénie.
Cet élément du décor, présent dès le début de la pièce, pèse comme une menace et rend manifeste le
poids d’un destin inéluctable. Par ailleurs, ce rocher ancre la pièce dans la tradition du théâtre grec :
au centre de l’orchestra, où se tenait le chœur, trônait l’autel de Dionysos. Celui-ci était un souvenir de
l’origine du théâtre, un culte dionysiaque qui commençait par le sacrifice d’un bouc en l’honneur du
dieu.
bl
Iphigénie – 9
La grande toile tirée au-dessus des comédiens figure la tente d’Agamemnon sous laquelle se déroule la
pièce. Mais elle peut aussi faire penser aux voiles immobiles des bateaux, cause de cette tragédie dans
laquelle on attend que le vent se lève.
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◆ Que s’est-il passé entre-temps ?
a) Achille, par sa façon de s’adresser au roi, le vexe.
b) Agamemnon décide de sauver sa fille mais refuse qu’elle épouse Achille.
c) Ériphile, folle de jalousie, décide de dénoncer la fuite d’Iphigénie.
d) Achille et Iphigénie se disputent.
e) Iphigénie demande à sa mère de pardonner à son père.
f) Clytemnestre découvre la trahison d’Ériphile.
g) Arcas fait le récit de la colère d’Achille à l’autel.
u
◆ Avez-vous bien lu ?
Avant que Calchas ne prenne la parole, un « combat » (v. 1736) était sur le point d’éclater entre
Achille et l’ensemble de l’armée grecque.
w Calchas révèle qu’Ériphile a pour véritable nom Iphigénie et qu’elle est la fille cachée d’Hélène et
de Thésée. C’est son sacrifice qui est réclamé par les dieux.
x Quand Ériphile apprend la révélation de Calchas, elle saisit le couteau et se suicide.
y À sa mort, une tempête éclate. Les vents que les dieux avaient contenus jusqu’alors se déchaînent :
la flotte va pouvoir prendre la mer. Le temps de l’épopée troyenne commence.
U Aux dires d’un humble soldat, un miracle aurait eu lieu : Diane serait apparue dans une nuée. C’est
une allusion au dénouement de la pièce d’Euripide dans laquelle la déesse, dea ex machina, intervenait
e
pour remplacer Iphigénie par une biche. Invraisemblable pour le XVII siècle qui ne croit plus aux
dieux de la mythologie, cette fin a été rejetée par Racine. Il souligne même la distance qu’il prend
avec cette légende en l’attribuant à un soldat crédule.
v
◆ Étudier la composition de la pièce
La première moitié de la pièce finissait déjà sur un coup de théâtre : la révélation, par Arcas, des
véritables intentions d’Agamemnon concernant le mariage de sa fille.
W Ériphile peut être considérée comme le double d’Iphigénie car ce sont deux jeunes princesses, filles
de héros et descendantes de dieux, qui ont aussi en commun d’être amoureuses du même homme.
Mais, alors qu’Iphigénie a tout (une famille qui la chérit, un fiancé très amoureux, la gloire d’être la
fille du chef des Grecs), Ériphile n’est rien puisqu’elle ignore qui sont ses parents. De plus, Iphigénie
est parfaitement vertueuse, alors qu’Ériphile, égarée par sa passion, provoque volontairement le
malheur de ceux qu’elle jalouse.
V
◆ Étudier le dénouement
Deux règles interdisaient à Racine de représenter le sacrifice sur scène : l’unité de lieu (on ne
change pas de décor) et la bienséance (pas de sang versé sur scène).
at Le coup de théâtre final a été préparé à plusieurs reprises dans la pièce. Deux personnages ont
rappelé que les oracles sont souvent à double entente : Doris (v. 432-433 : « Un oracle toujours se plaît à
se cacher. / Toujours avec un sens il en présente un autre ») et Clytemnestre (v. 1266 : « Un oracle dit-il tout
ce qu’il semble dire ? »). De plus, Clytemnestre a fait mention de cette fille de sa sœur (v. 1281 à 1286).
Enfin, Ériphile elle-même, après avoir évoqué l’oracle qui prédit son destin (v. 430 : « sans périr je ne
me puis connaître »), a annoncé le dénouement par les intuitions qu’elle en a : « leur hymen me servira de
loi. / S’il s’achève il suffit : tout est fini pour moi. / Je périrai, Doris, et par une mort prompte / Dans la nuit du
tombeau j’enfermerai ma honte » (v. 523 à 526) ; « Tu verras que les dieux n’ont dicté cet oracle / Que pour
croître à la fois sa gloire et mon tourment » (v. 1110-1111).
X
Réponses aux questions – 10
Les problèmes de la pièce sont résolus : le sacrifice a eu lieu ; les dieux sont contents, ils vont laisser
l’armée partir pour Troie ; Ériphile a découvert son identité, à ses dépens, comme l’avait prédit
l’oracle ; Achille et Agamemnon se sont réconciliés ; Iphigénie est toujours en vie, elle devrait
pouvoir se marier.
e
al Le dénouement, ramassé en à peine cent vers, est rapide, comme l’exigent les règles du XVII siècle.
Après le récit du sacrifice, la nouvelle situation (le retour des vents) et le sort des personnages (la
réconciliation du père et du fiancé) sont expédiés en quelques vers.
am Contrairement à la tradition, seuls deux des personnages principaux sont réunis lors de la dernière
scène. Même si la résolution des nœuds semble heureuse pour les personnages, les passions se sont si
violemment déchaînées pendant la pièce que ce nouvel ordre paraît instable : une mère, qui a
exprimé à son époux toute l’horreur que son geste lui inspirait, est-elle prête à oublier que celui-ci a
accepté que leur fille soit immolée ? La suite de l’histoire, qui voit Clytemnestre assassiner
Agamemnon à son retour de Troie, atteste que cet équilibre est très précaire.
ak
◆ Étudier une hypotypose
À partir du vers 1761, le récit n’est plus fait au passé (imparfait et passé simple) mais au présent de
narration. Ce temps apparaît juste après la révélation de Calchas qui frappe de stupeur toute
l’assistance et renverse la situation des personnages. Présentant les événements comme s’ils avaient lieu
au moment où ils sont évoqués, ce temps les rend plus proches des spectateurs et donc plus
impressionnants encore.
ao Les deux passages en italique sont des paroles rapportées : celles de Calchas d’abord, puis d’Ériphile.
Cela contribue à rendre le récit plus vivant et met les spectateurs au contact direct des événements : le
narrateur s’efface derrière les paroles rapportées. Les spectateurs peuvent ainsi mieux se représenter la
scène, en vivre toutes les émotions comme s’ils y étaient.
ap Aux vers 1770 à 1777, un verbe (« vole »), un adverbe (« déjà ») et une locution adverbiale (« à
peine ») rendent compte de la rapidité avec laquelle les événements s’enchaînent.
aq Aux vers 1777 à 1784, on relève des personnifications (« les vents agitent », « d’heureux
frémissements », « la mer leur répond par ses mugissements », « la rive au loin gémit », « la flamme du bûcher
d’elle-même s’allume », « le ciel […] jette une sainte horreur ») et des hyperboles (« mugissements »,
« blanchissantes d’écume », « brille d’éclairs »). Ces figures de style contribuent à rendre le déchaînement
de la nature animé et spectaculaire.
ar Les divers procédés d’écriture de cette hypotypose doivent frapper l’imagination des spectateurs et
leur communiquer de fortes émotions : l’effroi devant le destin qui s’abat sur Ériphile au moment où
elle pensait sa vengeance prête à se réaliser et le profond soulagement de savoir l’innocente Iphigénie
sauvée. Ulysse se dit lui-même « saisi d’horreur, de joie et de ravissement » (v. 1732).
an
◆ Étudier le héros tragique
Iphigénie ne correspond pas à l’idéal du héros tragique tel qu’il est défini par Racine dans la préface
d’Andromaque et par Aristote dans sa Poétique (« un homme qui, sans être incomparablement vertueux et
juste, se retrouve dans le malheur non à cause de ses vices ou de sa méchanceté, mais à cause de quelque erreur ») ;
elle est trop parfaite, trop innocente. Racine s’en justifie dans la préface de la pièce : « Quelle apparence
que j’eusse souillé la scène par le meurtre horrible d’une personne aussi vertueuse et aussi aimable qu’il fallait
représenter Iphigénie ? » C’est la raison pour laquelle l’invention du personnage d’Ériphile lui a paru si
« heureuse » : il trouve en elle un personnage certes « méchant » car coupable de provoquer la perte de
sa rivale, mais aussi victime à la fois de sa propre jalousie furieuse et de dieux implacables qui dès sa
naissance l’ont condamnée au malheur. Le sentiment qu’elle suscite avant tout chez le spectateur est
bien la pitié.
as
Iphigénie – 11
R e t o u r
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Agamemnon : d ; Iphigénie : c ; Clytemnestre : e ; Achille : a ; Ériphile : b.
w a) Iphigénie (v. 1177-1178).
b) Calchas (v. 61-62).
c) Ériphile (v. 427).
d) Achille (v. 1078).
e) Agamemnon (v. 365-366).
f) Ulysse (v. 317-318).
g) Clytemnestre (v. 1251-1252).
x Le mot sang est utilisé dans une expression qui exprime :
a) une émotion forte ;
b) un lien de parenté ;
c) la force vitale ;
d) la violence.
y Les transports / les manifestations d’une vive émotion.
Un billet / une lettre.
L’industrie / la ruse.
Le front / l’audace.
Un arrêt / une décision.
La pompe / le luxe d’une cérémonie.
Les alarmes / les inquiétudes.
La fortune / le sort.
U a) Cruel, crudité.
b) Odieux, ennuyer.
c) Tonnerre, étonner.
d) Furie, furieux.
V a) Ulysse.
b) Achille.
c) Agamemnon.
v
Réponses aux questions – 12
R é p o n s e s
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q u e s t i o n s d u g r o u p e m e n t
( p p . 1 4 6 à 1 5 5 )
d e
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◆ Document 1 : Euripide, Hécube
A. Ulysse cherche à convaincre Hécube d’accepter le sacrifice de sa fille Polyxène. Selon lui,
politiquement, il n’est pas bon de traiter de la même façon les guerriers les plus valeureux et les
autres : Achille était le premier des guerriers, on doit lui rendre honneur généreusement. De plus, il
faut continuer à honorer les héros même morts et entretenir leur mémoire. Ulysse, surnommé
« l’Industrieux, le Rusé », a le même mauvais rôle dans les deux pièces : c’est lui qui pousse les parents
à accepter le sacrifice de leur fille.
B. Polyxène désire mourir pour échapper à la honte de devenir esclave du vainqueur, elle qui est née
fille de roi. Cette condition est indigne d’elle. Iphigénie, qui n’est pas prisonnière, ne peut avoir la
même raison d’accepter sa mort : c’est la pure obéissance à son père qui la soumet à sa volonté.
C. Le comportement de Polyxène a de quoi susciter l’admiration par le courage qu’elle montre à
affronter la mort et par la noblesse de ses raisons : elle place son honneur au-dessus de sa vie. Mais son
jeune âge et l’effroyable mort qui l’attend et qui paraît si injuste rendent sa situation digne de pitié.
◆ Document 2 : Paroles de poilus
A. Ce soldat est resté « une journée complètement abruti » à son retour du front car ce qu’il a vécu
pendant ces jours était tellement inhumain (ils se sont conduits « comme des fauves ») et traumatisant
qu’il a beaucoup de mal à retrouver une vie plus normale. Cela annonce les difficultés de réinsertion
de tous ces soldats dans la vie civile.
B. René Pigeard oppose ce qu’il a vécu à Neuville avec ce qu’il vient de connaître : la guerre des
obus. Celle-ci ne mérite plus même le nom de « guerre ». Ces obus ne se contentent pas de tuer : ils
font voler en éclats les corps (« des lambeaux de chair qui volent en l’air, du sang qui éclabousse ») et
dévastent les terres (« des blocs de pierre cassés, émiettés, des troncs déchiquetés, des débris de maçonnerie qui
laissent supposer qu’il y a eu là une construction, qu’il y a eu des “hommes” »).
C. Les guerres de tranchées sont des guerres de position : pour faire une percée de quelques centaines
de mètres seulement dans les lignes ennemies (« un bout de terrain »), il faut sacrifier beaucoup
d’hommes sans être sûr de pouvoir tenir la position. C’est une guerre d’usure.
◆ Document 3 : Boris Vian, À tous les enfants
A. La première partie va du vers 1 au vers 19. Il y est question de jeunes soldats partis à la guerre :
« tous les enfants qui sont partis le sac à dos / Par un brumeux matin d’avril » et « Qui ont pleuré le sac au dos
/ Les yeux baissés sur leurs chagrins ». Vian fait d’eux des figures pathétiques en les présentant comme
des enfants en pleine détresse.
La deuxième partie évoque les « planqués » de l’arrière : « ceux qui sont restés / Les pieds au chaud, sous
leur bureau / En calculant le rendement / De la guerre qu’ils ont voulue » ; « tous les gras tous les cocus / Qui
ventripotent dans la vie / Et comptent et comptent leurs écus ». Les termes péjoratifs, le néologisme et les
répétitions composent d’eux l’image très dévalorisante d’êtres cyniques qui ont prospéré grâce à la
guerre.
B. Le poète veut rendre hommage à la « souffrance », la « terreur » et l’« étonnement » de ces enfants
dans la guerre en leur faisant une sorte de monument aux morts. Le titre de la chanson rappelle
d’ailleurs les inscriptions qui apparaissent en haut de ce type de monuments commémoratifs.
C. Le poète ressent une profonde indignation lorsqu’il évoque les « planqués ». Elle est sensible dans
le portrait méprisant qu’il brosse d’eux : il y insiste sur leur grosseur (« les gras », « ventripotent »,
« bajoues »), signe de leur prospérité éhontée, et sur leur cupidité (« En calculant le rendement / De la
guerre qu’ils ont voulue », « Et comptent et comptent leurs écus »). Une violente colère se manifeste aussi
dans ses intentions à leur égard : il souhaite leur faire pleurer des « larmes de honte et de boue » avec « la
schlague, avec le fouet / Avec mes pieds avec mes poings ».
Iphigénie – 13
◆ Document 4 : Ahmadou Kourouma, Allah n’est pas obligé
A. Tout au long de sa vie, Kik a subi de multiples violences : il a découvert toute sa famille
sauvagement assassinée ; alors sans aucune ressource, il n’a pas eu d’autre choix pour survivre que de
devenir soldat ; enfin, il a été abandonné, mourant, à la vengeance meurtrière d’un village, alors qu’il
n’était encore qu’un enfant.
B. Dans le deuxième paragraphe, les répétitions sont nombreuses. À quatre reprises, l’auteur reprend
quasiment la même phrase en en changeant seulement le sujet : il évoque d’abord un groupe d’enfants
puis uniquement Kik. Ces répétitions ont un effet comique.
C. Le narrateur mélange différents niveaux de langue, employant aussi bien le registre soutenu
(« oraison funèbre », « à la vindicte populaire ») que le langage familier (« j’en ai marre ») ou vulgaire (« un
pays foutu », « un foutu village », « chienne de vie »). Ce mélange disparate étonne et amuse tout en
mettant en relief la violence des émotions.
◆ Document 5 : Georges Gobet, Monrovia (Liberia), 2003
A. Cette photographie fait naître des émotions contrastées. Ce qui marque d’abord, c’est la violence
se dégageant de ce garçon qui regarde fixement le spectateur, semble lui hurler un ordre et être sur le
point d’utiliser son fusil pointé sur lui : le spectateur est alors violemment pris à partie et ne peut que
se sentir menacé. Dans un deuxième temps, le regard est attiré par le sac à dos en forme de nounours
rose bonbon. Cet objet, complètement incongru dans cette scène, rappelle la part enfantine de ce
garçon que son attitude aurait pu faire oublier. L’attendrissement que cela fait naître chez le spectateur
lui permet, par contrecoup, de ressentir de l’indignation face à la violence que subit cet enfant,
transformé en monstre malgré lui.
Tableau des contenus – 14
TABLEAU DES CONTENUS
QUESTIONNAIRES
LECTURE, COMPRÉHENSION
NOTIONS LITTÉRAIRES
ÉTUDE DE LA LANGUE
EXPRESSIONS
ÉCRITE ET ORALE
1. Acte I, scène 1
Une scène
d’ouverture
• Étudier le genre théâtral
• Étudier les thèmes du mensonge et
du secret
• Étudier les personnages
• Étudier la mise en scène
• Le rôle du confident
• La didascalie
• Le champ lexical
2. Acte II, scène 1
Une héroïne
racinienne
• Étudier le thème du coup de foudre
• Étudier un personnage racinien
• Le point de vue
• Le sentiment tragique
• Le champ lexical
• Analyser un personnage
tragique
• Les temps du récit
• Le conditionnel et le futur • Écrire des vers pour
présenter un personnage
• Rédiger des lettres
3. Acte III, scène 5 • Étudier le registre pathétique
• Les émotions de
la tragédie
Une révélation
• Étudier le rythme des vers
saisissante
• Lire l’image pour analyser des choix de
mise en scène
• L’apostrophe
• L’interjection
• Les types et les formes de
phrases
• Composition des mots,
famille de mots
• Lire de façon expressive
• Réécrire une scène de
coup de théâtre en
changeant le niveau de
langue
4. Acte IV, scène 4
L’art de la
persuasion
• Étudier le discours : des stratégies
d’argumentation
• Lire l’image pour analyser des choix de
mise en scène
• L’organisation
d’une tirade
• Une prière et
un réquisitoire
• La question rhétorique
• Le champ lexical
• L’anaphore, l’apostrophe
• La personnification,
l’hyperbole
• Les types et les formes de
phrases
• Lire de façon expressive
• Écrire un dialogue
argumentatif
• Justifier un choix
5. Acte V, scène 6
Un dénouement
spectaculaire
• Étudier la composition de la pièce
• Étudier le dénouement
• Étudier une hypotypose
• Étudier le héros tragique
• Les règles de bienséance
et des trois unités
• Le coup de théâtre
• Le dénouement classique
• Le présent de narration
• Le discours rapporté
• L’hyperbole,
la personnification
• Raconter une scène en
changeant le point de vue
Iphigénie – 15
PISTES DE RECHERCHES DOCUMENTAIRES
En approfondissement ou en prolongement de la pièce de Racine, des recherches documentaires
pourraient être menées sur :
a) La tragédie antique ou la famille des Atrides pour éclairer les modèles et les sources de Racine.
b) Le classicisme dans les autres arts ou les dramaturges contemporains de Racine pour découvrir le
contexte.
c) Le thème de l’enfant sacrifié ou de l’enfant dans la guerre en littérature, au cinéma ou en peinture.
d) L’actualité de ces thèmes, notamment avec les enfants soldats ou les différentes formes de sacrifices
de soi au nom de valeurs (kamikaze, immolation, etc.).
e) Les différentes formes de dénonciations de la guerre.
Bibliographie complémentaire – 16
BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE
◆ Biographie de Racine
– Alain Viala, Racine : la stratégie du caméléon, Seghers, 1990.
– Georges Forestier, Jean Racine, Gallimard, 2006.
◆ Sur le théâtre ou la littérature classiques
– Aristote, Poétique, « Le Livre de Poche », n° 6734, LGF, 2009.
– Paul Bénichou, Morales du Grand Siècle, coll. « Folio Essais », n° 99, Gallimard, 1988.
– Jacques Scherer, La Dramaturgie classique en France, Nizet, 2001.
– Georges Forestier, Introduction à l’analyse des textes classiques, coll. « 128 », Armand Colin, 2012.
◆ Sur Racine
– Roland Barthes, Sur Racine, Le Seuil, 1963.
– Leo Spitzer, « L’effet de sourdine dans le style classique : Racine » (1931), dans Études de style,
Gallimard, 1980.
– Jean Starobinski, « Racine et la poétique du regard », dans L’Œil vivant, Gallimard, 1961.
– Jean Rohou, Jean Racine : bilan critique, Nathan, 1994.