Apprendre les codes sociaux
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Apprendre les codes sociaux
«Apprendre les codes sociaux» par Agnès LE GUERNIC * Sujet de l’atelier proposé au congrès NPNL à Paris, le 31 janvier 2009 : La civilité, adaptation positive aux règles de vie de son milieu culturel, se construit dans la jeunesse d’abord, dans la famille, puis à l’école et dans les groupes d’égaux. C’est un point important dans l’éducation. Nous regarderons ensemble quelques points-clés concernant les processus d’intégration des codes sociaux à partir de concepts de l’Analyse Transactionnelle avec un éclairage en PNL. E n tant qu’éducatrice je me suis intéressée aux conditions de la réussite scolaire et sociale dans une société plus ouverte et de moins en moins homogène. Auteur d’ouvrages sur l’analyse transactionnelle et son utilisation, j’intègre à ma réflexion théorique des éléments de l’analyse systémique. J’utilise l’A.T. pour analyser les conflits qui mobilisent l’énergie de la personne et freinent sa réussite. Je me suis demandé comment il se faisait que dans les mêmes conditions économiques et sociologiques, certains jeunes réussissaient et d’autres non. La réponse que je fais est que la réussite scolaire tient autant aux comportements qu’aux connaissances. Il en est de même pour la réussite sociale. Après le langage, ce sont les comportements qui signalent l’appartenance au groupe. Le but des éducateurs, dans un monde ouvert, est de développer chez les jeunes gens la capacité à circuler d’un groupe à l’autre et à sortir de l’enfermement de leur milieu d’origine. Le rôle des enseignants est primordial pour compléter ou parfois redresser celui de la famille en offrant des modèles plus ouverts. Nous nous demanderons en quoi consistent ces codes sociaux et comment on les intègre, à quel âge, sous quelle influence, et quel peut être le rôle bénéfique des enseignants. Nous nous demanderons aussi en quoi l’analyse transactionnelle nous éclaire sur ces processus et sur les difficultés scolaires et sociales liées à cet apprentissage. En quoi consistent ces codes sociaux ? comment on les intègre ? à quel âge ? Quel peutêtre le rôle bénéfique des enseignants ? Le code est un ensemble de signes et de règles de combinaison de ces signes qui permettent d’interpréter et de transmettre un message. L’émetteur d’un message y puise pour constituer son message (encodage). Le destinataire identifiera ce système de signes (décodage) si son répertoire est commun avec l’émetteur. C’est l’utilisation de la partie commune qui permet la communication. Le code concerne • le langage (langue et niveaux de langue.) Les bases Métaphore - FÉVRIER 2008 - n° 52 • 12 s’acquièrent en famille, mais c’est à l’école que se fait l’apprentissage systématique. La langue de l’école n’est pas toujours la langue maternelle de l’élève. • le comportement, la manière de se présenter, les règles de la politesse qui sont renforcées avec plus ou moins d’exigences à l’école. • les vêtements qui ne font l’objet d’un choix qu’à partir du moment où l’enfant obtient de ses parents qu’il participe au choix de ses vêtements et suive les modes du groupe des élèves. Le code social est un système de langage et de comportements qui transmettent ce message : « J’appartiens (ou je n’appartiens pas) à ce groupe ». Il est explicite, évident, consciemment utilisé ou reçu, ou implicite. On en trouve des exemples dans l’usage de la mode : au collège, les adolescents se situent dans des groupes différents selon leur manière de s’habiller ; un film sur le milieu de la mode comme « Le diable s’habille en Prada » illustre à quel point le vêtement est une manière d’affirmer une identité personnelle et une identité sociale. Derrière un vêtement élégant ou hors mode, chacun aperçoit un système de valeurs : recherche de l’excellence ou de simplicité de vie, respect de la tradition et fidélité à son groupe social d’origine. Les codes sociaux renvoient à une identité sociale et signalent donc l’appartenance à un groupe. La personne qui respecte le code social envoie le message : « Je suis des vôtres ». Ils reflètent les valeurs et les hiérarchies d’une société. Ils contribuent à installer l’individu dans son rôle social. L’intégration des enfants dans une société passe par l’acquisition des codes de cette société. Elle concerne selon moi trois domaines, tous en rapport avec la position dans la relation à l’autre. Il s’agit de la relation à l’autorité, depuis la position basse, de l’exercice de l’autorité en position haute et la relation entre les sexes, relation entre égaux où il faut prendre en compte les interférences du désir amoureux. Chacun doit apprendre comment on se comporte face à plus fort que soi ; comment on se comporte face à plus faible que soi ; savoir s’il faut s’adapter ou se rebeller ; si l’on veut prendre des responsabilités avec ce qui va avec : décider au final. Il s’agit aussi selon qu’on est garçon ou fille de savoir comment se comporter vis-à-vis de l’autre sexe. La mixité permet aux nouvelles générations de se connaître sur les bancs de l’école et de réduire la crainte inspirée à chacun par l’autre sexe dans les sociétés traditionnelles. L’égalité croissante des traitements entre filles et garçons devrait aboutir à terme à une véritable parité sociale. Pourtant le poids de ces milieux traditionnels où la femme est enfermée et contrôlée par les hommes de l’entourage est une menace pour ce progrès-là. Ce qui pour une jeune fille ou une femme est autorisé ici n’est pas autorisé partout. Comment se fait l’acquisition des codes ? Par conditionnement, dès la petite enfance, ce qui implique répétition et récompenses. Ils s’apprennent dans la famille, principale source d’information pour le jeune enfant, puis à l’école et dans les groupes d’appartenance. Ils sont en relation avec la culture familiale, celle de la société et celle du groupe d’âge ou plus tard celle de l’organisation professionnelle. La famille présente au jeune enfant des modèles comportementaux et met en œuvre devant lui de manière répétée les mêmes attitudes, les mêmes jugements sur les choses et les gens. La répétition est essentielle. Pensons à la patience des mères et des pères qui redisent à l’enfant « Je n’ai pas entendu le petit mot magique ! » et refusent malgré ses cris de lui donner ce qu’il réclame sans respecter les règles. Le rôle renforçant des enseignants • Relais dans l’apprentissage du code de la langue. La maîtrise est cruciale pour l‘intégration sociale. • Dans l’utilisation des registres de langue : du familier au soutenu, de l’oral à l’écrit. On interdit le langage familier, l’argot, le verlan, à réserver aux rapports avec les copains. La maîtrise des registres de langue donne accès aux métiers de la classe dominante. • Dans l’application des règles de politesse : Dire bonjour, au revoir, se découvrir la tête en présence des figures d’autorité, dire « s’il vous plaît », « merci ». Ces manières sont considérées comme Métaphore - FÉVRIER 2008 - n° 52 • 13 signes de respect. Elles facilitent la communication. • Dans le contrôle du corps : se lever quand le professeur entre dans la classe. Éviter de crier, ne pas s’interrompre les uns les autres. Éviter les bousculades, les familiarités avec l’adulte. Maîtriser ses mouvements d’humeur. • Les enseignants sont efficaces quand ils donnent le sens de ces règles et les valeurs qu’elles soustendent : Respect de l’autre et de soi. Respect des règles. Recherche de l’intégration sociale, égalité, coopération. Respect du garçon en tant qu’homme, de la fille en tant que femme. • Des élèves témoignent qu’ils apprécient ces moments qu’ils appellent de manière amusée « morale » ou « sermons », pendant lesquels les enseignants leur parlent de la vie et partagent leurs modèles et leurs valeurs. Les professeurs de lettres ou d’histoire le font peut-être plus volontiers que les professeurs de mathématiques parce que leur matière s’y prête mieux, mais c’est surtout une question de choix personnel, selon qu’on est sensible ou non au rôle éducatif de l’école. • Ce travail se fait par modélisation et implique la congruence chez l’enseignant. L’influence directe du groupe d’égaux : la culture du groupe Selon les âges, les milieux, le groupe exerce son influence créant une culture de groupe qui se manifeste extérieurement par la mode vestimentaire, les jeux y compris les jeux dangereux, les usages et le langage : expressions, tics de langage, usage du verlan, de l’argot. Cette culture du groupe enferme le jeune s’il a l’impression de trahir les siens quand il refuse d’en sortir ou s’il y est confiné par son milieu. En quoi l’analyse transactionnelle nous éclaire sur ces processus et sur les difficultés scolaires et sociales liées à cet apprentissage Le concept de scénario de vie et le modèle des états du moi, en particulier l’état du moi Parent qui contient notre héritage de représentations du monde, aident à la compréhension des difficultés à choisir entre des options contraires. • Le scénario de vie est un plan de vie décidé de manière précoce par un enfant en fonction de l’entourage et des circonstances, sous l’influence de son père et de sa mère, ainsi que des autres figures d’autorité de l’entourage. Il n’est pas conscient, mais apparaît lors du travail de développement personnel. • Les difficultés d’intégration de cet enfant peuvent s’expliquer soit par des conflits intrapsychiques liés aux contradictions internes, soit par des conflits de loyauté entre sa famille et l’entourage. Comment s’exerce ce système d’influences sur le jeune enfant Les messages parentaux sont de trois sortes : • des discours, opinions, propos généraux sur ce qui est bien ou mal, sur ce qu’il faut faire quand on est un « bon garçon », une « gentille fille ». Les valeurs, mais aussi les préjugés de la famille transparaissent dans ces discours. • des conduites : comment se comportent les parents dans la vie de tous les jours ? Les enfants vont reproduire certains de ces comportements. Ils observeront aussi les contradictions entre ce qui est annoncé et ce qui est fait. Métaphore - FÉVRIER 2008 - n° 52 • 14 • Des émotions manifestes au niveau non verbal qui ont une influence directe et immédiate : dégoût, rejet, convoitise, interdiction. C’est le niveau le plus archaïque (avant le langage), négatif quand il s’agit des injonctions, positif quand le parent crée un bon lien avec l’enfant. • En explorant ce système de messages et en le faisant apparaître à la conscience, on peut comprendre les contradictions à l’origine des blocages par rapport à la réussite. En particulier, en reconnaissant l’influence du conditionnement culturel subi, il est possible de reconsidérer le passé et d’aboutir à de nouveaux choix. Conclusion Dans une société hétérogène, les codes sociaux de la famille peuvent être en contradiction avec ceux de l’école ou de la société, ce qui est un obstacle à l’intégration des personnes dans le milieu où elles évoluent. Les divergences entre ces influences retardent l’adaptation, mais augmentent les possibilités de choix, ce qui est une richesse. * analyste transactionnelle, enseignante et superviseur dans le champ de l’Éducation contact : [email protected] Bibliographie d’Agnès Le Guernic : - Tout le monde naît OK : L’analyse transactionnelle, une philosophie, une théorie, une boite à outils pour se comprendre et comprendre les autres. Intuitions Magazine, N° 24, janvier-février 1994 - Contes de fées et plan de vie psychologique, article paru en anglais dans le Transactional Analysis Journal de juillet 2004 sous le titre : Fairy Tales and Psychological Life Plans - Les transactions dans la relation d’influence. AAT 107, juillet 2003 - L’AT a-t-elle quelque chose à nous dire sur le politique ?, AAT 112, octobre 2004 - Les sources de conflits intrapsychiques dans l’état du moi Parent, AAT 121, janvier 2007 - Etats du moi, transactions et communication, Savoir enfin que dire après avoir dit bonjour, chez InterEditions, novembre 2004 - Sorties de conflits , InterEditions (en cours de publication) Métaphore - FÉVRIER 2008 - n° 52 • 15