Tel un feu follet norvégien
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Tel un feu follet norvégien
Tel un feu follet norvégien Anders (Anders Danielsen Lie) se laisse entraîner au bout de la nuit. Même le réconfort d’une jeune étrangère ne peut plus sauver le trentenaire revenu de tout. (N.D) «Oslo, 31 août» de Joachim Trier nous fait partager la dernière journée d’un jeune homme perdu. Remarqué à Cannes (Un Certain Regard), ce film constitue la plus belle des confirmations. «Eh, ça faisait longtemps ! Mais où étais-tu donc passé?» demandent des visages amicaux. Tel un revenant, Anders arpente les rues d’Oslo, retourne sur les lieux de sa jeunesse évanouie et n’y trouve que promesses déçues. Bien sûr, il n’a que 34 ans. Mais le cœur n’y est plus vraiment. Comment leur dire que, pour lui, la fête est finie ? Qu’il revient d’une cure de désintoxication après avoir sombré dans l’alcool et la drogue ? Qu’il n’a plus le courage de repartir à zéro ? S’il rappelle quelque chose à certains, ce trentenaire désespéré, rien de plus normal. Il s’appelait Alain dans Le Feu follet, le roman culte de Pierre Drieu La Rochelle (1931) dont Oslo, 31 août s’inspire via la belle adaptation qu’en tira Louis Malle en 1963. Pour son deuxième opus, après l’emballant Nouvelle donne (Reprise, 2006), Joachim Trier est pourtant passé près de la catastrophe : un autre Anders (Breivik) a failli tout gâcher en perpétrant le pire massacre que la Norvège ait connu, le 22 juillet 2011. Encore heureux que le cinéaste n’ait pas retenu cette date pour son récit, comme Malle, préférant le 31 août pour sa mélancolie de fin d’été! Dès l’ouverture du film, un montage polyphonique de voix off et d’images hétérogènes, Oslo s’affirme comme plus qu’un simple décor. A la fois capitale du pays et ville provinciale, encore baignée de douceur et déjà promise à un long hiver, elle deviendra indissociable du spleen d’Anders. Quant à ce dernier, on le découvre dans une chambre de motel, auprès d’une jeune fille. Ce n’est qu’après un retour par la forêt et par un lac qu’on découvre sa réalité d’ex-drogué, au bénéfice d’une permission durant les derniers jours de son traitement. Puis c’est cap sur Oslo, pour un entretien d’embauche (un intérim comme secrétaire de rédaction dans une revue intello branchée…) et quelques autres rendez-vous. Quelle formidable entrée en matière, qui fait se succéder explosion et implosion, suscite espoir et inquiétude, en évoquant sensualité, solidarité et solitude ! Jamais la suite ne décevra en relatant ces 24 heures de liberté retrouvée qui nous posent indirectement cette question essentielle : est-ce que la vie vaut la peine d’être vécue ? Si cela ne vous évoque que du lourd, détrompez-vous : Oslo, 31 août est au contraire un film d’une étonnante légèreté, certes trompeuse, mais qui rejoint bien l’idée de «feu follet». Francophile biberonné à la nouvelle vague, Joachim Trier se sera aussi souvenu de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda et Alain Resnais. Son style vif et inventif, qui inscrit son personnage dans un réalisme documentaire tout en malaxant la temporalité, fait merveille. Anders retrouvera d’abord son meilleur ami Thomas, désormais universitaire marié et père de deux enfants, pour un long échange teinté d’humour et de gêne. Puis l’entretien se passe mal – comme prévu. Quant à sa sœur, méfiante, elle a envoyé son amie à leur dîner. Dès lors, Anders, qui espère encore joindre par téléphone celle qu’il aime, prend le parti de traîner sans but. D’une terrasse de café à une nuit en boîte et une aube blafarde en compagnie de quasi-inconnus, ce dernier espoir s’évanouit. Sa résolution prise, il retourne dans la maison de son enfance (une touche du réalisateur) pour un final bouleversant de dignité… Oslo, 31 août est un poème tragique porté par un interprète magique : Anders Danielsen Lie, médecin à la ville, qui rend terriblement attachant ce dandy velléitaire. On défie quiconque d’y rester insensible. Mais qui donc a décrété que seuls les films «positifs» avaient droit de cité sur nos écrans ? VVVV Oslo, 31 août (Oslo, August 31st) , de Joachim Trier (Norvège 2011), avec Anders Danielsen Lie, Hans Olav Brenner, Ingrid Olava, Oystein Roger. 1h35. Source : Le Temps