Assurance-vie: le renouveau?

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Assurance-vie: le renouveau?
LE FIGARO
vendredi 22 novembre 2013
PATRIMOINE
37
Assurance-vie: le renouveau?
Les projets de Bercy séduiront seulement certains épargnants.
ANNE BODESCOT
[email protected]
PLACEMENTS
Les Français
viennent de voir se créer deux nouveaux placements. Bercy veut en
effet que l’assurance-vie, riche de
quelque 1400 milliards d’euros,
serve un peu plus l’économie, les
entreprises et le logement. Il a donc
imaginé deux nouveaux produits, et
va inviter les Français à y transférer
les capitaux qu’ils ont déjà placés
sur leurs contrats, en leur permettant de conserver leur antériorité
fiscale, et donc tous les avantages
fiscaux qui leur sont attachés.
Les épargnants devraient ainsi
dans les prochains mois découvrir
l’Eurocroissance, un fonds en euros
où le capital n’est plus garanti à tout
moment, mais seulement à une
date donnée, au moins huit ans plus
tard. Cela permettra à l’assureur
d’investir davantage en actions par
exemple, pour tenter d’offrir de
meilleurs rendements. « D’après
les études qui ont été réalisées sur le
sujet, les fonds Eurocroissance pourraient ainsi rapporter 0,70 % à 1 %
de plus que les fonds en euros classiques », rappelle Olivier Potellet,
PDG de Legal & General France.
Les épargnants pourraient être
sensibles à cette promesse, car « ce
produit intelligent arrive au moment
où ils vont chercher des solutions à la
faiblesse des rendements des fonds en
euros », prévoit Hugues Aubry, directeur général de Neuflize Vie. Ces
rendements sont tombés à 2,90 %
en moyenne en 2012, et risquent de
chuter à seulement 2,70 % pour
2013… « L’Eurocroissance est intéressant pour les clients qui seraient
prêts à investir davantage en unités
de compte, mais ne veulent pas prendre de risque sur leur capital au terme, et sont donc attachés à avoir une
garantie in fine », estime Olivier
Mariée, directeur des activités
d’épargne chez Axa France, qui y
voit un placement adapté à la préparation de la retraite. « L’Eurocroissance est séduisant pour l’épargne dédiée à un projet précis : la
cagnotte retraite, mais aussi financer le moment venu les études des
enfants, acheter la résidence principale… », renchérit Hervé Cazade,
responsable de la distribution chez
BNP Paribas Cardif.
Un nouveau contrat
dédié à la transmission
Cet assureur est un des rares à avoir
déjà lancé un contrat d’assurancevie Eurodiversifié, dont la gestion
est très proche de celle de l’Eurocroissance. Le succès a été mitigé.
« Mais l’Eurocroissance pourra être
proposé à côté d’un fonds en euros et
d’unités de compte, dans le même
contrat, ce qui n’était pas autorisé
dans un contrat Eurodiversifié », relève Hervé Cazade.
Outre l’Eurocroissance, Bercy
compte créer un nouveau type de
contrat d’assurance-vie, dédié,
lui, à la transmission. Baptisé pour
l’heure Vie Génération, il bénéficiera d’un avantage fiscal spécifique : un abattement de 20 % sur
les capitaux transmis, ce qui permettra d’alléger le poids de l’impôt
(une taxe de 20 % au-delà de
152 500 euros par bénéficiaire,
portée à 31,25 % au-delà d’un million d’euros).
« Ce nouveau contrat devra être
investi en totalité en unités de comp-
te. Il n’offrira pas de fonds en
euros », explique Corinne Jehl, actuaire expert chez Optimind
Winter. De plus, 33 % du capital
devra être placé sur des actifs très
spécifiques. « Le souscripteur devra investir 33 % en logement social
ou intermédiaire, probablement via
des SCPI ou des OPCI, ainsi que
dans des PME non cotées, sans doute par l’intermédiaire de FCPR
(fonds communs de capital-risque) », note Olivier Mariée.
Le profil de gestion sera donc très
offensif, « trop risqué pour les souscripteurs les plus âgés, souvent les
plus soucieux de leur succession »,
juge Olivier Potellet. Mais pour les
plus importants patrimoines,
« souscrire dans un souci de transmission, c’est aussi se positionner
sur un horizon de placement de long
terme, et faire fructifier au mieux son
capital », observe Hugues Aubry.
C’est d’ailleurs pour ces souscripteurs fortunés que Bercy a imaginé
en priorité ce nouveau produit. ■
Dans les prochains mois,
les Français
devraient découvrir
l’Eurocroissance,
un fonds en euros
où le capital n’est plus
garanti à tout moment,
mais seulement
à une date donnée,
au moins huit ans
plus tard. DAN
BROWNSWORD/GETTY
IMAGES/CULTURA RF
Retraite: un projet européen
soutenu par Carmignac
Si le besoin de financement individuel
des retraites est bien réel, un projet
européen relève pour l’heure de la
prospective. FRANÇOIS LENOIR/REUTERS
Diversifier davantage
les placements
À la différence des sicav, ce nouveau produit n’afficherait pas de
valeur liquidative quotidienne.
Ce qui donnerait plus de souplesse à la gestion : celle-ci serait libre de se donner réellement des
objectifs de long terme, ceux qui
correspondent à la retraite. Les
investissements seraient largement diversifiés. Notamment sur
des placements illiquides, comme
la construction d’infrastructures
digitales. « Des besoins existent,
mais le canal pour investir à grande échelle dans de tels projets, lui,
n’existe pas pour l’instant », regrette Jean-Baptiste de Franssu.
Un tel projet n’est toutefois pas à
l’agenda de la Commission européenne ou du Parlement européen, il relève pour l’heure de la
prospective. Pourtant, le besoin
de financement individuel des
retraites dans une Europe qui
vieillit est, lui, bien réel. Tout
comme la baisse des rendements
des produits traditionnels, tels
que les fonds en euros de l’assurance-vie en France… ■
Neuflize OBC, 350 années d’expérience
pour créer de la valeur
Nous avons l’expérience de l’avenir
B O R D E A U X • L I L L E • LY O N • M A R S E I L L E • M O N T P E L L I E R • N A N T E S • N I C E • PA R I S • R E N N E S • S T R A S B O U R G • T O U L O U S E
Et si on créait un produit d’épargne retraite européen ? C’est
l’idée du think tank bruxellois
CEPS (Center for European Policy Studies). Un projet soutenu
par la société de gestion Carmignac, qui a cofinancé l’étude.
« En Europe, l’épargne est abondante, mais nous manquons d’un
véhicule pour qu’elle soit investie à
long terme », explique Karel
Lannoo, le président du CEPS.
Pour lui, la question n’est pas là
d’orienter l’épargne des particuliers vers les PME (c’est un autre
débat), mais bien d’aider les particuliers à préparer leur retraite
en leur fournissant un cadre
commun. Ce qui faciliterait
grandement les choses à l’heure
de la retraite pour ceux qui ont
travaillé au cours de leur carrière
dans différents pays de l’Union
européenne.
L’enjeu est d’abord d’inciter
davantage les ménages à épargner à long terme. Selon le CEPS,
plus de la moitié de l’épargne des
ménages européens est en effet
investie à court terme. Et elle ne
leur rapporte pas grand-chose.
D’autant que l’aversion au risque
augmente.
Surtout, le marché européen
n’a pas la taille critique. Les solutions d’épargne retraite qui existent, mais qui sont limitées au
cadre national, n’ont pas une
taille suffisante pour que les risques soient réellement diversifiés. « La démarche consisterait à
construire un produit unique avec
un passeport européen sur le modèle de ce qui a été fait pour les
sicav », explique Jean-Baptiste
de Franssu, administrateur indépendant de Carmignac. L’investissement serait fait par des sociétés de gestion dans ce nouveau
cadre. Il n’offrirait pas de rendement garanti et en raison des divergences fiscales entre pays, la
fiscalité varierait selon les pays.
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CAROLE PAPAZIAN